Comme le rapporte ZeroHedge, le New York Times – navire amiral de la propagande russophobe occidentale – vient subrepticement de changer de tonalité en écartant désormais la « victoire ukrainienne inéluctable » tant vantée reconnaître que « les sanctions anti-russes sont un échec », et qu’elles ne font sacrément mal qu’à l’Europe. Le NYT n’étant plus qu’un service de communication de l’Etat profond, il n’en valide pas moins le fait que le credo quia absurdum, qui dominait jusque-là le discours guerrier occidentaliste, est bien terminé. Mais que signifie un tel virage ?
Par qui l’Amérique est-elle gouvernée?
Pour le comprendre, il faut rappeler comment est « gouvernée » l’Amérique. Certainement pas par cette marionnette sénile qui passe pour son président et qui vient encore de se ridiculiser à la face du monde par une des gaffes dont il est coutumier : « Plus de la moitié des femmes dans mon administration sont des femmes », certainement pas gouvernée non plus par « we the people » dont les élites américaines se moquent éperdument, et surtout pas non plus par son troupeau de politiciens mimétiques, tous ou presque étant corrompus.
Alors par qui ? Un simple agrégat en fait des plus gros actionnaires des multinationales US d’une part, mais également par son prolongement de fonctionnaires immergés dans les quelques 400 agences de l’État US et s’étant simplement rendus indépendants avec leurs domaines de responsabilité. On l’appelle aussi « the swamp », « le marais », ou plus communément l’État profond comme le formulent lesdits « complotistes », dont on sait désormais qu’ils ne font que dire la vérité avant tout le monde. Bref, l’Amérique – et à l’instar de ses vassaux européens – n’est plus souveraine, mais la simple propriété privée de qui a les moyens de la corrompre dans tous les sens du terme.
Ces riches dont Kennedy disait déjà que « pour eux, trop n’était jamais assez », sont de plus structurés en factions idéologiques, donc pas forcément d’accord sur tout. Rien ne dit par exemple que toutes veulent absolument la destruction de la Russie, qui est la vieille obsession de la faction d’obédience anglaise et qui refuse obstinément de rejoindre les poubelles de l’histoire en tant que bénéficiaires ultimes de feu l’Empire britannique. Bref, il s’agit de l’incarnation d’un capitalisme parfaitement dévoyé, car devenu parasitaire et surtout fou de vouloir refondre le monde à son image, le fantasme sénile classique de ceux qui se prennent pour Dieu.
La Discorde chez l’ennemi – selon la formule gaullienne
Pour résumer la situation actuelle de ces factions s’impose l’excellente formule de gaullienne de la « discorde chez l’ennemi ». Et cette discorde a procédé directement du fait que l’usure de la guerre en cours les ont forcées à redécouvrir que la Russie, précisément, d’une part n’est pas la Grenade, c’est-à-dire une île au milieu de nulle part qu’on peut écraser impunément, ni l’Irak, ni la Syrie, ni l’Afghanistan, etc; d’autre part que son économie est bien plus robuste qu’attendue; et enfin qu’elle surclasse militairement l’Occident sans contestation possible. Bref, la Russie, c’est du trop costaud quand elle ne laisse pas les traîtres [1]de sa 5° colonne la gouverner, tel que par exemple Youssoupov et tous les siens, le chef de l’Okrana, Kérenski, Trotski, Khrouchtchev, Gorbatchev et Elstine. Sachant que la relève est toujours assurée et l’espoir constituant pour certains une stratégie … l’option reste de toutes les façons « sur la table ».
En clair, les va-t-en-guerre américains ont commis une énorme erreur d’appréciation stratégique, comme Adolf d’ailleurs, mais aussi Napoléon.
Parmi ces factions, il en est cependant qui le savaient déjà, comme le Pentagone d’ailleurs et au simple motif pour celui-ci qu’il est d’abord chèrement payé pour le savoir ! Simplement n’ont-elles pas réussi à en convaincre les autres factions, dont en particulier celle de la CIA, plus habituée à se tromper sur tout, planquée derrière son « plausible denial »[2], jusqu’à cependant que n’éclate l’absurdité de cette minable affaire des 300 chars pour croire l’emporter sur le terrain. On peut considérer d’ailleurs que le rapport de la Rand Corporation qui fait subitement tant de bruit a été suscité par le Pentagone lui-même.
Les chars OTANiens n’ont aucune perspective face à l’artillerie russe
Pour être plus précis, mais aussi pour contredire tous ces gamelins de plateau et leurs imitateurs pékins, le char dit « de bataille » est aujourd’hui parfaitement obsolète, tout comme le porte-avions d’ailleurs, même si les Russes en fabriquent encore. C’est ainsi.
Même un millier de chars eussent été insuffisants. On sait par exemple qu’au cours d’un récent échange entre patrons des armées américaine et ukrainienne, ce dernier a admis la perte de plus de 6000 engins blindés depuis le début de cette guerre.
La moitié d’un tel chiffre commence donc à peine à être sérieux, mais à la condition de s’inscrire dans un système de combat cohérent, c’est-à-dire complet, entraîné et aguerri, et disposant des appuis et soutiens aérien, logistiques, de renseignement etc…. Et ceci sans même évoquer la question des chefs idoines, dont manifestement l’Occident ne dispose pas vu son état de déliquescence, lequel est juste comparable à celui de l’Empire romain à l’agonie, qui ne tenait même plus ses frontières avec ses légions constituées de barbares.
Au final, sans une artillerie au moins équivalente à celle des Russes, ces chars si nombreux soient-ils, n’ont aucune chance d’arriver à leur contact, d’autant qu’il leur faudrait un an au moins pour y parvenir. Or un tel délai suffit déjà largement à l’armée russe pour liquider même lentement ce qu’il reste de l’armée ukrainienne. On peut donc dire que le volet du combat militaire classique et hors propagande de ce conflit est virtuellement clos, ce qui ne signifie cependant pas la fin des combats, le terrorisme et le sacrifice y pourvoyant alors largement pour les entretenir.
Le vainqueur de la guerre d’Ukraine est…la Chine!
Il n’y a cependant pas que le Pentagone que cette guerre n’enthousiasme plus. On notera ainsi, malgré les dénégations d’usage, que « quelqu’un » a bien proposé aux Russes une sorte de deal du type : « vous gardez 20 % de l’Ukraine et on en parle plus ». Outre le fait qu’il n’y a strictement personne en Occident pour négocier quoique ce soit – là encore, une énorme erreur américaine – un tel deal n’aurait, d’évidence, pas d’autre but que de sauver ce qui peut encore l’être de la propriété de l’oligarchie, en particulier celle des fonds de pension américains auxquels le « Churchill ukrainien [3]» a vendu cette terre ukrainienne si riche, et ceci juste avant le début des hostilités. La terre ukrainienne n’appartiendrait donc plus vraiment à ceux qui pourtant se battent et meurent pour elle. Comme on dit: « À la guerre, il y a plus de cocus que de morts … »
Mais tout cela suffit-il à expliquer ce changement de tonalité dans le discours propagandiste américain ? Non, car la « bête » est elle-même trop enragée pour entendre une quelconque raison. Il lui faut autre chose pour réagir ainsi, et qui ne peut alors que se situer dans la dédollarisation en marche et son facteur clé qui est la Chine. Nul ne l’a trop ouvertement suggéré jusqu’à présent, mais le principal vainqueur de cette guerre est pour l’instant … la Chine précisément. Ceci est d’abord dû au fait que la Russie se bat indirectement pour la Chine, les Russes jouant en quelque sorte le rôle « d’Ukrainiens » des Chinois dans une sorte de très subtil jeu de go géostratégique multidimensionnel. Mais c’est aussi la conséquence de ces gens aveuglés de suprématisme qui osent aussi menacer Pékin.. Il devient dès lors primordial pour cette puissance de ne pas se retrouver pris en tenaille par ces mêmes Américains, entre le Pacifique et la Sibérie. N’oublions pas en effet qu’en 1918 déjà, les Américains ont débarqué à Vladivostok avec les Japonais …
Dit autrement, toute défaite russe est stratégiquement inacceptable pour la Chine, ce qui l’oblige en tant que première puissance économique ( eh oui ) à accélérer la destruction de l’État profond US via ce qui en constitue le fondement même, à savoir le dollar, fondamentalement une monnaie de singe.
La guerre contre le dollar est le cœur de l’affrontement actuel
La guerre contre le dollar constitue donc de loin le volet majeur de cette guerre en cours dont l’Ukraine n’a vocation qu’à produire le nécessaire tintamarre propagandiste à partir duquel – on le sait bien – les Américains croient très fermement qu’ils vont gagner. Ça s’appelle la « pensée magique » et c’est inscrit dans leurs gènes de manipulateurs de foules. Or ce volet est aussi le plus imperceptible de cette guerre, ce qui précisément procède du fait que seuls ceux qui perdent beaucoup de dollars s’en rendent compte, mais ne peuvent pas le dire. Tel est pris qui croyait prendre, et c’est une guerre économique en bonne et due forme. mais on ne vous le dira pas. Et ce sont donc les garants du dollar qui aux États-Unis commencent vraiment à s’affoler, et qui par conséquent veulent désormais réorienter une guerre par trop mal engagée pour eux.
Le problème est alors pour eux qu’ils ont perdu toute forme d’intelligence américaine, une perte rédhibitoire qui se double d’un incroyable pourrissement dans lequel s’enfonce l’Amérique entre les assauts du gauchisme marxiste culturel stipendié par les riches, la récession provoquée par les banques, la crise des opioïdes organisés de l’intérieur pour de sombres affaires d’argent, la destruction des grandes villes américaines sous l’effet de l’idéologie des Démocrates, le mensonge devenu systémique, l’hystérie collective devenue la norme du comportement …. au point que l’idée même d’une sécession interne ne relève même plus de la figure de style.
Alors, que peut-il advenir ? Comme le dit la vieille formule, « une hirondelle ne fait pas le printemps » et l’Amérique n’a pas encore rendu les armes, loin s’en faut. Mais elle est très mal en point et comme l’a écrit en 1964, Richard Hofstadter : « Tout historien de la guerre sait que c’est en bonne partie une comédie d’erreurs et un musée de l’incompétence ; mais si à chaque erreur et à chaque acte d’incompétence on peut substituer un acte de trahison, bien des points d’interprétation fascinants s’offrent à l’imagination paranoïaque » ( Le style paranoïaque dans la politique américaine ).
Les deux options pour la Russie
Par conséquent, un schéma prospectif d’où se déclinent les divers scénarios possibles pourrait être le suivant. Il va principalement dépendre de la Russie et en particulier du choix binaire qui se présente à elle. Soit elle traitera finalement avec l’Amérique, ce qui ne fera que signifier que celle-ci recommencera dans 5, 10, 15 ou 20 ans à coup sûr, soit au contraire elle ne traite pas et la laisse poursuivre dans la voie son effondrement, l’élimination de sa puissance étant l’objectif.
La première option est inscrite dans l’anthropologie politique russe qui a toujours inexplicablement cherché à sauver la face des Américains, au prix de sa propre défaite stratégique. Le risque sera alors nécessairement politique et dans ce cas il sera énorme pour le gouvernement russe lui-même qui ne sera certainement pas suivi par sa population.
La seconde option pose inévitablement la nécessité de préparer d’emblée une « seconde frappe » anti-US forcément décisive, étant par ailleurs entendu qu’elle repose sur le seul postulat, cohérent, mais implacable, qui veut que l’Amérique d’une manière ou d’une autre cherchera à provoquer la première frappe provocatrice, y compris d’ailleurs « par devers elle », sauf si sa crise interne l’amène auparavant soit à se diviser, soit à l’éclatement de son État profond.
L’Europe ne compte plus comme acteur stratégique
On note enfin que l’Europe ne compte plus en tant qu’acteur stratégique dans cette guerre, sinon comme simple variable d’ajustement des erreurs américaines. Ceci est tout simplement la conséquence de sa vassalité acceptée (« Ruere ad servitium », disaient les anciens). Mais c’est aussi le sinistre résultat de son niveau absolument aberrant de corruption. Ainsi, pour le monde extérieur, l’Europe c’est quoi ? C’est surtout sa « présidente » qui contracte « anormalement » avec la firme Pfizer ( autrement dit le fonds de pension Vanguard ) pour une somme de 36 milliards d’euros ( avec une com’ est estimée à 2 % par les spécialistes es corruption ), et sans cependant qu’il soit possible d’enquêter sur une telle dérive: d’une part le parquet européen anti-corruption est dirigé par une personne poursuivie elle-même en Roumanie pour … corruption, et d’autre part le chef de ladite personne, qui est le commissaire européen à la justice, est lui-même potentiellement impliqué dans un nombre considérable d’affaires de corruption.
Aux dernières nouvelles, le ministre ukrainien de la Défense, Oleksii Reznikov, qu’on voit dans tous les médias occidentaux « serait » impliqué dans les scandales de corruption qui ont entraîné ces dernières semaines plusieurs démissions de haut niveau à Kiev. Comment alors s’étonner que ce « haut niveau » ukrainien précisément soit lui aussi corrompu à cœur comme ses prétendus alliés ? On est donc forcé de constater que la corruption est une dimension essentielle de cette guerre en Ukraine, ce qui constitue le signe indubitable d’une société décadente.
Tout ceci signifie alors que, resituée dans la bonne perspective, cette guerre au fond minable des USA vs la Russie et (surtout) la Chine, est bien le piège de Thucydide idéal de la guerre entre la puissance déclinante et les puissances montantes. Un très grand classique de l’histoire !
Alexandre N.
Notes :
[1] Celle des traîtres domestiques, la 5° étant, conformément à l’histoire, celle des traîtres infiltrés de l’extérieur. En Russie, on les appelle aujourd’hui indifféremment les « créatifs », et la plupart émigrent …
[2] Un principe d’irresponsabilité permettant à cette agence de provoquer des guerres sans n’en assumer strictement aucune responsabilité au nom d’une pseudo sécurité nationale …
[3] Une stupidité proférée par un quelconque petit « expert » français, et qui fait fi du fait que les Israéliens ont négocié avec Poutine que le président ukrainien ne serait pas liquidé ( déclaration de l’ancien premier ministre israélien Olmert ). « Alors qu’il était jusque là terré dans un bunker, Zelensky ayant reçu des garanties que Poutine ne le tuerait pas, a commencé à déclarer qu’il n’avait « pas peur de Poutine ». Tel est en fait le nouveau Churchill en question.
Source : Courrier-stratèges - 7 février 2023