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Ou comment les chercheurs obligent les statisticiens à truquer les résultats expérimentaux

Comme le disait Winston Churchill : « je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même manipulées ». Evidemment on s’interrogera sur la pertinence d’emploi du verbe « croire » ( « I believe » ) quand il ne s’agit que de l’expression de calculs mathématiques qui, eux peuvent être manipulés pour  fournir un résultat en adéquation avec des hypothèses souhaitées (et donc voulues) et ainsi confortées.

L’article qui suit portant sur un échantillon de 390 statisticiens professionnels traitant de résultats d’expérimentations et de tests biologiques, pharmacologiques et médicaux analyse les types de manipulations demandées (voire exigées ?) des statisticiens par les expérimentateurs et les donneurs d’ordres dans le traitement de données supposées expérimentales qui leur sont transmises. On comprend ainsi combien le rôle des fameuses « études » – tel qu’il est compris par les centres de recherche des groupes pharmaceutiques ou phytosanitaires – est d’assurer la promotion des produits et non pas de refléter la réalité observée des propriétés mises en évidence.

Tout cela est pressenti depuis longtemps, sinon déjà bien connu. Mais l’important c’est qu’aujourd’hui une revue médicale américaine de renom prenne le risque de dénoncer cette fraude quasi institutionnelle et les manipulations statistiques des résultats expérimentaux de ces « études » menées uniquement pour prouver ce qu’on souhaite par avance à savoir donner une caution statistique à la plus pure propagande du marketing pharmaceutique et phytosanitaire.

Le monde médical et pharmaceutique est le premier utilisateur de cette imposture et les exemples sont légion. On comprend mieux ainsi comment le tabac est « officiellement » rendu responsable de 60 000 décès par cancer du poumon par an en France quand il n’y a pas autant de cancers mortels recensés et surtout que la majorité d’entre eux concerne des non-fumeurs ! Et on ne parlera pas ici des décès liés au Covid ! La piquouse magna a donné lieu à des caricatures parfois savoureuses de notre dessinateur Jean-François de Bus :

Mais le confinement a parfois conduit à une réflexion moins « politiquement correcte » :

L’article qui suit, traduit par mes soins, révèle l’ampleur des tripatouillages visant à mettre les chiffres publiés en adéquation avec des résultats souhaités par les donneurs d’ordre à seule fin de  propagande ( https://www.acsh.org/news/2018/10/30/1-4-statisticians-say-they-were-asked-commit-scientific-fraud-13554)

Traduction :

« Un statisticien sur 4 soutient qu’on lui a demandé de commettre au moins un trucage scientifique ! » Comme dit le dicton « Il y a trois sortes de mensonges : le mensonge, le sacré mensonge et les statistiques.« Nous savons que cela est vrai parce que ce sont les statisticiens eux-mêmes qui le disent.

Un très étonnant rapport publié dans les Annals of Internal Medicine affirme que les chercheurs font souvent des « demandes déplacées » aux statisticiens. Et par « déplacées » les auteurs ne parlent pas des demandes accidentelles d’analyse statistique abusive; ils parlent de demandes de manipulation malhonnête des données ou même de fraude.

Les auteurs ont interrogé 522 bio-statisticiens et ont obtenu des réponses suffisantes de 390 d’entre eux. Ils ont alors construit une table classant les demandes selon la gravité du caractère « déplacé ». Par exemple, en tête de liste, on trouve « falsifier la signification statistique pour prouver un résultat désiré » ce qui est une fraude pure et simple. En fin de liste on trouve « ne pas montrer le graphique parce qu’il n’a pas un effet aussi percutant que celui qu’on espère » ce qui est seulement considéré comme « légèrement vilain » :

 

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A droite, les auteurs montrent le nombre de fois que les bio-statisticiens ont estimé avoir reçu une telle demande au cours des cinq dernières années. Les résultats sont accablants. La pire demande (falsifier la signification statistique) a été faite à 3 % des interrogés. Le changement des données a été demandé à 7 %, et l’énorme proportion de 24 % – près de 1 sur 4 – dit qu’on leur a demandé de retirer ou modifier des données.

En français :

 

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Indiscutablement, c’est là une demande de commettre une fraude scientifique. Parmi les péchés moins graves, 55 % des biostatisticiens disent avoir reçu des demandes pour ne pas insister sur les résultats non significatifs.

Il est tout à fait remarquable qu’un scientifique ait l’audace de demander à un autre professionnel de truquer des données. Alors qu’il n’y a aucune excuse pour les énormes errements (i.e. falsifier la signification statistique), certains de ceux qui sont moins graves ne reflètent peut-être pas de la malfaisance mais seulement de l’ignorance. Souvent les scientifiques ne sont pas très bons en statistiques et ils peuvent faire des demandes déplacées simplement par ignorance. L’étude n’a pas envisagé cela.

Tout de même, cette étude devrait servir pour rappeler que la crise actuelle de reproductibilité pourrait avoir, au moins en partie, une explication plus inquiétante.

Claude TIMMERMAN

Source : METAINFOS - 4 août 2024

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