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Que disait la presse mainstream lors de l’élection de Zelensky en avril 2019 ?

Que disait la presse mainstream lors de l’élection de Zelensky en avril 2019 ? Reprenons trois sources du moment : l’article du Monde du 21 avril de Benoit Vitkine, celui de La Croix du 28 mars d’Olivier Tallès après le premier tour et la synthèse de France Info du 22 avril 2019 actant son élection. Alors que ces rédactions nient maintenant la corruption, l’ukrainisation, la guerre dans le Donbass, la faillite du régime et la misère des Ukrainiens, ces trois articles jetaient en avril 2019 un regard cru sur l’élection présidentielle.

Leur relecture confirme notre totale incompréhension du soutien des démocraties occidentales au régime de Zelensky. Et, en creux, elle démontre la mainmise soudaine des services américains sur les médias européens, dans le but de soutenir les projets de l’Otan. Ceux-ci visent la déstabilisation de la Russie au prix de la totale trahison de nos valeurs jusqu’à sacrifier l’Ukraine et les Ukrainiens. Et comme le titrait le Monde : « Le pays fait un saut dans l’inconnu » ? En effet.

 

Le défi de la corruption généralisée

Il est maintenant interdit de rappeler que l’Ukraine est un pays victime de la corruption et d’une oligarchie mafieuse. Pourtant, que disaient ces journaux lors de l’élection d’avril 2019 ?

« Les Ukrainiens ont préféré, en élisant un parfait inconnu, faire un saut dans le vide plutôt que de poursuivre leur route avec une classe politique décrédibilisée par des années de prévarication. » (Le Monde)

Benoit Vitkine poursuit :

« Il est assez facile de comprendre contre quoi les Ukrainiens ont voté : corruption, guerre, pauvreté, ces maux associés à l’ère Porochenko. » (Le Monde) Le journaliste est encore plus explicite dans ses formulations :

« Les Ukrainiens ont estimé que nul n’était mieux placé pour démanteler le système politico-mafieux ukrainien que l’un de ses enfants, l’oligarque Petro Porochenko ; cinq ans plus tard, alors que leur pays est déchiré, ils misent sur un outsider investi d’une mission de salubrité publique. » (Le Monde)

Zelensky a bien été élu pour lutter contre la lèpre de la corruption. Benoit Vitkine le dit très bien :

« De fait, la tâche qui attend Volodymyr Zelensky est gigantesque. « Casser le système », comme l’a promis le candidat. » (Le Monde). Et le parallèle que le journaliste fait avec les États-Unis est troublant :

« « S’il se décide vraiment à agir, Zelensky va se retrouver face à l’État profond ukrainien, qui est bien plus puissant que l’État profond américain qui lutte face à Trump », prévient Iouri Romanenko, de l’Institut du futur, une structure qui a conseillé le candidat. » (Le Monde)

À peine l’élection enregistrée, c’est France Info qui apprend que la situation est compliquée dans un pays à la corruption endémique :

« Si Pierre Lorrain estime que Volodymyr Zelensky a un programme inexistant, il souligne qu'il a "un plan qui s'articule en deux points". Selon lui, le premier concerne la lutte contre la corruption. "Et là, son plan est bien établi, insiste-t-il. Il y a une vingtaine de points très précis qui font que si on l'applique, l'Ukraine peut sortir de la spirale de la corruption." Volodymyr Zelensky doit, en effet, une large partie de sa victoire à l’échec du gouvernement précédent à lutter contre la corruption, un fléau qui éclabousse une partie des élites du pays. En octobre 2018, dans son rapport sur la compétitivité mondiale (en anglais), le World Economic Forum a publié son indice de corruption annuel. L'Ukraine y figure parmi les pays les plus corrompus au monde ex-aequo avec l'Iran, la Sierra Leone et la Gambie. » (France Info)

Preuve donc, que l’oligarchie mafieuse ukrainienne n’est pas une fiction de complotiste ou de correspondants de Poutine à l’étranger. Étrangeté donc, de constater que depuis février 2022, nos oligarchies occidentales ont balayé ce constat. Pourtant, le peuple ukrainien a voté pour un « libérateur » de cette corruption de l’État. Depuis, rien n’a été entrepris en ce sens, bien au contraire. Zelensky a trahi ses électeurs, il a poursuivi dans la voie de ses prédécesseurs.

Mais pire encore, des milliards sont affectés à l’Ukraine en dehors de tout contrôle effectif de leur destination et de leur usage. Des armes sont transmises là encore sans contrôle effectif. Comment l’Union européenne, la France ou les États-Unis peuvent-ils apporter un tel soutien à un régime défaillant alors que nous subordonnons notre aide en Roumanie ou en Bulgarie à des mesures de lutte contre la corruption ?  

 

L’abandon de l’ukrainisation

Alors que ces mêmes médias nient maintenant le nationalisme ukrainien et ses provocations à l’encontre des populations de culture et de langue russes, Benoit Vitkine affirmait bien dans Le Monde :

« C’est d’ailleurs dans ce domaine que Volodymyr Zelensky s’est montré le plus précis, en disant sa volonté de cesser l’« ukrainisation » linguistique et culturelle menée par M. Porochenko et à laquelle n’adhère pas une partie de la population, de « réintégrer » les populations du Donbass, par exemple, en versant leurs pensions aux retraités des territoires de l’Est sous le contrôle des séparatistes prorusses. » (Le Monde)

La promesse sur laquelle il fut élu : cesser ce nationalisme linguistique qui existait bel et bien. Le lecteur notera qu’on punissait bien les russophones en les privant de leurs droits, dont celui à leur pension de retraite. Pour un État de droit, la mesure est étonnante !

Sa campagne relatée par Olivier Tallès de La Croix dans son article d’entre-deux-tours, montre bien que les décisions prises en 2014 ont brisé l’unité de l’Ukraine en exacerbant des tensions ethniques et linguistiques. Même La Croix parle bien à cette époque de tension ethnique (CQFD). Et Zelensky apparaît comme le pacificateur :

« Dans les villes de l’est et du sud, Volodymyr Zelensky est en passe de détrôner les candidats traditionnellement pro-russes, issus du parti des régions de l’ancien président en fuite Viktor Yanoukovitch. L’humoriste rassemble aussi à l’ouest et au centre, gommant les clivages linguistiques et ethniques habituels du pays. » (La Croix)

France Info constate aussi la réalité nationaliste depuis 2014, et la radio souligne la position du nouveau président désireux de réunir les Ukrainiens par-delà ces rivalités artificielles et dangereuses :

« Le président sortant avait imposé un agenda nationaliste. À l'inverse, Volodymyr Zelensky veut "cesser l’'ukrainisation' linguistique et culturelle menée par Petro Porochenko et à laquelle n’adhère pas une partie de la population" et "'réintégrer' les populations du Donbass" majoritairement russophones, rapporte Le Monde. » (France Info), la radio faisant référence à l’article du Monde que nous utilisons aujourd’hui.

L’ukrainisation n’est donc pas un fantasme de serviteur de la cause russe. C’est une réalité vécue par les populations, avec son cortège d’humiliations, d’agressions et de combats menés à l’intérieur des frontières, entre Ukrainiens. La trahison est là encore immense. Le peuple a été trompé par le comédien.

Comment l’Occident compte-t-il sortir de la guerre, même dans l’hypothèse d’une victoire ukrainienne ? Comment seront traitées les populations russophones ? Nous disposons déjà de témoignages d’exactions, de meurtres, de tortures ? La reprise de ces territoires ne s’accompagnera-t-elle pas d’une chasse ethnique ? L’Occident aveuglé par son projet de déstabilisation otanesque de la Russie semble prêt à sacrifier des populations, comme en Afrique. Un ethnocide de plus à notre actif, voilà tout.

 

La promesse de la paix

Comme le rappelle Benoit Vitkine, Zelensky se distinguait de ses adversaires politiques du fait de sa promesse de mettre un terme à la guerre du Donbass.

« Volodymyr Zelensky a aussi décomplexé les Ukrainiens en reprenant à son compte leur ras-le-bol de la guerre. » (Le Monde) Il poursuit en ce sens :

« Il a dit son intention de « relancer » le processus de paix avec la Russie, dans le cadre des accords de Minsk, qui impliquent la France et l’Allemagne. » (Le Monde)

À ce sujet, Olivier Tallès de La Croix confirme bien l’analyse de la situation depuis 2014. La guerre est là, entre Ukrainiens, faisant des morts inutiles. Or, le journaliste montre bien que la guerre intérieure était bien là, et que les électeurs voulaient en sortir en votant pour l’homme qui promettait la paix en Ukraine :

« Valentina découpe sans trembler le lait caillé. La babouchka consent du bout des lèvres à parler de son quotidien haché par le fracas des tirs des soldats ukrainiens et des rebelles séparatistes. La ligne de front est à une poignée de kilomètres de son épicerie, à l’entrée du village de Gnutova. En parlant de l’élection présidentielle, son regard s’anime enfin. Volodymyr Zelensky est la surprise qu’elle n’attendait plus. Son candidat « saura négocier la paix », assure-t-elle. Il virera « la clique qui a détruit le pays ». L’idée la fait sourire d’avance, comme une bonne blague. » (La Croix)

Et cette situation conflictuelle, Olivier Tallès la mentionne aussi, avec ce couple qui espère :

« Ruslan Shvachko et son épouse Elena, un couple de trentenaires que la guerre a contraint à abandonner leur maison. Ils sont néophytes en politique et se disent séduits par l’image de self-made-man du comédien, devenu célèbre avec son personnage de professeur d’histoire qui se retrouve élu à son insu président de l’Ukraine. » (La Croix)

De même, au soir de son élection, les commentateurs de France Info sont explicites sur la motivation pacifique du nouveau président Zelensky :

« Le second point saillant du plan de Volodymyr Zelensky vise à faire la paix avec Moscou pour reprendre le contrôle sur le bassin houiller et industriel du Donbass et sur une partie de sa frontière avec la Russie. "Il a les moyens parce qu'il a une position pragmatique. Il dit 'la Russie est notre ennemi mais pour finir une guerre, il faut négocier avec l'ennemi donc engageons des négociations’", commente Pierre Lorrain. De fait, lors de sa première conférence de presse après sa victoire, Volodymyr Zelensky a dit souhaiter "relancer" le processus de paix de Minsk et "arriver à un cessez-le-feu", en référence aux accords signés en février 2015 dans la capitale biélorusse sous l'égide de Kiev, Moscou, Paris et Berlin. Pendant sa campagne, il a évoqué l'idée d'associer les Etats-Unis ou le Royaume-Uni au processus de paix. "Le plus important est de cesser le feu", a-t-il martelé. » (France Info)

Par quel miracle donc, cette promesse de paix, cet engagement pris devant le peuple ukrainien qui aspirait à la paix a-t-il été trahi ? Qui a interféré ? Qui a fait basculer Zelensky dans une logique belliqueuse acharnée qui contredit point par point son engagement électoral le plus clair ? Ceux qui écoutent la démocratie ne peuvent donc souscrire à la logique de guerre qui lui a été visiblement imposé d’ailleurs, en contradiction totale avec le vœu des électeurs ukrainiens. Comme nous tous, les Ukrainiens voulaient la paix avec leurs frères et une réconciliation nationale.

Cette dérive nous concerne aussi. Aucun peuple n’a donné mandat pour la guerre, ni en Ukraine, ni en Europe, ni aux États-Unis. Pourtant, quelques oligarchies agissent contre nous tous. Il est peut-être urgent d’initier des grands mouvements populaires d’affirmation de notre préférence pour la coopération internationale et la paix entre les nations. Ces « élites » semblent vouloir s’enrichir par la guerre et la destruction, capitalisme dévoyé oblige.

 

Le piège des oligarques

Et comment se libérer d’une oligarchie omnipotente ? C’est bien le piège d’une démocratie largement factice où les candidats sont interchangeables, car aucun ne peut affronter réellement cette gangrène qui mine la société ukrainienne. Benoit Vitkine doute de la capacité de Zelensky à mener ses réformes promises aux populations et qui lui valurent 73 % des voix. Il explique à ce sujet :

« Preuve en est, les accusations faisant de lui une marionnette de l’oligarque Ihor Kolomoïski lui ont glissé dessus, malgré des enquêtes sérieuses sur l’influence prêtée au milliardaire. Celui-ci est l’un des plus grands perdants de l’ère Porochenko, durant laquelle sa Privatbank a notamment été nationalisée, et plusieurs de ses hommes gravitent dans l’entourage du président élu. » (Le Monde)

Le journaliste du Monde témoigne de la potentielle violence des oligarques qui n’accepteront pas de perdre de leurs avantages :

« Mais il faudra aussi compter sur l’opposition de ceux qui ont à perdre d’un changement « Il y aura des résistances énormes, admet également Oleksandr Danyliouk, un ancien ministre des Finances et le plus expérimenté des réformateurs à avoir rejoint le jeune candidat. » (Le Monde)

Et sans aucune naïveté, Benoit Vitkine indique que Zelensky est lui aussi lié à certains de ces oligarques qui règnent sans partage sur l’Ukraine :

« Mais plus encore, la question de son entourage interroge. À ses côtés, des réformateurs bon teint comme M. Danyliouk cohabitent avec d’autres cercles moins recommandables issus notamment des équipes de l’oligarque Kolomoïski, à qui le candidat a rendu visite à plusieurs reprises durant la campagne. » (Le Monde)

Le piège des oligarques est bien décrit. La démocratie est défaillante parce que les promesses ne seront pas tenues. Elles ne sont pas tenables, sans un bouleversement politique beaucoup plus radical. « Casser le système », disait le candidat en campagne !

En conclusion, il est inouï de constater que ces mêmes médias ont changé totalement leur narratif de la situation en Ukraine : sous l’influence de qui ? Pour quelles raisons ? Dans quels buts ? Ces rédactions savent comme nous ce qu’il en est des faits. Pourtant, plus rien sur ce pouvoir mafieux, plus rien sur le nationalisme destructeur, plus rien sur les promesses du candidat, plus rien sur le redressement économique et sur la paix. Cette inversion s’explique-t-elle ? Oui. Elle a une seule et unique origine possible, l’intrusion massive d’institutions subversives étatiques totalement hostiles à la paix et au développement de l’Ukraine. L’enjeu est ailleurs.

Et les pauvres électeurs ont été trahis comme cette jeune femme, dont Olivier Tallès reprend les propos :

« « Son inexpérience ? Je n’en ai pas peur, il ne peut faire pire que ses prédécesseurs », lance Alina Lissenko, 29 ans. La jeune femme aux ongles interminables tient la permanence électorale à Marioupol » (La Croix)

Certains évoquaient alors l’ultime espoir offert par le comédien, disant ce que le peuple voulait entendre, croyant peut-être illusoirement pouvoir agir en ce sens. Mais le système est plus fort que le peuple, il est plus fort que ce jeune président qui va se retourner pour défendre tout ce qu’il a dénoncé. Voilà le destin tragique d’une Ukraine promise à la destruction pour des enjeux qui en font l’instrument d’une puissance visant l’affaiblissement d’une autre. Je persiste dans ce diagnostic que nous sommes outrageusement manipulés, nous aussi, par des oligarchies qui n’ont que faire des populations, en Ukraine et ailleurs.

Les pièges sont terrifiants : fabriquer des ennemis, entretenir et faire monter la haine, promouvoir la guerre, installer la violence et la ruine pour mieux asservir des populations tétanisées, déplacées, déboussolées, et comme nous venons de le montrer, dominer et enrégimenter les médias. 

Pierre-Antoine Pontoizeau, pour FranceSoir (Publié le 02 novembre 2022)

Essayiste, chercheur et fondateur de l'Institut de Recherches de Philosophie Contemporaine, Pierre-Antoine Pontoizeau a notamment publié des ouvrages sur la théorie de la communication, la théorie des organisations, la théorie du langage politique et la philosophie des mathématiques.

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