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LES DIFFÉRENTES CASTES: brahmanes, kshatriyas, vaishyas et shudras

Comme les peuples hébreu, égyptien, maya ainsi que comme la plupart des civilisations premières, les sociétés indo-européennes sont dominées par une caste de prêtres.

Afin de se livrer entièrement à l'exercice des rituels, la caste des prêtres est théoriquement exempte de travail physique. L'article 50 du code hittite mentionne des dispositions afin d'assurer la subsistance aux prêtres hittites en échange de leurs services. De même, dans l'introduction du Pancha Tantra, Vishnu Sharma (v. -200) prévient : « L'homme marié doit soutenir les trois classes qui se consacrent à la vertu : les savants voués au célibat, les pénitents et les religieux. Il doit pourvoir à leurs besoins pour qu'ils puissent poursuivre leur vocation. »

Pour chaque rite, les prêtres doivent être rémunérés, que ce soit en nourriture, en vache ou en argent. Les offrandes font alors office de salaire. Les aliments sont d'abord présentés à la divinité, c’est-à-dire déposés devant son idole. Ils sont ensuite partagés puis consommés entre résidents du temple et officiants. La prêtrise peut s'avérer être une bonne situation, en particulier dans les lieux de pèlerinage. Pour éviter tout détournement, la prêtrise est alors héréditaire.

Cette caste de prêtres, qu'elle soit incarnée par les druides en Gaule, par les Aryens en Perse ou par les brahmanes en , n'est pas strictement religieuse, mais peut aussi s'occuper de tâches administratives, politiques et bien sûr artistiques et culturelles. Ainsi, les druides et les brahmanes étaient chargés de l'éducation des jeunes de la tribu, tandis que certains d'entre eux, poussés par la pauvreté, étaient souvent obligés de travailler comme agriculteurs.

En Inde, les brahmanes sont les dépositaires du sacré dans notre réalité. Ils sont la caste la plus respectée et la plus considérée. Leur devoir est d'assurer correctement le culte. Cependant, il ne s'agit pas d'un clergé, car un brahmane possède une vie de famille et ne répond d'aucune autorité, sauf de sa jati. Il peut donc être simple citoyen en semaine et revêtir la robe blanche des prêtres le week-end, et officier ainsi à mi-temps, ou quart-temps. Contrairement à l'islam, le brahmane n'est pas un imam et il ne possède aucune autorité juridique ou politique, ces activités étant réservées à la caste des kshatriyas. Si un brahmane ne veut pas ou ne peut pas assurer l'office du culte, rien ne l'y oblige.

Les valeurs intrinsèques des varnas des brahmanes interdisent les activités trop rémunératrices et l'enrichissement personnel. Les brahmanes ne sont donc pas en l'équivalent de la haute bourgeoisie occidentale. Bien souvent, leurs conditions de vie égalent celles des autres nobles varnas, mais ne leur sont pas supérieures. Leur statut social ne reposant donc pas sur la richesse mais sur leur exemplarité, les brahmanes se doivent donc d'observer des règles de pureté empreintes d'une foultitude de superstitions, censées les protéger de la pollution entraînée par leur promiscuité avec les castes inférieures.

Si l'on veut comprendre le brahmanisme, il ne faut pas l'envisager comme une caste usurpatrice et tyrannique, mais plutôt comme un sévère art de vivre qui a pour objectif de perpétuer la voie juste du dharma. Comme l'essentiel des règles brahmaniques figure dans les Védas, l'apprentissage du sanskrit est la règle chez les jeunes brahmanes. L'éducation, la science, la culture générale, la connaissance des divinités, sont des valeurs absolument essentielles de leur formation.

Partout où l'hindouisme s'est installé, comme en Thaïlande ou en Indonésie, des castes de brahmanes locales se constituèrent afin de veiller, avec respect et rigueur, à la perpétuation des traditions védiques. Ces castes, bien que peu nombreuses, existent encore de nos jours, en particulier à Bali ou au Cambodge.

En Inde, là où l'hindouisme n'est pas majoritaire, des traditions de brahmanes perdurent en dépit de l'acculturation aux autres religions. Dans le Cachemire musulman, malgré leur persécution, ce sont les Pandits qui sont en charge de la perpétuation des cultes hindous. Dans le Manipur et les régions tribales catholiques du nord-est, ce sont les Manipuris brahmanes et les Goswamis brahmanes qui assurent cette charge. En Afghanistan et au Pakistan, malheureusement, l'intolérance des islamistes aura eu raison de la population brahmane, massacrée ou émigrée depuis.

Représentant une certaine idée de la pureté à la fois tribale et raciale, les brahmanes vivent entre eux, au centre des villes et villages, et leur caste est rigoureusement fermée à toutes les autres. Il est jugé comme déshonorant et salissant pour un brahmane de recevoir dans sa maison une caste qui lui est inférieure.

Les brahmines et la manière dont elles sont traitées, sont exemplaires de ce que la caste exige d'elle-même. Ainsi, une brahmine ne doit pas travailler, mais doit garder le foyer, tandis qu'une servante se souille à sa place pour les tâches domestiques, car une brahmine doit se concentrer exclusivement sur ses devoirs maternels. À l'inverse, dans les castes les plus basses de la société, il est commun de voir les femmes travailler, souvent comme ouvrières journalières dans les champs ou sur les chantiers de construction, où elles sont nombreuses à proposer leur main-d’œuvre.

Pour appréhender correctement la caste brahmane, il faut moins imaginer une caste dirigeante qu'une caste exemplaire. Les brahmanes se doivent en effet d'incarner, par leur existence, la vie saine et juste.

En conséquence de telles notions, le régime alimentaire des brahmanes est drastique. La viande, mais aussi les œufs et tout ce qui a pu être produit en exploitant ou en tuant un animal leur est interdit. Certains condiments ou produits leur sont aussi interdits, comme l'ail, qui provoque une mauvaise haleine et une digestion difficile. La consommation d'alcool et de drogue leur est interdite, car ils sont persuadés que le fait de fumer, de manger ou de chiquer un excitant souille leur corps. De plus, les hindous considérant la nourriture comme la première source d'influence du caractère, il leur convient donc de refuser la gourmandise, le tabac et la viande, rouge comme blanche, car tous ces produits sont, selon l'ayurvéda, des sources d'échauffement de l'esprit et de nuisibles excitations.

Un brahmane, théoriquement, ne doit pas non plus manger une nourriture qui n'aurait pas été préparée par un autre brahmane, car le régime alimentaire des brahmanes est si particulier, qu'une réelle initiation est nécessaire pour le maîtriser tout à fait.

Un brahmane devrait faire ses ablutions quotidiennes dans de l'eau courante, ce qui lui interdit tout voyage en bateau de plusieurs mois, ainsi que les activités liées au voyage et au commerce en général.

Si un brahmane enfreint l'une des nombreuses règles de vie inhérentes à sa caste, il peut alors mener des rituels de purification, qu'il pourra recommencer chaque jour en cas de besoin.

Ses obligations ne sont pas seulement d'ordre individuel, il doit aussi être en mesure d'enseigner les Védas, c'est-à-dire la voie juste, à qui en ferait la demande : tels les amis, les membres de la famille, ou même n'importe qui en manifesterait une véritable envie. En échange de son enseignement, ou de son activité rituelle, un brahmane doit être payé, mais juste assez pour se nourrir et vivre décemment. Lorsqu'il assure le déroulement des rituels, le brahmane est habillé de blanc et il effectue les pujas près d'un foyer incandescent, qui est pour les hindous ce qu'est l'autel pour les chrétiens.

À travers son existence, un brahmane devra veiller à ne pas perturber ni agresser le vivant, il devra donc adopter une attitude non-violente envers autrui et considérer son corps comme faisant partie intégrante d'un corps céleste à respecter. Le contentement et l'honnêteté sont des valeurs essentielles au mode de vie brahmanique, car le brahmane ne doit rechercher aucune gloire, aucune richesse mais seulement le bonheur, c'est-à-dire le contentement d'être à sa place.

Les activités traditionnelles qui conviennent particulièrement aux brahmanes sont au nombre de six. Dans un ordre décroissant de valorisation, il s'agit des activités liées à l'enseignement, à la pratique des rituels, à la gestion des offrandes, suivies d'activités moins valorisantes comme le don ou l'acceptation des dons. Ces activités traditionnelles des brahmanes expliquent donc leur surreprésentation dans le monde scolaire et universitaire mais aussi la pratique du « cadeau » qui gangrène l'administration indienne.

La pratique du cadeau consiste à donner un « cadeau », à chacun de ses supérieurs hiérarchiques afin de voir un projet se réaliser. Confondue souvent avec de la simple corruption, la pratique du cadeau est aussi l'assurance pour les preneurs de décisions d'être respectés et pris en compte dans la réalisation d'un projet qui, s'il était contraire à leur propre intérêt, n'obtiendrait pas leur accord.

Les brahmanes sont ainsi les garants du conservatisme indien et de la tradition hindoue, dont les fondements remontent aux âges ancestraux des anciens Aryens védiques. Leurs activités peuvent être cependant plus classiques, comme l'agriculture, le commerce, ou le prêt bancaire. Cependant, les Védas interdisent strictement aux brahmanes de pratiquer une activité qui les mette physiquement en danger, de même qu'ils doivent laisser les efforts physiques aux animaux et aux castes laborieuses. Les activités d'un brahmane ne doivent ni le salir, ni le fatiguer. Théoriquement, le travail des champs lui est donc interdit, particulièrement s'il laboure le sol, car cette activité peut entraîner la mort du vivant, comme les vers de terre et les insectes.

Il est par contre tout à fait possible pour un brahmane de posséder une ferme et de faire travailler des shudras à son entretien. Dans la pratique, 80 % des fermes céréalières sont aujourd'hui détenues par des brahmanes, dont l'immense majorité cultive elle-même sa petite exploitation familiale. Dans les zones rurales, les brahmanes subissent les aléas du climat et des cours de la Bourse comme n’importe quelle autre caste et la crise économique peut les pousser à se comporter comme de simples prolétaires et à proposer dans d'autres fermes leur force de travail.

En période de guerre ou de conflit mettant en péril le modèle culturel hindou, un brahmane peut cependant prendre les armes. Il peut aussi travailler la terre s'il n'a vraiment pas d'autre choix pour vivre décemment et honnêtement. En aucun cas, il ne devra commercer les poisons, les drogues, les armes, ni ne jamais participer à la mise à mort des animaux. Le commerce du cuir, produit de l'écorchage d'un animal, de même que l'esclavage des êtres humains et le commerce des animaux lui sont donc formellement interdits. Bien évidemment, les activités comme la chasse ou la détention d'oiseaux en cage leur sont aussi prohibées, mais aussi la production et la revente de cire d'abeilles ou de parfum à base de musc. Le détournement des objets et offrandes du culte, telle l'huile de sésame est bien évidemment interdite.

Si la possession d'une vache semble être une des caractéristiques des brahmanes vivant dans les zones rurales, la vache devra être traite pour la subsistance de la famille, mais non pour en vendre le lait. Le commerce et le bénéfice tirés de la revente des produits laitiers de la vache sont interdits eux aussi. Une vache ne devra ni être exploitée aux champs ni enfermée dans un hangar, mais laissée libre de ses pas. Même en période de guerre, un brahmane ne devra pas utiliser les produits laitiers de sa vache pour en tirer un bénéfice. Pour travailler la terre, on lui préférera le buffle ou le bœuf à larges cornes, dont la consommation est elle aussi strictement interdite aux castes supérieures.

Tous ces points exposés ne sont que consultatifs, et il n'existe aucune généralité dans le traitement que les brahmanes s'imposent à eux-mêmes que l'on puisse qualifier d'universellement partagée par les brahmanes. Les occupations que nous avons mentionnées sont un creuset théorique qui correspond à une vision idéale du sacerdoce brahmanique, mais à travers l'Histoire, les brahmanes ont pu occuper de nombreuses activités, loin d'être limitées à l'enseignement ou à l'administration. De nombreuses castes de charpentiers et d'architectes sont brahmanes. La profession de barbier, maudite car elle va à l'encontre du vivant en coupant le poil que la vie fait pousser, peut aussi être tenue par des brahmanes, qui alors se spécialiseront uniquement dans la coiffe et le rasage d'autres brahmanes. Nous avons vu qu'il en allait de même pour la restauration.

Passons aux kshatriyas ; leur rôle principal est de gérer les affaires de la cité. En temps de guerre, ils assurent la défense du pays et des valeurs de l'hindouisme et en temps de paix, ils administrent les contrées dont ils ont reçu la garde.

Théoriquement, les kshatriyas sont le seul varna autorisé par les Védas à tuer. Ainsi, les Bunts du Kanataka sont traditionnellement une caste militaire qui occupe en temps de paix des emplois administratifs. Il en va de même pour les Sainis du nord de l', de confession hindoue ou sikh, qui sont une caste de soldats et de mercenaires reconvertie depuis l'Indépendance dans les affaires, les professions de la justice, le professorat, la recherche scientifique, le fonctionnariat et les services publics. La jati kshatriya la plus célèbre est celle des rajpoutes, la caste des guerriers-mercenaires du Rajasthan. Les dynasties rajpoutes sont nées au 15ème siècle, il en existe des dizaines, qui peuvent être de confession hindoue ou musulmane.

Les jatis kshatriyas sont en général hindoues, mais elles peuvent être aussi musulmanes ou sikhs. Parfois dans la même jati, des différentes sous-jati confessionnelles peuvent exister, cohabitant avec un réseau d'activités communes. Par exemple, chez la jati guerrière des Sainis, il existe plusieurs sous-castes, dont certaines sont musulmanes, hindoues, ou sikhs. En dehors des castes militaires, il existe des castes dédiées à d'autres activités, mais toujours défendant l'unité culturelle et la particularité de la jati. En plus des Sainis militaires, dont le rôle est semblable à celui des Rajputs dont ils se déclarent les descendants, il existe donc, des jatis de Sainis agriculteurs, de Sainis propriétaires terriens, les Zamindars, et de Sainis collecteurs de taxes. Plus récemment, les Sainis occupent d'autres activités engendrées par la modernisation du pays, comme les métiers de la justice, la recherche scientifique et les services.

Les restrictions d'activité étant moins sévères pour les kshatriyas que pour les brahmanes, il peut donc exister des castes kshatriyas de travailleurs manuels comme les Vanzhas qui sont des tailleurs de tissus nobles comme la soie ou le coton, et les Nais, qui sont des barbiers, des agriculteurs mais aussi des docteurs.

Les vaishyas sont la dernière des castes nobles, celle des commerçants et des hommes d'affaires. Ce sont les commerçants navigateurs vaishyas qui ont permis à l'hindouisme de s'étendre culturellement aux îles de l'Indonésie et des Philippines.

Les vaishyas peuvent donc être de petits propriétaires terriens ou de simples agriculteurs, comme les Chettiars du Tamil Nadu et du Kerala. Les vaishyas peuvent aussi, en tant que caste noble la plus basse, procéder à la production des huiles et encens nécessaires à la célébration des cultes, telle la jati des Telis qui est spécialisée dans le pressage d'huile. En et au Népal les Telis sont hindous tandis qu'au Pakistan, ils sont musulmans. Une communauté teli juive autochtone existe aussi.

Le régime alimentaire des vaishyas est encore axé sur le végétarisme et la non-exploitation des animaux, mais à titre le plus souvent facultatif. On constate donc que plus on descend l'échelle des varnas, moins les membres de ce varna n’ont de règles et de superstitions à respecter.

Il existait à Sparte une classe sociale que l'on pourrait rapprocher de celle des vaishyas. Il s'agit des Périèques. Sans être une caste noble, les Périèques formaient tout de même une communauté respectée, qui jouissait d'une certaine liberté et qui pouvait même revendiquer la propriété privée et notamment la propriété du sol. Le pouvoir et les droits des Périèques étaient certains, bien que limités. À la fois urbains et ruraux, les Périèques étaient des propriétaires terriens, libres d'employer leur propre main-d’œuvre et de se rétribuer un salaire en fonction de leur peine et de leur investissement. Tout comme les vaishyas, les Périèques étaient la seule classe sociale à pouvoir pratiquer le commerce. Pour des raisons morales, l'enrichissement était théoriquement interdit à Sparte, tout comme les activités qui dégageaient des bénéfices. Les activités liées au commerce et à l'artisanat ne pouvaient donc être pratiquées que par une classe sociale bien déterminée : qui ne soit ni assez noble pour se déclasser en les pratiquant, ni assez basse pour ne pas s'enrichir « illicitement » au détriment des citoyens libres de Sparte.

Base de la pyramide hiérarchique des castes, les shudras voient leur existence dédiée au labeur et à l'abnégation.

La condition d'existence des shudras est la résultante de leurs vies passées. Accepter leur condition est donc le meilleur moyen d'espérer pour eux une prochaine réincarnation sous de meilleurs auspices. Un shudra qui se rebellerait contre l'ordre établi et qui refuserait d'être au service des trois varnas supérieurs montrerait ainsi qu'il n'accepte pas son statut social reçu des dieux comme juste rétribution de ses incarnations passées.

Contrairement aux brahmanes, kshatriyas, vaishyas et shudras, les dalits qui sont plus bas que l'échelle des varnas, n'ont a priori aucune règle de pureté à respecter, car ils sont considérés eux-mêmes comme des déjections de l'existence.

Quant aux shudras, ils considèrent comme justes les interdits alimentaires et les rituels des nobles castes, et les reprennent souvent à leur compte, mais ne considèrent pas comme essentiel de les suivre. Ils peuvent ainsi fumer, chiquer, fréquenter les prostituées et même boire de l'alcool sans devoir pour autant pratiquer systématiquement des rituels de purification.

Leur implication religieuse se limite souvent à la célébration des festivals et leur connaissance des textes sacrés est plus que limitée. Pour ce varna, l'éducation védique n'est pas centrale, et la connaissance des Védas ne leur est pas nécessaire. Les shudras ne suivent en général pas de longues études et ne maîtrisent que leur langue vernaculaire, rarement l'hindi quand ils n'habitent pas la partie occidentale de la vallée du Gange, et seulement quelques mots d'anglais.

Les shudras sont en charge des travaux manuels et difficiles, nécessitant d'avoir recours à la force physique plutôt qu'à l'intelligence. Les ouvriers agricoles, les ouvriers de l'industrie, les petits artisans, en font partie.

Les castes shudras peuvent être classées en deux grands domaines d'activité : la main-d’œuvre agricole et l'artisanat. Certaines jatis de shudras peuvent exercer ces deux grandes familles d'activités en parallèle, mais alors, leurs sous-jatis seront endogames à une seule de ces activités. Par exemple, la jati des Ezhavas et celle des Thandans, au Kérala, regroupent plusieurs sous-jatis au rôle bien déterminé. Certaines, comme les Chekavars sont une milice régionale qui fournit ses cadres à l'armée et à la police. En ville, d'autres Chekavars forment une confrérie de tailleurs et à la campagne, d'autres encore se sont spécialisés dans le travail agricole et la distillation d'alcool. Chacune de ces activités constitue une sous-jati qui se comporte de manière indépendante par rapport aux autres.

Dans les jatis agricoles, on distinguera autant de sous-jatis qu'il existe d'activités liées à la ferme ou à la vie des animaux. Ainsi, les Vellalars sont une jati composée de deux sous-jatis principales : celle du prolétariat agricole et celle des fermiers établis à leur compte.

La distillation devenant une activité désuète et les multiples famines ainsi que les crises économiques et climatiques ayant sinistré le monde agricole, nombre de jatis shudras se sont depuis une vingtaine d'années reconverties dans les services et la maîtrise informatique.

Les activités urbaines des shudras sont divisées entre service et artisanat. L'artisanat est lui-même divisé en sous-sections liées au degré d'impureté des tâches à effectuer. Ainsi, les charpentiers qui travaillent le bois, un matériau noble, sont une caste à part de celles des maçons, qui travaillent le sable et les sulfates. De même, les forgerons se distinguent nettement des chaudronniers, et chez les joailliers, on distinguera les castes des joailliers de pierres précieuses (goldsmith) de la caste des joailliers de pierres communes (blacksmith.)

Reprenons notre comparaison avec Sparte. Les hilotes y seraient la classe sociale défavorisée mais majoritaire, qui correspondrait à celle des shudras. L'arrivée des Indo-Européens hellénophones en Grèce est comparable à celle des Aryens en Inde : les hilotes sont des indigènes ayant perdu la liberté à la suite d'une conquête militaro-culturelle.

Définitivement soumis, les indigènes grecs ou indiens furent relégués aux tâches dégradantes et éreintantes que leurs nouveaux maîtres refusaient de faire pour des raisons morales ou démographiques, n'étant tout simplement pas assez nombreux pour effectuer l'ensemble des tâches agricoles et artisanales. À leur arrivée en Inde comme en Grèce, les tribus indo-européennes (composées essentiellement de pasteurs et de guerriers) étaient minoritaires. Si ils n'avaient pas imposé une forte hiérarchisation sociale, et soumis les indigènes à leur propre civilisation, les Indo-Européens se seraient « dissous » dans leurs nouvelles contrées aussi rapidement qu'ils les avaient conquises.

Le fait que les hilotes aient combattu pour Sparte, prouve qu'il s'agissait d'une classe certes défavorisée, mais faisant tout de même entièrement partie de la « nation » spartiate. De même, les shudras sont une des quatre varnas et leur rôle est tout aussi fondamental que celui des autres castes. Bien que sans droit ni liberté, les hilotes n'étaient donc pas des esclaves et bénéficiaient même de nombreux droits, comme celui de percevoir un salaire. De même, en Inde, les shudras ne sont pas des parias.

 

En dehors des castes

À ces quatre varnas, il convient d'ajouter d'autres catégories qui peuvent s'apparenter aux varnas. On distinguera alors des groupes sociaux supérieurs aux varnas, en dehors des varnas ou inférieurs aux varnas.

La plus respectable des conditions est celle des sanyassims, les saints hommes, c'est-à-dire ceux qui ont fait le vœu de dédicacer leur existence à l'adoration des divinités. Il s'agit des yogis, des gourous et des sadhus. Parce qu'ils ont renoncé à vivre dans notre monde d'illusions, ils n'occupent officiellement aucune des varnas, mais leur place est nettement située au sommet de la hiérarchie sociale. Héritiers des mythiques rishis, les traditions ésotériques font d'eux les représentants des dieux sur Terre.

Il existe aussi des groupes sociaux dont le mode de vie n'est clairement pas intégrable aux varnas. Il peut s'agir de castes nomades, tels les artistes de rue, les commerçants ambulants, les prostitués ou encore les devins, voyants et nécromanciens. Nous pouvons aussi faire entrer dans cette catégorie les Indiens occidentalisés, étudiants et travailleurs émigrés, qui vivent coupés de leurs traditions et de leurs racines, mais aussi les peuples des nations étrangères, voisines ou lointaines, qui vivent sans connaître ni respecter les lois du dharma.

La catégorie la plus inférieure est la minorité la plus représentée dans la démographie indienne, celle des parias et autres dalits ou intouchables. Si elle n'est pas considérée comme un varna, c'est que son existence est liée à des activités trop compromettantes pour être respectables.

Elle se compose en trois parties d'importance égale. Il y a d'abord ce que les traditions présentent comme « la caste la plus basse ». Il s'agit d'une sorte de lumpenprolétariat dont les occupations sont limitées aux tâches les plus impures, c’est-à-dire les plus éreintantes et salissantes. Cette catégorie est aussi appelée les dalits, littéralement « les maudits, les interdits » et que l'Occident connaît sous le nom d'intouchables. Gandhi utilisait le terme paradoxal de harijans, « les envoyés de Dieu ». Les dalits, que nous nommerons à juste titre les parias, occupent les emplois les plus vils et dégradants, comme le ramassage à mains nues des ordures ou le tri sans protection des déchets.

Cette caste inférieure, si nombreuse mais si docile, n'éprouve pas le besoin de se révolter car le système implacable de la hiérarchie sociale indienne est tel, qu'il existera toujours une caste inférieure à la plus inférieure des castes, de sorte qu'une caste puisse toujours être proposée comme repoussoir à une autre.

Ainsi, un intouchable trouvera toujours un autre intouchable plus mal loti et moins respecté que lui, en fonction duquel il pourra se sentir mieux loti et plus fort. La conscience de caste remplaçant la conscience de classe, malgré quelques zones de soulèvement de la guérilla maoïste, les mouvements révolutionnaires marxistes n'ont jamais été en vogue et jamais la population ne fut divisée entre possédants et possédés, car enfin, chacun dans ce pays se considère le possédant d'un autre et le possédé d'un troisième.

Enfin, une dernière catégorie de la population indienne n'est pas assujettie au modèle social védique, car elle n'en fait tout simplement pas partie. Il s'agit des indigènes appartenant aux tribus qui résident en marge de la société indienne et qui vivent dans l'ignorance des préceptes du dharma. On les appelle parfois du nom générique d'adivasi, terme dont la signification est proche de celle d'indigène. Ces peuples vivent en tribu dans les zones rurales et souvent forestières. Avant l'arrivée des Aryens, les Adivasis composaient la majorité des habitants de l'Asie du sud-est. Depuis, les Adivasis vivent en marge de la modernité et des traditions classiques de l'hindouisme. La tribu des Manipuris possède par exemple un système de société matrilinéaire et les femmes y ont plus de pouvoir et d'autorité que les hommes. Il existe plus de 700 tribus indigènes enregistrées et chacune possède un caractère qui lui est propre.

Dans les textes védiques, les Mlecchas sont les barbares qui peuplent les contrées entourant la vallée du Gange et l'Arya-Varta (le domaine des Aryens). L'étymologie du terme est la même que pour le mot grec « barbaros » ; le mleccha est donc celui qui grogne au lieu de parler et qui par extension, ne maîtrise pas la langue et les coutumes propres aux Aryens védiques. Les textes anciens distinguent les Kiritas, barbares des montagnes, vivant au Pamir et au , par-delà l'Himalaya, les Khasas népalais, de race indo-européenne et les Pulindas orientaux, de race sino-thai. Avec le temps, le terme de mleccha ne fut plus seulement réservé aux indigènes ignorant les Védas, mais à tous les peuples ignorant les dieux et les Lois de Manu, qui sont les bases fondamentales du brahmanisme. Au Moyen Âge indien, le terme de mleccha fut surtout appliqué aux peuplades hunniques qui dévastèrent le pays, ainsi qu'aux habitants grecs des colonies alexandrines de la Bactriane et du Gandhara, avec qui commerçait la vallée du Gange.

En dehors des castes, se situent donc les étrangers. Quelles que soient leurs confessions ou leurs origines, les étrangers ne font pas partie du cadre de vie indien, et ils n'ont donc ni à s'adapter, ni à s'assimiler. L'hindouisme n'étant pas une religion évangéliste ou prosélyte, les étrangers n'ont pas à se baptiser hindou ni à se convertir. De même qu'ils n'ont pas à suivre les règles, ni à subir l'ordre hiérarchique des hindous.

En fonction de son régime alimentaire, de son emploi, un étranger sera plus ou moins considéré, mais jamais à l'aune des varnas, de la jati ou du système hiérarchique des castes. Un étranger, touriste ou expatrié, sera traité en invité, il sera libre de garder ses coutumes et son mode de vie, mais jamais il ne sera considéré comme faisant vraiment partie de l'humanité indienne. Paradoxalement, il s'agit en quelque sorte d'un racisme mêlé à une immense tolérance.

Grégoire de Visme

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