La « défaite de l 'Occident » ? Certes, mais aussi sa victoire.
Ce que l'on nomme l' « Occident collectif », c'est-à-dire les États groupés autour du noyau américain, dont les « valeurs » sont centrées sur l'individualisme et la consommation illimitée, semble rencontrer de sérieuses difficultés face à la Russie, à la Chine, et, plus largement, le « Sud global ».
Cependant, si le vocable est bien circonscrit géopolitiquement, il est, implicitement, polyvalent. Il traduit de manière générique une réalité civilisationnelle dont les déclinaisons sont enchâssées.
Ce qui m’écœure dans la manière d'être, d'apparaître, d'agir et de s'exprimer (c'est la même chose, en politique) de la droite et de la gauche européennes, dans leur généralité, ce n'est pas seulement que, stratégiquement, elles se soient alignées sur la puissance américaine. Dans l'extrême limite du champ d'application des virtualités politiques, la soumission peut être une tactique raisonnable, en attendant mieux. Ce qui est révoltant, pour un Européen, surtout un Français, c'est leur adhésion à une « civilisation » (comme on disait des électeurs du FN : ce n'est plus un vote d'opportunité – par exemple contre l'immigration – mais d'adhésion à un programme, voire à un projet de société). L'Amérique n'a fait que proposer au monde ce qu'il y a de plus vulgaire, de plus bas, de plus matérialiste, et, visiblement, cette aspiration toxique fait rêver (dream).
Or, l'Amérique est sortie du ventre de l'Europe. C'est, certes, un enfant dénaturé, dégénéré, monstrueux, une « bête », comme aurait dit Brecht, mais la filiation est attestée. L'Europe latine (contrairement à l'Europe réformée) a mis du temps à se plier aux traits « culturels » du Nouveau monde, mais on peut dire que le processus est parvenu à sa fin. Même l'immigration massive, que l'on considère comme une plaie démographique, est une caractéristique d'une Nation qui s'est construite sur le nomadisme, venant de l'extérieur, ou dynamisant ses « frontières » intérieures, souples et poreuses. La vérité s'impose de plus en plus (par exemple, les analyses sociologiques de Jérôme Fourquet) : la France et l'Europe sont désormais des terres américaines, pas seulement au niveau de l'élite, ou des « superstructures », comme disent les marxistes, mais du corps entier de la nation, jusqu'au plus humble hameau (et je le sais bien, habitant un coin perdu du Limousin).
Mais ce n'est là qu'un aspect de l'Occident. Il est erroné de croire qu'on assiste à un duel entre lui et ce qui ne serait pas lui. En vérité, les conflits actuels se déroulent au sein de l'Occident. La Russie et la Chine, l'Iran et même les groupes islamistes, n'auraient pas pu tenir tête à l'impérialisme américain s'ils n'avaient pas adopté non seulement les outils occidentaux, ses armes, sa technique, ses modes de fonctionnement, mais aussi sa mentalité technicienne. Du reste, un pays comme la Russie est occidentalisé depuis longtemps.
Et l'on perçoit même une transformation de ces pays, l'émergence par exemple d'une classe moyenne aspirant à vivre à la manière « américaine » (sea, sex and sun, confort et relative liberté de mœurs), même avec une couleur locale, laissant présager ce qui se passe actuellement en Europe de l'Ouest et aux États-Unis, à savoir le triomphe de l'individualisme et de la soif consumériste, avec le nihilisme qui les accompagne. Ce n'est qu'une question de temps.
Claude Bourrinet
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