Christophe Dolbeau est l'auteur d'une douzaine de livres consacrés notamment à la lutte anticommuniste en Europe, aux problèmes de l'ex-Yougoslavie, et aux nationalistes croates, dont il est très proche. Son précédent livre, passionnant, paru chez Akribeia, auquel nous avions consacré une recension dans Rivarol, dressait le portrait de quelques esprits indociles et parfois bizarres, de la littérature anglo-saxonne du XXème siècle. Christophe Dolbeau récidive avec un livre tout autant passionnant, dont le titre est: Les Parias; fascistes, pseudo-fascistes et mal-pensants. On y trouve les portraits de vingt-six personnalités politiques ou littéraires peu connues, à l'exception d'Oswald Mosley, de Codreanu et d’Ezra Pound, ayant joué un rôle souvent important, dans la promotion de l'Ordre Nouveau et du « fascisme immense et rouge » ou ayant frayé avec l'innommable. Nous évoquerons d'autres personnages étonnants dans un article à suivre sur le site.
Hadj Amine al-Husseini, le Grand Mufti de Jérusalem
Né en 1895, Amine al-Husseini vient au monde au sein d'une vieille famille palestinienne aisée. Proche des milieux nationalistes, s'opposant à l'occupation anglaise, il va créer le Club arabe, un cercle qui prône l'unité arabe, le rejet du sionisme et le retour de la Palestine à la Syrie. Accusé d'être responsable d'émeutes qui se déclenchèrent quand un Libanais vendit ses terres aux sionistes et que 8000 métayers palestiniens se retrouvèrent sans travail, il sera condamné par contumace à dix ans de prison, mais pourra s'enfuir. A l'âge de vingt-huit ans, il est déjà considéré comme un héros et acquiert même une stature internationale. Elevé à la dignité de Grand Mufti, il lance le Parti arabe de Palestine qui réclame l'indépendance de la Palestine et rejette les prétentions sionistes. Le conflit arabo-juif (ces derniers représentent désormais 30% de la population de la Palestine) prend alors l'aspect d'une véritable guerre. L'annonce, en août 1937, de la future partition du pays déclenche la fureur des Palestiniens. La révolte gagne du terrain. Mais la guerre menace en Europe. Les Britanniques, inquiets, cherchent à calmer le jeu et proposent, le 17 mai 1939, de limiter drastiquement l'immigration juive et de garantir la prééminence arabe dans le protectorat. Mais le grand mufti exige maintenant l'indépendance totale. Certains observateurs estiment que cela fut une faute politique majeure du grand mufti. Ceci dit, les Britanniques auraient-ils tenu parole ? Rien n'est moins sûr avec ces champions de la duplicité. Poursuivi par les Anglais, c'est déguisé en femme qu'il quitte clandestinement le Liban pour se réfugier en Irak où, conspirateur dans l'âme, il organise un complot pour chasser le régent trop anglophile, pesant de tout son poids pour entraîner l'Irak du côté de l'Axe. Traqué par les Britanniques, rusé et rompu à la clandestinité, il réussit à se réfugier en Turquie avant de gagner l'Italie, le 10 octobre 1941, où il est reçu par Mussolini. Il demande que l'Axe reconnaisse le principe d'un Etat arabe de type théocratique, réunissant le Liban, la Syrie, l'Irak, la Palestine et la Transjordanie. Mussolini acquiesce, mais c'est Hitler qui décide. Il sera accueilli en hôte d'honneur à Berlin et rencontrera le Führer dont il n'obtiendra que de vagues encouragements, le 28 novembre. A partir de mai 1942, il commencera à parler à la radio, ce qui aura un impact dans le monde arabe. Il va fonder un Institut central islamique dont Goebbels en personne préside à l'inauguration. Amine al-Husseini se présente à cette occasion comme le chef spirituel de 400 millions de musulmans et comme l'ennemi mortel des Juifs, des Anglais et des bolcheviks. Il affirme que l'alliance des musulmans et du Reich est naturelle puisque l'islam et le national-socialisme ont en commun les principes d'ordre, de discipline, de solidarité et d'indépendance. Il se révélera comme un auxiliaire précieux sur le plan militaire, recrutant 6000 combattants musulmans pour le Reich. Il inspectera, en Croatie, les recrues de la division SS musulmane « Handschar », qui se singularisera par sa cruauté, amenant même Himmler à envisager de la dissoudre, et rencontrera Ante Pavelic. Arrêté à la fin de la guerre par la sécurité militaire française, réclamé comme criminel de guerre par les Britanniques, les Américains, les Yougoslaves, il n'est, curieusement, nullement inquiété et sera protégé par la police française, recevant autant de visites qu'il veut. Etrange... Un an plus tard, il s'envole pour l'Egypte, muni d'un passeport diplomatique syrien, voyageant sous un nom d'emprunt. Il y sera reçu par le roi Farouk et résidera même un temps au palais. Il a conservé sa popularité auprès des masses palestiniennes et proclamera solennellement l'indépendance de la Palestine, à Gaza, le 20 septembre 1948, fondant les bases d'un futur Etat palestinien. On connait la suite...
Subhas Chandra Bose, héros de l'Inde libre
L'Inde accédait à l'indépendance, le 15 août 1947, au terme d'une lutte de plus de six décennies. Tout le monde, en France, connait le mahatma Gandhi et le pandit Nehru, mais qui se connait Subhas Chandra Bose qui, dit-on, a droit à davantage de statues et de places en Inde que les deux premiers personnages? La raison ? Cet ultra-nationaliste qui militait pour une émancipation armée de son pays prit, en 1941, le parti de l'Axe et s'engagea résolument aux côtés des Japonais, ce qui explique sans doute cette discrétion de chaisière des historiens occidentaux à son égard. Né le 23 janvier 1897, il connut une scolarité brillante qui l'amena à Cambridge, mais plutôt qu'une belle carrière de haut-fonctionnaire, il choisit le combat pour l'indépendance de sa patrie. Organisant des manifestations, fondant un groupe clandestin, s'opposant ouvertement à Gandhi qu'il juge trop timoré, il connaîtra le cachot à maintes reprises. Soupçonné d'encourager le terrorisme, il est appréhendé le jour de ses 33 ans. Lorsqu'on le relâche, neuf mois plus tard, il est maire de Calcutta ! Christophe Dolbeau le décrit ainsi: « Intransigeant, courageux et talentueux, il jouit du soutien enthousiaste des jeunes et des plus modestes. » Les Britanniques, effrayés par sa colossale popularité, vont le mettre sur un navire en partance pour l'Europe, avec interdiction de revenir au pays. Il entreprendra aussitôt une tournée dans les capitales européennes afin d'y expliquer le combat de l'Inde nationaliste. De passage à Berlin, il assiste à l'installation du régime national-socialiste, tandis qu'à Rome Mussolini le reçoit à plusieurs reprises. Chandra Bose finira par rentrer au pays, où il sera immédiatement arrêté. Libéré en mars 1937, il ne tardera pas à accéder à la présidence de l'exécutif. A 41 ans, il est l'homme politique le plus puissant du pays. Mais la guerre paraît imminente en ce début d'année 1939. Bose durcit le ton, appelant à la désobéissance civique et organisant une conférence anti-impérialiste qui remporte un énorme succès. Il est à nouveau placé en état d'arrestation. Mais, sept mois plus tard, ce diable d'homme fausse compagnie à ses gardiens. Déguisé en Pachtoune, prétendument sourd-muet, il prend le 26 janvier 1941, le chemin de l'Afghanistan où un commando de l'Abwehr le convoie ensuite jusqu'à Kaboul. Il rejoindra enfin l'Occident, via l'URSS où le NKVD veille sur lui et arrive à Berlin où il rencontre les dirigeants auxquels il propose la collaboration de l'Inde, leur demandant de s'engager sur l'avenir de l'Inde. Ceux-ci ne se montreront guère empressés à lui donner satisfaction. En fait, Bose n'est nullement nazi; il s'agit d'une simple alliance d'intérêts. Il voit donc Ribbentrop, Goebbels et, le 27 mai 1942, Adolf Hitler. Il obtient le droit de s'adresser aux prisonniers de guerre d'origine indienne et de s'exprimer sur les ondes de la radio allemande (des émissions entièrement produites par les Indiens, sans aucune censure allemande, qui remportent un grand succès). Bose va aussi présider à la création de la Légion indienne, qui comptera 3000 hommes et qui sera versée dans la Waffen-SS après le débarquement. Cette unité possède la particularité de porter le turban ! Bose finira par se tourner vers le Japon. Il arrivera à Tokyo a bord d'un sous-marin allemand puis japonais. Commencée en mai 1942, la levée d'une armée nationale indienne a rencontré un franc succès: 40 000 volontaires se sont présentés. Mais les Nippons n'ont absolument pas pris en compte les attentes de Bose, à savoir la reconnaissance de la souveraineté de l'Inde, le respect de son intégrité territoriale, la libération des prisonniers, un statut officiel d'armée alliée, un soutien financier et l'assurance de ne combattre que sur le front indien. Qu'à cela ne tienne. Chandra Bose affirme haut et fort sa stature de chef d'Etat, annonçant la formation d'un Gouvernement provisoire de l'Inde libre et organisant sa petite armée de dix mille hommes. Mais l'armement fait cruellement défaut. Les résultats restent modestes. Il est vrai que le conditions sont dantesques. Beaucoup de soldats mourront de faim dans les forêts. En juillet 1944, les alliés passent à l'offensive avec de puissants moyens. Les Japonais reculent et les Indiens se replient dans des conditions épouvantables et avec des pertes très importantes. Les désertions se multiplient et des mutineries surviennent. C'est l'ultime baroud. Le 15 août 1945 voit la capitulation japonaise. Mais Chandra Bose ne se décourage pas pour autant. Il s'envole le jour même pour Saigon avec l'intention de rejoindre la Mandchourie et de prendre contact avec les Soviétiques. Mais le voyage s'arrête là. Son avion s'écrase au sol et s'enflamme aussitôt. L'idée que le chef n'est pas mort et qu'il reviendra se répandra. Chandra Bose est entré dans la légende. Il fait toujours l'objet d'un culte fervent. Pour beaucoup d'Indiens, dit l'écrivain Sajojini Naidu, « Bose demeure l'exemple même du patriote intransigeant dont on continue d'admirer le courage, la passion pour la liberté, l'imagination, le don du commandement et le sens aigu de l'unité nationale ».
Lord « Haw-Haw », speaker du Reich
William Brooke Joyce, alias lord Haw-Haw, en référence à son accent aristocratique, fut l'un des personnages les plus célèbres et les plus honnis de Grande-Bretagne, en ces années 1940. Huit mois avant son exécution pour haute trahison, le 3 janvier 1946, il défiait encore Churchill au micro de Radio Hambourg et promettait aux villes anglaises le feu purificateur des armes spéciales du IIIème Reich. Il avait rejoint, en 1923, le mouvement des Britisch Fascists que dirigeait miss Rotha Lintorn-Orman (à ne pas confondre avec le mouvement d'Oswald Mosley). Il fut grièvement blessé lors d'une réunion. Défiguré à vie, il se convainquit que son agresseur était un « communiste juif », ce qui ne sera jamais prouvé. Dès lors, il versera dans un antisémitisme débridé au point d'indisposer ses propres camarades. Il quittera ce parti quelque peu folklorique pour militer un temps au Parti conservateur où ses discours incendiaires et sa « gueule » de voyou choquent. Il quitte donc aussi les Torries. Intellectuellement, c'est un garçon très doué, parlant couramment l'allemand et le français. Il ne tardera pas à rejoindre la Bristish Union of Fascists d'Oswald Mosley où il s'imposera rapidement à la deuxième place dans la hiérarchie, juste derrière le chef. Il se montre de plus en plus virulent dans ses diatribes contre les juifs, régulièrement qualifiés d' « innommables aux nez crochus » ou de « sous-hommes aux orteils préhensibles », précisant, au cas où on ne l'aurait pas bien compris: « C'est la défaite de la juiverie qui libérera l'Angleterre, le combat n'étant pas entre le conservatisme et le socialisme, mais entre la finance internationale juive et le patriotisme national-socialiste ». Oswald Mosley est lui-même gêné par les diatribes de ce fanatique talentueux qui jouit d'un indéniable prestige parmi les militants de base. Joyce ne tardera pas à démissionner du parti pour fonder avec son ami Beckett, dont pourtant la mère est juive, la Ligue national-socialiste britannique. Joyce dénonce désormais aussi les bourgeois anglais dont le pacifisme bêlant s'est soudain mué en une germanophobie morbide; il exige l'abolition de la démocratie parlementaire, l'instauration d'un Etat syndicaliste fasciste, et prône une alliance avec l'Allemagne et l'Italie. Il se retrouvera complètement marginalisé. Son arrestation est imminente: il prend la route pour Douvres, destination Berlin. Le 19 décembre 1939, il est embauché comme rédacteur et speaker à la radio allemande. Sa voix nasale et son ton guindé font merveille: le taux d'écoute progresse fortement. Goebbels et Goering lui font savoir leur satisfaction. Il demande la nationalité allemande. A la demande des autorités nazies, il rédige aussi un livre qui sera distribué aux prisonniers de guerre britanniques. Il y dénonce notamment l'aristocratie corrompue qui a cédé la place à la ploutocratie, et stigmatise « les pompeux cardinaux et les évêques bouffis qui prostituent le nom du Christ quand ils prêchent en chaire et prétendent sur un ton cotonneux que ce conflit est une croisade chrétienne contre l'Allemagne ». Lord Haw-How est désormais la star de la collaboration anglaise. Selon une enquête, un auditeur sur six de la BBC écoute régulièrement Joyce et un sur quatre de temps en temps. Choyé par ses chefs, bien rémunéré, très à l'aise, il mène une vie confortable. il se montre d'une impeccable orthodoxie nationale-socialiste et d'un courage sans faille dont témoigne son flegme lors des raids aériens. Mais la défaite est proche. Il poursuit le combat jusqu'au bout, n'abandonnant le micro que le 30avril. Ordre a été donné de l'exfiltrer en Irlande par sous-marin, mais plus aucun bâtiment n'est disponible. il sera arrêté peu après. Jugé, la peine capitale sera prononcée le 19 septembre. A l'énoncé du verdict, Willial Joyce claque des talons et salue l'assistance bras levé. Ses geôliers le tiennent pour « un gars merveilleux, souriant et courtois, jamais déprimé; jamais de mauvaise humeur, toujours soucieux des autres ». Il écrit dans son testament politique: « Je souhaite que la Grande-Bretagne renoue avec la grandeur et que la Croix gammée se relève de ses cendres lorsque sonnera l'heure cruciale pour l'Occident. Je suis fier de mourir pour mes idées et je plains tous les enfants d'Angleterre qui sont tombés sans même savoir pourquoi ».
Le 3 janvier 1946, la sentence est exécutée.
A suivre…
Christophe Dolbeau : « Les parias. Fascistes, pseudo-fascistes et mal-pensants », 600 pages, 30,00 euros + 5,00 de port, Akribeia, 45/3, route de Vourles, 69230 Saint-Genis-Laval (www.akribeia.fr)