CÚ CHULAINN ERINSAGA DETAIL 1

C’est pendant la nuit de Samhain que disparut celui qui fut sans doute le plus prestigieux des héros que le légendaire irlandais porte. Sa vie fut courte et remplie d'une immense gloire que tous les bardes chantèrent pendant des siècles, comme l'avait prédit Scathach, la fameuse guerrière qui initia le héros aux arts du combat.

De tous les mortels celtes, c'est celui qui dut affronter le plus les charmes et les maléfices des dieux et des déesses, dans des combats où le surnaturel et la magie l'emportaient sur les conditions guerrières de la vie ordinaire. Il faut reconnaître que, dès sa plus tendre enfance, si ce n'est par sa conception même, il fut plongé sans ménagement dans le chaudron des dieux et des magiciens et que, toute sa vie durant, il se retrouva aux prises avec leurs envoûtements et leurs manigances.

Il est connu sous le nom de Cuchulainn, ce qui signifie « le chien de Culann », et fut souvent surnommé l'Achille Irlandais, mais son nom originel est Setanta. Tout commença en fait avant sa naissance, quand sa mère Dechtire, fille du druide Cathbad et petite-fille du dieu de l'amour Aonghus Og, fut enlevée par les dieux au lendemain de son mariage avec Sulthaim Mac Roth. Elle disparut pour « l'autre monde » avec cinquante de ses servantes changées en oiseaux. Quand elle fut rendue au monde des mortels, elle portait un fils appelé Setanta que lui avait donné Lugh Lamhfada, l'un des plus importants dieux de l'occident celte.

Durant sa jeunesse, Setanta se rendit dans la forteresse du célèbre forgeron Culann qui forgeait les armes du roi Conchobhar et qui donnait une grande fête en l'honneur de ce celui-ci. Il arriva de nuit alors que Culann avait verrouillé les portes et placé son meilleur chien de garde. Le chien attaqua Setanta qui le tua. Pour calmer la colère du forgeron, Setanta proposa de tenir la fonction du molosse jusqu'à ce qu'un nouveau chien soit dressé à assurer la défense de la forteresse. C'est à cette occasion qu'il fut surnommé Cuchulainn, ce qui signifie « le chien de Culann ».

Puis Cuchulainn connut une jeunesse surtout marquée par des conquêtes féminines nombreuses qui l'entraînèrent, avec l'intervention des dieux et des déesses, dans des conflits et des combats incessants où il mit en pratique ses talents incomparables de combattant. Il était en effet allé parfaire son éducation de guerrier chez Scathach qui dirigeait sur une île, aujourd'hui identifiée comme étant Skye, une véritable académie militaire. Cette femme, considérée comme la plus fameuse femme de guerre, fit don au héros du Gae-Bolg, d'une sorte de harpon dentelé qui déchirait les chairs et provoquait ainsi de terribles blessures.

Le héros inscrivit ses plus belles lettres de noblesse en s'illustrant lors des combats de la fameuse « Tain Bo Cuailgne », une des plus importantes chansons de geste celte, puisqu'elle fut même comparée à la célèbre Iliade grecque. Cette guerre, qui avait pour   enjeu   la   possession   du symbolique   Taureau   Brun   de l'Ulster, mit aux prises dieux et déesses, demi-dieux et héros de l'Irlande, dans un cadre où les pouvoirs   magiques   des   uns   et des   autres   purent   s'exprimer pleinement.

Pourtant, conformément à la prophétie druidique, la destinée du héros arrivait à son terme. Celui qui était considéré comme invincible allait rapidement connaitre sa fin. Les épreuves arrivèrent les unes après les autres.

La première fut sans doute celle qui marqua le plus le Champion de l'Irlande. Non loin de Dun Dealgan, la forteresse de Cuchulainn, débarqua d'un vaisseau une troupe de guerriers commandés par un jeune homme. Le jeune homme, refusant de décliner son nom et son origine, fit savoir qu'il défiait Cuchulainn en combat singulier. Le héros irlandais était marié à Emer, dont on disait qu'elle possédait, en plus des canons de la féminité celte (beauté, beau-parler et art de la couture), le don de prophétie. Elle tenta de retenir son mari, l'exhortant à ne pas répondre à l'appel de ce jeune étranger. Il prit son Gae-Bolg et rejoignit la plage où devait se tenir le combat. Un combat qui n'en finit plus...

Cuchulainn, malgré sa force et son expérience, n'arrivait pas à maîtriser l'agilité de son adversaire. Il fut à plusieurs reprises en difficulté. Au dernier moment, le jeune guerrier le laissait échapper à une mort quasi-assurée. Alors qu'il venait d'être volontairement épargné, Cuchulainn lança son terrible harpon. Le jeune homme s'écroula, mortellement touché. Le Champion de l'Irlande se pencha sur lui pour l'achever. Le jeune homme interposa dans un dernier effort sa main qui portait un anneau d'or caractéristique. Celui qu'avait autrefois donné Cuchulainn à Aoise, la sœur de celle qui l'avait initié aux arts de la guerre. Aoise dont il était tombé amoureux après l'avoir longtemps combattue. Le jeune homme était en réalité Conlai, leur fils, qu'il avait abandonné pour venir retrouver Emer et qu'il venait de tuer de ses propres mains.

Le dernier présage vint encore d'Emer. Cuchulainn qui parcourait la lande, combat après combat, eut une vision : il vit Emain Macha la forteresse du roi Conchobhar en flammes et Emer prisonnière du feu en haut des remparts. Il chevaucha à toute allure jusqu'à son château où il trouva Emer saine et sauve. Sa femme tenta de l'empêcher de rejoindre ses guerriers à Pilar Stone, lui annonçant qu'il courait à sa mort. Il ne l'écouta pas et tomba dans le piège que lui avaient tendu tous ses nombreux ennemis, tous ceux qu'il avait vaincus, ne rêvant que de vengeance. Il fut acculé, désarmé par les maléfices de magiciens et de sorcières, désignés par les dieux pour que s'accomplisse la prédiction : une vie glorieuse mais courte. Mortellement blessé, le corps ouvert de toutes parts, il eut encore la force de marcher jusqu'à Tune de ces pierres levées qui justifiaient le nom du lieu sinistre : Pilar Stones, les piliers de pierre. Puis, s'attachant avec les courroies de son bouclier, il attendit la mort debout.

mort cuchu

Ainsi disparut le plus grand Champion de l'Irlande, le guerrier Cuchulainn pendant une nuit de Samhain.

Maurice Dessemond

Sources : Irlande, mythes et légendes celtes – Editions AGEP, 1996.

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