Dans l'une des petites rues du quartier madrilène d'Argüelles, pas très loin de ce qui est aujourd'hui la Cité Universitaire, une plaque décorée d'une couronne mortuaire et de cinq roses appelle l'attention du passant : c'est la plaque qui indique l'endroit où fut assassiné, il y a déjà presque un demi-siècle, Matias Montero.
Matias Montero est tout un symbole pour la Phalange. Une des premières victimes du mouvement, mort dans la fleur de l'âge, alors qu'il n'avait que vingt ans, il devint le prototype et l'exemple de la jeunesse nationale-syndicaliste.
il nait à Madrid le 28 juin 1913. Etudiant en médecine, dès son entrée à l'Université il se distingue dans les activités du syndicalisme universitaire, prenant part à la formation du Syndicat Catholique des Etudiants. Le 9 février 1931 il écrit à Ramiro Ledesma pour lui exprimer son désir de s'intégrer au groupe de La Conquista del Estado, « sincèrement convaincu — dit-il à Ramiro dans sa lettre — que ses idées ouvrent un chemin salvateur dans l'actuelle confusion politico-sociale ». Sa lettre est la première adhésion écrite que reçoit le fondateur du national-syndicalisme.
Il interviendra ensuite, de façon décisive, dans la gestation et le développement du S.E.U. (Syndicat Espagnol Universitaire), considéré comme le noyau le plus précieux de la Phalange, et il fera partie du Triumvirat de cette organisation à la Faculté de Médecine. Jeune « à l'âme pure et au style clair » (A. Munoz Alonso), il se distinguera à tout instant par son courageux combat contre le marxisme, qui infestait la vie universitaire, et par son total dévouement à la cause de la révolution nationale.
Ramiro Ledesma, au jugement toujours dur et exigeant, dira de lui que, parmi les jeunes étudiants qui militent au S.E.U., parmi ceux qu'il considère comme la sève la plus prometteuse et la plus révolutionnaire du phalangisme, il est « celui qui a l'inquiétude historique la plus sensible ». Eloigné de la frivolité et de la dissipation habituelles à la jeunesse étudiante, il sait concilier l'amour des lettres et les tâches de l'étude et de la préparation scientifique avec l'action politique, tout cela dans le cadre d'une passion enflammée pour l'Université comme organe générateur de culture, au service de l'homme et de la Patrie. Sa passion universitaire, patriotique et révolutionnaire est résumée dans les peu nombreux écrits qui en sont parvenus jusqu'à nous.
Le 9 février 1934, alors qu'il rentrait chez lui après la vente du périodique F.E., un tueur marxiste lui tire une balle dans le dos et l'achève immédiatement après. Ce lâche assassinat exerça un terrible impact dans les milieux universitaires et dans les plus différents milieux politiques, entrainant des répercussions importantes pour le mouvement phalangiste. Ce crime impressionna tant José Antonio qu'il provoqua chez lui un changement radical dans son comportement de chef et dans toute sa vision de la vie. Ce fut un fait, dit Munoz Alonso, qui « décida du destin de sa vie, arrachant le dernier vernis des compromis de salon (...). La mort de Matias Montero conféra à José Antonio le sacrement militaire de la confirmation politique ». David Jato raconte que José Antonio chassait lorsqu'il apprit la nouvelle de l'assassinat du jeune militant. « J'en finis avec les actes frivoles de ma vie », dira succinctement le chef de la Phalange, sans pouvoir cacher sa douleur. « Le martyre de Matias Montero — dira plus tard José Antonio lors de la cérémonie funèbre célébrée en l'honneur de l'étudiant assassiné — n'est pas seulement pour nous une leçon sur le sens de la mort, mais aussi sur le sens de la vie. » Comme le remarque justement le professeur Munoz Alonso, il y a dans ces mots tout un témoignage de la transformation intérieure qui s'opère en José Antonio et qui, à travers lui, ne laissera pas d'exercer une incontestable influence sur le mouvement. « La Phalange doit à Matias Montero la grâce de l'austérité et de la sincérité profondes et José Antonio l'engagement existentiel de son sacrifice. »
En l'honneur de Matias Montero, Sanchez Mazas composa sa Prière pour les morts de la Phalange (1), et en sa mémoire on proclamera plus tard la date du 9 février « Jour de l'étudiant assassiné ».
Avec Matias Montero, la Phalange perdait sans aucun doute l'un de ses hommes les plus précieux, une de ses plus riches possibilités humaines. Le 9 février de cette fatidique année, fut coupée I’«une des plus belles promesses que le S.E.U. pouvait offrir au courant national-syndicaliste », dit Francisco Bravo. Mais en même temps qu'elle perdait un homme, un jeune militant dont la présence se faisait indispensable, la Phalange gagnait un symbole, un mythe vivant, un exemple capable de capter les énergies et d'orienter les volontés.
Sur le cadavre de Matias Montero, on trouva dans l'une de ses poches les épreuves d'un article de sa main, qui portait comme titre « Les flèches d'Isabelle et de Ferdinand », et qui fut publié quelques jours plus tard dans le périodique F.E. Les citations reproduites ci-dessous en sont extraites. Ce fut le message posthume, ardent et plein d'espoir de cette jeune âme, courageuse et généreuse, que José Antonio compara à celle du « Doncel de Siguenza », Martin Vasquez de Arce, homme d'armes et de lettres de l'Espagne du XVe siècle, qui tomba dans la fleur de la jeunesse devant les murs de Grenade, alors qu'il était sur le point de conquérir cette ville, la dernière des royaumes arabes de la Péninsule, et de parvenir ainsi à l'unité de l'Espagne. Matias Montero, écrit José Antonio dans la brève note de présentation pour l'article du militant assassiné, « s'était déjà entièrement donné à la Patrie et à la Phalange, avec noblesse, avec intelligence, avec joie », et « il meurt avant que notre soleil parvienne à son zénith », sans pouvoir voir se réaliser son rêve d' « une Espagne forte et aux architectures harmonieuses sous la lumière solaire ».
Matias Montero mourut, en effet, comme le fera aussi son chef qui prononçait ces paroles, avant de voir la victoire, la victoire contingente et relative, souvent éphémère, du triomphe politique et militaire. Mais dans ses yeux moribonds luisait déjà le soleil de l’aurore: il y avait certainement l’intuition que la victoire, définitive et suprême, cette fois, celle qui compte réellement, l’a déjà obtenue celui qui immole sa vie d’une manière désintéressée pour le triomphe de la lumière.
Antonio MEDRANO
(Traduit de l'espagnol par Georges GONDINET)
Morceaux choisis de MATIAS MONTERO
— « Espagne invertébrée (2). Tel a été le cri angoissé de beaucoup à la vue des maux de la Patrie. Certes. Espagne invertébrée, sans moelle, sans nerf, refuge facile de rhétoriciens jacobins et de bourgeois mous, qui arborent le piteux étendard libéral. Hommes sans foi en leurs propres convictions, qui n'hésitent pas à ouvrir les portes du Pouvoir aux hordes de l'Islam rouge, dont la clameur dit que Marx est Dieu et que Lénine est son prophète. »
— « II est urgent que nous, les jeunes, qui contemplons le panorama espagnol, nous abandonnions notre position de spectateur, et que nous jetions avec courage et foi sur nos épaules la grande charge. Donner des vertèbres à l'Espagne. Faire en sorte que croisse sur le territoire de l'Espagne l'épine dorsale d'une institution qui lui donna autrefois unité et sagesse : l'Université. Aujourd'hui nous n'avons pas d'Université. Ne crois pas, lecteur, que ces vieux ou très modernes édifices que l'on appelle Facultés puissent être l'authentique Université Espagnole. L'habit ne fait pas le moine. Dans des temps reculés, Alphonse X le sage expliquait : l'Université est la « réunion de maîtres et d'élèves », et, disait le grand roi, elle a pour fin la vérité. Ces paroles ne sont pas applicables à nos centres d'enseignement, déchirés en factions, divisés par des luttes et ensanglantés par l'émeute. Dans nos universités, envahies par la classe positiviste et mercantile, dans notre Université de faible valeur culturelle. Il faut donc que nous relevions l'Université, Alma Mater dans l'avenir de l'Espagne. Une Université pure de passions, bloc compact de professeurs et d'étudiants, qui marche enthousiaste à la recherche de la culture au service de la Patrie. Oui ne considère pas la science comme une fin, non, mais qui voit en elle un instrument de rédemption humaine et que ses chercheurs, en créant la science pure, ont besoin de la ferme base d'une grande splendeur technique, qui apportera au peuple d'Espagne joie, optimisme et confiance en son destin.
« Bien sûr, l'entreprise est ardue et pénible, car on n'improvise pas et on ne fait pas émerger des ruines d'aujourd’hui l'Université idéale que nous proposons ; mais si, conscients de notre devoir, nous formons des Phalanges de Sacrifice, il ne sera pas si lointain le jour lumineux où l'Université Impériale de la Jeune Espagne étendra sa renommée et sa culture par les routes du monde. »
— « Bientôt seront achevés les magnifiques bâtiments de la Cité Universitaire; mais s'il leur manque l'esprit et l'âme, ce seront seulement de belles couvertures qui recouvriront un intérieur abject et leur destin sera triste. L'effort est nécessaire. Non celui qui s'accroît rapidement au rythme d'une harangue pour s'affaiblir et baisser jusqu'à l'oubli, mais l’effort quotidien et intérieur, tendu et persévérant de ceux qui sentent leur cœur plein de foi, et qui marchent avides de vérité derrière les flèches d'Isabelle et de Ferdinand. »
— « Peut-être la haine nous guette-t-elle dans le désert avec de faux mirages de paradis soviétiques ? Nous, jeunes fervents de la steppe, nous n'y croirons pas. Nous savons que la vie est service et notre attitude ascétique rejettera la tentation marxiste. Nous ne voulons pas pénétrer dans ses jardins à la flore insalubre, dont les émanations diluent dans les âmes juvéniles les belles convictions gravées avec l'étampe de la tradition espagnole, tradition d'honneur, de gloire et de sainteté (...). »
— « Nous devons sentir le battement généreux du génie de l'Espagne, génie qui répandit dans le monde la vocation universelle de notre race catholique, bras armé de l'unité humaine. »
— « Empire et Université : c'est ce que doit proclamer notre mot d'ordre aujourd'hui. Que dans les cieux de la latinité poussent leur chant les Aigles de Rome, qu'ils proclament sur les terres vicieuses et libérales la beauté suprême et symbolique des faisceaux et des flèches. »
— « Ne doutez pas, donc, jeunes qui portez en vous l'Université. Nous ne vous offrons pas le plaisir ni la commodité. Au contraire, avec nous vous endurerez peines et travaux, et peut-être nous sentirons-nous accablés par la fatigue du combat. Mais, comme notre foi est inébranlable et notre volonté passionnée, pour nous se lèvera le grand jour espagnol où le tintement allègre des vieilles cloches universitaires unira ses sons de bronze à la clameur de victoire qui répandra à travers la Patrie vertébrée la joyeuse chanson espagnole. »
— « Nous vous attendons, futurs camarades, le bras tendu, symbole et défense de la Pax Romana. »
Notes :
(1) Le lecteur pourra trouver une traduction de cette prière dans le livre d'Arnaud Imatz, José Antonio et la Phalange Espagnole Ed. Albatros, 1981, pp. 143-144. On peut notamment y lire : « Victimes de la haine, les nôtres ne sont pas morts par haine, mais par amour et le dernier secret de leur cœur est l'allégresse avec laquelle ils ont donné leur vie pour la Patrie. » (N.D.T.)
(2)Allusion à une œuvre de José Ortega y Gasset intitulée Espana invertebrada (N.D.T.)
Textes extraits de Falange Espanola, numéro du 22 février 1934 et traduits de l'espagnol par Georges GONDINET.
Source : TOTALITE – N° 14, printemps 1982.