nhezszqawwxqss1454744112

Un vichap sur les pentes de l'Aragats, en Arménie.  Mediacrat via Wikimedia Commons

 

Dressées dans les montagnes du Caucase, les mystérieuses pierres sculptées en forme de poisson ou de bœuf étaient bien plus que de simples totems. Une nouvelle étude révèle qu'elles incarnaient un culte de l'eau, vital pour les sociétés préhistoriques.

Dans les hautes vallées d'Arménie se trouvent des pierres massives, sculptées et dressées il y a près de 6.000 ans. Appelés vichaps, ces menhirs intriguent les archéologues depuis plus d'un siècle, notamment car ils ont été taillés pour revêtir des formes diverses : poissons stylisés, peaux de bovins ou même de curieux hybrides des deux, relate un article de Popular Mechanics. Une nouvelle étude internationale s'est penchée sur celles qui sont aujourd'hui surnommées «pierres du dragon».

Selon les conclusions des auteurs, Vahe Gurzadyan et Arsen Bobokhyan, ces monuments ne sont pas de simples totems, mais les vestiges structurants d'un ancien culte de l'eau. Leur implantation rigoureuse, leur iconographie principalement centrée sur la faune aquatique, leur concentration autour des sources et sur les pentes escarpées seraient la manifestation d'une société obsédée par l'eau et ses mystères.

Les chercheurs se sont attachés à étudier la répartition des pierres : la plupart se situent entre 1.000 et 3.000 mètres d'altitude, souvent au plus près de sources, de rivières ou de systèmes d'irrigation anciens. Les plus grandes –certaines pèsent jusqu'à 4 tonnes et culminent à plus de 5 mètres– ont été hissées à près de 2.700 m, preuve de la mobilisation des communautés pour leur construction.

Si la forme des vichaps varie, toutes sont polies sur les faces visibles, leur «queue» étant laissée brute –une façon, selon les scientifiques, de les enfoncer dans le sol puis de les dresser verticalement.

 

Dragon d'eau contre dieu du feu

Pourquoi tant d'efforts ? Il s'agissait sans doute de marquer des points hydriques stratégiques : sources, lieux de jaillissement, carrefours hydrauliques, vallées, etc. Les communautés préhistoriques y voyaient une manière de protéger des ressources, de rendre hommage aux puissances de la nature et d'organiser leur calendrier rituel autour du printemps et de la nouvelle année.

Dans la mythologie locale, «vichap» est le nom donné aux dragons et serpents. Les premiers ne sont pas de simples créatures fantastiques, mais ils incarnent l'esprit de l'eau : un dragon indique les sources et peut les bloquer ou les assécher s'il le souhaite. L'ennemi du dragon est le dieu du feu et de l'orage : c'est le duel entre ces deux forces qui conditionne la pluie, la fertilité et, donc, le cycle agricole.

La datation radiocarbone place les premiers vichaps autour de 4.200 – 4.000 av. J.-C. Leur répartition évoque deux pôles, les hauts plateaux et les vallées, dans lesquelles l'eau était la plus convoitée. Certains étaient même associés à des rites funéraires, comme le montrent des tombes retrouvées sous les pierres, ainsi que des traces de sacrifices animaux.

L'édification de ces stèles demeure une prouesse pour l'époque. Extraction, sculpture, polissage, puis transport sur des kilomètres de terrain montagneux : les sociétés qui les ont élevées consacraient visiblement une part immense de leur énergie collective à ce culte, signe du rôle central que tenaient l'eau et ces rituels dans leur organisation sociale.

La résolution du mystère vichap permet aujourd'hui de mieux valoriser ces monuments : premiers exemples d'art monumental figuratif du Caucase, ils sont en passe d'intégrer la liste du patrimoine mondial de l'Unesco.

Clément Poursain – 20 septembre 2025

Slate - Repéré sur Popular Mechanics

FaLang translation system by Faboba
 e
 
 
3 fonctions