Le président américain Joe Biden, en baisse dans les sondages, et l'ancien président Donald Trump, en hausse dans les condamnations, ont déjà entamé leur campagne électorale. Chacun à sa manière, mais tous deux sans argument décisif en matière de politique étrangère et de sécurité, ou de politique économique ou sociale. Tous deux savent cependant que la première, la politique de défense, n'aura aucune importance pour le vote.
Biden a tenté de se présenter comme le président qui a resoudé l'OTAN, rétabli l'hégémonie sur l'Europe et ainsi obtenu un soutien pour la guerre en Ukraine. Ces déclarations ont convaincu la quasi-totalité des alliés européens, mais pratiquement personne dans notre camp. Non pas parce qu'elles sont fausses, mais parce qu'elles sont « éloignées » de la géographie et de la pensée américaines. Paradoxalement, M. Biden peut compter sur le soutien de l'Europe à la guerre parce qu'il n'a jamais expliqué clairement aux citoyens américains ce que signifie la guerre en Ukraine et quels sont les intérêts et l'engagement des États-Unis. Il s'est toujours limité à une rhétorique anti-russe et à une prétendue défense de la liberté et de l'idéologie occidentale.
En fait, le « peuple » américain ne sait presque rien de la guerre en Europe et s'il en savait un peu plus, il ne l'accepterait pas. Les Américains ne savent pas que la cohésion des alliés européens est fragile, que les trois quarts du monde sont contre la guerre, que l'hégémonie militaire ne suffit pas à compenser la perte de l'hégémonie politique et économique. Et l'administration Biden est l'expression du Parti démocrate grâce au soutien de la moitié des petits ou « grands » électeurs de ce peuple délibérément maintenu dans l'ignorance.
Mais l'autre moitié est également désorientée. Le sénateur républicain Marco Rubio, ancien candidat à la Maison Blanche en 2016, partisan des sanctions contre le Venezuela et la Chine, et qualifié de « parrain » de Miami grâce au bassin électoral que lui procurent exilés ou immigrés cubains, a fustigé Macron pour ses déclarations sur les relations avec la Chine. En particulier, il n'a pas apprécié l'idée d'une autonomie stratégique européenne prônée par Macron, la promesse d'une équidistance dans le dossier taïwanais entre les Etats-Unis et la Chine, et la phrase aussi évidente que désagréable selon laquelle « être un allié ne signifie pas être un vassal ». Avec mépris, Rubio a commenté : « Si les Européens font cavalier seul et se détachent des États-Unis en suivant Macron, cela nous fera économiser beaucoup d'argent... Nous sommes aujourd'hui très impliqués en Ukraine. Nous dépensons beaucoup de l'argent de nos contribuables dans la guerre européenne. Et je l'ai soutenu parce que je pense qu'il est dans l'intérêt national des États-Unis d'être les alliés de nos alliés (sic !). Mais si c'est la position de nos alliés, si en fait Macron parle au nom de toute l'Europe, et que leur position est que,désormais, ils ne vont pas choisir leur camp entre les États-Unis et la Chine... peut-être devrions-nous leur dire que nous allons nous concentrer sur Taïwan et sur les menaces venant de la Chine, pendant que vous, Européens, vous occupez de l'Ukraine et de l'Europe. »
Oui, parce que la guerre en Ukraine est une question européenne et une responsabilité des Européens. L'Amérique nous ferait une faveur ; l'intérêt national des États-Unis est seulement de maintenir les alliés européens ensemble et c'est à eux de se battre en Europe contre la Russie. M. Biden n'a pas expliqué aux Américains que sans leur intervention et les accords bilatéraux anti-russes avec l'Ukraine, signés de 2008 à 2021, l'invasion n'aurait pas eu lieu et la guerre n'aurait jamais éclaté. Sans le soutien américain à l'Ukraine « aussi longtemps que nécessaire » et « par tous les moyens » (le « whatever it takes » repris par les Britanniques et les boyards de l'OTAN et de l'UE), la guerre serait terminée depuis longtemps et pourrait se terminer dès aujourd'hui. M. Biden continue de nier que la manœuvre américaine est une guerre dirigée contre la Russie et que, jusqu'à présent, elle a plutôt été dirigée contre l'Europe. Il affirme (en connaissance de cause ou simplement par calcul électoral) que le continent américain n'est pas menacé par une guerre européenne et que même une escalade nucléaire n'impliquerait pas les États-Unis. Et en effet, comme les analystes du Pentagone le lui disent depuis un certain temps, l'Europe serait frappée en premier.
On peut comprendre les objectifs, les récits, les aventures et les dénégations des Américains qui se considèrent à l'abri d'une guerre en Europe parce qu'ils sont séparés et protégés par des milliers de kilomètres et deux océans. Mais on ne comprend pas les mêmes récits, objectifs et aventures des Européens directement impliqués dans la guerre en Ukraine et séparés des combats par une centaine de kilomètres et quelques rivières et mers intérieures. Ou peut-être les comprend-on et vaut-il mieux ne pas raconter tout cela à nos peuples de toute façon.
Fabio Mini
Source: https://www.sinistrainrete.info/articoli-brevi/25577-fabi...