Notre Dame de Paris, Big Ben, des édifices pas si chrétiens, vraiment ? La réponse avec Sylvain Gouguenheim [Interview]
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Début septembre, le journal anglais The Guardian publiait un article intitulé « Looted landmarks: how Notre-Dame, Big Ben and St Mark’s were stolen from the east » dans lequel on pouvait y découvrir notamment les travaux médiatisés d’une dénommée Diana Darke, qui explique en substance que Notre-Dame de Paris, tout comme Big Ben, entre autres, auraient été avant tout inspirés par la culture islamique.
Celle qui n’est pourtant pas historienne professionnelle, comme nous allons le voir ci-dessous, a rédigé un livre intitulé « Stealing from the Saracens » (ce qu’on a volé aux Sarrasins) dont la thèse principale est que la plupart des échanges s’effectuaient de l’Orient vers l’Occident par le passé, et qu’une bonne partie de nos plus belles pièces d’architecture en Europe seraient inspirés de l’art islamique.
Des propos qui ont fait bondir l’historien (bien réel celui-ci) Sylvain Gouguenheim, historien médiéviste, qui nous explique pourquoi ci-dessous.
Breizh-info.com : Pour Diana Darke, le style de la cathédrale Notre-Dame ne vient pas de l’histoire chrétienne européenne, mais des déserts de Syrie, dans la région d’Alep, de l’église syrienne de Qalb Lozeh, datant du Ve siècle plus précisément. Est-ce le cas ?
Sylvain Gouguenheim : Deux remarques d’abord. Madame Darke n’est pas une historienne professionnelle, ni une historienne de l’art. De ce que j’ai pu voir elle a fait des études de philosophie à Oxford, a appris l’arabe et a commencé par rédiger des guides touristiques (Syrie, Turquie, Oman). Je ne lui connais aucun article paru dans une revue scientifique concernant l’architecture gothique. Elle a certainement une très bonne connaissance du terrain moyen-oriental mais cela n’en fait pas une spécialiste de l’architecture médiévale européenne. Pourquoi aussi parler de « vol » là où, s’il y avait des influences, on parlerait simplement d’imitation ou d’emprunt culturel ?
Ensuite toute sa démarche, si j’en juge par les articles des journaux, est faussée par une erreur de raisonnement, qui est dramatique en Histoire. L’histoire de l’architecture montre qu’on passe d’un style à un autre (paléochrétien/roman/gothique etc.) par toute une série d’étapes intermédiaires, de jalons etc. Ainsi, l’art dit « roman » est né du croisement des traditions architecturales héritées de la fin de l’empire romain et des pratiques propres aux mondes franc et germaniques des VIIIe-Xe siècles (architecture carolingienne et ottonienne). On ne peut absolument pas établir de lien direct, sans aucune étape intermédiaire ni apport tiers, entre une église du Ve siècle et une cathédrale comme Notre-Dame de Paris bâtie en plusieurs décennies à partir de la fin du XIIe siècle. Pour prendre une image simple, c’est comme si on disait qu’on va de « a » à « h » sans passer par « b, c, d… ». On escamote toutes les influences possibles, qui se croisent, toutes les étapes, souvent datées, de processus qui sont des transformations progressives.
La genèse du gothique le montre. Il est issu de l’art roman, qu’il modifie tout en y intégrant des apports extérieurs. Parmi les influences originelles figurent des éléments bourguignons (l’arc brisé) et normands (les voûtes nervurées). Qu’il y ait eu des influences extérieures ne peut pas conduire à effacer ce chemin. Sans oublier, par ailleurs, que le gothique innove dans plusieurs domaines. Venons-en à Qalb Lozeh. Le raisonnement de D. Darke est assez confus.
Premier point : l’église de Qalb Lozeh (Ve siècle) est une basilique paléo-chrétienne dont l’architecture s’inspire des modèles romains, comme l’ensemble des basiliques paléo-chrétiennes. Celles-ci présentaient un plan rectangulaire – mais il y avait parfois un transept – et qui se complétait à l’est par une abside. D. Darke ne l’a pas découverte : l’église a été étudiée dès 1861 par le diplomate français Charles de Vogüe puis par l’archéologue américain Howard Butler en 1904. Et depuis de nombreux ouvrages d’Histoire de l’art l’ont présentée. L’intérêt de Qalb Lozeh est qu’elle modifie le plan basilical en divisant l’espace intérieur en trois parties, une centrale plus large, et deux latérales plus étroites. Cette partition en trois nefs va en effet être une règle adoptée par de nombreuses églises occidentales, même si ce ne fut pas systématique (« églises-halles » des Ordres Mendiants). A noter que dans l’empire byzantin on a adopté plusieurs plans différents : églises en forme de croix grecque, rotondes, octogones etc.
Autre intérêt de Qalb Lozeh : l’existence de deux tours sur la façade occidentale, reliées par un arc au-dessus du narthex. D’où la question : peut-on insérer Qalb Lozeh dans la genèse de la façade gothique, voire en faire la matrice originelle ? C’est douteux. Sans avoir connaissance des églises paléochrétiennes de Syrie, les carolingiens (à Saint-Riquier, à Corvey en Saxe fin du IXe s.), ont doté plusieurs de leurs églises de ce que l’on appelle le « Westwerk » : la façade occidentale présente un aspect massif, encadré par deux hautes tours, avec parfois une troisième tour centrale. Les églises allemandes du Xe siècle ont poursuivi dans le même sens (Reichenau, Hildesheim, Bad Münstereifel…). Ce Westwerk avait une fonction symbolique de défense contre les forces démoniaques, tandis que la partie orientale, l’abside, donnait vers le soleil levant, la lumière. Puis, dans les églises romanes on trouve de nombreuses façades flanquées de deux tours, qui annoncent les façades gothiques (en plus massif, plus sobre et moins ajouré bien sûr) : Jumièges, Saint-Etienne de Marmoutiers (XIe s.), Sainte-Foy de Sélestat (XIIe s.).
Il n’est pas impossible que Qalb Lozeh, si elle était visible à l’époque des Croisades, ait impressionné certains hommes. Après, la question qui se pose est de savoir si des Croisés ont vu cette église, et ont décidé de s’en inspirer une fois revenus en Europe. Je ne sais pas si des textes permettent de l’établir ni si Mme Darke présente des sources écrites à ce sujet. Pour l’instant ça ne semble être qu’une hypothèse.
Breizh-info.com : Pour cette « spécialiste du Moyen-Orient », outre les tours jumelles et la rosace qui viendraient du Moyen-Orient en terme d’origine, c’est toute l’architecture gothique qui serait emprunté à l’héritage islamique et arabe, ainsi qu’aux Goths. Elle accuse même d’appropriation culturelle ceux qui réfutent cette thèse. Quid ?
Sylvain Gouguenheim : On va reprendre plusieurs éléments. Le gothique repose d’abord sur la technique de la croisée d’ogives. Le premier exemple, assez lourd, sous forme de gros boudins de pierre, se trouve à Morienval dans l’Oise et date de 1122 ; puis les premières réalisations sont dues à l’abbé Suger à Saint-Denis (sans oublier Saint-Germer de Fly en 1132). Ensuite on observe qu’à partir de ces premiers édifices le gothique évolue, par transformation interne. On perfectionne les techniques existantes, on invente : allongement du chœur parfois presque aussi long que la nef, plan polygonal des absides, développement important des chevets. On est très loin des églises paléochrétiennes ou romanes.
Autre chose : le gothique est un tout, il répond à une conception religieuse précise : louer Dieu en élevant vers le ciel ses églises et en y faisant entrer à foison la lumière. Le gothique associe donc des techniques architecturales (ogives, arcs-boutants) et des choix esthétiques (murs ajourés, immenses fenêtres garnies de vitraux colorés illustrés, rosaces) sans oublier les très nombreuses statues peintes. C’est un tout, complexe, destiné à délivrer un message. Une grande partie de ces choix, notamment ce qui relève de l’art figuratif, ne pouvait être emprunté au monde musulman pour des raisons évidentes. Et on ne peut pas dissocier ces choix des soucis théologiques (« Dieu est lumière ») qui les ont suscités. Enfin on oublie souvent que le gothique ne fut pas que religieux : palais princiers, hôtels de ville sont aussi des illustrations de cet art.
Dans la thèse de D. Darke, l’une des incohérences est celle-ci : elle attribue à l’art islamique les caractéristiques du gothique ; dans ce cas pourquoi les bâtisseurs des cathédrales n’ont-ils pas repris les éléments les plus marquants, les plus visibles des mosquées ? Ni l’enceinte, ni les minarets, ni le plan à hypostyle (cour à portique et salle de prière à colonnes), si caractéristiques des moquées ne sont repris. En dehors de Saint-Frond de Périgueux et de l’abbaye de Fontevraud , il n’y a guère d’églises postérieures aux Croisades utilisant la coupole. Tout le monde préfère la voûte, sauf, à l’époque antérieure, les églises ottoniennes du Xe siècle, sous l’influence des architectes byzantins venus sur place. L’usage de la coupole était largement répandu en revanche dans le monde byzantin : il suffit de songer à Sainte-Sophie de Constantinople. Et les mosquées se sont dotées de coupoles en imitant les églises byzantines.
Les minarets ne ressemblent que d’assez loin aux tours jumelles des églises gothiques. De même, pour ce que j’en sais, les vitraux colorés ne sont importants que dans les mosquées iraniennes inaccessibles aux Croisés qui ne s’aventurèrent jamais au-delà de la frange côtière des Etats Latins d’Orient ni a fortiori dans le monde iranien chiite.
Pour les rosaces, là aussi, D. Darke, si elle en attribue l’origine à l’art islamique, escamote toute une série de jalons. La rosace est un grand vitrail qui occupe l’espace d’une fenêtre ronde verticale. Son origine remonte à l’oculus de la Rome antique (sans doute un symbole solaire). On trouve des oculi dans des églises paléochrétiennes et du Haut Moyen Âge, héritées de l’Antiquité romaine : Sainte-Marie-Majeure à Rome (Ve siècle), baptistère de Saint-Jean de Poitiers (VIIe siècle), la basilique d’Aquilée. La fenêtre pouvait être laissée ajourée mais on a des exemples, y compris antiques, de remplage avec des parois ajourées qui pouvaient porter de petites vitres. L’art de l’Espagne wisigothique, donc avant la conquête arabe, offrait des exemples de rosaces (cf. celle en pierre de l’église Saint-Jean Baptiste de Banos de Cerrato fondée en 661) et on les retrouve dans les Asturies comme à Santa-Maria de Bendones dans la première moitié du IXe siècle ou à Saint-Michel-de-Lillo à Oviedo vers 848. De même, on a des dessins de rosaces sur des manuscrits mérovingiens ou gravés sur des pierres (comme d’ailleurs on avait des motifs de rosaces sur des mosaïques romaines comme à Pompéi). Prenez enfin le cas du vitrail. Là encore l’histoire de cette technique est bien connue. Le vitrail existe à Rome (mosaïques de verre coloré). Des vitraux semblent avoir orné des églises des IVe-Ve siècles ; il y en a à Saint-Vital de Ravenne et dans des églises mérovingiennes et carolingiennes (vitrail de la châsse de Séry-les-Mézières, église de Lorch). On les retrouve dans l’art roman : les plus anciens sont le magnifique Christ de Wissembourg en Alsace qui date de 1060 et le vitrail de Notre-Dame d’Augsbourg de 1065.
Breizh-info.com : Pour Diana Darke, les voûtes retrouvées dans nos cathédrales seraient inspirées d’un sanctuaire islamique du VIIe siècle à Jérusalem, et d’une mosquée du Xe siècle en Andalousie, en Espagne.
Sylvain Gouguenheim : C’est un peu étrange. L’art roman employait l’arc brisé, l’Espagne wisigothique aussi. On utilisait dès le IVe siècle dans l’empire romain l’arc outrepassé, dit « en fer-à-cheval » qui est emblématique de l’architecture islamique (il est employé à Notre-Dame-de-Nazareth à Vaison la Romaine ; on le retrouve dans l’Espagne wisigothique ainsi à Saint-Jean Baptiste de Banos de Cerrato où il sépare les nefs). Si on reprend la genèse des voûtes des cathédrales gothiques, on a le cheminement suivant : d’abord la voûte d’arête romane faite du croisement de deux voûtes en berceau, puis l’influence normande avec l’emploi de la voûte nervurée. On a déjà des croisées d’ogives dans les églises romanes en Lombardie au milieu du XIe siècle, à Lessay en Normandie avant 1098, à Durham à la fin du XIe s., mais le gothique va en rendre l’emploi systématique. Il y a bien sûr des ogives dans certaines mosquées ; mais elles ont une fonction décorative et non architecturale : elles ne sont pas intégrées à tout un système visant, comme dans le gothique, à orienter les poussées venues de la voûte sur les piliers.
Breizh-info.com : Elle souligne également que l’énorme influence du Dôme du Rocher est due au fait que les Croisés du Moyen-Âge ont cru à tort que le bâtiment était le Temple de Salomon…« Ils ont utilisé le plan circulaire en forme de dôme de ce sanctuaire soi-disant chrétien comme modèle pour leurs églises templières (comme l’église ronde du Temple de la City de Londres), copiant même l’inscription décorative en arabe, qui châtie ouvertement les chrétiens pour avoir cru en la Trinité plutôt qu’en l’unité de Dieu » écrit-elle. Est-ce vrai ?
Sylvain Gouguenheim : Pour le Dôme du Rocher, il faut rappeler son historique et aussi son contexte architectural. Oui, c’est un bâtiment musulman, mais ce n’est pas une mosquée ; il a une place tout à fait originale, et même unique dans l’architecture islamique. Oui, les Templiers en ont fait leur quartier général, croyant y retrouver l’emplacement du temple de Salomon. C’est un édifice octogonal (deux enceintes octogonales concentriques) avec au centre une colonnade circulaire surmontée d’une coupole. C’est un ensemble architecturalement splendide mais le plan n’est pas inédit. Plusieurs églises paléochrétiennes ont un plan circulaire avec coupole (à Rome : Santa Costanza à Rome IVe s., Saint-Etienne le Rond, Ve s. ou un plan octogonal autour d’un bassin surmonté d’un dôme comme le baptistère du Latran à Rome (IVe-Ve siècle). Voyez aussi l’église byzantine de Saint-Vital de Ravenne de forme octogonale avec une partie centrale placée sous une coupole (VIe s., elle-même inspirée de l’église Saint-Serge et Bacchus de Constantinople). Ce plan octogonal fut repris par Charlemagne pour la chapelle palatine d’Aix à la fin du VIIIe siècle. Sur place, à Jérusalem, les bâtisseurs du Dôme du Rocher ont pu s’inspirer directement de l’église ronde de la Résurrection (un des édifices du Saint-Sépulcre) surmontée d’une coupole. Que le Dôme du Rocher ait eu une réelle influence au sein de l’Ordre du Temple est exact, mais c’est l’église du Saint-Sépulcre, pour des raisons religieuses évidentes, qui a inspiré de nombreuses constructions en Europe : voyez l’abbatiale de Charroux, l’église de Neuvy Saint-Sépulcre (XIIe s.), Saint-Maurice à Constance (milieu du Xe s.), etc. Il en va de même pour l’église bâtie par les Templiers à Londres en 1185 : les Templiers, ordre militaire placé sous le patronage du Christ, se devaient d’imiter le Saint-Sépulcre.
Breizh-info.com : Dans son livre, « Stealing from the Saracens », elle évoque toute une série d’emprunts et de plagiats qui auraient été faits par les Européens à la culture islamique : parlement et abbaye de Westminster, cathédrale de Chartres, basilique St Marc de Venise. Est-ce cohérent historiquement ou est-on dans la tentative de nier purement et simplement l’originalité de ces constructions propres à la civilisation européenne ?
Sylvain Gouguenheim : D’abord une imitation n’est pas forcément un plagiat (mais le plagiat étant une forme de contrefaçon cela permet de glisser à la notion de « vol »). Si elle a vraiment parlé de plagiats (cf. le terme « stealing ») c’est une plaisanterie. Prenez simplement la basilique Saint-Marc de Venise. Tous les ouvrages qui en traitent rappellent qu’elle a été reconstruite à la fin du XIe siècle sur le modèle de l’église des Saints-Apôtres (« Myriandrion ») de Constantinople qui datait de 350 environ et qui fut agrandie sous Justinien (c’est là qu’on pourrait parler de « plagiat » !). C’était le deuxième édifice religieux de Constantinople après Sainte-Sophie. Cette église a été détruite par les Ottomans en 1461 mais on en a des images médiévales qui attestent la ressemblance avec Saint-Marc de Venise. Il y a d’ailleurs en Europe d’autres églises qui prirent les Saints-Apôtres comme modèle.
Propos recueillis par YV (17/11/2020 )
Sources : Breizh-info.com, 2020, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine
Sur les Loups gris (Turquie)
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Suite aux incidents survenus à la fin du mois d’octobre en banlieue lyonnaise et à Valence entre Français d’origine arménienne et Franco-Turcs au sujet du conflit arménio-azéri dans le Caucase, le gouvernement français a ordonné, le 4 novembre dernier, la dissolution des « Loups Gris ».
Par « Loups Gris », il faut entendre la branche jeune, paramilitaire et activiste de la nébuleusenationaliste turque. Aussi appelés « Foyers idéalistes » apparus vers 1968, les « Loups Gris » sont l’équivalent bien plus puissant, plus radical et plus influent des fameux « Rats noirs » et autres « Rats maudits » français. Dans les années 1970 – 80, les étudiants idéalistes affrontaient dans la rue et dans les couloirs des universités les gauchistes, les communistes et les Kurdes. Hostiles à la fois à la Russie, à l’Iran, à la Syrie baasiste, à Israël, à la Grèce, à l’Arménie ainsi qu’aux communautés alévieet juive, les Loups Gris appartiennent pendant la Guerre froide aux « armées secrètes » de l’OTAN, en particulier aux réseaux clandestins du type Gladio et Stay Behind même si l’ancien Loup Gris Mehmet Ali Ağca tente d’assassiner le pape Jean-Paul II, le 13 mai 1981, à la demande des services secrets bulgares pro-soviétiques. Les Loups Gris collaborent parfois avec l’état-major turc et nouent des contacts étroits avec certains clans de la pègre stambouliote et anatolienne.
Implantés dans les communautés turques d’Europe occidentale, les Loups Gris installent leur premier foyer idéaliste dès 1978 en Allemagne de l’Ouest avant de les encadrer au sein d’une fédération des associations des idéalistes turcs démocrates en Europe. À l’instar de leur référence politique, le général et homme politique Alparslan Türkeş (1917 – 1997), les Loups Gris opposent aux « Six Flèches » fondamentales du kémalisme (républicanisme, populisme, laïcité, révolutionnarisme, nationalisme et étatisme) leur doctrine des « Neuf Lumières » (nationalisme, idéalisme, défense de la morale publique, défense de l’intégrité sociale, rationalisme scientifique, défense des libertés civiques, respect et encouragement à la paysannerie, soutien au populisme et au développement économique, incitation à l’industrialisation et au développement technique).
En prenant pour symbole le loup gris, les militants idéalistes se réclament par-delà l’islam du bestiaire propre aux peuples des steppes d’Eurasie. Le loup est en effet l’animal mythique des Mongols et des peuples turcophones. L’animal relève aussi d’Ergenekon, la vallée mythique des montsde l’Altaï, berceau de la « turcité ». La légende veut qu’une louve au pelage gris-bleu aurait incité les premiers Turcs à en sortir afin de conquérir le monde entier. De ces références mythologiques découle une vision du monde panturquiste, voire pantouranienne, qui entend rassembler dans un même grand espace géopolitique et culturel la turcophonie et ses annexes historiques, de la mer Adriatique et des Balkans (Albanie, Kossovo, Bosnie, Turcs de Bulgarie, musulmans de Macédoine du Nord, Pomaks enGrèce…) à la Muraille de Chine (dont les Ouïgours). Il arrive qu’en Turquie ou dans les anciennes républiques soviétiques centre-asiatiques turcophones, des militants panturquistes ou pantouraniens soutiennent l’idée que les Turcs descendent directement des Huns d’Attila, et pratiquent en toutediscrétion le tengrisme, une spiritualité chamanique adaptée à l’âme steppienne.
Dotés d’une organisation souple et hiérarchisée, les Loups Gris représentent un vaste vivier de militants pour diverses formations politiques. On les associe en général au MHP (Parti d’action nationaliste) de Devlet Bahçali. Depuis le lancement de l’« Alliance du peuple », le MHP et les Loups Gris travaillent avec l’AKP du président Erdogan au dessein de plus en plus néo-ottoman. Les Loups Gris ne se limitent toutefois pas au MHP et à l’AKP. Certains se retrouvent dans le troisième parti de l’« Alliance du peuple », le Parti de la Grande Unité (BBP). Scission du MHP en 1993, le BBP insiste plus sur l’héritage musulman et valorise très tôt une synthèse nationaliste turco-ottomane, voirenationale-islamiste.
Par ailleurs, hors de Turquie, les Loups Gris coopèrent avec les expatriés du Parti de la Patrie de Dogu Perinçek. Nouveau nom du Parti des Travailleurs à l’origine d’orientation maoïste, le Parti de la Patrie, classé à l’extrême gauche, se distingue par ses positions laïques et eurasistes. En Turquie, les Loups Gris les plus exaltés ont fondé en décembre 2017 le Parti de l’Union Ötüken du nom d’une ville elle aussi légendaire d’Ergenekon. Présidé par Mehmet Hakem Semerci, ce Parti de l’Union Ötüken a pour emblème un loup noir hurlant. Racialiste, le groupuscule n’hésite pas à proclamer la supériorité du peuple – race – nation turc sur tous les autres groupes humains. Bien des journalistes y ont vu la cristallisation du premier parti ouvertement suprématiste en Turquie.
Disposant d’une kyrielle d’associations professionnelles (paysans, enseignants, fonctionnaires, médecins, policiers), culturelles (peintres, étudiants, musiciens), féminines et syndicales (la Confédération des syndicats des travailleurs nationalistes), les Loups Gris réalisent une entreprise métapolitique réfléchie et efficace couplée à des manifestations revendicatives qui s’apparentent souvent à de véritables actions – coups de poing… Leur dissolution en France où ils n’existent pas formellement ne sert donc strictement à rien si ce n’est à faire de la communication ministérielle. Elle survient par une étrange coïncidence au lendemain d’un référendum au Colorado pour lequel les électeurs devaient se prononcer en faveur ou non de la réintroduction dans les Montagnes Rocheuses du… loup gris.
Georges Feltin-Tracol
« Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n°190, mise en ligne sur TVLibertés, le 12novembre 2020.
Mark Zuckerberg (Facebook) malmené lors de son audition au Sénat américain
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OUI à la réouverture de TOUS les COMMERCES dès le 27 novembre. Laissez-nous travailler !!!
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Lettre ouverte aux élus, Préfets, Ministres, ….
Quand entendrez-vous la colère qui gronde face à ce confinement !!!
- Le confinement : « C'est une mesure qui est complètement irresponsable. Les bénéfices sur l'épidémie sont discutables et discutés. ... Il ne faut pas reconfiner les Français ! »
29/10 - Dr Louis Fouché, médecin anesthésiste-réanimateur.
- « Ces mesures sont disproportionnées. C’est extrêmement grave car nous allons assister à de la surmortalité à cause des suicides, des pathologies non prises en charge, des cancers non diagnostiqués à temps. Donc, s’il y a une surmortalité dans les mois à venir, elle ne sera pas liée directement au Covid mais à tous ces « dommages collatéraux » et économiques absolument catastrophiques. Il est urgent qu’on remette la vie en marche dans ce pays et qu’on permette à tout le monde de travailler correctement, de faire du sport et d’arrêter d’avoir peur surtout ! »
Dr Violaine Guérin
- C’est terrible à dire, mais faut-il sauver des vies humaines à n’importe quel prix ? « On est en train de massacrer tout un pays pour sauver 10/20 ou 30000 vies. » Pr Michaël Peyromaure sur CNEWS le 13/11.
NOUS les Indépendants ne voulons plus être la variable d’ajustement du Gouvernement. Le risque ne vient pas des commerces de proximité (fleuristes, boutiques de chaussures/vêtements/…, coiffeurs, papeteries, librairies, quincaillerie, restaurants, bars, hôtels, ...) qui ont appliqué avec rigueur un protocole sanitaire des plus rigoureux.
Annulation des marchés de Noël, salons professionnels, fermetures des restaurants, bars, les viticulteurs et brasseurs sont touchés de plein fouet !!! Alors pourquoi ne pas fermer les grandes surfaces ???
Il y a bien plus d’hygiène dans les petits commerces de proximité. D’ailleurs, il faut arrêter cette folie hygiéniste. L’urgence absolue est de sortir de cette absurde politique de la « peur pour tous » car c’est une bombe à retardement sociale que le Gouvernement et ceux qui soutiennent ce confinement ont mis en place.
Laissez-nous travailler !!! Laissez-nous vivre !!!
Arrêtez d’endetter les générations à venir.
Quelle que soit la nature des aides gouvernementales, régionales, … elles ne sauraient suffire à couvrir l’ensemble des pertes.
Arrêtez l'euthanasie économique de nos commerces. Derrière chaque commerçant il y a une famille !!!
Un artisan en colère : Patrick BINDER 06 89 77 23 83
Brasserie Artisanale du RHIN - Zone l'Arche - 2 rue de la Source - 68790 MORSCHWILLER LE BAS
Facebook : Brasserie Artisanale du RHIN
in Tiberim defluxit Orontes
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Juvénal fait de l’Oronte un symbole de l'Orient dans une de ses Satires, qui dénonce les dérives du syncrétisme romain : in Tiberim defluxit Orontes, « L'Oronte s'est déversé dans le Tibre » (III, 62).
« Je ne puis, Romains, supporter une Rome grecque ! Et encore s'il n'y avait que les Grecs ! Depuis longtemps déjà le fleuve syrien de l'Oronte a déversé dans le Tibre la langue et les mœurs de son pays. » C'est ainsi qu'au début du IIe siècle ap. J.-C, le poète satirique Juvénal rend les Grecs et les Orientaux responsables de la décadence de son pays.
LESBOS : la Moria submersion migratoire. Reportage.
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Auchan, Carrefour, Picard, Lidl... plus de 170 produits contaminés sont rappelés
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Après un premier rappel effectué mi-octobre 2020, de nouveaux produits contenant des graines de sésame contaminées par un pesticide cancérogène viennent d’être retirés des rayons de plusieurs grandes surfaces ou magasins spécialisés.
Ceux qui ont récemment acheté des produits contenant du sésame doivent se montrer prudents, d’autant plus que le sésame est parfois un ingrédient caché. Début septembre 2020, les autorités sanitaires françaises ont été informées par leurs homologues belges de la présence d’une substance chimique, l’oxyde d’éthylène, à des taux supérieurs à la limite maximum réglementaire dans certains lots de graines de sésame importées. Utilisé par l’industrie chimique comme pesticide, ce produit est classé depuis 1994 parmi les agents cancérogènes pour l’homme par le Circ (Centre international de recherche sur le cancer).
De nouveaux produits identifiés
Alors que plusieurs produits ont déjà fait l’objet d’un premier rappel le 12 octobre 2020, d’autres denrées contenant des graines de sésame contaminées viennent d’être identifiées. Parmi les aliments visés, on retrouve désormais des biscuits sésame de chez Gerblé, le chocolat Excellence sésame grillé de Lindt, divers produits Picard, les granolas de Supernature, le mélange Mexicain de Monoprix ou encore les crackers au parmesan de Dukan.
Des investigations sont actuellement en cours, en lien avec la Commission européenne, pour identifier l’origine de cette contamination. Le nombre de produits concernés, qui contient plus de 170 références, pourrait ainsi encore augmenter.
En attendant, la DGCCRF (Direction générale de la consommation de la concurrence et la répression des fraudes) invite les consommateurs à consulter la liste des produits concernés par le rappel, régulièrement mise à jour.
I-Média n°318 – Couvre-feu : les journalistes au garde-à-vous
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Les chevaliers teutoniques par Pierre Vial
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Fondé en Terre sainte après les ordres de l'Hôpital et du Temple, l'ordre des chevaliers Teutoniques s'était d'abord donné pour mission de protéger et de secourir les chrétiens de Palestine. Recrutant exclusivement au sein de la noblesse allemande, l'Ordre ne tardait pas toutefois à trouver d'autres terrains à son ambition. Sans attendre la chute de Saint-Jean-d'Acre en 1291 et l'effondrement définitif du royaume franc de Jérusalem, les chevaliers Teutoniques s'étaient organisés solidement aux marches orientales de l'Allemagne et ils allaient inscrire leur action à la fois dans le cadre de la croisade contre le paganisme et dans celui de l'expansion germanique vers l'est. Pendant près de trois siècles leur destin se confond avec celui de la Prusse qu'ils ont conquise, peuplée, enrichie et agrandie au fil de leurs combats.
Les chevaliers Teutoniques illustrent parfaitement le paradoxe des ordres militaires et religieux nés de la croisade mais tôt reconvertis dans les guerres de conquête et dans l'administration des États. Leur histoire n'est pas une histoire sainte. Violente, cruelle, tournée vers la possession de biens temporels, elle justifie l'image effrayante et magnifique qu'a donnée de ces chevaliers aux blancs manteaux frappés d'une croix noire le cinéaste soviétique Eisenstein dans Alexandre Nevski.
En 1128, un marchand de Brème et sa femme, venus en pèlerinage à Jérusalem, y fondent un hôpital pour - nous dit le chroniqueur Jacques de Vitry - «recueillir les pèlerins allemands, leurs compatriotes, afin de les soigner et d'adoucir leurs souffrances».
Cette fondation s'inscrit dans le vaste mouvement d'implantation et d'organisation qui anime alors la Terre sainte, conquise par les chrétiens à l'issue de la première croisade, en 1099. Organisation bien nécessaire. Il faut tenir le pays, avec des effectifs réduits : nombre de pèlerins repartent en effet, une fois leur vœu accompli, en Occident. Face à l'Islam, les Européens qui ont choisi de s'établir en Palestine et en Syrie doivent se tenir mobilisés en permanence pour assurer un minimum de sécurité dans les États créés à l'issue de la conquête : royaume de Jérusalem, comté de Tripoli, principautés d'Edesse et d'Antioche. Pour se dévouer totalement à cette tâche, quelques chevaliers français choisissent de constituer, en 1118, une petite communauté tout à la fois religieuse et guerrière. Logés dans un bâtiment situé sur l'emplacement de l'ancien temple de Salomon, à Jérusalem, ils prennent le nom de Templiers. Dix ans plus tard, ils sont reconnus officiellement par l'Église et reçoivent une règle lors du concile de Troyes.
1128 : c'est l'année même où naît la communauté des frères de l'Hôpital de Sainte-Marie-de-Jérusalem, qui regroupe des Allemands ayant fait vœu d'accueillir et de soigner, grâce à l'hôpital fondé par le couple de généreux Brêmois, les pèlerins germaniques dans la détresse. Une telle communauté, constituée autour d'un hôpital et pour le service de celui-ci, suit le modèle tracé par les frères de l'Hôpital de Saint-Jean, nés au milieu du XIe siècle autour d'un hôpital fondé par des marchands italiens. Mais la communauté allemande — comme, d'ailleurs, les Hospitaliers de Saint-Jean — va assez rapidement imiter les Templiers : à l'action charitable — soigner les malades, les déshérités — il faut adjoindre une action militaire. Dans un pays sans cesse menacé par les contre-offensives musulmanes, l'homme de prière doit être aussi un homme d'épée.
Seuls les nobles
Faire son salut en maniant le glaive : c'est un langage qui plaît à la chevalerie. Aussi nombre de chevaliers germaniques rejoignent-ils les rangs de l'Hôpital de Sainte-Marie. L'ordre naissant est rattaché, au point de vue hiérarchique, à l'Hôpital de Saint-Jean-de-Jérusalem, appelé plus communément ordre de l'Hôpital. Le grand maître des Hospitaliers a donc, à l'origine, autorité sur ceux que l'on va vite prendre l'habitude d'appeler les chevaliers Teutoniques. Mais cette autorité pèse aux Teutoniques. D'autant que leur communauté a vite débordé les limites de la Terre sainte et s'est implantée en Allemagne. C'est une évolution logique, que l'on retrouve chez les autres ordres militaires : Templiers et Hospitaliers ont eux aussi, grâce aux nombreuses donations de pieux laïcs, établi des maisons en Occident, qui servent de bases arrière et de centres de recrutement. L'originalité des Teutoniques réside simplement dans le fait que leur ordre n'est ouvert qu'aux Allemands.
En 1190, en s'installant à Acre - Jérusalem est tombée aux mains des musulmans en 1187 - les Teutoniques s'émancipent de la tutelle des Hospitaliers et se donnent leur propre grand maître, Henri Walpach. En 1192 une bulle du pape Célestin III en apporte la confirmation : désormais les Teutoniques ne dépendent plus que du Saint-Siège et jouissent ainsi du même privilège que Templiers et Hospitaliers. Ils vont, dans les décennies suivantes, s'efforcer d'obtenir de la papauté un ensemble cohérent de privilèges, assurant leur indépendance, leur puissance et leur influence.
Une croix noire sur un manteau blanc
L'essentiel est obtenu par le grand maître Hermann von Salza. Le pape Honorius III lui adresse, en janvier 1221, une série de lettres par lesquelles les Teutoniques se voient reconnaître les mêmes libertés, immunités et privilèges que ceux dont jouissent Templiers et Hospitaliers : exemption des dîmes, possibilité de construire églises et oratoires, indépendance à l'égard de l'autorité épiscopale, tant pour leurs personnes que pour leurs biens, etc.
Preuve qu'ils constituent bien désormais un ordre à part entière, les chevaliers Teutoniques reçoivent de Grégoire IX, en 1230, le droit de porter un manteau blanc frappé, sur le côté gauche, d'une croix noire - ce qui les distingue des Templiers, qui portent une croix pattée rouge. Ils peuvent prétendre, alors, tenir le rang qui leur revient en Terre sainte. Leurs possessions rivalisent avec celles des autres ordres militaires. De vastes domaines agricoles procurent des revenus substantiels. Le trésor de l'ordre est entreposé au château de Montfort, imposante forteresse construite par les Teutoniques au sommet d'une colline. Deux enceintes et un donjon protègent de grandes salles voûtées d'ogives, des caves et des citernes donnant la possibilité de soutenir un long siège.
Les Teutoniques sont liés d'amitié avec certaines des plus grandes familles de Terre sainte, dont ils reçoivent des terres mais à qui ils prêtent, en retour, de considérables sommes d'argent. Le prestige des Teutoniques est dû à leur vaillance sur le champ de bataille, vaillance qui ne le cède en rien à celle des Templiers et des Hospitaliers. Le tribut qu'ils payent, pour la défense des positions chrétiennes, est d'ailleurs lourd : à la bataille de Forbie, près de Gaza, en 1244, quatre cents des leurs périssent, aux côtés de trois cent douze Templiers et de trois cent vingt-cinq Hospitaliers. Dans la défense de Saint-Jean-d'Acre, les Teutoniques tiennent aussi dignement leur place. Mais la chute de cette place, en mai 1291, sonne le glas des États francs d'Orient. N'est-ce pas la fin de ce qui avait fait la raison d'être des ordres militaires ? L'ordre du Temple, effectivement, disparaît dans des conditions dramatiques au cours des vingt ans qui suivent. L'Hôpital, lui, va mener, à partir de l'île de Rhodes, une guerre de course en Méditerranée contre les Infidèles.
Un chef brillant et ambitieux
Dès 1230, les Teutoniques ont orienté leurs efforts dans une direction originale, encore que logique pour des Allemands : c'est le Drang nach Osten, la «marche vers l'est». Cette conquête de nouveaux territoires, gagnés sur des peuples païens - et donc contre lesquels tous les coups sont permis - commence au temps où Hermann von Salza est le grand maître de l'ordre. Ce n'est pas un hasard. Von Salza a la dimension d'un grand homme d'État. Il est un des conseillers les plus influents de l'empereur Frédéric II de Hohenstaufen, et s'entremet à de nombreuses reprises entre celui-ci et le pape, qui poursuit le souverain allemand d'une haine vigilante : depuis un siècle et demi la lutte entre la papauté et l'empire n'a pas cessé, le Saint-Siège affirme ses prétentions théocratiques - le pape, au nom de Dieu, doit régenter la vie des États - alors que les empereurs refusent de telles prétentions et revendiquent l'autonomie du politique par rapport au religieux.
De par sa position de chef d'un ordre religieux actif et influent, Hermann von Salza est un personnage qui compte dans la vie de l'Église. Il participe, ainsi, en bonne place au quatrième concile du Latran, réuni en 1215 par le pape Innocent III. Il peut, du coup, jouer les intermédiaires entre Rome et Frédéric II, qui a promis de partir à la croisade mais retarde sans cesse son départ (les convictions chrétiennes de l'empereur sont, il faut bien le dire, pour le moins superficielles). Lorsque Frédéric II part enfin pour la Terre sainte, en 1228 - alors qu'il est sous le coup de l'excommunication lancée contre lui par le pape Grégoire IX - Hermann von Salza est à ses côtés.
En Orient, le grand maître des Teutoniques accompagne sans cesse le Hohenstaufen, y compris lors de la cérémonie où celui-ci se sacre lui-même roi de Jérusalem. Au milieu des dissensions qui opposent entre eux les chrétiens en Terre sainte, les Teutoniques restent immuablement fidèles à l'empereur. Leur appui ne lui fera pas davantage défaut lorsque, rentré en Italie, Frédéric II cherche un accord avec le pape. C'est une nouvelle fois Hermann von Salza qui s'entremet, et ses talents de diplomate permettent le traité de San Germano, en 1230, qui scelle - provisoirement - la réconciliation entre empire et papauté.
La marche vers l'est
Fidèle soutien du souverain germanique, Hermann von Salza n'en oublie pas pour autant les intérêts de son ordre. Il pressent, sans doute, que les positions chrétiennes sont condamnées, à terme, en Orient. Aussi saisit-il l'occasion de fournir à ses frères un nouveau terrain d'action, qui va leur permettre de bâtir un véritable empire. Au chapitre général de 1230, l'Ordre répond favorablement à Conrad de Pologne, qui a demandé aux chevaliers Teutoniques une aide militaire contre les Borusses, une peuplade occupant le territoire qui va devenir la Prusse. C'est le début d'une grande aventure.
Le duc de Pologne, en signe de l'accord passé avec les Teutoniques, leur donne la ville et le château de Culm, ainsi que tout ce qu'ils pourront prendre à l'ennemi. C'est le genre de proposition qui plaît à ces hommes qui, pour être des religieux, n'en restent pas moins, avant tout, des guerriers. Encouragés officiellement par le pape à «la guerre contre les païens de Prusse qui tuent et exterminent les chrétiens des provinces de Pologne, Poméranie, Moravie, Suranie, Holstein et Gorland», les chevaliers Teutoniques lancent leurs raids contre les pays baltes. Ils établissent, sur les terres conquises, des colons allemands gui vont mettre en valeur le pays. L'Évangile - comme cela a été bien souvent le cas au cours de l'histoire - sert de prétexte à une guerre de conquête. La «religion d'amour» est imposée par le fer et le feu. Les populations autochtones subissent un régime de terreur. Toute tentative de révolte est châtiée cruellement : pour l'exemple, des grappes de pendus décorent sinistrement les branches des arbres, le long des routes, les chaumières sont incendiées et des moissons détruites.
Jalons de la conquête, de nouvelles forteresses s'élèvent, dominant de leurs remparts de briques les territoires soumis. Marienwerder est construite en 1233. Puis c'est Königsberg, Marienburg, qui recevra en 1309 le siège de l'Ordre.
Une soif insatiable de conquête
Inquiet des progrès des Teutoniques et de leur soif insatiable de conquêtes, le duc de Poméranie tente de s'opposer à eux. En vain. Après avoir battu le rappel de leurs troupes en Pologne, Hongrie et Bohême, les chevaliers à la croix noire s'emparent de la Poméranie. La ville de Schwetza refusant de se soumettre, le grand maître Siegfried de Feuchtwangen fait pendre, devant ses murs, tous les paysans des environs. C'est une constante, dans la politique de tous les successeurs d'Hermann von Salza : il ne faut pas hésiter à frapper durement les esprits quand les intérêts supérieurs de l'Ordre sont en jeu.
La volonté de puissance et l'orgueil des Teutoniques sont tels qu'ils en viennent à se dresser contre la papauté elle-même. Lorsque, sur plainte du roi de Pologne, qui s'inquiète à son tour des empiétements des chevaliers, le pape Jean XXII ordonne à l'Ordre de restituer la Poméranie, les dignitaires refusent purement et simplement. On est alors en 1320. Les Teutoniques représentent une force de plusieurs milliers de chevaliers, appuyés par de nombreux sergents. Aux Allemands, qui constitueront toujours la majorité des forces de l'Ordre, sont venus s'adjoindre des Français (l'Ordre possède quelques commanderies en France, à la suite de donations). Aussi la guerre avec la Pologne va-t-elle durer plusieurs décennies, hachée de trêves vite remises en cause par l'une ou l'autre des deux parties.
Dans le conflit, la diplomatie intervient autant que les armes. Quand, en 1337, un jugement pontifical ordonne à nouveau la restitution de la Poméranie, l'Ordre oppose le veto formulé par l'empereur Louis V de Bavière, qui a solennellement interdit aux chevaliers de se dessaisir de la moindre parcelle de territoire sans son autorisation. De surcroît, les Teutoniques exhibent les nombreuses bulles pontificales qui, dans le passé, ont légitimé leurs conquêtes.
Un État souverain puissamment organisé
C'est donc en toute bonne conscience que les chevaliers, nonobstant adjurations et menaces, poursuivent leur œuvre. D'une main rude, certes, mais efficace : en un siècle, ils ont fondé quatorze cents nouveaux villages, défriché, asséché des provinces entières. Des frontières du Mecklembourg jusqu'en Livonie règne la pax teutonica.
Une paix à vrai dire souvent troublée. Car à la soif de domination des chevaliers répond la haine des princes menacés par l'expansion de l'Ordre. Toute occasion est bonne pour susciter contre les Teutoniques les coalitions les plus hétéroclites : en 1370, Lituaniens, Samogitiens, Russes et Tartares marchent ensemble contre l'Ordre, qui perd vingt-six commandeurs et deux cents chevaliers à la bataille de Rudan. En 1386, la conversion au christianisme de Jagellon, roi de Lituanie, enlève cependant aux Teutoniques un bon et pieux prétexte pour agir contre lui.
Signe des temps ? Pourtant, apparemment jamais l'Ordre n'a été plus puissant. L'État qu'il a créé, de l'Oder au golfe de Finlande, est pratiquement souverain. Il se divise en trois principaux districts : la maîtrise de Prusse, dirigée directement depuis Marienburg par le grand maître, celle de Livonie, confiée à un Landmeister, et celle des pays d'Empire dont a charge le Deutsch-Meister. Les maîtrises régionales sont divisées en bailliages, eux-mêmes subdivisés en commanderies. L'Ordre est ainsi fortement structuré, sa gestion et son administration, rigoureuses, sont infiniment plus efficaces que celles de beaucoup d'États à la même époque.
Composé de chevaliers, de simples frères et de prêtres qui servent de chapelains (on retrouve le même schéma chez les Templiers et les Hospitaliers) - tous ayant prononcé les traditionnels vœux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance - l'Ordre est dirigé par un chapitre général (huit chevaliers, quatre frères et un prêtre) qui élit le grand maître. Celui-ci, pour gouverner le complexe édifice qu'est devenu l'Ordre, s'appuie sur de grands dignitaires : le grand commandeur, le maréchal, le trésorier, l'intendant et l'hospitalier. On remarque la place prise, à côté des impératifs militaires, par les préoccupations économiques. L'ordre Teutonique contrôle en effet de nombreuses activités commerciales. Il est au centre d'échanges entre l'Allemagne et la Pologne, la Hongrie et la Russie, grâce aux marchés qu'il a établis à Thorn, à Kulm, mais aussi et surtout par ses grands ports de Dantzig (une ville longtemps convoitée), Elbing, Braunsberg, Königsberg, Riga, Penaud, Reval. Tout ceci, bien sûr, en liaison avec l'organisation hanséatique. Les produits des domaines de l'Ordre, le monopole de l'exploitation de l'ambre baltique, que les Teutoniques se sont réservé, procurent de gros revenus. Par les agents qu'il entretient à Novgorod, Lübeck, Bruges, Londres, Venise, l'Ordre est en liaison constante avec les principaux foyers d'échange européens.
Le désastre de Tannenberg
Une telle puissance semble inébranlable. Pourtant, avec le début du XVe siècle, l'Empire teutonique est menacé par les premières lézardes. Les chevaliers ont réussi à faire contre eux l'unanimité : le grand-duc de Lituanie et le roi de Pologne rassemblent des troupes considérables. L'objectif est simple : la valeur militaire des Teutoniques est telle qu'on ne peut espérer en venir à bout qu'en les accablant sous le nombre. C'est ce qui va se réaliser le 15 juillet 1410, à Tannenberg. A un contre quatre, les Teutoniques résistent pendant de longues heures aux assauts des hordes de Russes, de Lituaniens, de Samogitiens, de Tartares, de Hongrois, de Polonais qui n'ont en commun que la haine de l'Allemand. Le choc des épées, des masses d'armes, des haches est effroyable. Les chevaux pataugent dans la terre gorgée de sang et s'affaissent lourdement sous les volées de traits. A l'issue de la journée, la plaine est jonchée de cadavres, dont celui du grand maître Ulrich Von Jungingen, de plusieurs dignitaires et d'une grande partie des chevaliers engagés dans la bataille.
C'est, pour l'Ordre, le commencement de la fin. Il doit se résoudre à signer le traité de Thorn, qui lui impose le paiement d'une lourde réparation. Les revers, dans les décennies suivantes, vont s'accumuler. Encouragés par le roi de Pologne, des bourgeois et des nobles prussiens se révoltent contre l'Ordre, dont le despotisme est jugé insupportable. Cette guerre civile sonne le glas de la puissance teutonique. En 1454 le roi de Pologne Casimir IV proclame le rattachement de la Prusse à ses États et le grand maître doit se réfugier à Königsberg, qui devient le siège de l'Ordre. Par le second traité de Thorn (1466), les Teutoniques reconnaissent ne plus avoir autorité que sur les districts de Königsberg et du Selland, qui relèvent désormais de la mouvance polonaise.
Décadence et conversion
C'est, pour les Teutoniques, une situation fort humiliante. Plusieurs tentatives faites pour retrouver la grandeur passée se soldent par des échecs. On comprend, du coup, que le grand maître Albert de Saxe n'ait guère hésité, en 1525, à abjurer le catholicisme pour passer à la Réforme, la partie de la Prusse encore soumise à l'ordre Teutonique étant érigée à son profit en duché séculier et héréditaire. De nombreux chevaliers ont suivi l'exemple du grand maître. Conclusion logique dans l'histoire d'une institution qui, plus que les intérêts romains, avait toujours servi en priorité sa propre grandeur.
Certains chevaliers Teutoniques vont rester cependant fidèles au catholicisme. Se plaçant sous la protection de l'Autriche, ils maintiennent, dans ce pays, quatorze commanderies. En 1595, l'archiduc Maximilien devient grand maître. L'habitude se conservera, par la suite, de choisir au sein de la famille impériale le chef de l'Ordre. Un Ordre qui, à travers les vicissitudes de l'histoire, a réussi à survivre jusqu'à nos jours, en retrouvant sa vocation première, hospitalière. Image rassurante pour certains. Désolante pour d'autres, dont les rêves d'héroïsme tragique restent encore habités par les chevaliers à la croix noire.
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