Y eut-il, entre 1919 et 1939, un fascisme proprement français ? Oui, contrairement à ce qu'affirment depuis longtemps les fascistologues de toutes obédiences. La base de ce fascisme était-elle idéologique ? Non, affirme Michel Lacroix, dans son livre ‘De la beauté comme violence – Esthétique du fascisme français’, car cette base était d’abord esthétique. L’ouvrage vise à montrer que tout du fascisme naît de l'esthétique ou y aboutit. Les discours, les pratiques symboliques et les textes littéraires ne cessent d’ailleurs de le répéter «Qui dit fascisme dit avant tout beauté,» proclamait Benito Mussolini.
Qu'est-ce qu'un chef ou un héros pour les artistes fascistes ? Quelles valeurs cherchent-ils à promouvoir chez les jeunes en Allemagne, en Italie et en France ? À quel spectacle politique consacrent-ils leurs efforts ? Voilà les trois principales questions auxquelles s’applique à répondre Michel Lacroix. Pour y arriver, il est allé relire Drieu la Rochelle et Céline, mais il s'est aussi intéressé au scoutisme et à l'olympisme, à la sculpture comme au cinéma. C'est ce qui lui a permis de comprendre les rapports, souvent troubles, du pathos, de l'exhibition, du sublime, de la violence et de la mort dans le fascisme français de l'entre-deux-guerres.
Michel Lacroix est professeur au Département de français de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Il a publié des articles sur Louis-Ferdinand Céline, Drieu la Rochelle, Jean Paulhan, Robert Brasillach, les sociabilités intellectuelles au Québec et en France. De la beauté comme violence est son premier livre.
Sont plus révélateurs qu’un long commentaire les titres des divisions de l’ouvrage: L'esthétique fasciste, une esthétique totalitaire ?; Esthétisation et symbolisme politique; France : un fascisme littéraire ?; De quelques zones d'ombre. Sociocritique et discours social; Ce fort, ce libre, ce héros: le culte du chef; Les faveurs du chef; Le charisme esthétique, ou le grand oeuvre du grand homme; La violence créatrice; Les charmes de la poésie; Prophète, sorcier, guerrier: visages du chef; Être héroïque ou périr; Le moi et le nous: le chef comme synthèse; Une poignée de chefs dans la main d'un chef; Le don de soi; Mégalographie; L'epos fasciste; Le rut héroïque; À l'ombre du chef: le héros bancal; Le rêve de l'homme entier; L'intellectuel et le chef; Le fascisme en culottes courtes: discours fasciste sur la jeunesse; Naissance d'une notion: la jeunesse; D'une jeunesse l'autre; Muscler et bronzer la jeunesse: l'olympisme; Les mouvements de jeunesse; Le fascisme est jeunesse, donc beauté; La jeunesse non-conformiste; «Rendre son âme à la France»: les mouvements de jeunesse; Fascistes parce que jeunes; La jeunesse à l'extrême droite; Mourir à trente ans: Robert Brasillach; Le défilé de l'orgueil: le spectacle politique fasciste; Le spectacle du pouvoir; La place du roi, le corps de la foule; Le spectacle de la IIIe République; Où la manif se fait fête: le Front populaire; Chorégraphies fascistes; Le défilé de l'orgueil; Coups de foudre fascistes; Oh ! La belle armée !; La foule (en) uniforme; Le «dressement» viril; «Ce que j'aime dire nous»: esthétique et collectivité chez Drieu; Les jeunes nus; La danse fasciste; L'esthétique fasciste: «Du sang, de la volupté et de la mort»; Une beauté pathétique; Une beauté exhibée; Une beauté sublime; Une beauté violente; Une mortelle beauté; Kitsch, fascisme, romantisme; Pars destruens: fascisme et laideur; Fascisme, esthétique et recyclage; Fascisme et littérature.
(Lacroix, Michel, De la beauté comme violence. L'esthétique du fascisme français, 1919-1939, Montréal, Presses de l'Université de Montréal, coll. «Socius», 2004, 390 p. ISBN : 2-7606-1959-1. (34,95 $ / 31 euros)
Article paru dans le n°62 de Renaissance européenne