Ce texte est un « arrêt sur image » d’une réflexion en évolution constante1 et vise un aspect peu exploré par les médias concernant la guerre d’Ukraine dans ses dimensions les plus profondes. Il s’agit d’ailleurs ici plus d’une mise en perspective de ce conflit que d’un travail sur le déroulement même de la guerre sur laquelle nous n’avons pas d’informations privilégiées.
Un certain nombre d’analystes pro-russes, antirusses ou neutres font souvent un rapprochement avec la Guerre Froide (1947 – 1987) pour rendre compte de l’engagement des pays occidentaux en soutien au régime de Kiev contre la Russie de Vladimir Poutine. Ce rapprochement n’est pas dénué de pertinence mais, selon nous, le conflit actuel est encore plus intense et prend davantage l’aspect d’un conflit de civilisations alors que la Guerre Froide était un conflit entre deux systèmes au sein de la même civilisation. Nous y reviendrons parce que cette notion de guerre de civilisations nous semble rendre compte du caractère particulièrement âpre et haineux de la polémique antirusse dans les pays occidentaux selon un niveau d’intensité qui n’a jamais été atteint durant la Guerre Froide, sauf, peut-être, brièvement durant les années McCarthy aux USA au début des années 1950 ou le regain de tension de la fin des années 1970.
Côté russe, avec beaucoup plus de sobriété dans l’expression, on semble aussi conscient d’être dans un affrontement qui va au-delà des simples questions politiques, stratégiques ou économiques. Vladimir Poutine a parlé à plusieurs reprises d’un « conflit existentiel » pour la Russie l’opposant à « l’Occident collectif ». Cette dernière expression a, semble-t-il, été forgée par le Président russe au printemps 2022 et a été reprise par de nombreux responsables dans leur expression publique au point d’être devenue d’usage courant.
C’est cette expression que nous voudrions décrypter, dans son sens réel, pour comprendre ce qu’est l’ennemi que désigne ainsi la Russie. Par opposition et en miroir, on pourra tenter de percevoir comment se comprend la Russie elle-même, du moins par ses voix « non-occidentalisées ».
Par ailleurs, nous essaierons de montrer que le conflit de civilisation dont il est question traverse la Russie mais, plus intéressant, qu’il traverse également la zone dominée par l’Occident lui-même.
CF. Nota Bene 1
Il est intéressant de noter que lorsqu’ils parlent des « nations inamicales ou hostiles », les responsables russes ne désignent un pays particulier que si le problème qu’ils ont en tête concerne spécifiquement ce pays. Sinon, c’est toujours « Occident collectif » qui est employé. Débrouiller cette expression va permettre de dresser en creux le portrait de l’Occident « réellement existant ».
Cf. Nota Bene 2
On peut remarquer que la formule « Occident collectif » associe un singulier : « l’Occident » et une pluralité : « collectif ». On peut faire l’hypothèse qu’aux yeux des Russes cela signe une inspiration unique conjuguée à une multiplicité de manifestations.
C’est assez bien vu car, comme nous allons l’explorer l’Occident c’est à la fois une vision du monde, une structure idéologique commune et une pluralité d’organisations étatiques, paraétatiques, associatives et privées.
Sans faire une histoire détaillée, qui serait un autre travail, on peut périodiser les choses à partir des noms que l’Occident s’est donné à lui-même.
Au XIXe siècle, dans la grande période de développement de l’Empire Britannique, dont les intellectuels avaient pris le mot « West » (Occident) pour qualifier le monde politique et culturel de l’Anglosphère (les pays d’expression et de philosophie anglaises)2, période qui était aussi une grande époque de colonisation, « l’Occident collectif » s’était désigné comme « LE monde Civilisé ». Il mettait ainsi au rang des barbares le reste des habitants du monde, des Pygmées de l’Afrique de l’Ouest au mandarin lettré chinois en passant par le sultan ottoman, le cheik arabe, le noble russe et le roi hawaïen.
La Première Guerre Mondiale avait été une période de transition : l’Allemand quittait « LE monde Civilisé » pour devenir un Barbare, mais, en même temps, « The West » s’était approprié l’idée de Liberté et tenait les Empires germaniques pour les symboles de la Tyrannie3. Cette tendance s’est accentuée après cette guerre quand apparurent les dictatures Communistes et Fascistes. « L’Occident collectif » s’est alors nommé « LE monde Libre ». Le fait qu’il maintenait ses propres populations dans une dure sujétion sociale aux plus riches, qu’il pratiquait la colonisation violente et qu’il appuyait et finançait des dictatures quand elles le servaient, ne le troublait pas. Il a porté cette appellation jusqu’à la fin de la Guerre Froide et la disparition de l’URSS en 1991.
A ce moment, persuadé d’avoir définitivement gagné l’empire du monde4, il s’est modestement désigné comme « LA Communauté Internationale », bannissant qui bon lui semblait sous le nom « d’États Voyous » contre qui il était légitime de mener des « opérations de police internationale » pour en juger ou assassiner les dirigeants. Il se pourrait bien que 2022 marque un tournant radical dans cette dynamique.
« L’Occident collectif », ou, comme il se désigne aujourd’hui, la « Communauté Internationale », peut s’appréhender sous plusieurs angles.
Nous le décrirons successivement sous l’angle géopolitique, sous l’angle des structures qui le composent, sous l’angle de la sociologie qu’il recouvre : trois éléments qui lui confèrent sa dimension plurielle. Enfin, nous examinerons la vision du monde et la structure idéologique qui lui confèrent son unité.
L’Occident géopolitique
Nous rappelons que la géopolitique avant d’être une analyse des rapports de force stratégiques en relations internationales (comme elle est souvent comprise aujourd’hui) est d’abord une cartographie des atouts et des faiblesses des états de laquelle on peut tirer des objectifs possibles. Il faut donc cartographier l’Occident, expliquer sa composition (pourquoi il est ce qu’il est aujourd’hui) et ses points forts et faibles qui peuvent être des occasions de division.
L’Occident géopolitique se présente en plusieurs cercles concentriques autour d’un noyau central et c’est l’aboutissement d’un processus historique de plusieurs siècles.
Le noyau central
Ce sont incontestablement aujourd’hui les États-Unis d’Amérique qui le constituent.
On peut dater ce leadership du 14 août 1941 quand fut signée, sur le USS Augusta au large de Terre Neuve, la Charte de l’Atlantique par Franklin Delano Roosevelt et Winston Churchill selon les termes exigés par l’Amérique pour l’alliance entre les deux puissances.
Vers la fin de la Seconde Guerre Mondiale, cette primauté fut confirmée par la Conférence de San Francisco du 26 juin 1945 qui mettait en place le système des Nations Unies selon les normes étatsuniennes après que les Accords de Bretton Woods du 22 juillet 1944 aient remis sur pied un système monétaire international centré sur le dollar US et réformé le système commercial mondial (GATT) selon les visées libre-échangistes américaines.
Enfin, le 4 avril 1949, à la demande des Européens de l’Ouest, apeurés par l’Union Soviétique des débuts de la Guerre Froide, les États-Unis, par le Pacte de l’Atlantique, prirent la tête d’une alliance militaire, dès les origines à leur dévotion (OTAN).
A l’époque, les USA pouvaient appuyer leur nouveau statut sur un immense territoire doté d’importantes ressources minérales et énergétiques, une population nombreuse, relativement homogène, bien formée et industrieuse, leur rang de première puissance économique et technologique, celui de première puissance financière, sans oublier leur rayonnement culturel et leur poids militaire par la bombe atomique dont ils eurent le monopole jusqu’au 29 août 1949 quand les Soviétiques firent leur premier essai nucléaire. Pour donner une idée, les USA font en 1945 à eux-seuls la moitié du PIB mondial et détiennent les deux tiers des réserves d’or.
En 2021, ils avaient toujours le premier PIB du monde mais ils ne représentent plus qu’un cinquième du PIB mondial et cette part rétrécit chaque année parce que leurs atouts industriels et technologiques s’étiolent.
Le 1er Cercle
Il est composé des autres pays de l’Anglosphère (peuplée par des descendants d’immigrants britanniques et de langue et de culture anglaise) : Grande Bretagne, Canada, Australie et Nouvelle Zélande. On peut y ajouter l’État d’Israël.
Un peu d’histoire s’impose.
Nous avons laissé entendre tout à l’heure qu’il y avait eu un passage de témoin du leadership entre la Grande Bretagne et les États-Unis le 14 août 1941. C’est le moment de rappeler que l’Occident moderne s’est créé à partir de la Grande Bretagne5 dès la fin du XVIe siècle et s’est répandu dans le monde par son développement colonial. La Grande Bretagne a été la puissance dominante de cet Occident en expansion de la victoire sur l’Invincible Armada espagnole le 8 août 1588 à 1914. Elle a colonisé et peuplé en grande partie l’Amérique du Nord ainsi que les terres océaniennes. La langue et la culture anglaise, la philosophie politique et les valeurs de civilisation anglaises, les pratiques économiques et financières britanniques ont été imprimées sur ces pays en particulier.
Il ne faut pas oublier que les États-Unis d’Amérique sont une colonie britannique émancipée. Il peut y avoir de petits (ou grands) différents entre les pays de l’Anglosphère, mais, au fond, c’est la même famille. Ils le savent et, dans les moments délicats, ont la volonté de se rassembler.
La notion d’Occident que nous utilisons est la création de leur civilisation. Même le passage du leadership entre la Grande Bretagne et les USA s’est fait en relative bonne intelligence. Affaiblie par la Première Guerre Mondiale, la Grande Bretagne avait dû partager la direction du monde occidental avec les USA de 1918 à 1941, puis, encore plus affaiblie par sa participation à la Seconde Guerre Mondiale, elle avait dû transmettre le flambeau et devenir le lieutenant de son ancienne colonie.
Mais ne nous trompons pas, l’Anglosphère conserve des rapports privilégiés en son sein. S’il ne fallait donner qu’un seul exemple marquant, on peut citer « l’accord des Five Eyes », dont les origines remontent justement à la Charte de l’Atlantique de 1941, et qui est un accord de partage privilégié des renseignements obtenus par tous moyens. La grande presse connaît cet accord sous le nom du réseau de surveillance ECHELON depuis les années 19906.
Le cas particulier de l’État d’Israël dans le 1er Cercle est dû à deux facteurs principaux.
Tout d’abord, il faut considérer la puissance économique, financière et dans l’industrie des médias et de l’audiovisuel acquise par la Communauté juive américaine, par ailleurs particulièrement engagée en faveur de l’État d’Israël. Ce fait est capital dans un pays, les États-Unis, où une carrière politique est fonction de la quantité d’argent que l’on peut mobiliser.
Cf. Nota Bene 3
Un second élément mérite d’être noté : la constitution des « Chrétiens Sionistes » en groupe de pression important qui fait aussi du sionisme une question de politique intérieure étatsunienne.
On se rappellera d’abord que la question religieuse a joué un grand rôle dans la constitution des bases des USA. Les premiers colons à venir s’établir sur le territoire des futurs États-Unis étaient des Protestants fondamentalistes voulant quitter une Europe, qu’ils jugeaient « terre de perdition » pour une nouvelle « Terre Promise » américaine. L’exceptionnalisme américain, qui prétend donner des leçons au monde entier, leur doit beaucoup.
Si la composition de la population a varié, les USA restent un pays imprégné de religiosité, ce qui surprend souvent les français laïcisés, en particulier dans la « Bible Belt » (dans les états du sud-est). On y trouve là profusion de Protestants fondamentalistes dont une grande partie fait une lecture littérale de la Bible. On s’inscrit ici dans un courant qui attache une grande importance à l’Ancien Testament (la Thora christianisée des juifs) qui n’oublie pas que le protestantisme, en particulier calviniste, ouvrit la voie à de nombreuses sectes qui cherchaient à rejudaïser le christianisme contre la pratique pagano-catholique de la fin du Moyen-Âge.
C’est parmi ces gens-là que l’on trouve quelques millions de « Chrétiens Sionistes ». Ce sont des adeptes d’un littéralisme biblique à conséquences directes sur la politique étrangère des USA.
Nous résumons au risque de la caricature, qu’on veuille bien nous le pardonner.
Ces chrétiens, évangéliques pour la plupart, attendent le retour du Christ promis pour la fin des temps. D’après leur lecture des Écritures, la conversion des Juifs est un préalable nécessaire à ce retour : les Juifs doivent reconnaître le caractère messianique de Jésus. Mais ce phénomène ne peut advenir que si toutes les prophéties sont accomplies, en particulier celles qui ont trait aux promesses faites par Dieu à son premier peuple choisi. L’une de ces promesses, dans sa plus grande extension, était la maîtrise de la « Terre Promise » étendue du Nil à l’Euphrate7 et de l’actuelle Jordanie jusqu’à la plus grande partie du Liban.
Cette disposition d’esprit a rendu les Chrétiens Sionistes solidaires des buts géopolitiques des israéliens les plus maximalistes. Leur influence politique aux États-Unis, combinée à celle du lobby Juif a fait de la question israélienne une question de politique intérieure américaine. L’état hébreux est ainsi devenu, de facto, le quasi 51ème État des USA et leur partenaire le plus proche, à défaut d’être le plus commode. D’où sa place dans le 1er Cercle.
Le 2ème Cercle
Ce Cercle est composé des pays d’Europe progressivement acquis à l’idéologie occidentale sous l’impulsion de la Grande Bretagne d’abord, des U.S.A. ensuite. On y trouve d’anciens adversaires domptés des Britanniques : Espagne, France et Allemagne comme l’ancien glacis est-européen des Soviétiques durant la Guerre Froide. Ces pays aujourd’hui cumulent le plus souvent une appartenance à l’organisation « Union Européenne » et à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord8, la première étant la version civile de la seconde, qui est une structure militaire, et toutes deux sous supervision étatsunienne.
Le 3ème Cercle
Il s’agit ici des pays industrialisés d’Asie qui ont été agrégés à l’Occident soit à la suite de l’époque coloniale (Singapour), soit à la suite de la 2nde Guerre Mondiale (Japon) ou à la suite de la 2nde G.M. ET de la Guerre Froide (Corée du Sud et Taïwan). Liées stratégiquement et économiquement au 1er Cercle de l’Occident, les élites de ces pays ont été intégrées aux structures de sociabilité des élites occidentale et suivent globalement les orientations données par l’Axe oligarchique New-York – Londres – Bruxelles – Davos.
Au total ces trois Cercles représentent la « Communauté Internationale » qui a sanctionné la Russie, ce qui fait, au grand maximum, une population d’un milliard d’habitants sur huit milliards d’humains.
Même les pays du Sud dépendants de l’Occident, et qui ont certes condamné la Russie, se sont bien gardés de s’associer aux sanctions de la « Communauté Internationale ». Ce qui montre les limites de l’affection portée à des puissances occidentales déclinantes qui se sont surtout faites remarquées ces dernières décennies par leurs leçons de morale, leurs interventions militaires et leur exploitation économico-financière.
L’Occident structurel
L’Occident n’est pas simplement composé d’états de rangs divers et d’organisations interétatiques telles que l’U.E., l’OTAN, l’ASEAN etc., voire même les organisations du système des Nations Unies, du moins pour celles intégralement chapeautées par les Occidentaux.
Très tôt, les Occidentalistes9 ont produit une multitude de structures non-étatiques pour contrôler, d’abord leurs propres états (d’où la notion « d’État Profond » qui s’est imposée pour les décrire en Occident), puis piloter les grands processus internationaux et tous les sujets dans leurs agendas.
En économie, on y compte les grandes institutions bancaires et financières transnationales, les grands groupes de communications et de médias, les cabinets de conseil, les groupes d’influence généralistes ou spécialisés, représentants tels ou tels courants occidentalistes, les groupes d’étude (think tanks), les fondations et ONG qui « travaillent » tels ou tels secteurs de l’activité humaine, et de multiples réseaux plus ou moins formels.
Ce sont des centaines, peut-être des milliers de structures qui ont une double fonction : faire ce que les états ne savent pas, ne peuvent pas ou ne veulent pas faire et encadrer, orienter ou contrôler les populations ordinaires10 des pays occidentaux.
La partie non directement économique de cette mouvance est souvent désignée par l’expression « société civile ».
Les voix autorisées en Occident emploient cette dernière formule pour faire croire aux gens ordinaires que la myriade d’associations ou d’ONG à vocation culturelle, éducative, écologique, sociétale ou humanitaire s’exprime au nom de l’ensemble de la société et donc représente en quelque sorte les gens ordinaires eux-mêmes. C’est totalement faux.
Les associations ou ONG qui sont autorisées à agir dans ces domaines sont financées par les états (ou des structures publiques qui dépendent des états), par des organisations interétatiques ou par des fondations privées dépendantes des oligarchies, voire financées par les trois à la fois.
Or, on le sait : qui paye commande. Dans les faits, ces associations ou ONG sont donc des outils d’ingénierie culturelle, politique et sociale destinées à implanter des perspectives occidentalistes et contrôler la population générale. Leur nombre crée une impression de pluralisme alors que toutes celles qui ont pignon sur rue et des financements conséquents, poussent dans le même sens global, seulement séparées par les nuances des divers courants occidentalistes11.
L’Occident sociologique
L’Oligarchie des possesseurs de capitaux
Comme nous l’avons déjà abordé ailleurs, il faut d’abord prendre en compte la notion d’oligarchie. Le phénomène oligarchique, selon l’école d’analyse politique réaliste à laquelle nous nous rattachons, est un universel anthropologique et politique12. Avoir affaire à une oligarchie dominante n’est donc pas incongru. En revanche, on peut contester le type d’oligarchie qui a constitué « l’Occident collectif » autour de ses intérêts et des fins de ses cercles moteurs.
Depuis environ quatre cents ans, à partir du noyau anglo-américain, s’est affirmée l’emprise d’une ploutocratie, c’est-à-dire la domination d’une caste de riches. Elle s’est constituée d’abord à partir de financiers-marchands au XVIIe siècle puis elle s’est agrandie au fil des diverses révolutions technologiques et industrielles. On n’en fera pas le détail, disons, pour résumer, qu’elle se concentre dans les principaux propriétaires de capitaux quelque soient leurs secteurs.
On parle souvent du « capitalisme » en général ou des méga-entreprises pour désigner la « maîtrise d’ouvrage » du monde occidental. C’est doter le système et ses instruments de configuration d’une volonté propre. On oublie trop souvent qu’au cœur des structures financières et économiques de l’Occident, il y a des hommes concrets qui décident, orientent, désirent, font agir, récoltent les fruits de leurs actions et… en jouissent.
Quand on remonte la chaîne des structures on trouve toujours des êtres de chair et de sang, au moins tant que n’existeront pas des Intelligences Artificielles dotées de conscience et d’autonomie de décision et d’action...
Au sein de la ploutocratie (sans doute moins d’un million de personnes de tous niveaux de fortune, familles comprises, pour l’ensemble du monde occidental), il faut distinguer l’Avant-Garde des Suiveurs. Les Suiveurs se contentent de diriger leurs affaires, de jouir de leurs bénéfices et de « suivre » l’Avant-Garde dans ses agendas.
Celle-ci est constituée de ceux, parmi les possesseurs de capitaux, qui ont des projets de configuration du monde à caractère idéologique. Ceux-là utilisent leur fortune pour faire progresser des projets. Quelques noms célèbres permettront de voir ce qui les distingue des ploutocrates « de base » : le défunt David Rockefeller, longtemps figure de proue du Groupe de Bilderberg et créateur de la Commission Trilatérale, deux fers de lance de la mondialisation occidentaliste ; George Soros qui utilise sa fortune pour financer la galaxie de l’Open Society pour la reconfiguration politique et idéologique du monde ; Klaus Schwab, fondateur et propriétaire du Forum de Davos qui pousse l’idéologie du Great Reset ; Bill Gates, dont le projet de réduction de la population mondiale s’appuie sur sa Fondation et sa propagande en faveur de la vaccination par des produits douteux etc…
Pour tous ces gens et bien d’autres, on ne peut pas dire que la richesse soit la finalité, c’est plutôt l’instrument pour conduire à bien des projets idéologiques et politiques qui sont leurs véritables buts. L’argent est leur moyen d’action car dans l’Occident deux principes sont à retenir : « Qui paye, commande » avons-nous déjà dit et « la main qui donne est au-dessus de la main qui reçoit ».
La Classe dirigeante
L’Oligarchie proprement dite est trop peu nombreuse pour maîtriser l’ensemble de la zone occidentale et ceci indépendamment des nuances qui peuvent exister en son sein. La Classe dirigeante constitue l’intermédiaire qui permet de gouverner les sociétés occidentales. Il ne s’agit pas seulement des dirigeants politiques mais de tous ceux qui dirigent les secteurs névralgiques : Finances, économie, défense, universités, médias, administrations. Ce sont des personnes extrêmement qualifiées et très bien rémunérées mais qui ne sont pas de grands possesseurs de capitaux, ce qui les place dans la catégorie des dépendants : leur maintien en position dépend alors de leur docilité. Elles partagent d’ailleurs la vision du monde, l’éducation, une partie du style de vie et la sociabilité de l’Oligarchie. C’est dans ce vivier que celle-ci vient coopter un certain volant de renouvellement, de même qu’elle y trouve en général ses gendres et ses brus.
La Classe dirigeante est souvent mieux connue du public des gens ordinaires que l’Oligarchie. En effet, si certains ploutocrates cultivent les démonstrations de publicité, la plupart préfèrent la discrétion. En revanche, les membres de la Classe dirigeante sont, par leurs fonctions de direction, plus exposés. On peut qualifier cette Classe d’Oligarchie par aspiration. Incidemment, à ce titre, ses membres peuvent jouer le rôle de fusibles13.
Les cadres supérieurs
On arrive ici à la couche inférieure de la sociologie occidentale mais qui se trouve au contact direct de la masse des gens ordinaires. Celle, sans laquelle les directives de la classe dirigeante ne pourraient s’incarner dans le réel. C’est la classe, que pour les englober tous, on appellera celle des Cadres Supérieurs. Il s’agit d’une Classe dirigeante par aspiration qui applique, imite et propage les idées et consignes de ses maîtres pour se différencier des petites gens qu’elle méprise d’autant plus qu’elles lui rappellent souvent d’où elle provient à une ou deux générations près.
C’est une classe de techniciens supérieurs dans de nombreux domaines et de technocrates rompus aux procédures de la direction et du contrôle social pratique.
Nous n’en dirons pas plus ici, nous avons détaillé davantage dans d’autres écrits. Il faut retirer de tout cela l’idée que la sociologie de l’Occident valide la théorie des classes de Karl Marx et de quelques autres.
L’Occident est bâti sur une structure de classe où une « élite », appuyée par quelques petites mains (journalistes bas de gamme, éducateurs sous-payés, intermittents du spectacle divers, matons, policiers et militaires etc.) pratique une ingénierie culturelle, politique et sociale pour conditionner et diriger la grande masse des gens ordinaires des catégories populaires et des petites classes moyennes.
Le style est différent selon les pays de l’Occidentalosphère. Dans les pays des 2ème et 3ème Cercle, comme dans les pays dépendants de l’Occident, cette « élite » prend souvent l’allure, comme le dit souvent Pierre-Yves Rougeyron, d’une classe compradore14 au service essentiellement des élites du Noyau central étatsunien.
Quand on fait le bilan de l’ensemble des structures, individualités et agendas qui se combinent pour former « l’Occident Collectif », il nous semble qu’il faut abandonner l’idée d’une organisation pyramidale obéissant à une direction unique avec unité de la volonté. En termes cuistres, nous dirions que nous avons affaire à un système15 plus ou moins piloté par une polysynodie16 : Pas de tête, pas de chef mais une pluralité souvent opaque de centres de décision pas systématiquement sur la même ligne.
L’Occident idéologique
C’est l’idéologie qui fonde l’unité occidentale plus que l’organisation. Encore faut-il s’entendre sur le mot « idéologie ». Il s’agit, selon nous, plus d’une vision du monde générale que d’un système précis d’idées. En effet, un rapide inventaire montre qu’on trouve dans le monde occidental actuel plusieurs familles idéologiques qui donnent une impression de pluralisme alors qu’elles obéissent toutes à la même vision du monde.
Pour simplifier, on a la famille des néolibéraux, celle des néoconservateurs et celle des progressistes. Nous donnerons plus loin quelques indications sur ces trois familles après avoir indiqué les grandes lignes de leur vision du monde commune.
Ce qui donne le caractère particulièrement âpre de l’affrontement entre l’ordre unipolaire de « l’Occident Collectif » et l’ordre multipolaire revendiqué par ses opposants, c’est qu’il s’agit bel et bien d’un conflit de visions du monde. Or une vision du monde, c’est un peu ce que sont les tripes pour un individu, c’est-à-dire le noyau vital, non rationnel et non négociable, comme dans l’expression où l’on dit « çà vous prend aux tripes ».
Pour commencer à comprendre les choses, faisons un léger détour par la Guerre Froide.
Celle-ci opposait deux systèmes idéologiques en plus des classiques enjeux géopolitiques : le système capitaliste-libéral américano-centré et le système marxiste-léniniste d’un capitalisme d’état représenté par l’Union Soviétique.
Quand on compare ce conflit avec le conflit actuel entre l’Occident et la Russie, on s’aperçoit que même s’il y a eu des confrontations sévères et parfois sanglantes, il n’y a jamais eu le niveau de haine et de rejet que l’on constate aujourd’hui. Durant la Guerre Froide, les canaux diplomatiques, économiques, intellectuels, scientifiques, culturels, sportifs sont globalement restés ouverts. Les liaisons n’ont pas été coupées au point où elles le sont depuis l’éclatement de la guerre Russie-Otan par Ukraine interposée.
L’hypothèse que nous ferons, c’est que les deux systèmes en opposition durant la Guerre Froide étaient en rivalité à l’intérieur de la même vision du monde.
Sans entrer dans les détails, il est de notoriété publique que Marx a construit son analyse et sa pensée en miroir et en réaction à la pensée libérale. Il n’a pas tant contesté l’essence du capitalisme libéral que ses applications concrètes et son inachèvement. Il lui a su gré d’avoir détruit, par sa dynamique révolutionnaire, le monde ancien mais il lui a reproché de ne pas être allé au bout de sa démarche révolutionnaire en tentant de stopper l’évolution sur les intérêts de la classe bourgeoise.
Or, c’est sur la base marxiste que Lénine a construit le projet révolutionnaire qui a produit l’Union Soviétique. Dans les premières années de la révolution bolchevique, quand l’enjeu principal était d’achever la destruction de l’Ancien Régime russe, il y a même eu, à cette occasion, une intense collaboration entre le mouvement bolchevik et les grandes firmes américaines17.
Ce n’est que lorsque l’on comprit à Moscou et à Wall Street qu’il y avait une compétition stratégique pour l’empire du monde, nécessitant un vainqueur unique, que les heurts se sont produits.
On avait donc à l’époque un conflit de systèmes à l’intérieur de la même vision du monde alors qu’aujourd’hui nous avons un conflit de visions du monde antagonistes. Cela change radicalement les enjeux.
D’où la nécessité d’enquêter brièvement maintenant sur les fondamentaux idéologiques de l’Occident pour comprendre les racines de sa vision du monde, et donc, en opposition la (ou les visions du monde) qui lui est (sont) contraire(s).
Le regard doit être à la fois historique (parce que le mouvement à l’œuvre s’inscrit dans une temporalité), géographique (parce qu’il y a des lieux d’apparition et de développement) et idéologique (parce qu’il y a toute une architecture d’idées et de conceptions qui ont été mobilisées). Nous nous contenterons d’esquisser des pistes car l’exhaustivité nous entraînerait trop loin.
Le début du basculement nous semble avoir démarré en Grande Bretagne au cours du XVIIe siècle quand les nations britanniques ont connu des guerres civiles pour des raisons d’abord religieuses et politiques sur fond d’essor colonial et de développement du capitalisme marchand et financier. Il y a eu un renversement d’une vision du monde traditionnelle et holiste par une vision du monde moderne et individualiste18.
Le fond idéologique qui a cristallisé entre la fin du XVIIe et la fin du XVIIIe siècles c’est le libéralisme. Ce dernier est d’abord une doctrine politique et des mœurs (on dirait « sociétale » dans la novlangue contemporaine) avant d’être une doctrine économique.
Cette doctrine revendique la déliaison de tous les éléments reliés organiquement dans l’ordre traditionnel antérieur pour y substituer le règne de l’individu, et pas n’importe quel individu mais celui des classes supérieures et dominantes. Car c’est ce qu’il y a en réalité derrière l’apparente générosité qui revendiquait la libération de tous.
Sans les aborder en détail car cela allongerait encore cette réflexion, trois noms méritent d’être avancés comme les étapes de la constitution de cette nouvelle pensée : John Locke (1632 – 1704, anglais), Bernard de Mandeville (1670 – 1733 ; néerlandais d’origine huguenote devenu anglais en 1690) et Adam Smith (1723 – 1790 ; britannique19 écossais).
Le philosophe John Locke est le grand concepteur de la déconstruction de l’ordre social et politique traditionnel. On lui doit, entre autres choses, l’affirmation des droits individuels contre un ordre politique et spirituel collectif, l’affirmation de la propriété privée comme droit fondamental et la théorie de la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire jusque-là unis par la fonction souveraine. C’est l’intellectuel de la Glorieuse Révolution de 1688 en Angleterre qui a assuré la domination d’une nouvelle caste aristocratique renouvelée par la haute bourgeoisie marchande et financière.
Cette réalité sociologique montre que si la pensée de Locke se présente comme générale et généreuse, elle justifie et consacre surtout la prise de pouvoir politique, sociale et économique d’une caste qui va s’assujettir le pouvoir de l’État en Grande Bretagne pour les siècles à venir.
Le philosophe Bernard de Mandeville20 ne partageait pas l’idéalisme de Locke. Il avait une vision sans illusion de la nature humaine, fondamentalement dépravée selon lui, mais il a émis une idée qui sera implicitement reprise par tous les tenants du capitalisme libéral : les vices privés font les bénéfices de tous.
En d’autres termes, si on laisse libre cours à ses vices (cupidité, lubricité, prostitution, vol, alcool, drogue, voire, l’instinct de massacres et de guerre etc.) on accumulera des richesses qui ruisselleront sur la masse de la population accroissant ainsi le bonheur matériel public. Cela suppose donc de laisser libre cours à ses instincts et à ses pulsions. On voit que les enseignements de cet homme, jugé diabolique par ses contemporains parce qu’il osait dire tout haut ce que d’autres pratiquaient tout en proclamant leur vertu morale, pouvaient ouvrir à la fois vers un libéralisme moral et sociétal proche de la licence égoïste et vers le libéralisme économique justifiant l’acquisition des richesses par tous moyens puisqu’elles ruissèleraient ensuite sur la grande masse. Il fut lu et médité avec une horreur fascinée par Adam Smith.
L’économiste écossais Adam Smith a prolongé Mandeville en l’occultant pour rendre son message acceptable. Entre autres choses, ce créateur du libéralisme économique a fondé un modèle économique théorique, sans doute l’une des plus grandes arnaques de l’histoire des idées : celui du Marché.
Dans son Marché idéal, où l’information et les capacités sont également réparties, joue la loi de l’offre et de la demande qui régule l’activité économique pour le bonheur final de l’humanité. Nous résumons en caricaturant mais c’est bien l’image que les libéraux-capitalistes vont reprendre et diffuser après lui pour justifier l’appropriation privée des richesses.
Le modèle d’Adam Smith était d’autant plus un leurre que depuis l’époque de Locke le capitalisme financier dominant était déjà devenu ce que le libéral conservateur Charles Gave stigmatise aujourd’hui comme « capitalisme de connivence ». Ainsi la banque centrale anglaise, privée jusqu’en 1946 et « indépendante » depuis 1998, a été créée en 1694 par entente entre un conglomérat de financiers, des aristocrates proches de la Couronne et le monarque lui-même. En privatisant la monnaie mais en la garantissant par l’impôt, la voie était ouverte pour un enrichissement réciproque et une emprise croissante des mêmes sur la société. Quand on y réfléchit bien, du XVIIe siècle à nos jours, le « libre-marché », offrant sa chance à tous, a toujours été un leurre masquant les combinaisons d’une « oligarchie ploutocratique » en vue d’accroître sa richesse et son pouvoir.
A partir de ces bases historiques, l’Occidentalisme libéral a subi une concrétion idéologique autour des notions de déliaison, déracinement, liquéfaction/liquidation et de désaxage.
Toutes ces notions collaborent pour parvenir à ce que le meilleur sociologue de la modernité, Zygmunt Bauman (1925 – 2017) a appelé « la société liquide ». Ce qui a commencé au XVIIe siècle par une orientation libérale, pour une élite économique et intellectuelle qui souhaitait se soustraire aux obligations communautaires et politiques en dissolvant la société, aboutit de nos jours à une « démocratisation » qui vise à dissoudre les fondements de l’humanité dans l’idéologie LGBTQ++ et le transhumanisme.
En passant, il est intéressant de noter que « l’Occident collectif » met constamment en avant ses « valeurs » qu’il serait urgent de défendre. Il est très difficile de l’amener à définir ces « valeurs ».
En particulier lorsqu’il s’agit de la fameuse « liberté ». Devenu adepte des confinements, des passeports intérieurs, des censures, des interdictions de médias et des procès en tout genre pour délit d’opinion, il ne peut plus décemment mettre en avant ni la liberté d’aller et venir ni la liberté de pensée et d’expression. Les deux seules libertés auxquelles il s’accroche bec et ongle est la liberté économique des renards oligarchiques dans le libre poulailler des pauvres gens ordinaires et… la liberté sexuelle des LGBTQ++.
On notera, dans le cadre du conflit Russie – OTAN actuel, que, depuis les années 2000, le prosélytisme LGBTQ++ a été progressivement intégré aux « standards OTAN », c’est – à – dire aux normes que les pays candidats doivent adopter. Ainsi, par exemple, il existe au sein de l’OTAN depuis 2014, un « index militaire LGBT » qui classe les armées du monde en fonction de leur inclusion des « lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels », index pour lequel les pays de l’OTAN doivent viser l’excellence21.
Le mouvement LGBTQ++ est devenu l’emblème de l’Occident et de ses valeurs. Son acceptation ou non est devenu le test suprême. Les Russes en sont bien conscients si on en juge par cette déclaration du Patriarche de Moscou Kirill le 6 mars 2022 :
« Aujourd’hui, il existe un test de loyauté envers ce pouvoir, une sorte de laissez-passer vers ce monde «heureux », un monde de consommation excessive, un monde de « liberté » apparente. Savez-vous ce qu’est ce test ? Le test est très simple et en même temps terrifiant : il s’agit d’une parade de la gay pride. La demande de nombreux pays d’organiser une gay pride est un test de loyauté envers ce monde très puissant ; et nous savons que si des personnes ou des pays rejettent ces demandes, ils ne font pas partie de ce monde, ils en deviennent des étrangers. […]
Si l’humanité accepte que le péché ne soit pas une violation de la loi de Dieu, si l’humanité accepte que le péché soit une variation du comportement humain, alors la civilisation humaine s’arrêtera là. […]
Tout cela dit, nous sommes engagés dans une lutte qui n’a pas une signification physique mais métaphysique. »
On a ici la reconnaissance d’un conflit quasi eschatologique à l’occasion de la Guerre d’Ukraine. On n’est, naturellement, pas obligé d’adhérer à la notion de péché affichée par Kirill et normale dans sa perspective chrétienne-orthodoxe. D’ailleurs l’état Russe lui-même s’interdit de juger ce qui se pratique en privé entre adultes consentants. Mais sa tolérance s’arrête à la pédophilie et à la revendication de faire des normes LGBTQ++ la norme publique et obligatoire.
Venons-en maintenant aux trois courants principaux qui expriment aujourd’hui, selon nous, la vision du monde occidentaliste. Il y a le courant néo-libéral, le courant progressiste et le courant néo-conservateur. Naturellement, les individus peuvent présenter des variantes mêlant plus ou moins les trois.
Le néo-libéralisme est apparu au milieu du XXe siècle à la suite d’une réflexion menée par certains libéraux sur les crises et les conflits de l’époque qui semblaient remettre en cause les fondements du libéralisme économique. Sans pouvoir ici balayer l’ensemble du dossier faute de compétence et de place, nous voudrions souligner ce qui nous paraît la conclusion majeure de ce courant (malgré diverses expressions parfois contradictoires de ses tenants)22.
Les libéraux « classiques » semblaient considérer leur approche du Marché comme l’expression « naturelle » du meilleur devenir pour l’humanité. Il leur paraissait donc urgent de faire sauter tous les cadres, sociaux et étatiques, qui semblaient faire obstacle à ce devenir. L’expérience des crises et des mécomptes du libéralisme paraît avoir convaincu les néo-libéraux qu’il n’y avait rien de vraiment « naturel » dans la démarche libérale et que loin de viser exclusivement à la marginalisation des états, il fallait viser à les contrôler afin d’orienter leurs productions législatives et réglementaires dans « le bon sens ». D’où, par exemple, lors de l’épisode néo-libéral de Margaret Thatcher et de Ronald Reagan qui ont été les premiers vrais essais pratiques de cette doctrine, on a vu la mise en œuvre d’une « déréglementation » qui était en réalité la substitution d’une nouvelle réglementation favorable au grand capitalisme financiarisé et mondialisé à une ancienne réglementation plus favorable aux souverainetés économiques. Mais cela restait une réglementation construite et mise en œuvre par les états.
Le néo-libéralisme est alors devenu le meilleur cadre pour accélérer l’emprise du « capitalisme libéral de connivence » dont nous avons parlé plus haut. Il est donc normal qu’il soit le courant idéologique dominant dans les grandes structures bancaires, financières, commerciales mondialisées dont les représentants se retrouvent chaque année au Forum Économique Mondial. Le Great Reset, formulé par Klaus Schwab, que nous avons présenté ailleurs, est la formulation actuelle du projet néo-libéral.
Le progressisme est la formulation du projet sociétal du libéralisme. Il a été longtemps porté par la gauche. Sur toutes les questions du rapport consanguin du libéralisme avec la gauche, nous renvoyons au meilleur analyste de la question, le philosophe français Jean-Claude Michéa23. Disons ici que l’idée de la gauche était de récupérer le projet libéral de déliaison et de liquidation des structures anthropologiques et sociales traditionnelles sans accepter le volant économique de la privatisation capitaliste. L’œuvre de Michéa consiste essentiellement à démontrer à la gauche que le libéralisme était un tout dans lequel on ne pouvait pas picorer uniquement ce qui intéressait. D’ailleurs l’évolution globale de la gauche contemporaine vers le « social-libéralisme » ou le « libéralisme – libertaire » confirme la justesse de ses démonstrations. On va trouver beaucoup ce courant par exemple dans le macronisme français, la figure de Justin Trudeau au Canada, celle de Jacinda Arden en Nouvelle Zélande ou dans le Parti Démocrate américain. A chaque fois que l’on parle de « wokisme », de « cancel culture » ou de « politiquement correct » on a affaire à ce courant de pensée progressiste qui touche surtout les politiques, les intellectuels, les gens de médias et les gens de la culture et de l’art contemporain.
Incidemment, on pourrait faire aussi remarquer aux « libéraux-conservateurs », tel Charles Gave ou Olivier Piacentini cités plus haut, que l’on ne peut pas non plus prendre au libéralisme son aspect économique à travers la théorie du Marché et rejeter le libéralisme sociétal. Si, selon Michéa le libéralisme ne peut être « dépassé sur sa gauche », il ne peut pas non plus être « dépassé sur sa droite ».
Le néo-conservatisme est le versant géopolitique de la vision du monde libérale. Il est fondamentalement tourné vers la politique étrangère des oligarchies occidentalistes, principalement « anglo-sionistes » comme le dirait le Saker24. Les néo-conservateurs sont aujourd’hui la pointe idéologique du conflit OTAN / Russie : Antony Blinken, Secrétaire d’État (Ministre des Affaires Étrangères) et Victoria Nuland, Sous-Secrétaire d’État pour les affaires politiques des États-Unis sont les principaux concepteurs de la politique étatsunienne vis à vis de l’Ukraine et de la Russie, et tous deux Néo-Conservateurs. Victoria Nuland est même l’épouse de Robert Kagan Jr., théoricien néo-conservateur et fils d’un membre du groupe fondateur.
Cf. Nota Bene 4
D’autres thèmes idéologiques reviennent de manière récurrente dans les textes et déclarations occidentalistes. A côté de la « Liberté » et des « valeurs » dont on a vu ce qu’elles représentaient en « Occident », figure « l’Ordre mondial fondé sur des règles ».
Il y a un côté enfantin pour ce dernier point. L’Occident affirme des règles de comportement international et économique qu’il interdit aux autres de transgresser mais qu’il s’autorise lui-même à bafouer à chaque fois que cela l’arrange. Il est vrai que, comme il est du côté du Bien, il ne saurait se limiter par ses propres règles lorsque le sort du Bien est en cause… Ainsi, par exemple, l’intervention russe en Ukraine contre un état représenté à l’ONU pour en détacher une partie du territoire est mauvaise alors que l’intervention de l’OTAN contre la Yougoslavie, également représentée à l’ONU, pour en détacher la province du Kossovo était bonne. Bref, « l’Ordre mondial fondé sur des règles » est visiblement à géométrie variable.
En face de « l’Occident collectif ».
Face à l’ordre occidental unipolaire et fondé sur des valeurs présentées comme supérieures, on ne trouve pas un modèle unique.
Ce qui s’explique : si les adversaires de l’Occident revendiquent un ordre multipolaire, c’est bien pour faire place à la légitimité d’options civilisationnelles et politiques différentes.
Il est difficile, par exemple de trouver un point commun aux pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, South Africa), sans parler de tous les autres pays d’Amérique du Sud, d’Afrique et d’Asie qui n’ont pas adhéré aux sanctions antirusses et dont certains sont candidats à l’adhésion aux BRICS.
A la réflexion, il semble qu’il y ait au moins deux points qui unifient les positions.
Tout d’abord, on peut diagnostiquer un ras-le-bol général devant les pratiques de « l’Occident collectif ». Le mélange de condescendance moralisatrice et de violence économique et militaire de l’Occident a lassé de nombreux peuples quand il ne les révulse pas. Beaucoup de pays qui n’osent pas ou ne peuvent pas affronter l’Occident semblent vivre la guerre de la Russie contre l’OTAN (car c’est bien de cela dont il s’agit à travers l’Ukraine) comme une guerre par procuration du Non-Occident contre l’Occident.
Il n’est pas dit que l’Occident perde ce conflit car l’Ordre davosien y a jeté toute sa force parce que cette guerre s’inscrit parfaitement comme la troisième vague, après la « guerre climatique » et la « guerre sanitaire », de la Grande Réinitialisation que nous avons déjà eu l’occasion d’aborder. L’Oligarchie occidentaliste se sait au bord du précipice car sa gestion parasitaire du monde occidental a fragilisé ses fondamentaux politiques et économiques. La bataille en cours est à la fois une bataille pour conserver la maîtrise de la zone occidentale, dont une partie des peuples voudrait secouer son joug, et une bataille pour la reprise de la maîtrise du monde qu’elle a perdu depuis les années 1990. Ça passe ou ça casse pourrait-on dire. Les trois quarts de l’humanité espèrent que ça va casser… Nous y reviendrons en conclusion.
Le second point commun nous semble résider dans l’exigence d’une souveraineté westphalienne.
Cf. Nota Bene 5
Les états non-occidentaux semblent avoir bien compris, même s’ils auraient préféré que l’opération militaire spéciale de la Russie en Ukraine n’ait pas lieu, que la Russie ne fait pas la guerre à un état comme eux mais à une entité artificielle que l’Occident a voulu constituer en une anti-Russie pour l’utiliser contre elle. Nous renvoyons ici à nos autres interventions sur la guerre elle-même.
Les gens ordinaires des peuples de la zone occidentale face à la guerre OTAN/Russie.
L’Occident sociologique, avons-nous dit, est composé de l’oligarchie ploutocratique, de la classe dirigeante qui aspire à être intégrée à la première et des cadres supérieurs qui aspirent à entrer dans la classe dirigeante. Naturellement, il s’agit ici de tendances majoritaires et non de déterminations absolues : il peut y avoir des oligarques, des membres de la classes dirigeante ou des cadres supérieurs patriotes. Mais comme le disait Michel Audiard par la bouche de Jean Gabin dans le film Le Président d’Henri Verneuil : « Il existe aussi des poissons volants, mais ce n’est pas la loi du genre ».
Inversement, un certain nombre de membres des classes populaires et moyennes vont soutenir l’occidentalisme par croyance idéologique (ceux pour qui l’ingénierie culturelle, politique et sociale, mise en œuvre sur les consignes oligarchiques, a fonctionné) ou par intérêt (par exemple en France, la majorité des retraités a voté par deux fois pour Macron, le représentant local de l’Occident, dans l’espoir qu’il leur assurera une sécurité matérielle devant durer au moins aussi longtemps qu’eux. On peut penser aussi aux membres des forces de l’ordre qui servent le régime sans trop d’état d’âme parce qu’il leur assure leur pitance).
Mais, dans l’ensemble la grande majorité des classes populaires et des classes moyennes constitue la masse des gens ordinaires contre lesquels la ploutocratie mène une véritable guerre à la fois sociale et culturelle.
C’est une guerre sociale si on la comprend sous l’angle de la volonté des riches de se soumettre les moins riches et les pauvres. Cet aspect est renforcé depuis les années 1970 quand la ploutocratie a fait l’analyse que l’évolution sociotechnique rendait les gens ordinaires de moins en moins utiles économiquement, ce qui les transformait alors en charges écologiquement dangereuses.
Nous l’avons abordé ailleurs, mais « le monde de Davos » a entamé depuis près de cinquante ans une politique de dépopulation contre les gens ordinaires dans la zone occidentale (incitation à la dénatalité par la contraception, l’avortement, la propagande LGBTQ, la propagation de la haine de soi, la terreur climatique, la terreur sanitaire et les effets secondaires des injections anti-covid etc.). De manière complémentaire, depuis l’implantation des politiques néolibérales, un appauvrissement général des classes populaires et moyennes est en cours pour fragiliser volontairement les plus faibles.
Enfin, la guerre culturelle, qui peut s’appuyer sur certains éléments de la politique de dépopulation (encouragement de la haine de soi et de son histoire, déstructuration anthropologique par la propagande LGBTQ) vise à la liquidation, aux deux sens du terme, des bases identitaires et civilisationnelles des gens ordinaires qui sont leurs biens immatériels les plus précieux quand on leur prend par ailleurs leurs biens matériels.
Il y a donc globalement dans la zone occidentale une guerre du Haut (de la société) contre le Bas qui a été engagée bien avant la guerre en Ukraine et se poursuit, voire s’accélère, pendant.
Les discours conjoints des élites occidentale sur la « fin de l’abondance », selon l’expression d’Emmanuel Macron, ne concernent que les gens ordinaires car il est évident que les élites feront tout pour y échapper à titre personnel.
Très concrètement, la guerre que les États-Unis et l’OTAN mènent de plus en plus ouvertement contre la Russie n’est que la guerre de la sociologie et des structures occidentales. Ce n’est pas la guerre des peuples, même si tout sera fait pour qu’ils en subissent les effets collatéraux.
Il faut bien comprendre qu’il y a une double guerre simultanée : la guerre sociale et culturelle pour graver dans le marbre la soumission des peuples à une ploutocratie occidentaliste, dont on commence à percevoir l’essoufflement, et la guerre géopolitique contre les puissances contestataires de l’ordre occidental (la Russie, mais aussi la Chine ou l’Iran) pour que la maîtrise du monde n’échappe pas à cette oligarchie.
L’originalité profonde du demi-siècle qui vient de s’écouler, ce n’est pas le conflit géopolitique entre puissances rivales pour le contrôle du monde, c’est bien cette guerre sociale et culturelle des oligarchies occidentales contre leurs propres peuples.
La ploutocratie occidentale, depuis la croissance de son emprise au XVIIIe siècle, a toujours méprisé le peuple qu’elle dominait et dont elle se méfiait. Mais pendant longtemps elle a eu besoin de lui pour développer sa richesse. Ce qui a entraîné, ainsi que nous l’avons explicité dans une intervention sur les raisons du projet de Great Reset, le développement des conditions de vie et d’éducation des gens ordinaires. Mais, comme nous l’avions dit à cette occasion, sa perception a changé à partir des années 1960 quand, d’une part, les révolutions technologiques ont permis d’envisager l’obsolescence d’une grande partie du travail humain, et donc de l’utilité socio-économique des gens ordinaires et quand, d’autre part, est apparue l’idée que la croissance exponentielle de la population pouvait avoir des conséquences écologiques dommageables pour l’oligarchie. C’est cette combinaison, selon nous, de la conscience de l’inutilité croissante d’une population ordinaire, devenue par la même occasion un boulet écologique qui est au cœur de cette nouvelle guerre du Haut contre le Bas.
Cela change tout quand on analyse l’attitude que les classes populaires et moyennes de la zone occidentale (le Bas auquel nous avons fait allusion) doivent avoir à l’égard des options géopolitiques des régimes qui les gouvernent.
On peut considérer globalement que, jusqu’aux années 1960, pouvait s’appliquer le vieux principe anglais « my country, right or wrong » : « qu’il ait tort ou raison c’est mon pays ». C’est au nom de ce principe qu’on a pu autrefois parler « Union Sacrée » lors des guerres quand on mettait de côté les différends politiques pour s’unir contre l’ennemi commun. Cela pouvait se comprendre et s’admettre dans les époques où la ploutocratie occidentale manifestait encore un certain degré d’enracinement dans une culture partagée avec un peuple, des intérêts duquel elle tenait compte.
Déjà, dans les années 1930 à 1970, les conflits idéologiques qui traversaient tous les pays avaient produit des divisions pouvant aller jusqu’aux guerres civiles. Mais aujourd’hui, la guerre de civilisation qui oppose l’Occident au « Non-Occident », avec la Russie comme adversaire privilégié, se déroule aussi au sein même des pays de la zone occidentale. Il ne peut donc y avoir « d’Union Sacrée » car l’ennemi du peuple c’est d’abord le régime. La guerre actuelle de l’OTAN contre la Russie est la guerre des occidentalistes et seulement d’eux. La survie des classes populaires et moyennes, la survie des patriotes et des enracinés de la zone occidentale dépend de la défaite de l’Occident et donc des régimes qui lui font allégeance. C’est la condition de notre libération. C’est un point qu’il faut avoir à l’esprit quand, en France, le régime macronien parle de guerre contre la Russie : ni froide, ni tiède, ni chaude, le peuple des gens ordinaires, contre lequel le régime fait la guerre sociale et culturelle au quotidien, ne saurait s’associer à la guerre occidentalo-macroniste. La Russie en guerre contre l’Occident se bat aussi pour nous d’une certaine manière.
L’Occident peut-il perdre cette guerre ?
Cette question a deux volets. L’un concerne la campagne militaire de terrain qui oppose la Russie à l’Ukraine. L’autre concerne la guerre économique que les puissances occidentales, Union Européenne en tête, ont lancé contre la Russie dès les premiers jours des opérations.
Nous serons bref sur le plan militaire car ce n’est pas l’objet principal de cette réflexion. Cependant, comme les opérations militaires sur le terrain ukrainien sont l’arbitre de cette lutte globale, il faut en dire un mot.
Si on fait abstraction de la propagande insensée des occidentaliste (qui tient beaucoup de la méthode Coué), la Russie ne peut pas perdre la guerre sur le théâtre ukrainien. Elle l’aurait déjà gagnée depuis plusieurs semaines si elle n’avait pas dû faire face à un engagement croissant des pays de l’OTAN. Il ne s’agit pas seulement d’un soutien financier, logistique et en matériel mais d’un soutien total en renseignements aérospatial et électronique, d’une présence massive de personnels de services de renseignement et de cadres d’état-major mais aussi d’une présence accrue de militaires de l’OTAN en uniforme ukrainien dans des missions de combat. Ainsi ont été détectées des forces spéciales occidentales, des spécialistes occidentaux pour servir les armements de pointe fournis et des soldats « libérés » de leurs unités pour servir comme « contractors » (mercenaires), parfois en grand nombre comme dans le cas des polonais.
La contre-offensive ukrainienne lancée fin août 2022 à la fois dans le sud (région de Kherson) et dans le nord (région de kharkov) n’aurait pu se faire sans cette aide massive. Cette contre-offensive est-elle le début de la fin pour la Russie ? c’est ce que veulent faire croire nos Gamelins de plateaux TV25.
La réalité est plus complexe. L’attaque ukrainienne dans le sud a été un échec sanglant. Dans le nord, grâce à d’excellents renseignements occidentaux, ce fut une victoire ukrainienne, maintenant arrêtée à l’heure où ces lignes sont écrites, mais payée très chèrement en vies humaines. Contrairement à la doctrine ukrainienne, les Russes ne se sont pas accrochés au terrain, ils ont reculé sur une ligne de défense plus solide tout en matraquant les assaillants avec leur artillerie et leur aviation. Un conseiller de Zelenski a laissé entendre à la mi-septembre que l’armée ukrainienne avait perdue, dans les deux offensives, 10 000 tués et 30 000 blessés, ce qui est sans doute minimisé. Passé le moment de surprise, les pertes russes semblent beaucoup plus faibles. N’oublions pas non plus que les Russes, par choix stratégique, mènent cette guerre à 1 contre 426 et que, on le néglige souvent car nos médias ne prêtent pas l’attention qu’il faut aux propos de Vladimir Poutine, l’un des objectifs de l’opération spéciale est la « démilitarisation » de l’Ukraine et non la conquête de territoires, ce qui passe par l’attrition de l’armée de Kiev. Ainsi, plus les pertes ukrainiennes sont élevées, plus les Russes se rapprochent de l’objectif.
Il n’en reste pas moins que cette contre-offensive ukrainienne, menée avec un fort engagement occidental, constitue un tournant27 : on se rapproche de plus en plus d’un affrontement direct entre l’OTAN et la Russie. La question alors, sur le plan militaire, est de savoir si l’OTAN sera capable d’affronter une Russie qui a volontairement gardé en réserve l’essentiel de son potentiel28 dans la perspective d’un tel affrontement quand l’OTAN a déjà gaspillé une bonne partie de ses propres réserves de matériels et de munitions en Ukraine dans une guerre dont l’échelle est sans commune mesure avec les affrontements néocoloniaux dont les Occidentaux avaient l’habitude.
Pour autant que le conflit reste à un niveau conventionnel et ne monte pas directement au niveau nucléaire… Sur ce dernier point, les référendums d’adhésion à la Russie des quatre oblasts dans l’orbite russe (Kherson, Zaporojie, Donetsk et Lougansk) ne sont pas neutres. La doctrine politico-militaire russe comporte la possibilité d’utiliser les armes nucléaires si le territoire russe est menacé.
Ce qui paraît clair dès maintenant, en revanche, c’est que les Occidentaux et surtout les pays membres ou dans la sphère d’influence de l’organisation « Union Européenne », qui ont voulu faire une guerre économique totale à la Russie pour la mettre rapidement à genoux, ont échoué. Mieux, ce sont eux qui se trouvent au bord de l’effondrement économique. Ce qui, au passage signerait la défaite stratégique de l’OTAN car ces pays n’auront dès lors plus les moyens d’entretenir la guerre ou de la faire directement.
Nous n’allons pas reprendre par le menu une situation fort bien expliquée par des analystes économiques dissidents29. Qu’il suffise de rappeler combien stupide pouvait être une guerre économique totale engagée contre la Russie par des pays ne disposant quasiment pas de matières premières et énergétiques, ayant presque tous délocalisé leurs industries pour se consacrer aux services et au tourisme, surendettés de manière colossale et dépendant plus de la Russie qu’elle d’eux. Cet engagement poursuivi contre vents et marées malgré les avertissements du réel est incompréhensible du point de vue de la rationalité ordinaire.
Il faut y voir bien sûr un aveuglement idéologique crispé sur les fameuses valeurs de l’Occident dont nous avons déjà parlé et sur la certitude fanatique que le Camp du Bien (eux) ne peut que gagner.
Mais nous croyons qu’il faut aussi y voir une baisse de niveau de nos élites formées à l’effectivité des storytellings et de la communication. Pour elles, dire c’est faire. Outre la perte des repères historiques et géopolitiques, elles semblent tout à fait dépourvues de vision stratégique.
Elles semblent en particulier ne plus avoir de perception systémique. Par exemple, dans un univers où l’énergie fossile a atteint son pic de croissance, se priver d’une ressource renchérit automatiquement l’ensemble des autres ressources disponibles. Ce qui augmente alors les coûts des industries survivantes et les pénalise par rapport à des concurrentes facilement accessibles grâce au libre-échange. D’où les délocalisations et les fermetures suivies d’un chômage prévisible avec son cortège de troubles sociaux. Dans un système composé d’éléments interdépendants quand vous touchez un élément tous les autres se réajustent, c’est le B.A./BA de la systémique.
Enfin, parce que pour elles, dire c’est faire, les élites oligarchiques de l’Occident n’intègrent plus le facteur temps. L’idée que la réalité n’obéit pas comme un programme télé à l’appel d’une touche sur la télécommande, qu’elle demande du temps, ne semble plus les effleurer. Par exemple, lorsque les occidentalistes de « l’U.E. » décident de se priver du gaz russe, ils disent au bon peuple : « ce n’est pas grave, nous allons substituer le gaz naturel liquéfié en provenance du Qatar ou des USA au gaz russe ». Sans même parler de la disponibilité de la ressource (les USA et le Qatar pourront-ils compenser le manque du gaz russe ? Ce n’est pas certain), pour transporter du GNL en grande quantité, il faut, dans les pays de départ, les usines de liquéfaction avec les conduites, les camions ou les trains amenant le gaz qui n’existent pas en quantité suffisante ; une flotte imposante de méthaniers qui n’existe pas encore ; dans les pays d’arrivée des usines de regazéification et… des conduites, des camions ou des trains ad hoc pour distribuer le gaz. Tout cela demande beaucoup d’investissements et… du temps : quatre à cinq ans, dit-on, dans le meilleur des cas. En réalité, un changement de filière d’approvisionnement énergétique ne s’improvise pas, il se prépare sur du long terme. Ce facteur temps a, semble-t-il, complètement échappé à nos décideurs qui voient désormais grandir le spectre de la pénurie et de la catastrophe économique.
Les questions énergétiques ne sont qu’un exemple parmi d’autres : dans tous les domaines les élites occidentales, en particulier européennes, paraissent incapables de réflexion systémique et temporelle ce qui les rend incapables de toute projection stratégique.
Quand on met ensemble cette incapacité avec leur arrogance parallèle, on se dit que face aux stratèges russes, mais aussi chinois, les Occidentaux ont peu de chance de gagner l’épreuve de force qu’ils ont engagée.
Nous nous posons alors la question de la capacité des Occidentaux à remporter une épreuve de force qu’ils ont engagé comme agresseur stratégique quand ils ont contraint la Russie à endosser le rôle de l’agresseur opératif. N’oublions pas que tout ceci prend place dans le contexte du Great Reset théorisé par Klaus Schwab et le Forum de Davos dans une finalité d’appauvrir et de contrôler les populations ordinaires de l’Occident en vue de réduire leur empreinte écologique et de leur faire payer le fardeau des dettes inconsidérées générées par cinquante ans de néolibéralisme en action. Or, au moment où les Maîtres de l’Occident l’ont déstabilisé par leur « transition écologique » et leur gestion désastreuse mais volontaire de la « pandémie covid », ils lancent ce même Occident dans une épreuve de force avec la Russie et ne seraient pas ennemis d’ouvrir un second front en Chine. Et tout cela, en procédant de manière brouillonne et non stratégique. S’ils voulaient se donner toutes les garanties d’échec, ils ne procèderaient pas autrement. On a l’impression d’un plan grandiose mis en œuvre par des sous-doués. Il se peut qu’il y ait, derrière cette apparence, des informations qu’ignore le vulgaire et une rationalité solide et qu’au final l’Occident l’emporte. C’est d’ailleurs souvent une tendance des « complotistes » de grossir les capacités de leurs ennemis en les créditant d’avoir toujours dix coups d’avance et de maîtriser tous les événements. Nous avons quand même beaucoup de mal à croire que toutes les bourdes et les erreurs commises par nos classes dirigeantes au service de Davos soient voulues et fassent partie d’un Plan. Nous inclinons donc, en conclusion, à prévoir plutôt la défaite d’un Occident selon le principe de la fable de La Fontaine « La grenouille qui veut se faire plus grosse que le bœuf »… Nos « élites » ont sans doute de mauvaises intentions, mais en plus, elles sont bêtes. Elles nous auront au moins démontré que diplômes et intelligence sont deux choses différentes.
Provisoirement achevé le 29.11.2022
Jean-Patrick Arteault
N.B. 1 : Nous précisons tout de suite, car c’est très important, que nous n’envisageons pas ici la Russie réelle dans son fonctionnement concret quotidien, nécessairement imparfait au regard de l’idéal que certains projettent sur elle tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Il sera surtout question du rôle historique que ce pays, mais aussi la Chine et quelques autres états, ont été contraints d’endosser dans un affrontement qu’elle ou ils, n’a / n’ont pas choisi, contrairement aux apparences.
Nous devons rappeler ici aussi ce que nous avons dit lors d’une autre intervention quand nous faisions la différence capitale dans les guerres entre l’agresseur stratégique (celui qui façonne le contexte pour conduire à une guerre inévitable mais qui ne veut pas déclencher lui-même les hostilités) et l’agresseur opératif qui est celui qui ouvre le feu le premier. Nous avons démontré ailleurs que si la Russie est bien l’agresseur opératif dans le conflit russo-ukrainien, c’est l’Occident qui est l’agresseur stratégique depuis au moins le coup d’état du Maïdan en 2014 et sans doute depuis la Révolution Orange de 2004.
La pauvre population ukrainienne, quelque soient les sympathies des factions qui la déchirent, n’est que le champ de bataille d’une guerre qui la dépasse à tous les sens du terme.
N.B. 2 : On va préciser d’emblée que le mot « Occident » est un faux-ami quand il est employé sous une plume française. L’essayiste libéral-conservateur Olivier Piacentini, très présent dans les manifestations souverainistes, a publié trois livres30, ces dernières années, dans lesquels il livre des cris d’alarme concernant des déviations de l’Occident le précipitant vers sa chute. Il se revendique d’une vision gréco-romaine, chrétienne, individualiste, culturelle et libérale de l’Occident telle qu’elle s’est exprimée dans les milieux littéraires et universalistes des Lumières françaises. Il cite d’ailleurs à l’appui de sa définition de l’Occident la remarquable synthèse du philosophe libéral Philippe Némo, « Qu’est-ce que l’Occident ? »31. Si cette vision n’est pas entièrement étrangère à « l’Occident réellement existant », elle est malgré tout trop « française », trop idéaliste, on le verra. Elle passe à côté de la véritable histoire idéologique et politique de l’Occident qui se confronte à la Russie.
N.B. 3 : Très tôt (au cours de la Première Guerre Mondiale) on a compris aux USA les leçons des sciences psychologiques du début du XXe siècle qui ont montré que la liberté humaine était en grande partie une illusion et que l’être humain était un animal profondément conditionnable. Avec Édouard Bernaÿs32 comme praticien et Walter Lippmann33 pour en tirer les conclusions théoriques34, ce fut le démarrage des méthodes d’ingénierie culturelle, politique et sociale à travers deux grandes orientations : la propagande et la manipulation politique jointes à la publicité, qui est une propagande et une manipulation des esprits destinées à enclencher un acte d’achat.
Cette ingénierie a débuté par le champ politique puisque le premier chantier d’envergure consista à « vendre » l’entrée des USA dans la Première Guerre Mondiale à un public américain rétif. Devant le succès de l’opération, les marketing politiques et commerciaux ont crû de manière exponentielle et parallèle. Mais les outils mobilisés demandent beaucoup, beaucoup d’argent, d’où le besoin de « sponsors » fortunés dès que l’on avait une ambition politique aux USA.
La puissante Communauté juive américaine s’est donc transformée, dans sa majorité après 194835, en groupe de pression au service des intérêts d’Israël mobilisant sa richesse et son influence médiatique et culturelle pour favoriser les carrières des hommes politiques favorables à Israël et défavoriser les autres. Non seulement on peut dire qu’elle a acquis une très forte influence sur les cercles dirigeants de la politique américaine mais, plus sûrement, qu’elle est devenue un rouage essentiel de ces cercles. Ce qui confère à l’État d’Israël un puissant levier sur la politique étrangère des USA.
N.B. 4 : Il faut ici aussi, pour comprendre, faire appel à l’histoire, en évitant l’exhaustivité et en résumant au risque de la caricature.
Après la mort de Lénine, se sont principalement affrontées deux tendances en Union Soviétique. Léon Trotski souhaitait prendre appui sur l’URSS pour lancer immédiatement un vaste mouvement de chaos et de révolution mondiale et permanente quand Joseph Staline souhaitait d’abord affermir le socialisme dans un seul pays avant de se lancer, à partir de cette base, à la conquête du monde. Cette perspective allait amener ce dernier, après sa victoire dans la lutte pour le pouvoir, à stabiliser un État socialiste contre la vision trotskiste de liquidation de toute forme d’État. D’une certaine façon, à sa manière, Staline renouait de facto avec une perspective traditionnelle de l’État dans le cadre de l’ancien Empire Russe devenu URSS. C’est du moins ainsi que les trotskistes, parmi lesquels beaucoup d’intellectuels juifs très hostiles à l’ancienne Russie, l’ont perçu. Il se trouve que cette vision trotskiste avait fait beaucoup d’émules parmi les intellectuels juifs américains.
Par ailleurs, très tôt (durant la 2nde Guerre mondiale), les services secrets américains (l’OSS d’abord, la CIA ensuite) avaient compris le potentiel de l’opposition entre trotskistes et staliniens dans le mouvement communiste mondial. Pour l’anecdote, et concernant la France, on rappellera que la scission du syndicat CGT, majoritairement communiste, en 1947 qui a donné naissance au syndicat Force Ouvrière fut une coproduction entre les syndicalistes trotskistes américains et la toute nouvelle CIA.
Aux États-Unis mêmes, dans les années 1960, un certain nombre d’intellectuels et de journalistes juifs new-yorkais, trotskistes en majorité, subirent l’influence du philosophe judéo-allemand réfugié aux USA Léo Strauss36. Ils se rendirent compte que le capitalisme néolibéral était plus à même que le communisme (surtout dans sa version stato-impériale soviétique) à dissoudre le soubassement anthropologique des sociétés traditionnelles issues de l’Europe.
Par ailleurs, alors que l’URSS avait effectué un virage hostile à l’État d’Israël auquel ces intellectuels étaient attachés, ils se sont rendus compte que la droite américaine était plus à même de soutenir ce dernier qu’une gauche trop sensible à la cause palestinienne. Ils ont donc effectué un virage idéologique vers la droite en prônant une politique étrangère américaine interventionniste contre l’URSS (aujourd’hui contre la nouvelle Russie) et en soutien à Israël. On les a désignés comme « néoconservateurs » dans les années 1970 pour les distinguer des conservateurs classiques très souvent anti-interventionnistes. En revanche, depuis les années Clinton et George Bush jr, les « néoconservateurs », que l’on retrouve aussi bien dans le camp Républicain que dans le camp Démocrate, se sont fait une spécialité d’une politique belliciste créant le chaos tant au Moyen-Orient (Irak, Syrie, Lybie) qu’en Europe (Ex-Yougoslavie, Ukraine).
N.B. 5 : En 1648, la Paix de Westphalie a non seulement mis un terme à la Guerre de Trente Ans mais aussi à presque un siècle de Guerres de Religion, du moins sur le Continent, la Grande Bretagne ayant vécu sous l’emprise des conflits religieux/idéologiques depuis Cromwell jusqu’à la fin de l’épisode jacobite37.
On peut considérer les Guerres de Religion comme le prototype des guerres idéologiques courant de la période révolutionnaire et impériale française (1792 – 1815) et du XXe siècle jusqu’à nos jours.
Parmi les points convenus dans le traité de paix de 1648, il y avait la reconnaissance de la souveraineté des princes du point de vue de la religion (on pourrait dire de l’idéologie de nos jours) : au nom de principe « tel prince, telle religion », on ne ferait plus la guerre pour forcer un état à changer de religion. C’est très important car les conflits religieux/idéologiques prennent l’allure de guerres inexpiables entre la Vérité et l’Erreur, le Bien et le Mal. Sans éteindre les raisons de conflits, on pourrait désormais, si on peut dire, entrer en guerre pour des raisons purement politiques ou d’intérêts, de manière « détendue », sans engager la vie ou la mort de l’âme des peuples ou des souverains. On pourrait aussi faire la paix plus facilement avec son ennemi sans avoir l’impression de pactiser avec le Diable. La conséquence fut que jusqu’à la Révolution française, les guerres en Europe furent désormais des guerres limitées et non existentielles. La période révolutionnaire changea un peu les choses dans la mesure où la République française mit l’idéologie au cœur de ses guerres : elle voulut faire la guerre aux tyrans et installer l’idéologie républicaine partout. Napoléon 1er fut obligé de plus ou moins continuer dans cette voie, tout en tentant de revenir à la pratique ancienne. Le Congrès de Vienne (1814 – 1815) qui suivit sa défaite renoua avec la pratique de la souveraineté politique mais le ver idéologique était dans le fruit. Un siècle plus tard, la Première Guerre Mondiale commencée comme une guerre politique fut terminée comme une guerre idéologique : le Traité de Versailles obligeant l’Allemagne à endosser le rôle du coupable face au Bien occidentaliste. A partir de là, les guerres sont redevenues des guerres du Bien contre le Mal où les états vaincus font l’objet d’un changement de régime avec criminalisation de leurs dirigeants.
Il se trouve que l’Occident a usé et abusé de la guerre idéologique depuis le début des années 1990 et la période de règne sans partage de l’Occident vainqueur de la Guerre Froide.
La plupart des états du monde veulent en finir avec l’Occident missionnaire armé du libéralisme économique et sociétal et en revenir à une pratique westphalienne où les états sont respectés dans leur souveraineté quelles que soient leurs idéologies.
- Parler de « réflexion en évolution » signifie que tout peut être discuté ici : rien n’est avancé de manière dogmatique. Nous sommes prêts à entendre tous les arguments. Par ailleurs, il n’est pas exclu que ce point de vue évolue encore en fonction des circonstances.
- Nous renverrons à notre livret : Comprendre les origines du mondialisme contemporain et la genèse de l’Etat Profond Occidental n°2 aux éditions de Terre & Peuple, consacré à cette problématique de l’impérialisme de l’Anglosphère à travers les actions de Cecil Rhodes et d’Alfred Miner.
- Gardons cependant en mémoire que durant tout le XIXe siècle, c’est l’Empire russe qui, aux yeux des Britanniques, a fait figure d’univers de la Tyrannie. Cette longue durée de la russophobie dans le monde anglo-saxon n’est pas étrangère à notre sujet.
- C’est le bref moment de « la fin de l’histoire » théorisée par le néo-conservateur Francis Fukuyama.
- Stricto sensu, la Grande Bretagne n’existe que depuis 1707 et l’Acte d’Union de l’Angleterre et de l’Ecosse, mais par commodité ici, je l’emploie pour toute la période.
- L’une des manifestations les plus récentes de cette affinité est l’Aukus, alliance militaire tripartite fondée le 15 septembre 2021 entre l’Australie, la Grande Bretagne et les États-Unis, célèbre pour avoir coûté à la France un fabuleux contrat d’armements.
- Genèse : « En ce jour-là, l’Éternel fit alliance avec Abraham et dit : Je donne ce pays à ta postérité, depuis le fleuve d’Égypte jusqu’au grand fleuve, au fleuve d’Euphrate. ».
- La Suisse est le seul pays important d’Europe qui n’appartient pas à ces structures tout en entretenant des relations avec elles et qui a manifesté son appartenance à l’Occident Collectif en sanctionnant la Russie. A l’inverse, la puissance eurasiatique turque, qui appartient à l’OTAN, a refusé d’appliquer les sanctions décrétées pat le 1er et le 2ème Cercle de l’Occident.
- Dans le souci d’être précis, nous distinguons les « Occidentaux » en tant qu’ensemble humain au sein des états du même nom qui agit, par accomplissement de ses devoirs de fonction, pour mettre en œuvre les politiques occidentales. Cela, qu’il en soit conscient ou non, d’accord ou non. Nous désignons par « Occidentalistes » les adeptes conscients et volontaires de la vision du monde occidentale et pleinement engagés dans la réalisation des buts occidentaux.
- Quand nous employons les expressions « populations ou gens ordinaires », il n’y a rien de péjoratif : il s’agit surtout de faire la différence entre les oligarchies, les élites et les bourgeoisies massivement engagées dans l’occidentalisme parce qu’elles en profitent, et les gens du peuple et des petites classes moyennes qui sont souvent les premières victimes des politiques occidentalistes. C’est par exemple sur les gens ordinaires d’Occident que va retomber au quotidien le poids du choc en retour des sanctions antirusses décidées par les oligarchies occidentalistes. Les « élites » pourront s’en exempter.
- Un peu comme les idées de droite, de centre et de gauche dans les forces politiques occidentalistes : on y trouve des nuances ou des oppositions de détail quand il y a accord sur les grands sujets.
- On pourra se reporter à l’excellent ouvrage de référence de Dalmacio Negro Pavon, La loi de fer de l’oligarchie. Pourquoi le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple est un leurre. L’Artilleur, 2019.
- On ne détaillera pas, mais les curieux peuvent se pencher sur les mésaventures de l’ancien PDG de Renault – Nissan, Carlos Goshn.
- A l’origine, un comprador est un membre d’une bourgeoisie locale au service d’une firme étrangère, souvent dans un contexte colonial. Par extension, le terme désigne les classes dirigeantes d’un pays qui se dévouent pour les intérêts politiques et économiques d’une puissance dominante. Un exemple type de structure compradore est la French American Foundation dont le rôle est de préparer de futurs dirigeants français à être de bons Collaborateurs des États-Unis d’Amérique.
- Il faut comprendre « système » au sens qu’on lui donne dans la science de la systémique, à savoir un ensemble d’éléments en interactions multiples.
- Étymologiquement, « gouvernement par des conseils ». Ce terme fait référence à un épisode de l’histoire de France quand, à la mort de Louis XIV et au début de la régence du Duc d’Orléans de 1715 à 1718, les ministères furent remplacés par des Conseils qui gouvernaient en négociant entre eux les principales décisions. La politique globale résultait des compromis issus de ces négociations.
- Cf. par exemple, Wall Street et la Révolution Bolchevique d’Anthony C. Sutton, Le Retour aux Sources, 2021
- Sur l’opposition Tradition/Modernisme, nous nous inscrivons globalement dans la perspective du philosophe René Guénon ; sur l’opposition Holisme/Individualisme, nous nous inscrivons totalement dans les réflexions de l’anthropologue Louis Dumont. L’approche holiste ou organiciste considère que la norme positive des sociétés est une organisation hiérarchisée par des valeurs de communautés diverses et complémentaires dans lesquelles l’individu est englobé pour y puiser le sens de sa vie. A l’inverse, l’individualisme dénie toute réalité ou prétention normative aux communautés en ne considérant que l’individu comme atome humain. D’un point de vue souverainiste, on comprend alors que la souveraineté collective d’une nation n’a aucun sens dans un monde où l’individu est le seul souverain.
- Les royaumes d’Angleterre et d’Ecosse sont unis en 1707 pour former le Royaume de Grande Bretagne.
- La Fable des Abeilles – Recherches sur les origines de la vertu morale. Voir la conférence de Dany Robert Dufour https://youtu.be/goYIG9IQv44 et sa riche bibliographie.
- Lucien Cerise, Retour sur Maïdan. La guerre hybride de l’Otan, édition de 2017, Le Retour aux Sources, chapitre 8 « une révolution LGBT », pp 265 – 294.
- Pour une vue complète, on peut lire, de Serge Audier, Néo-Libéralisme(s), une archéologie intellectuelle, Grasset, 2012.
- Cf. en particulier, Impasse Adam Smith. Brèves remarques sur l’impossibilité de dépasser le capitalisme sur sa gauche, Climats, 2002, qui est aussi une bonne introduction à l’ensemble d’une œuvre aussi claire à lire que stimulante.
- Cf. les nombreuses interventions de l’auteur qui signe le Saker sur le site du Saker francophone https://lesakerfrancophone.fr
- Cette expression plaisante, forgée par Xavier Moreau, est très imagée pour rendre compte des « experts » militaires français qui trustent les plateaux de télévision comme certains médecins il y a quelques mois dans la période covid. Ils donnent la même impression de professionnalisme que le général Gamelin, chef des armées françaises, en 1940.
- Du moins jusqu’à la mobilisation partielle de fin septembre.
- Outre le tournant militaire, l’assassinat, le 20 août 2022, de Darya Douguina, journaliste et philosophe, fille du philosophe et géopolitologue eurasiste Alexandre Douguine qui insiste beaucoup sur le conflit de civilisation dont la guerre d’Ukraine est l’occasion, marque une radicalisation des occidentalistes.
- Le 21 septembre 2022, Vladimir Poutine et le ministère de la Défense russe ont annoncé la mobilisation de 300 000 réservistes entrainés. Il est probable que ce soit pour étoffer les effectifs en Ukraine en vue d’une offensive d’hiver. L’intensification des bombardements russes sur les installations énergétiques critiques ukrainiennes semble aller dans le sens de la préparation d’une grande offensive. Il est possible aussi que ce soit une préparation contre une possible extension du théâtre de la guerre. Les pays de l’OTAN arrivent en effet au bout de leurs options de soutien sans belligérance à l’Ukraine. Ils ne sont plus loin du moment où ils devront soit lever le pouce soit aller à la confrontation directe.
- Je renvoie, pour de précises, bonnes et amusantes synthèses à la chaine YT Trouble Fait : https://www.youtube.com/c/TroubleFait/videos . On y trouvera tout ce qu’il faut savoir sur la guerre économique de l’U.E.
- Vers la chute de l’Empire Occidental. Notre maison brûle, nous regardons ailleurs, Éditions de Paris, 2016 ; Le crépuscule de l’Occident. Chroniques de la décadence. L’Harmattan, 2017 ; La chute finale. L’Occident survivra-t-il ?, Jean-Cyrille Godefroy, 2022.
- Quadrige / PUF, 2004 / 2016.
- Edward Bernaÿs (1891 – 1995), neveu de Sigmund Freud, considéré comme le père de la propagande moderne. Cf. son maître ouvrage : Propaganda, comment manipuler l’opinion en démocratie, Zones, 2007.
- Walter Lippmann (1889 – 1974), journaliste et politologue, d’idéologie socialiste fabienne puis l’un des pères du néo-libéralisme. Chargé d’animer la propagande de guerre américaine durant la 1ère G.M., il en tirera des enseignements dans des livres (non traduits en français) et est le créateur de l’expression « la fabrique du consentement »
- Sur Lippmann, Bernaÿs et, plus généralement la propagande, on peut lire David Colon, un universitaire très politiquement correct mais qui donne des indications utiles : Propagande. La manipulation de masse dans le monde contemporain, Belin, 2019.
- Année de création de l’État d’Israël.
- Concernant Léo Strauss et le rôle des « straussiens », cf. l’article suivant : https://www.voltairenet.org/article217971.html
- Les Jacobites (de Jacob, Jacques) est le nom qu’on a donné aux partisans de la dynastie Stuart chassée du trône par la Glorieuse Révolution protestante et libérale de 1688. Ils ont mené une guerre larvée au nouveau régime jusqu’à leur défaite finale en 1746.
Source : Terre & Peuple Magazine N° 94 – Solstice d’hivers