Le Général Barik a l’âge de l’Etat d’Israël. Il est respecté pour sa bravoure au combat, en particulier pendant la Guerre de Kippour. Il vient de publier dans Haaretz un véritable brûlot. Le gouvernement ne cesse de mentir à la société israélienne, explique-t-il. Tsahal est incapable de vaincre le Hamas. Le gouvernement Netanyahu a laissé passé l’occasion d’un accord. Il s’enfonce dans une guerre d’usure, qui se déroule à son détriment, et que le Hezbollah et l’Iran sauront exploiter. Et ceci d’autant plus que l’économie s’effondre et la société se divise. Barik lâche la formule choc : si Netanyahu reste, le pays s’écroulera dans l’année qui vient. Nous avons jugé important de porter ce texte, sans filtre, à la connaissance des lecteurs du Courrier des Stratèges.
C’est un brûlot comme le pire ennemi d’Israël n’oserait pas le rédiger. Et il est paru dans ce qui reste l’un des rares journaux d’opposition au gouvernement de Benjamin Netanyahu. Le Général Barik prévient d’un possible effondrement du pays si Netanyahu et sa bande ne sont pas immédiatement remplacés. Sa voix sera d’autant plus écoutée qu’il est un des rares à avoir averti, avant le 7 octobre 2023, sur l’état d’impréparation de l’armée en cas d’attaque depuis Gaza!
« Benjamin Netanyahu a jeté de la poudre aux yeux de l’opinion israélienne »
La plupart des déclarations prétentieuses faites par le ministre de la défense Yoav Gallant tout au long de la guerre à Gaza se sont révélées sans fondement.
Après l’occupation de la ville de Gaza, il a déclaré qu’Israël contrôlait totalement la ville et ses tunnels et que le Hamas se rendrait rapidement. Après l’occupation de Khan Yunis, il a affirmé que le chef du Hamas, Yahya Sinwar, courait seul dans les tunnels et avait perdu le contrôle de ses hommes, et que dans quelques jours, il serait attrapé.
Avec ces déclarations, M. Gallant, tout comme ses collègues le chef d’état-major des FDI Herzi Halevi et le Premier ministre Benjamin Netanyahu, a jeté de la poudre aux yeux de l’opinion publique israélienne.
« Israël s’enfonce dans la boue gazaouie »
Récemment, il semble que M. Gallant ait commencé à se dégriser lorsque, devant la commission des affaires étrangères et de la défense de la Knesset , il a déclaré que le concept de victoire totale à Gaza « n’a pas de sens ».
Il semble également qu’il ait commencé à réaliser que l’échec d’un accord sur les otages avec le Hamas conduirait à une guerre régionale qui mettrait Israël en grave danger.
Cette prise de conscience l’a incité à demander une discussion, au sein du gouvernement ou du cabinet de sécurité, dans l’intention de mettre en garde toutes les personnes concernées. L’objectif apparent de cette discussion est de s’assurer que la responsabilité ne repose pas uniquement sur lui, mais qu’elle est partagée par tous les ministres du gouvernement.
Je suppose que le ministre de la défense Gallant comprend déjà que la guerre n’a plus de raison d’être. Israël s’enfonce dans la boue gazaouie, perdant de plus en plus de soldats, tués ou blessés, sans aucune chance d’atteindre l’objectif principal de la guerre : faire tomber le Hamas.
« Si la guerre d’usure contre le Hamas et le Hezbollah se poursuit, Israël s’effondrera d’ici un an »
Le pays galope vraiment au bord du gouffre. Si la guerre d’usure contre le Hamas et le Hezbollah se poursuit, Israël s’effondrera d’ici un an.
Les attaques terroristes s’intensifient en Cisjordanie et à l’intérieur du pays, l’armée de réserve vote avec ses pieds suite aux mobilisations récurrentes des soldats de combat, et l’économie s’effondre. Israël est également devenu un État paria, ce qui a entraîné des boycotts économiques et un embargo sur les livraisons d’armes.
Nous sommes également en train de perdre notre résilience sociale, car la haine croissante entre les différentes parties de la nation menace de s’enflammer et d’entraîner sa destruction de l’intérieur.
« Sinwar et Nasrallah comprennent la situation désastreuse d’Israël »
Sinwar et Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, comprennent la situation désastreuse d’Israël. Ce qu’Israël aurait pu obtenir plus tôt avec un accord d’otage/de cessez-le-feu est devenu impossible en raison des nouvelles conditions que Netanyahou a introduites dans l’accord proposé. Les personnes impliquées dans les négociations à Doha affirment qu’elles n’ont aucune marge de manœuvre pour négocier parce qu’elles ont les mains liées.
À la lumière de la nouvelle situation, la menace de l’Iran et du Hezbollah d’attaquer Israël en réponse à l’assassinat des deux hauts fonctionnaires se matérialise dans la région. Le recours aux assassinats est une mesure qui menace d’embraser tout le Moyen-Orient, décidée par les trois pyromanes, Netanyahou, Gallant et le chef d’état-major Halevi, sans réfléchir à la portée de leurs décisions irresponsables.
Sinwar a commencé à comprendre que la guerre d’usure fonctionne à son avantage, sans parler d’une guerre régionale à plusieurs arènes. C’est pourquoi il préfère désormais la poursuite des combats à un accord et durcit ses positions. Si Netanyahou n’avait pas déjà mis des bâtons dans les roues de l’équipe de négociation tout au long de la guerre, Israël aurait déjà pu parvenir à un accord sur les otages avant que Sinwar ne durcisse sa position.
« Un dictateur contrôle le destin du pays et un troupeau de moutons le suit aveuglément »
La récente annonce de Netanyahou aux familles des otages sur la nécessité de préserver les « moyens de sécurité » à Gaza – un mensonge flagrant – a effectivement torpillé l’accord, conduisant à une catastrophe non seulement pour les otages et leurs familles, mais aussi pour le pays tout entier.
Toutes les voies choisies par les dirigeants politiques et militaires d’Israël conduisent le pays sur une pente glissante. Un dictateur contrôle le destin du pays et un troupeau de moutons le suit aveuglément. Netanyahou a décidé de « mourir avec les Philistins » – en l’occurrence, les citoyens d’Israël – dans le seul but de conserver son pouvoir.
Il a perdu son humanité, sa moralité de base, ses normes, ses valeurs et sa responsabilité à l’égard de la sécurité d’Israël. Seul son remplacement et celui de ses acolytes dans les plus brefs délais peuvent sauver le pays. Israël est entré dans une spirale existentielle et pourrait bientôt atteindre un point de non-retour.
Après 2 000 ans d’exil, nous sommes revenus et avons établi un pays glorieux. Nous avons payé un lourd tribut en dizaines de milliers de morts et de blessés. Et maintenant, le pays se désintègre entre nos mains par la faute de Netanyahou, Gallant, Halevi et leurs pions. Il est encore possible de faire quelque chose avant qu’il ne soit trop tard
Edouard Husson - 27 août 2024 (Le Courrier des Stratèges)
