Ethnopolitique : mot composé à partir de racines grecques : ethnos (peuple, communauté du peuple) et polis (la cité – l’état) ou politikê (science du gouvernement des états).
La notion est évoquée pour la première fois par Pierre Vial dans l’éditorial du n° 30 (Solstice d’Hiver 2006) de la revue TP Mag.
La réflexion sur l’ethnopolitique part du constat que le politique et toutes les dimensions qui lui sont liées (la culture, le social, l’économie et la géopolitique) sont en grande partie conditionnés ou déterminés par les questions ethniques. Ce constat, bien que partant d’une réalité historique indéniable, n’est pas jugé recevable aujourd’hui par les universitaires en sciences humaines, sociales et politiques du fait de l’hégémonie dans les Universités des idéologies qui nient la réalité ou l’importance du fait ethnique dans la construction des réalités sociales. En effet, le marxisme qui a longtemps régné sans partage dans les sciences humaines et sociales au sein de l’université française, comme le démocratisme libéral qui est en train de lui succéder, ont su si bien imprégner les consciences des chercheurs que les seuls déterminants dignes d’intérêt sont les déterminants économiques et sociaux, parfois élargis à leurs superstructures culturelles.
Le processus contemporain de mondialisation en lançant de grandes migrations humaines à l’assaut de l’Europe en provenance d’Afrique et d’Asie conduit cependant les intellectuels non dogmatiques à remettre les questions ethniques au cœur des analyses historiques et politiques. Naturellement, cette démarche ne préjuge en rien de la qualité intrinsèque de chaque ethnie. Elle postule seulement la normalité de leurs différences réciproques et le caractère problématique de leur conciliation dans un même espace politique.
La notion d’ethnopolitique, qui vise à se construire en concept de sciences humaines, sociales et politiques, est au centre de ce nouveau champ de recherche.
L’analyse ethnopolitique se développe sur plusieurs champs disciplinaires. En histoire, elle vise l’étude des impacts géopolitiques, politiques, culturels, économiques et sociaux des grandes migrations humaines, tant dans leurs zones de départ que dans leurs zones d’arrivée. Elle suppose bien entendu l’étude préalable des caractéristiques anthropologiques et culturelles des ethnies en cause. En sociologie, elle vise à réintroduire le facteur ethnique dans l’étude générale des relations sociales afin de mieux comprendre la base de certains conflits religieux ou culturels, notamment dans le cadre des sociétés multiethniques contemporaines. En sciences politiques, en partant du constat d’Aristote (La Politique, V, 11) "qu’est facteur de sédition l’absence de communauté ethnique", elle vise à mieux comprendre la crise du politique dans les sociétés modernes devenues de facto multiethniques en montrant l’impact du facteur ethnique sur les sentiments d’appartenance et de solidarité politique et donc sur la cohésion des états.
Jean-Patrick ARTEAULT