Le général Robert E. Lee dira un jour : « Sans musique, il n'y aurait pas d'armée ». En 1862, un journaliste du New York Herald confirme : « Toute l'Histoire prouve que la musique est aussi indispensable à la guerre que l'argent. On dit que l'argent est le nerf de la guerre. La musique est l'âme du dieu de la guerre, Mars. »
Quand la guerre dite de sécession éclate, les soldats des deux camps vont monter au combat avec des morceaux qui transcendaient les clivages politiques et philosophiques. Juste des chansons qui parlaient de leurs familles, de leurs foyers, de leurs amours.
Dans l'essai Lincoln and the Music of the Civil War (1966), Kenneth A. Bernard écrit : « Dans les camps et dans les hôpitaux, ils chantaient. Des chansons sentimentales, des ballades, des chansons drôles, des chansons patriotiques. Ces morceaux étaient mieux que des rations ou des médicaments ».
Durant la seule première année de guerre, on relève plus de deux mille nouvelles compositions musicales ! A la fin du conflit, plus de morceaux auront été créés, joués, chantés que lors de toutes les guerres précédentes.
Dans les bivouacs, il y a toujours un violoneux, un gratteur de guitare, un banjoïste pour interpréter les chansons qui parlent au cœur des hommes. Et les armées marcheront au rythme de fanfares composées de tambours et de cuivres.
Bientôt, chaque camp aura ses chants spécifiques. Au Nord, Battle Cry of Freedom, May God Save the Union, John Brown's Body (qui sera l'hymne de bataille des Yankees). Au Sud, Dixie, The Bonnie Blue Flag, God Save the South, The Rebel Soldier, God Will Defend the Right
The Bonnie Blue Flag était si populaire que le général William Butler, surnommé The Beast et par ailleurs criminel de guerre, en fit détruire toutes les partitions disponibles. Il jettera en prison son créateur et frappera d'une forte amende (voire d'emprisonnement) quiconque le chantait ou même le sifflotait dans les territoires occupés par les envahisseurs yankees.
Mais des chansons d'amour furent partagées par les deux armées : Lorena, Aura Lee (qui deviendra le Love Me Tender d'Elvis Presley), The Yellow Rose of Texas, The Vacant Chair.
D'autres morceaux sont des chants de guerre parfois haineux, comme Marching Through Georgia, évocation de la sanglante marche vers la mer de Sherman. D'autres évoquent la terrible vie dans les camps de prisonniers, comme Tramp, Tramp, Tramp.
La vie quotidienne, souvent misérable, des soldats, est illustrée dans des morceaux comme Eatin' Goober Pass, Hard Times, Tenting Tonight on the Old Camp Ground, etc. Et on enterrera les morts des deux camps au son funèbre de Taps à l'issue des carnages des combats des Seven Days. Les survivants rentreront chez eux au rythme de When Johnny Comes Marching Home.
Rappelons que, quelques semaines avant d'être assassiné, Lincoln fit jouer par un orchestre de prisonniers sudistes le fameux Dixie qui était, disait-il, un de ses morceaux préférés.
Alain Sanders