Sep 14, 2017
Lundi dernier, en fin d’après-midi, le gouvernement fédéral des États-Unis a annoncé que la dette nationale a enfin dépassé la barre fatidique des 20 trillions. Ce n’était qu’une question de temps. Cela aurait déjà dû se produire en mars, mais la mise en place d’un nouveau plafond de la dette l’a gelée.
Durant les 6 derniers mois, tout emprunt du gouvernement était illégal. Une situation plutôt compliquée pour l’Oncle Sam vu que le gouvernement américain n’a plus produit d’excédent budgétaire depuis 20 ans. Les États-Unis ont besoin de la dette pour faire tourner le pays.
Sans la capacité d’emprunter officiellement de l’argent, le Trésor a donc passé ces 6 derniers mois à emprunter de façon officieuse. Soit en se servant dans les caisses de retraite fédérale ou encore en recourant à ce que le département du Trésor appelle lui-même des « mesures extraordinaires » afin d’assurer la continuité des services publics.
Nouvelle résolution temporaire de la crise du plafond de la dette
En fin de semaine dernière, la crise du plafond de la dette a connu un épilogue provisoire alors que le gouvernement a une nouvelle fois décidé de le suspendre de façon temporaire.
C’est ainsi que du jour au lendemain, la dette nationale américaine a bondi de plusieurs centaines de milliards de dollars alors que ces sommes empruntées durant des mois de façon officieuse ont vu leur existence être actée dans les comptes.
La dette américaine s’élève aujourd’hui à 20,1 trillions de dollars, une somme supérieure au PIB annuel du pays. On pouvait croire que cette information allait faire la une des journaux. Pourtant, les médias ont à peine abordé ce dossier. La une du New York Times du 12 septembre parle de l’ouragan Irma, de la Corée du Nord et de l’alcoolisme en Iran. Même la une du Wall Street Journal est muette à ce sujet.
La spirale de la dette américaine
Mais pour être honnête, ce montant n’a aucune importance. 20 trillions, il s’agit d’un chiffre rond psychologique qui n’est pas plus important que disons 19,999 trillions.
Le nœud du problème n’est pas le montant de la dette en lui-même, mais la façon dont elle évolue. Et cette tendance n’est pas positive. Année après année après année, le gouvernement américain dépense plus qu’il collecte en impôts.
D’après les propres chiffres du Trésor, le déficit budgétaire du gouvernement pour les 10 premiers mois de cette année fiscale (d’octobre 2016 à juillet 2017) s’élève à 566 milliards. C’est plus que le PIB annuel de l’Argentine.
Vu que le gouvernement américain doit emprunter la différence, toutes ces dépenses se traduisent en une dette nationale plus élevée. Et comprenez bien que la dette est fatale.
L’histoire est remplie d’exemples de civilisations dominatrices qui se sont ensuite écroulées sous le poids d’une dette partant en vrille, de l’Empire ottoman à la monarchie française dans les années 1700.
Ou comme l’a dit un ancien secrétaire au Trésor, Larry Summers : « Combien de temps le plus gros emprunteur du monde peut-il rester la première puissance planétaire ? »
Il est difficile de projeter sa puissance lorsque vous devez constamment emprunter de l’argent aux Chinois… ou lorsque votre banque centrale doit créer de la monnaie sortie tout droit de son chapeau. Pourtant, régler le problème de la dette américaine est aujourd’hui devenu presque impossible.
Des dépenses quasi incompressibles
Pour s’en convaincre, il suffit de se pencher sur les 4 postes de dépense les plus importants du budget américain : la sécurité sociale, Medicare, la défense et, malheureusement, le service de la dette.
Ces 4 éléments représentent à eux seuls près de 90 % des dépenses gouvernementales ! Rogner sur la sécurité sociale ou sur Medicare serait un suicide politique. Et dire qu’aujourd’hui 10 000 baby-boomers par jour rejoignent les rangs des bénéficiaires de ces programmes…
Il y a ensuite les dépenses militaires, qu’il sera très difficile de réduire de façon significative en cette période de menaces et de guerres permanentes.
En fait, la proposition de budget actuel de la Maison Blanche prévoit une augmentation de 10 % du budget de la Défense pour le prochain exercice fiscal.
Et enfin le service de la dette, qu’il est impossible de réduire sans risquer de provoquer la plus grosse crise financière de l’histoire moderne.
En résumé, il est quasi impossible de toucher à 90 % du budget fédéral… ce qui signifie que les chances de réduire la dette via la diminution des dépenses est presque mission impossible. La solution serait-elle d’augmenter les taxes ? Peut-être, mais rien n’est moins sûr.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les rentrées fiscales américaines sont très stables. Elle représente environ 17 % du PIB. On peut considérer cet argent comme la part du gâteau économique qui revient au gouvernement.
Le poids de la fiscalité baisse et augmente à la marge au fil du temps. Les présidents vont et viennent. Les variations ne s’éloignent jamais loin de ces 17 %. Dans un tel contexte, la solution la plus évidente consisterait à laisser l’économie croître sans restriction.
En cas de croissance, les rentrées fiscales augmenteraient, ce qui ferait baisser la dette, du moins en termes de pourcentage par rapport au PIB. Mais il y a un problème : la dette progresse bien plus vite que le PIB.
La dette américaine augmente bien plus vite que le PIB
À titre d’exemple, la dette a augmenté de 7,84 % durant l’année fiscale 2016. Et pourtant, même en prenant en compte les « avantages » de l’inflation, les États-Unis ont enregistré une croissance de seulement 2,4 % durant la même période.
Autrement dit, l’endettement est 3 fois supérieur à la croissance. Soit tout le contraire de ce dont nous avons besoin. Plus inquiétant encore, cette croissance économique limitée a lieu dans un environnement de taux historiquement bas.
Les économistes nous disent que ces taux bas sont censés doper la croissance. Ce n’est pas ce que l’on constate. Si la croissance est si basse maintenant, que se passera-t-il si la FED continue de relever les taux ? Et, cela dit en passant, ces relèvements de taux auront un impact négatif sur la dette vu que le coût du service augmentera.
C’est très bien d’être optimiste et d’espérer le meilleur. Mais ce problème va continuer de nous hanter, il serait idiot de croire que cela n’a aucune conséquence. Il n’y aucune raison de paniquer ou d’être alarmiste. En revanche, les gens rationnels ont tout intérêt à voir la réalité en face et à penser à un plan B. (…)
Traduction de l’article de Simon Black, publié le 12 septembre 2017 sur SovereignMan.com (sous-titres ajoutés)