carnaval fete des fous

Tu es sympa ! Tu es obligatoirement un type sympa ! Puisque tu t'intéresses au Carnaval en général et à celui de Sarreguemines en particulier, c'est que tu aimes rire et t'amuser.

Oh excuse moi: je te tutoie! C'est déjà une des particularités du Carnaval de Sarreguemines, j'y reviendrai.

Comme tu es curieux, je vais essayer de t'expliquer les origines et les particularités de cette fête. Il n'est pas certain que je réussisse cette gageure, car il existe tant de versions différentes, que j'y perds mon latin. Je retiendrai celle qui me convient le mieux, la plus logique: la mienne. Et comme Carnaval, c'est le monde à l'envers, j'en profite : directement je plonge dans le vif du sujet.

A travers la nombreuse documentation que j'ai consultée, j'ai relevé certains textes et citations qui m'ont semblé définir très bien ce phénomène.

« Le monde est plein de fous. Et qui n 'en veut pas voir, doit se tenir tout seul et casser son miroir ». Cette petite phrase insolente est extraite d'un texte de Mgr Thillot, consacré (au XVIII ème siècle) à la Fête des Fous (c'était ainsi que l'on nommait Carnaval dans l'ancien temps).

Te voici éclairé! Tu peux considérer les corsos comme des divertissements rétrogrades; tu peux être allergique aux mouvements de foules et aux confettis, mais tu ne peux nier qu'en tout homme sommeille un bouffon, ... ni qu'en toi même, le dit « bouffon » rêve souvent de briser ses chaînes.

Carnaval n'ose avouer son âge. Il vient de la nuit des temps et porte en lui toutes les obsessions de l'humanité. Il a récolté en chemin les rîtes des fêtes hivernales célébrées par les peuples anciens, qui appelaient le soutien des dieux du Soleil et de la Fécondité.

« Le monde n'est qu'une farce. Déjà au paradis terrestre Satan s'est déguisé pour mieux séduire Eve! Le voilà, le premier Carnaval, à l'ombre du Bien et du Mal. L'humanité entière en découle ».

Au trois ème millénaire avant J.C., des briques, datant du grand prêtre Roi de Babylone Guda de Sirgulla, évoquent une période de sept jours au cours de laquelle la joie et l'exubérance régnaient. Les câlins et les beuveries s'exerçaient sans retenue. Pendant ces jours de grande licence, la vie normale s'interrompait, l'esclave prenait la place de sa maîtresse et marchait à coté de son maître.

En Grèce, 2000 ans avant Jésus Christ, les pasteurs convulsionnaires choisissaient le quinzième jour d'avant les calandes (15 février) pour purifier le sol, les bêtes, et les hommes, dans l'espoir d'un printemps prospère. Ils immolaient une chèvre, découpaient la peau en fines lanières sanglantes avec lesquelles ils fouettaient « les pêcheurs » qui réclamaient la rémission de leurs fautes. Pour cette sarabande démoniaque qu'ils menaient de cité en cité, les prêtres courraient nus parmi les garrigues et les cistes du Péloponnèse et fouettaient à tour de bras.

Cette coutume tragi-burlesque fut exportée en Italie par Evrandus, chef d'Arcadie vers 1500 avJC. C'est lui qui perpétua ces fêtes à Rome où elles prirent le nom de Fébruales et Lupercales.

Dans le but de plaire au peuple, Evrandus démocratisa ce rite en distribuant de telles lanières aux citoyens. Dès lors, les pasteurs perdirent leurs privilèges de « purificateurs ». Tout le monde fouettait tout un chacun sous de fallacieux prétextes. Progressivement, la cérémonie perdit son caractère sacré et purificateur pour n'être plus que licencieuse et populaire.

En ce temps là, on célébrait la fête de la lumière par des lancers de disques chauffés à blanc, des roues enflammées, et des immenses bûchers éclairant les nuits (rites qui perdurent de nos jours dans certaines régions).

Le christianisme tenta bien d'enrayer ces effusions païennes. Peine perdue, il se brisa les dents sur ce courant furieux qui permettait au peuple de sortir de ses gonds et de se défouler, une fois par an.

Le Moyen Age, héritant des orgies des anciennes « Saturnales », institua « La Fête des Fous » qui devint l'exutoire des foules. En 1444 devant la faculté de Théologie de Paris, un ardent défenseur de cette fête déclara solennellement: « Nous sommes tous des tonneaux mal joints. Le vin de la sagesse nous ferait éclater s'il se trouvait dans l'incessante fermentation de la piété et de la peur divine. Il faut lui donner de l'air afin qu'il ne se gâte pas. C'est pourquoi nous nous permettons, certains jours, la bouffonnerie, pour ensuite nous remettre avec d'autant plus de zèle au service du Seigneur ».

Depuis le Moyen Age, « La Fête des Fous » avait provoqué de nombreux ravages parmi le clergé. Elle cristallisait, autour d'elle, les délires lubriques et sanglants de toutes les vieilles cérémonies de l'hiver: la fête des innocents qui permettait aux diacres et sous-diacres de parodier la messe dans des gestes obscènes, de se travestir en femmes, de danser dans le choeur de l'Eglise, de manger des viandes, et... de jouer aux dés sur l'autel.

Mais aussi la fête de l'Ane au cours de laquelle on poussait d'authentiques baudets dans les cathédrales pour parodier grossièrement la fuite en Egypte. Parfois on mimait l'animal en chaire. L'assistance scandait de retentissants « Hihan » à la fin du Credo ou du Gloria ! On prêtait de l'humour à Dieu... L'évêché lui-même choisissait parmi ses diacres et sous-diacres, « Les Abbés des Fous » responsables des fêtes carnavalesques. Mais finalement, l'Eglise n'y tint plus. Elle interdit l'accès de ses autels à toute procession païenne.

Les relents d'orgies, les odeurs de victuailles et de cuir brûlé furent donc refoulés sur les parvis, mais le Carnaval n'en fut pas assaini pour autant.

Pendant longtemps il fut épicé de cérémonies macabres. Celles-ci connaissaient leur apothéose endiablée lorsque le peuple arrivait à se saisir des membres d'un condamné, arrachés au bourreau et à les promener à travers les ruelles. Les malandrins en profitaient pour régler leurs comptes dans la cohue. La justice, mettant la clé sous la porte, consistait en exécutions capitales sur les places des villages. On retrouvait des seigneurs assassinés sur le champ de leurs ripailles.

Ne pouvant les combattre, l'Eglise récupéra les fêtes païennes qu'elle adapta très précisément à son calendrier liturgique (avant les rigueurs du Carême). On les rebaptisa « Carne Levare Levamen ». Elles se déroulaient en février, dernier mois de l'année du calendrier romain.

Au mardi gras, on mangeait pour la dernière fois de la cuisine grasse, avant d'entrer dans la « quadragesima » Carême, période de 40 jours où l'on mangeait « maigre ».

Témoins de ces temps anciens, nos églises et cathédrales présentent, encore de nos jours, nombre de ces figures grotesques taillées dans la pierre ou sculptées dans le bois.

Mais alors que les conciles fulminaient contre les provocations indécentes que les habitants colportaient de maison en maison, certains religieux, à l'abri de leur déguisement, succombaient, de plus en plus nombreux à d'humaines tentations.

En 1667, afin de tenter d'enrayer ces manifestations « impures », Monseigneur Délia Chiesa, évêque de Nice, interdit le port des masques aux prêtres et aux moines sous peine de prison. Plus tard, la Convention supprima et proscrivit les déguisements comme étant « des posquinades » indignes de l'homme. Bonaparte en rétablit la coutume.

A l'origine Carnaval n'était pas une fête, mais un rituel.

La date de sa célébration, qui change d'année en année, dérive de l'antique tradition qui découpe le temps en lunaisons. Il existe une théorie où sont mises en jeu des périodes d’ « une lunaison et demi », donc des périodes de 40 jours: c'est le temps qui sépare Carnaval de Pâques.

Ainsi, la période qui va de l'Epiphanie au mercredi des Cendres unit étroitement le sacré et le profane. Car si l'idée du Carême était, dans l'Eglise des premiers siècles, de se préparer à la fête de Pâques, le Carnaval permettait aux gens de vivre des réjouissances issues des anciennes fêtes d'hiver.

Pour les anciens, l'année débutait en mars, mois du renouveau de la nature et du réveil de la terre. Or, avant toute nouvelle création, le monde doit retourner au chaos originel pour se ressourcer. Ce chaos était représenté par le Carnaval, au cours duquel un pauvre d'esprit était élu roi et revêtait des ornements royaux.

Né en Europe, le Carnaval est propre aux peuples latins, germaniques et nordiques. Il s'installe avec d'autres fêtes chrétiennes au début du Moyen-Age.

Ce besoin de changer de peau et d'emploi, de routine et de physionomie, cette nécessité de rompre avec notre quotidien, le travesti carnavalesque en exprime la force avec outrance !

En extrapolant à peine, on peut estimer que c'est cette envie de mutation individuelle ou sociale qui pousse aujourd'hui le notable Belge à se promener en clochard, la blanchisseuse de la Forêt Noire à se métamorphoser en sorcière ....

Mais les rites du Mardi-gras sont infiniment plus complexes que cela. Le Carnaval c'est le monde à l'envers. Pendant trois jours, la grande marmite de l'ordre bascule et nous donne des spectacles dignes de la toile peinte en 1590 par Pieter Brueghel.

Cela peut s'expliquer facilement: plus une société est strictement disciplinée, plus il lui faut une soupape de sécurité. Le président Mao a très bien résumé cela en écrivant : « laisse toujours une porte ouverte à ton adversaire ». Cette porte ouverte c'était, pour l'Eglise et le Pouvoir, le Carnaval. C'est dans ce but, et pour cette raison que le Carnaval s'est, dans son principe, maintenu à travers les millénaires et n'a trouvé son ennemi mortel qu'en la démocratie.

On peut ajouter que le Carnaval, contrairement à d'autres, est une fête urbaine. Les défilés se déroulent dans les rues et sur les places publiques.

Les participants font du bruit, de la musique, ils chantent. Carnaval est une forme de contestation, même si celle-ci s'exprime par la dérision.

Carnaval est l'expression du désordre, mais il se déroule dans un milieu organisé: la ville. L'ordre et le désordre peuvent alors être perçus comme indissociables, et laisser le second s'exprimer peut être le meilleur moyen de le limiter et de le maîtriser.

Sources :Edgard Bund-Carnaval, le monde à l’envers-Les éditions de l’officine-2009

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