Le solstice d’été : une tradition européenne


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Une fois encore, comme tous les ans, nous voici dans une période de l'année où, depuis des temps immémoriaux, nos pères et les pères de nos pères ont célébré la fête de la lumière la plus longue. Le solstice de juin marque le moment où le Soleil se lève le plus tôt et se couche le plus tard. C'est la fête du Soleil triomphant. Une veillée unique marque la nuit la plus courte de l’année. Sa célébration est restée vivante dans la plupart des pays européens. Cependant, à mesure que l'on se rapproche du Septentrion, elle gagne en intensité.

Cette tradition appartient vraisemblablement aux cultes solaires  que 1es peuples de la hache de combat introduisirent et diffusèrent en Europe occidentale aux aurores de notre histoire. Par là même, elle est liée au précieux héritage de nos ancêtres indo-européens.

L'archéologie permet de rattacher cette tradition à des rites de l'Âge du Bronze. C'est d'ailleurs de cette période que date le fameux char solaire de Trundholm. Découvert au Danemark, au sud-ouest du Seeland, ce char est constitué par un assemblage de six roues tiré par un cheval. Il supporte un grand disque doré dont chacune des faces est ornée d'un dessin formé de spirales et de cercles. Il représente un des éléments essentiels du culte solaire : le symbolisme de la course du solei1 dans l'espace céleste.

L'archéo-astronomie (ou astro-archéologie) a révélé que certains sites proto-historiques (Stonehenge, les Externsteine etc...) avaient constitué de véritables observatoires astronomiques, qui permettaient de connaitre et de prévoir le mouvement des astres, les phases de la lune, les éclipses, etc... Ces connaissances étaient évidemment liées à des attitudes religieuses : ce n'est pas un hasard si de nombreux rites prenaient place au moment des équinoxes et des solstices, rites dont les survivances folkloriques et populaires représentent autant de dérivations coutumières.

Devenue la « Saint-Jean », la fête du solstice d'été n'en est pas moins restée profondément païenne. Ce n'est pas sans raison que Saint-Eloi, au VIIème siècle, ordonne : « Que nul, à la fête de Saint-Jean ou à certaines solennités des saints, ne s'exerce à observer les solstices, les danses, les caroles et les chants diaboliques ».

Ce n'est pas par hasard qu'en 1665, à Paris, parait une « Introduction populaire touchant l'origine et la façon de faire le feu de la Nativité de Saint-Jean Baptiste pour en oster les abus et les superstitions ». Ce n'est par hasard, non plus, qu'aux XVIIIème et XIXème siècles, plusieurs diocèses français interdisent les feux du solstice de juin. Dans l'ancienne France, ils étaient restés l'occasion de fêtes populaires. À Paris, en place de Grève, on dressait un arbre prêt pour être embrasé. Le Roi, accompagné de toute sa cour, venait assez souvent mettre lui-même le feu. De nos jours, ces feux ont tendance à renaître un peu partout. Les efforts de christianisation n'ont pu empêcher les peuples européens de rester fidèles à eux-mêmes et de continuer à ressentir toute l'importance du solstice d'été.

Dans le cycle des saisons, le solstice d'été marque la victoire de la lumière sur les ténèbres. Il est une des étapes de la course solaire. Il est une des étapes du travail et de la joie des hommes. Il chante la jeunesse et l'amour de la vie. Il est un moment privilégié de l'année. Il scande  éternel retour.

Le solstice d'été est la contrepartie estivale du Jul (solstice d’hiver). Mais, contrairement à ce dernier, qui a un caractère de grande intimité et n'est célébré qu'exceptionnellement hors du cadre familial, le solstice d'été est la fête communautaire par excellence.

Entre les semailles et les récoltes, le solstice d'été est une fête de la joie et de la jeunesse. Autour du bûcher dressé avec art, chants et danses se succèdent. « Plus les garçons sautent haut, plus haut poussera le blé » affirme un dicton alsacien. Feu des moissons à venir. Feu des serments à tenir. Se donnant la main, les amoureux sautent au-dessus des flammes du bûcher écroulé, montrant ainsi, aux uns et aux autres, qu'ils sont décidés à se marier dans l'année. Feu exceptionnel: son tison, qu'on ira prendre lorsque la chaleur du foyer le permettra, protège la maison « contre le feu du ciel, contre les Incendies, contre certaines maladies et certains maléfices ». Fête exceptionnelle : cette nuit unique n'est pas faite pour dormir, il faut attendre pour voir se lever le disque d'or.

Toutes sortes de croyances sont liées à la fête du solstice de juin. L'une d'entre elles veut que l'on mette un bouquet de neuf sortes de fleurs des champs, au parfum délicat, sous l'oreiller de la jeune fille. Celle-ci pourra découvrir en rêve les traits de son futur mari. Une autre dit que la rosée de cette nuit-là est le céleste levain qui fera, dans les mains du paysan, lever le pain le plus délicieux. Une autre encore prétend que c'est à ce seul moment que la fougère porte de gigantesques fleurs rouges et que la cueillir sans prononcer un mot permet de réaliser son voeu le plus cher.


Dans cette nuit du solstice, les tumuli se soulèvent et se dressent sur des colonnes. Leurs habitants se promènent alors en toute liberté au milieu des Elfes, des Nixes et des hommes. Les paysans du Nord racontent également que c'est à cette époque que le violoneux du village va voir le « näcken », un jeune homme selon les uns, un vieillard pour les autres, qui joue du violon, les pieds dans l'eau courante, adossé à une cascade, au coeur de la forêt. Le « näcken » lui apprend certaines choses, mais lui vole son âme en échange. Le violoneux redescend au village. Il joue , comme un fou, diaboliquement, il est sous le charme d'un sortilège : tous les paysans se mettent à danser, gagnés par l'étrange pouvoir du « näcken ». Certains baigneurs ont aperçu le « näcken » entre deux vagues. Il a parfois la forme d'un cheval. Si une jeune fille est entraînée par lui, son fiancé ne pourra la revoir que s'il joue, plusieurs jours durant et avec force, de la harpe, face aux flots.


Ce sont les pays nordiques qui ont été les plus ardents et plus fermes mainteneurs de la tradition. Chez eux, le solstice d'été n'a jamais cessé d'être une tradition vécue, parfaitement adaptée au rythme du présent.

En Suède, le « Midsommar » jouit toujours d'une énorme popularité. Célébré au plus clair du bel été scandinave, il coïncide avec le début des vacances. Un mât est dressé dans toutes les prairies: c'est autour de ce « Majstang » décoré de feuilles et de fleurs, de couronnes et de guirlandes, que l'on va danser. Autrefois, cet arbre de Mai avait la forme d'une femme. Mais cette coutume fut interdite au XVII ème siècle parce qu'elle donnait lieu à des « jeux sauvages et inconvenants ». Personne ne voudra dormir. On boira beaucoup et les amoureux seront nombreux. Chantant, dansant, banquetant des bandes joyeuses attendront le lever du jour.

Lacuzon

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