Andrea Bernieri Portraits of different Indian castes Brahmins 12 Kshatriyas or Khatri Punjabi me MeisterDrucke 1452699

PARTIE I – LE SYSTÈME DES CASTES

 

En ,la coutume millénaire et jadis universelle des castes s’applique encore. Le terme de caste, s'il correspond assez bien à la réalité du phénomène, n'en demeure pas moins un terme trop sélectif pour donner une idée juste de ce qu'il représente. Ce mot fut d'abord utilisé par les Portugais pour rendre compte du système social très hiérarchisé du pays avec lequel ils souhaitaient commercer, dans le sillage de Vasco de Gama et de Magellan. Mais c'est dès l'Antiquité, que les visiteurs occidentaux remarquèrent l'application d'un principe de hiérarchie sociale par ailleurs présent en Grèce, en Germanie et en Celtie.

Varnas, jatis et gotras

Dans les Védas tardifs (v. -800), l'existence humaine est vue comme un corps, qui satisfait ses besoins à la hauteur de sa condition. Pour que ce corps astral, qui représente l'humanité, puisse exister, il faut que chacune de ses différentes parties soit correctement coordonnée.

Les varnas (« couleurs » en sanskrit) sont au nombre de quatre. Ce sont, dans leur ordre décroissant de pureté et de respectabilité : les brahmanes, les kshatriyas, les vaishyas et les shudras. Chacun des varnas représente un besoin vital qui doit être correctement appréhendé par l'ensemble de la société. Ainsi, les brahmanes sont la tête, les kshatriyas les bras, les vaishyas le ventre et les shudras les jambes. La Bhagavad Gita, composé après la période brahmanique, réaffirme les varnas.

En Grèce, on observe la même division de la société. C'est l'éminent juriste Rodolphe Dareste, dans son commentaire à La loi de Gortyne, qui nous renseigne : « La loi distingue quatre classes de personnes, à savoir les hommes libres, les hommes de condition inférieure, les colons, et les esclaves. La différence entre les deux premières classes tient à ce que les hommes libres, proprement dits, font seuls partie des confréries ou hétairies [clubs aristocratiques]. Les autres, comme leur nom l’indique, en sont exclus. »

On retrouve aussi cette division de la société chez les Celtes et les Germains, et celle-ci perdurera jusqu'à la Révolution française. La société indo-européenne se divise en effet en deux catégories : les castes nobles, et les castes laborieuses. La caste noble est elle-même divisée en deux classes, celle des prêtres et des enseignants, gardiens du culte et de la justice divine sur terre, et celle des guerriers et administrateurs, dont font partie les rois, ses ministres et ses soldats. Les premiers ont pour rôle de prier pour les autres classes. Les seconds ont pour rôle de défendre les autres classes en cas d'agression. Enfin, la classe laborieuse assure la subsistance de toutes les castes. Il s'agit donc du « oratores (ceux qui prient), bellatores (ceux qui se battent), et laboratores (ceux qui travaillent) » médiéval, qui deviendront les trois états de la monarchie absolue (aristocratie, clergé et tiers état).

Revenons à l'. Plus un varna est situé en bas de la hiérarchie, plus elle est éloignée du divin, et donc moins elle a de règles religieuses et alimentaires à respecter. De fait, le varna des jambes incarne le travail physique, celle du ventre incarne les besoins vitaux, ce sont des varnas industrieux et producteurs de biens. Le varna des bras incarne l'autodéfense, mais aussi l'intelligence et l'agilité. Enfin, la varna de la tête incarne les aspirations mystiques de l'humanité à se connecter avec le grand tout cosmique, le Brahman, la grande âme commune à chacun des êtres humains et qui se présente comme le complément de l'Atman, l'âme individuelle par laquelle notre incarnation temporelle s'exprime.

Ainsi, les varnas tels que décrits dans les Védas, sont en vérité des étapes dans la réalisation d'un juste destin. D'abord, il s'agit d'être humble en entrant dans la vie, de respecter et d'aimer ses parents, de travailler dur pour rendre à l'Univers ce qu'il nous a donné : c'est l'âge du ventre. Puis, à force de sagesse, d'abnégation et d'ardeur à la tâche, arrive le temps des bénéfices, de la jouissance et de la vie pleinement comprise : c'est l'âge de l'échange. Vient ensuite le moment de participer à la pérennisation de la société tout entière en créant une famille, qui à son tour protégera ceux dont la santé décline : c'est l'âge du combat.

À la fin d'une vie exemplaire, et comme c'était l'usage en Grèce antique ainsi que dans la plupart des sociétés indo-européennes, un homme se prépare à mourir, c'est-à-dire qu'il se rapproche du divin en vue d'accepter sa mort prochaine. Il peut alors se plonger dans les Écritures, ou revêtir la robe sacerdotale des sanyassims et s'en aller finir sa vie seul et détaché de tout, même de lui-même : c'est alors l'âge du Brahman.

Dans une société qui se voudrait stable et prospère, les différents varnas seront donc incarnés par des populations qui en feront leur spécialité.

De la catégorie la plus noble à la moins noble, ces différents groupes sociaux sont :

- Les brahmanes : prêtres, savants, enseignants, patriarches, etc.

- Les kshatriyas : chefs, guerriers, policiers, responsables politiques, etc.

- Les vaishyas : commerçants, rentiers, artisans, etc. Cette caste est la plus récente, elle n’est pas toujours mentionnée dans les livres saints du védisme ou de l'hindouisme.

- Les shudras : ouvriers, main-d’œuvre, paysans, etc.

- Les « Intouchables », parias et autres « dalits ». Cette sous-caste s'ajoute artificiellement aux quatre autres et n'est pas mentionnée dans les livres saints du védisme ou de l'hindouisme. Il s'agit du lumpenprolétariat évoqué par Karl Marx.

Les brahmanes maîtrisent les langues anciennes, comme le sanskrit, et ont pour responsabilité la vie culturelle et religieuse du sous-continent. Idéalement, ils se consacrent exclusivement au maintien du culte, il est donc logique qu'ils reçoivent comme salaire ou comme subsistance l'obole des autres varnas. Quant aux kshatriyas, ce sont les guerriers qui ont pour devoir de veiller à la paix des frontières, à l'application des règles du dharma, la loi universelle, et à la gestion saine du royaume ou de la cité. Les vaishyas quant à eux sont les agriculteurs, propriétaires, commerçants et hommes d'affaires qui font fructifier l'économie et apportent à l'humanité la prospérité. Ces trois varnas sont des varnas nobles, c’est-à-dire dotées d'une forte respectabilité qui est due à leur degré de pureté. Leur régime alimentaire peut être contraignant et la droiture morale est pour eux une valeur essentielle.

Théoriquement, ces trois varnas ne sont pas en contact avec des labeurs dégradants ou physiquement difficiles, car c'est l'activité des shudras, le dernier varna. Les shudras sont les ouvriers, de l'industrie comme du monde agricole. Ils sont ceux grâce à qui les autres pensent ou désirent. Ils sont les indispensables travailleurs d'un univers qui n'est que création, entreprise, expansion. Leur esclavage est interdit, leur peine mérite un salaire et si les brahmanes ne doivent pas nécessairement leur enseigner les Védas, c’est-à-dire le savoir mystique, ils doivent néanmoins mener pour eux les rites et les sacrifices du culte.

Aux varnas, qui sont plutôt des concepts philosophiques que de réelles structures sociales, se superpose le touffu réseau des jatis, composé d'entre 3000 à 4000 jatis et de plus de 25 000 sous-jatis. Les jatis sont un terme que l'on pourrait rapprocher de celui de confréries et dont l'importance est bien plus palpable et fondamentale que les varnas dans la compréhension des rapports sociaux indiens.

Si le varna d'un individu peut être sujet à confusion, à prétention, à réclamation, sa jati est quant à elle indiscutable, car elle est définie non pas par ses pratiques religieuses ou ethniques mais par son occupation professionnelle transgénérationnelle et ses liens familiaux. Une jati regroupe donc un ensemble de personnes occupant la même place sociale, jouant le même rôle et œuvrant pour un même bénéfice commun à l'ensemble de ceux qui peuplent la jati.

Une jati est plus qu'une famille, plus qu'une tribu, plus encore qu'une nation, c'est une raison d'être. C'est un contexte culturel et relationnel qui ne laissera jamais un Indien seul au monde, perdu sans idéaux ni repères. La jati est l'incarnation du rôle que les dieux ont assigné à l'homme, parmi une infinité d'existences possibles.

Œuvrer pour sa jati, et ainsi œuvrer pour la perpétuation de sa famille et de ses traditions, est fondamental pour un Indien et c'est pour cela que les jatis sont une réalité sociale bien plus concrète que les varnas. L'hindouisme et les varnas disparaîtraient, que les jatis seraient encore un des principaux rouages de la société indienne.

Se modernisant, des jatis disparaissent. Par exemple la jati des rempailleurs, réduite au chômage technique par la diffusion des objets en plastique, ou encore la jati des maréchaux-ferrants. Inversement, d'autres naissent, comme la jati des journalistes ou des professionnels de la justice, qui répondent à la judiciarisation et à la « masse-médiatisation » du pays.

Une jati se définit avant tout par son degré de pureté mystique. Le régime alimentaire, les loisirs, les occupations professionnelles comme intellectuelles, les plaisirs tolérés ou interdits, tout cela est défini en grande partie par l'appartenance à la jati.

Paradoxalement, la jati n'impose pas d'occupation professionnelle particulière à ceux qui la composent. Naître dans une jati d'agriculteurs n'empêche pas de devenir médecin ou instituteur, mais la jati restera collée au destin comme un marqueur communautaire indélébile. De telle sorte qu'elle définira toujours les principes primordiaux de l'existence d'un individu et de sa famille, quel que soit son métier.

Les jatis sont des groupes sociaux bien plus restrictifs que les varnas, tout en en faisant intimement partie. Dans les jatis, les mariages sont endogènes et patrilinéaires et le mélange avec d'autres jatis n'est ni favorisé ni encouragé. Quand il s'agit d'une union avec une varna supérieure, le mariage inter-jati peut être toléré, mais quand il s'agit d'une union avec une jati inférieure, le mariage peut être réprouvé.      

À l'échelle individuelle, le mariage avec des castes inférieures entraîne la mise hors caste de la lignée qui en sera engendrée, ou son identification avec la caste la plus inférieure des deux. Selon le sociologue Dipankar Gupta, les unions inter-castes ne représenteraient que 10 % des mariages actuels.

Cependant, avec les politiques de discrimination positive, un nombre de plus en plus croissant de castes supérieures cherchent à présent à s'unir avec des castes inférieures afin d'avoir plus facilement accès à des hautes études ou à des emplois de fonctionnaires. Une loi a même dû être votée récemment afin de lutter contre la prédation des castes supérieures sur les places réservées aux castes inférieures. En particulier, cette loi statufiait sur le fait qu'un simple mariage ne suffisait pas à rétrograder un membre d'une caste supérieure dans une caste inférieure.

Enfin, si la jati n'impose pas une figure tutélaire, elle suggère tout de même un lignage avec une divinité particulière, parfois généalogique, que l'on adore de manière transgénérationnelle, tout en laissant la possibilité aux individus et aux familles de suivre les enseignements d'un gourou qui leur sera propre et dont l'enseignement transcende souvent les jatis et les varnas.

Les jatis sont dirigées par les plus âgés, qui, regroupés à l'échelle d'un village, d'une ville et d'une région, portent le nom de « fraternités ». Ils veillent de manière collégiale au respect des traditions, de l'honneur et du rang de leur jati. Politiquement, afin par exemple de régler un conflit, seuls les chefs de castes sont habilités à entrer en contact avec les autres chefs de castes. Les chefs de castes peuvent alors infliger des amendes à ceux qui en font partie et qui ne respecteraient pas les règles de leur jati. Des coups de bâtons en bois de santal peuvent être infligés, ainsi que des humiliations publiques. Ces pratiques sont cependant très rares et sévèrement réprimées par la loi, la morale et la dignité des Indiens. Pour une faute grave, un individu peut être exclu de sa caste, ce qui ferait de lui un paria.

Si la caste est mise en danger, la mise à mort de celui ou ceux qui la menacent peut être décidée. Occasionnellement, des musulmans accusés de viol, de meurtre ou de conversion forcée de jeunes hindoues, sont brûlés vifs sur les places des villages. Quand ils sont responsables du trafic illégal de bovins, des musulmans peuvent aussi être sévèrement pris à partie et roués de coups, voire battus à mort.

En , si la violence individuelle est strictement interdite, et qu'un Indien courbera le dos ou s'enfuira plutôt qu'il ne répondra à un affront, la violence exercée en groupe et dans le but de sauvegarder l'honneur ou la réputation d'une caste, peut être au contraire encouragée. Si la Constitution indienne ne reconnaît pas ces tribunaux de caste, ils sont toujours en activité, bien qu'agissant rarement et seulement pour des offenses graves, en particulier dans les régions les moins développées du pays et soumises à la pression démographique et culturelle d'un islam conquérant. Dans les grandes métropoles, parmi la classe moyenne et bourgeoise, ces pratiques n'ont plus cours, et la justice républicaine lui a été substituée.

D'un point de vue politique, les jatis peuvent s'unir sur la base d'un intérêt commun, comme ce fut le cas avec l'arrivée au pouvoir du BJP, grâce à une alliance de plusieurs partis représentant les intérêts conservateurs des classes moyennes et supérieures hindoues. L'autre grand parti indien, le parti du Congrès, propose quant à lui une alliance inter-caste sur la base d'un projet indien commun, dont la démocratie, l'économie de marché et la base culturelle hindoue sont les piliers. Cependant, de nombreuses études l'ont montré, un Indien ne vote en général pas en fonction du programme d'un candidat, de sa réputation ou de son avis personnel, mais plutôt en fonction des consignes de vote exprimées par les autorités de sa jati.

Enfin, aux varnas et jatis se rajoute la kula, qui est la ligne familiale d'un individu ainsi que la gotra qui est l'ancêtre commun d'une communauté. Les mariages endogames à la gotra ou à la kula sont strictement interdits afin de ne pas créer de consanguinité. La gotra est la pierre angulaire sur laquelle reposent les prétentions de la jati tout entière. Dans la plupart des cas, il s'agit d'un personnage légendaire, incarnation d'un dieu, d'un roi ou d'un yogi ancestral. La gotra est adorée au même titre qu'un dieu.

 

Les castes aujourd'hui

La ségrégation sur la base des castes a été abolie à l'indépendance du pays, mais la République indienne reconnaît tout de même comme un élément de sa constitution la sauvegarde du patrimoine traditionnel hindou. Le système des castes n'est donc ni combattu par les institutions, ni favorisé, mais laissé libre de s'adapter de lui-même à la libéralisation du pays.

Étant laïque, tant au niveau de ses institutions que de sa législation, la république indienne interdit donc toute forme de ségrégation basée sur la caste, tout en pratiquant paradoxalement la ségrégation positive envers les castes les plus nécessiteuses. En somme, si le principe des castes est illégal, les castes elles-mêmes sont reconnues et leurs inégalités tentent d'être gommées ou allégées par un État interventionniste et égalitariste.

Rendues caduques par la modernisation du pays, les dénominations héritées des varnas ont été remplacées administrativement par de nouveaux termes bureaucratiques. On distinguera donc dans les recensements les plus récents, la classe générale, aussi appelée classe avancée (« Forwards Class »), les classes en difficulté (« Other Backward Class ») et les castes et tribus enregistrées comme particulièrement défavorisées (« Scheduled Castes and Scheduled Tribes »). Cette dernière classification se subdivise en classe urbaine nécessiteuse (« Scheduled Castes ») et peuplades indigènes en retard de développement d'autre part (« Scheduled Tribes »). Cette classification administrative a pour objectif de permettre aux castes en difficulté de se faire connaître afin de bénéficier du programme de discrimination positive.

 

La caste : plus une communauté qu'une classe sociale

Théoriquement, si les jatis sont verrouillées, les varnas ne sont pas définitifs. Il est possible de changer de caste, dans le sens de s'élever socialement, mais non pas d'une manière individuelle, mais collective. Un Indien, seul, pourra s'enrichir, accéder à la consommation, vivre mieux, dans le luxe même, il pourra aussi être un chef ou un gourou, mais il ne pourra jamais quitter sa jati, ni s'élever en solitaire et de manière individualiste dans l'échelle des varnas.

Au contraire, collectivement, à l'échelle de la jati, il est possible de changer de statut, sur quelques générations, si le mode de vie de la communauté s'évertue à ressembler à celui d’un varna qui lui est supérieur. Ce qui permet alors d'évoluer, c'est le fait, pour une communauté tout entière, de changer d'activité, comme cesser de pratiquer le tannage pour à la place pratiquer la revente des chaussures, ou cesser d'être boucher pour devenir fonctionnaire, en somme, passer à une activité moins salissante et moins compromettante avec les lois du dharma.

Cette évolution doit se passer à l'échelle globale de tout le groupe social, car c'est le seul moyen pour le faire évoluer vers une autre strate. L'édification d'un temple, la récitation des Védas en public par un brahmane, la création d'une soupe populaire, l'adoration de la divinité du groupe social supérieur, sont d'autres moyens que possède une jati pour se purifier, c'est-à-dire laver ses existences passées en adoptant une nouvelle façon de vivre, plus stricte, plus consciente, et donc plus proche du Brahman, l'âme cosmique universelle qui ne connaît ni commencement ni fin.

Pour se rapprocher de la pureté, il faut aussi que la jati ait acquis une certaine aisance financière, car comme les femmes des hautes castes doivent être traitées avec conservatisme et ne pas travailler, il faut donc pouvoir être en mesure de se priver de leur salaire.

Enfin, l'ancrage géographique d'une caste est important pour en comprendre sa place sociale, car il se peut qu'une caste soit supérieure dans sa région d'origine, mais qu'elle ne possède pas le même statut social dans une autre région, où elle serait moins implantée et occuperait des activités moins valorisantes.

Pour un Occidental, il est difficile de comprendre que les castes indiennes ne sont pas nécessairement reliées à des degrés divers de richesse ou de pauvreté, mais surtout liées à un mode de vie : les castes ne sont pas directement liées à l'argent. Les brahmanes, pourtant au sommet de la pyramide sociale, ont comme règle primordiale de ne pas s'enrichir, ni de vivre dans le luxe, ni même de travailler à des tâches trop difficiles ou prenantes. Ils ne peuvent donc en aucun cas être comparés à la bourgeoisie occidentale. De plus, les brahmanes, kshatriyas et vaishyas occupent souvent des postes de fonctionnaires et s'ils jouissent d'un certain statut social, ils n'occupent pas des postes à salaires élevés et les retards de salaires les concernant sont la norme, pouvant attendre plusieurs années dans le cas des soldats, des policiers ou des instituteurs.

La caste n'est donc pas une promesse de réussite sociale ni d'enrichissement personnel, mais plutôt l'assurance de faire partie d'une grande famille qui œuvre à la préservation de ses intérêts. De même, les castes laborieuses ne sont pas nécessairement pauvres. Par exemple, le chauffeur de rickshaw, qui gagne quelques dollars par jour, loue son véhicule non pas à un brahmane, mais à un autre shudra, qui lui-même est à la tête d'une grande entreprise de taxis dégageant des bénéfices importants. De même, la compagnie de nettoyage public, qui emploie des milliers de femmes parias à trier à mains nues les immondices, n'est en général pas dirigée par un brahmane ni par un vaishyas, mais par une jati de parias.

Il en va de même pour les emplois liés à l'artisanat et à l'industrie, dont rien ne prédispose les castes supérieures à les occuper. Ainsi, de nombreuses entreprises indiennes, parmi les plus prospères sont gérées par des dalits et emploient des dalits. À Varanasi, par exemple, l'une des jatis les plus riches et puissantes de la ville est celle des travailleurs de la mort. Elle est responsable du commerce du bois, nécessaire à la crémation des corps, et possède le monopole total sur les deux ghats nécrologiques de Hari Chandra et de Maheshwara. Cependant, malgré le fait qu'elle engrange des milliards de milliards de roupies sur les bords des ghats chaque année, malgré leur prospérité, cette caste des travailleurs de la mort n'en demeure pas moins des intouchables, dont le contact est interdit aux vivants et que personne ne voudrait avoir dans son voisinage.

À l'inverse, des castes rurales brahmanes (telles les Daivaduyas, Rajapurs et Stanicas du Karnataka, les Maharatis du Kerala ou les Joshis et les Mahabrahmanes du Rajasthan), bien que faisant partie du varna supérieur, sont enregistrées par le gouvernement indien en tant que castes en difficulté ou en retard de développement, du fait des emplois agricoles peu rémunérés qu'ils occupent.

Pour s'intéresser à un exemple représentatif de la complexité des castes indiennes, regardons de près celle des Maharatis (Marathes). Cette caste est brahmane, mais dans l'Histoire, ils furent les principaux opposants militaires à l'hégémonie musulmane, ce qui les rapproche des kshatriyas. Quant à leur activité agricole, elle les rapproche des shudras, et leur classement administratif moderne est celui d'une caste défavorisée, en retard de développement. Enfin, cette caste est fortement subdivisée, car elle est composée de 96 clans fonctionnant de manière endogame, mais dominée par les cinq premiers clans dits « supérieurs ».

Grégoire de Visme

A suivre

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