Nous avons déjà évoqué dans un précédent article le livre de Christophe Dolbeau, paru aux éditions Akribeia, « Les Parias; Fascistes, pseudo-fascistes et mal-pensants ». Nous proposons aux lecteurs de découvrir cinq autres personnalités sulfureuses (l'ouvrage en évoque vingt-six) présentées dans ce livre de 600 pages des plus passionnants, dont nous conseillons vivement la lecture.
Louis Thomas, journaliste, écrivain, mercati et délateur
Qui se souvient de Louis Thomas? Et pourtant, ce journaliste, poète, romancier, éditeur, apparaissait partout sous l'Occupation. Né le 21 avril 1885 à Perpignan, certes intelligent, il eut cependant un parcours scolaire des plus chaotiques. Ambitieux, il se lança dans l'édition, publiant notamment ses propres livres, mais aussi ceux de Maurice Barrès et d'Anna de Noailles. Christophe Dolbeau le qualifie d'écrivain ubéreux, tant sa production est foisonnante. Il collabore aussi à de nombreuses publications, dont l'Action française et lance aussi carrément des titres. Passionné de grande musique, il crée une « Société française de musique allemande », dans le seul but de faire mieux connaître Gustav Mahler, grand compositeur juif. Nous en parlerons plus loin. Le jeune écrivain n'est pas dépourvu de talent mais, écrit Dolbeau « manque encore de sérieux et s'égare un peu trop souvent dans les polissoneries ». Maurice Barrès et Léon Daudet se montrent plutôt élogieux à son égard. Vient la Grande Guerre, où l'officier se comporte bien, même si ses supérieurs formulent des réserves quant à sa mentalité. Déjà... Une fois démobilisé, il gagne les Etats-Unis où réside son épouse, une diva du Metropolitan Opéra de New-York et découvre le « business » à l'Américaine. Insatiable, le voici « expert financier », tout en donnant des articles à la presse américaine et en organisant des expositions. Il oublie cependant pas le lectorat français, faisant paraître une kyrielle d'ouvrages. Il est décrit par ses admirateurs comme un « pamphlétaire redouté », à la « verve amusante », un « prophète dont la pensée échappe aux sentiers battus ». Certains parlent de lui comme de « l'homme aux six mille articles, aux soixante livres et aux cent pseudonymes ». Il interviendra aussi dans le débat politique par le biais de ses articles et sera même rédacteur en chef au Jour, un quotidien conservateur, et collaborateur de L'Ami du peuple de François Coty et Georges Mandel. Il prendra même la défense de Roger Salengro, ce qui fera hurler L'Action française. Puis vint la guerre. Il est capturé par les Allemands, le 22 juin 1940, aux environs de Nancy. Le voici prisonnier dans un Oflag. Là se situe une étonnante conversion. Le voici qui se mue soudain en admirateur inconditionnel de la Wehrmacht, se montrant particulièrement obséquieux à l'égard des autorités du camp, au point que ses compagnons d'infortune le mettent vite sur la touche. Sa détention s'achève vite. Il devient un des plus ardents promoteurs de la Collaboration et fait paraître un livre qui se veut un hymne à la magnanimité des Allemands. Ces derniers apprécient hautement l’exercice de cirage de pompes. Mais le voici devenu un furieux antisémite, lui qui portait Mahler au pinacle, éditant de nombreux auteurs juifs, admirant Georges Mandel. Il postulera, en vain, à la direction du Commissariat général aux questions juives. Il va dès lors publier sa prose dans Le Pilori, La Gerbe et La France socialiste et rejoindre le Rassemblement national-Populaire de Marcel Déat. Il écrit dans l'hebdomadaire du parti, Le National-Populaire, déclarant en toute modération, le 17 octobre 1942: « Il faut, avant tout, que la France subsiste. Donc, il est indispensable d'éliminer les Juifs ». Dans Les raisons de l'antijudaïsme, livre dédié à Louis-Ferdinand Céline, paru en 1942, il écrit: « Dans la nouvelle Europe, en train de se construire par le fer et le feu, il n'y aura pas de place pour les Juifs ». Mais la collaboration de Louis Thomas est aussi vénale, ce qui lui sera lourdement reproché. Il est en effet étroitement associé à la politique d'aryanisation de l'économie française et donc à la spoliation des propriétaires juifs. Il parvient à se faire confier par les Allemands la gestion fort lucrative de plusieurs firmes et parvient à mettre la main sur la maison d'édition Calmann-Lévy. Las, voici le débarquement allié en Normandie. Il prend la direction de l'Allemagne, tentant sans succès de se réfugier en Suisse. Il sera bientôt incarcéré en France. Les scrupules, comme nous l'avons vu, ne l'étouffent pas. Aux policiers qui l'interrogent, il propose, en échange de l'impunité, de leur livrer quelques amis miliciens. Il finira cependant à Fresnes où sa situation devient périlleuse, car le bruit court qu'il aurait « balancé » Darnand et des miliciens. Ses codétenus menacent tout simplement de le « suicider » ! Témoin au procès de Knipping, le bras droit d'Abetz, il fait preuve d'une absence totale de dignité et d'un total cynisme. « Votre qualité? » lui demande-t-on ? « Je suis dénonciateur », répond-il. Au cours de l'instruction, Thomas ira jusqu'à affirmer avec un incroyable aplomb avoir simulé l'antisémitisme afin de mieux aider les Juifs ! Galtier-Boissière le qualifiera de « roi des mouchards » et évoque « cet aventurier descendu au plus bas de l'échelle morale ». Vient son procès, le 12 octobre 1949. Jean-Louis Tixier-Vignancour est un de ses avocats. Il est reconnu coupable d'intelligence avec l'ennemi mais, bénéficiant de circonstances atténuantes, échappe au poteau, écopant de travaux forcés à perpétuité. En appel, la peine sera commuée en 20 ans de réclusion. Il s'en sort bien, une libération conditionnelle lui étant accordée au début de 1952. Il s'éteint, totalement oublié, le 9 février 1962. Comment ne pas songer à l'écrivain d'origine juive Maurice Sachs, converti au catholicisme par les Maritain, qui prétendit vouloir entrer dans les Ordres, si sulfureux, qui passa sa vie à trahir ses amis et ses protecteurs? Il livra quelques juifs à la Gestapo qui l'employait et tenta même de l'escroquer, ce qui lui valut la déportation. Il disparut en Allemagne, dans la fournaise de cette fin de guerre, en 1945.
Pour Dieu et la Nation: Mgr Tiso
Mgr Jozef Tiso est sans doute la personnalité slovaque la plus admirée. Nombreux sont les Slovaques qui vouent un véritable culte à celui qu'ils considèrent comme un martyr de la foi et de la nation. Rejetant l'offre de ralliement que lui faisaient les Soviétiques en 1944, alors qu'il dirigeait la Slovaquie, il leur sera livré par les Américains, sommairement jugé, et pendu le 18 avril 1947. Il avait déclaré: « Avec le communisme, il n'y a pas de compromis possible. Notre liberté sera volée et outragée, mais elle ne sera pas volontairement vendue ». Bien sûr, les imbéciles font de lui un séide d'Adolf Hitler. Parmi ceux-ci, et cela n'étonnera personne, Bergoglio qui, lors de sa toute récente visite en Slovaquie, déclarait, ciblant Jozef Tiso, sans oser cependant le nommer: « Combien d'oppresseurs n'ont-ils pas déclaré : 'Dieu est avec nous' ; mais c'était eux qui n'étaient pas avec Dieu ». Quand éclate la Première Guerre mondiale, le jeune père Tiso sert dans l'armée austro-hongroise en qualité d'aumônier militaire. Le nationalisme slovaque est alors en plein essor. Jozef Tiso va s'engager de plus en plus dans ce combat, créant après la guerre un journal nationaliste, Nitra, et devenant un des propagandistes les plus efficaces du Parti populaire de l'abbé Hlinka qui, face au centralisme tchèque, défend l'autonomie et les traditions nationales slovaques. Il obtiendra le titre honorifique de Monsignore en 1921 et sera élu député en 1925. Le changement va intervenir en 1938 grâce aux circonstances internationales. Le 6 octobre, en pleine crise des Sudètes, huit partis slovaques se réunissent, proclament l'autonomie de la Slovaquie et choisissent Mgr Tiso comme Premier ministre. Sa liberté de manœuvre est extrêmement réduite. Face au régent hongrois Horthy qui veut annexer toute la Slovaquie, Tiso n'a d'autre choix que de se tourner vers Berlin. Le 14 mars 1939, la Diète de Bratislava vote l'indépendance. Loin de s'aligner sur l'idéologie nazie, les Slovaques font plutôt un choix qui s'apparente à ceux de Salazar au Portugal et de Dollfus en Autriche. Tiso déclare: « Nous ne serons en aucun cas les esclaves de quelque idéologie que ce soit, qui ne surgisse de nos traditions slovaques et qui serait étrangère à notre caractère slovaque et chrétien ». En fait, note Francis Bertin, cité par Christophe Dolbeau, « Tiso tenta de faire de la Slovaquie un 'Etat théocratique' aussi éloigné du relativisme démocratique que du totalitarisme fasciste ». Il va chercher à épargner les affres de la guerre à son peuple, limitant l'engagement militaire du pays. La participation à la guerre de l'Est sera très symbolique, même si la Slovaquie signe le pacte Antikomintern. En fait Tiso est coincé entre la tutelle de Berlin et l'agressivité de ses propres milieux germanophiles (la Garde Hlinka). Il navigue avec subtilité, entre attentisme, compromis formels, manœuvres diplomatiques, afin d'éviter le pire. La Slovaquie s'efforce, en accord avec le Vatican et la Croix-Rouge, de protéger du mieux qu'elle peut ses 89 000 juifs, ce que Bergoglio ignore évidemment. Sans réussir cependant à empêcher la déportation et la mort de plusieurs milliers d'entre eux. Le bond en avant économique, social et culturel de la Slovaquie, épargnée par la guerre, est impressionnant. Des exemples: instauration des congés payés, des allocations familiales, du double mois pour Noël et un service de santé efficace. Le chômage disparaît. Mais, en 1944, l'Armée rouge devient menaçante. La panique s'empare d'une grande partie de la population. Des milliers de personnes prennent la fuite vers l'ouest. L'abbé cherche à rejoindre Munich, espérant s'y placer sous la protection du cardinal Faulhaber. Malheureusement il n'y parviendra pas. Trahi, il est arrêté par les Américains qui le livrent aux autorités tchécoslovaques de l'infâme Benès, alors que les Français et les Britanniques semblaient prêts à lui accorder l'asile politique. C'est le temps des brimades et des humiliations. Il conclut à la barre du tribunal qui le condamne à mort pour haute trahison: « Les individus passent, mais la nation reste, car telle est la volonté du Créateur et Auteur de la loi naturelle. Et l'une des manifestations concrètes de cette loi sera toujours la vieille devise de l'indépendance: La Slovaquie aux Slovaques ». Le Vatican et des centaines de personnalités interviendront pour obtenir sa grâce. Peine perdue. Ses derniers mots: « Je vous promets d'intercéder auprès de Dieu, maître suprême de ce monde, afin qu'il ait toujours la nation slovaque en sa sainte garde ». Le 1er janvier 1993, le vœu de Mgr Tiso était exaucé. La Slovaquie recouvrait son indépendance.
Vidkun Quisling, l'archétype du traître
Vidkun Quisling, qui fut le chef du gouvernement norvégien durant l'Occupation est universellement voué aux gémonies. Il y aurait, à en croire l'historiographie officielle, Judas, Ganelon, et Quisling parmi les grands félons de l'histoire. Né en 1887, il est un très brillant élève qui va s'orienter vers le métier des armes où il acquiert un prestige certain. Léon Trotsky ira jusqu'à lui proposer un poste à l'état-major de l'Armée rouge ! Longtemps considéré comme un sympathisant de la révolution soviétique, il ne tardera pas à apparaître comme un adversaire déterminé du communisme. Défenseur de la race et de l'esprit nordique, il s'en prend au bolchevisme, « infâme complot contre la civilisation européenne d'inspiration nordique, un mouvement asiatique et slave, conduit par des cerveaux juifs ». « La seule solution au problème des Juifs », proclame-t-il, « c'est de leur donner un Etat ». Antisocialiste, antiparlementariste, il va se faire l'avocat du corporatisme, et développe des idées qui se rapprochent de celles du national-socialisme. Il sera nommé ministre de la Défense d'un gouvernement agrarien et va fonder en 1933 le Rassemblement national ou Nasjonal Samling dont il sera le Chef. Son programme: abolition des partis politiques, interdiction des grèves et des lock-out, protection de la race, égalité entre les hommes et les femmes, adoption du système corporatif, ainsi que de l'économie planifiée. Les résultats électoraux sont médiocres, ce qui ne l'empêche pas de recruter (30 000 adhérents en 1938, dont le prix Nobel de littérature, Knut Hamsun). Il rencontrera Adolf Hitler à deux reprises, en décembre 1939, mais ne portera au NSDAP qu'un intérêt distant. Sa préoccupation est de préserver la neutralité de son pays. Mais le débarquement anglo-français de Narvik et l'invasion allemande vont changer la donne. Quisling se voit offrir la possibilité de s'emparer du pouvoir. Le 9 avril, il annonce sur les ondes qu'il prend la tête d'un « gouvernement national » et ordonne un cessez-le-feu. Il semblerait que les Allemands aient été pris au dépourvu. Hitler, furieux, va nommer un Reichskommisar particulièrement obtus et vindicatif, le Gauleiter Josef Terboven qui va s'attaquer à la communauté juive et imposer l'abolition de la monarchie. Un directorat de treize commissaires va être nommé, sous l'égide de Terboven qui enclenche une répression à tout va, face à une Résistance de plus en plus audacieuse. La propagande adverse ne manque pas de désigner les seuls « quislings » comme responsables. Quisling dispose de 40 à 50 000 adhérents et d'un réservoir de 200 à 250 000 sympathisants. Précisons qu'il s'agit de la seule formation autorisée par les Allemands. L'odieux Terboven, dont seul le désordre justifie la présence, va tout faire pour saboter les efforts de Quisling en l'impliquant dans la répression la plus brutale, pratiquant en permanence le chantage aux fusillades. Christophe Delbeau pose la question sans apporter de réponse: « Pourquoi Quisling, qui n'est ni un sot, ni un lâche, qui a parfaitement conscience du sort contraire de la guerre et de la situation inextricable dans laquelle il se trouve, continue à assumer ce rôle compromettant et de pure figuration ? » Aveuglement mystique ou naïveté, il demeure en tout cas suffisamment optimiste pour proposer à Hitler, le 25 janvier 1945, l'idée d'un « bastion norvégien » et pour refuser, en mai, de quitter le pays à bord d'un sous-marin ou d'un avion (c'est Léon Degrelle qui en profitera) que Terboven met à sa disposition. Il déclare: « je sais que je suis condamné à mort par le peuple norvégien. J'ai décidé d'affronter le jugement de l'histoire ». Accusé de meurtres, complicité de meurtres et trahison, il est condamné à mort et fusillé le 24 octobre 1945. L'épuration sera féroce: 45 condamnés à mort, 200 exécutions sommaires, 37 000 Norvégiens embastillés dans ce petit pays de 3,3 millions d'habitants. A l’époque, le thélogien Eivind Berrgrav, qui n'a sans doute pas bien lu les Evangiles, affirme que Jésus-Christ et saint Paul exigent le châtiment des « quislings ». La persécution ne prendra fin qu'en 1957 avec l'amnistie.
Anton Mussert, fasciste hollandais
Le Néerlandais Anton Mussert est certainement un des leaders fascistes les moins connus hors des frontières de son pays. Né le 11 mai 1894, il sera un étudiant brillant, solitaire et particulièrement sérieux. Agé de vingt-trois ans, il épouse... sa tante qui a tout de même 18 ans de plus que lui, grâce à une dispense royale. Plus tard, la SS portera un lourd regard sur cette union qu'elle considérera comme incestueuse, ce qui ne contribuera pas à valoriser sa cote auprès de l'occupant. Il va s'impliquer de plus en plus dans la politique, se rapprochant de la Dietsche Bond, la Ligue thioise qui milite pour la création de Grands Pays-Bas, puis fondera en 1931 le Mouvement national-socialiste des Pays-Bas qui s'inspire beaucoup plus du fascisme que du national-socialisme. Il se vante d'ailleurs de ne jamais avoir lu Mein Kampf. Admirateur de Mussolini, il se déclare hostile à la démocratie et favorable à un gouvernement fort, mais ne préconise ni racisme, ni antisémitisme. Il prône l'instauration d'un Etat corporatif et chrétien, revendique la lutte contre le libéralisme et le marxisme, réclame l'ordre et la vertu, invoque le nationalisme néerlandais et proclame son attachement à l'empire colonial. La nouvelle formation va rencontrer un indéniable succès, passant de 1000 adhérents à peine, au début, à 33 000 en 1934, puis 52 000 en 1936. Les militants portent un uniforme noir, saluent à la romaine, l'hymne du service d'ordre étant WA marscheerd, sur l'air du Horst Wessel Lied. Les résultats électoraux sont encourageants (7,94% aux élections d'avril 1935, soit 44 sièges sur 535 à la Chambre). La répression ne va pas tarder à s'abattre sur le mouvement: interdiction aux civils de porter des uniformes, prohibition des drapeaux et insignes politiques. La hiérarchie calviniste interdit aux fidèles d'adhérer au NSB tandis que l'Eglise catholique les menace de les priver de sacrements. Le NSB va se radicaliser. Mussert sera reçu par Hitler le 16 novembre 1936. Il change de ton vis à vis des Juifs, les désignant comme son ennemi, proposant la création d'un foyer juif en Guyane. Lorsque la guerre éclate, 10 000 membres et sympathisants du NSB sont internés, certains y laissant leur vie. A la cessation des hostilités, Anton Mussert pense que les Allemands vont lui confier les rênes du pays. Quelle naïveté ! Va débuter un grand jeu de dupes qui durera cinq ans. Arthur Seyss-Inquart, qui sera plus tard pendu à Nuremberg, sera nommé Commissaire du Reich aux Pays-Bas. Une Union néerlandaise, regroupant divers partis, dont le NSB, va naître. Elle comptera jusqu'à un million d'adhérents sur une population de 8,7 millions. Mussert pense que l'Allemagne a gagné la partie et que la collaboration est « l'unique chance qui reste à la Hollande de préserver son indépendance dans la future Europe ». Il va rencontrer Seyss-Inquart, qui ne possède pas une très haute opinion du chef fasciste. En fait, les Allemands ne partagent absolument pas sa vision des choses. Eux songent non pas à une alliance, mais à une annexion pure et simple. Hostile à cette perspective, Mussert, écrit Christophe Dolbeau, ne possède visiblement ni l'énergie ni le tempérament pour s'y opposer fermement. Au nombre de ses déficiences, Dolbeau cite son incapacité de garder le contrôle de ses troupes. Défavorable au recrutement de SS au sein de son mouvement, il finira cependant par céder, et perdra toute autorité sur les 7000 hommes qui s'engageront aux côtés des Allemands, dans la division SS Nederland. En fait, quels que soient ses efforts, ses relations avec la SS restent mauvaises. Himmler le méprise, lui reprochant notamment son mariage incestueux. Le Brigadeführer Rauter, un des adjoints du chef de la SS juge que « Mussert est un petit-bourgeois, intérieurement ennemi des Allemands et Hollandais à cent pour cent ». Hitler va cependant lui octroyer officiellement le titre de « Guide du peuple néerlandais », mais il s'agit d'un titre purement honorifique. Le pouvoir réel reste aux mains de Seyss-Inquart. Face à une résistance de plus en plus audacieuse, les Allemands vont déclencher, contre l'avis de Mussert, de sanglantes représailles. Ils vont arrêter et déporter 105 000 juifs. Mussert, qui n'a jamais été un antisémite fanatique ne proteste pas mais cherche à « sécuriser » certains d'entre eux, intellectuels ou anciens combattants. Fin 1944, Seyss-Inquart bloque l'approvisionnement des grandes villes en représailles contre une grève générale des chemins de fer -ce sera nommé « l'hiver de la faim » causant 18 000 morts- Mussert se tait. La fin est proche, l'approche des Alliés semant la panique dans les rangs des partisans de Mussert. 65 000 se réfugieront en Allemagne, le 5 septembre 1944 lors de ce que l'on nommera le « mardi fou » (Dolle Diensdag). Mussert se trouve dans un grand isolement. Le 7 mai 1945, il va se rendre à la police néerlandaise. C'en est fini de Mussert et de son mouvement. L'historien A. H. Paape écrit: « Son parti, son mouvement n'avaient pas besoin d'être liquidés à l'heure de la libération du territoire: ils étaient morts depuis longtemps. » Accusé de haute trahison, Mussert est condamné à mort et exécuté le 7 mai 1946. L'épuration sera rigoureuse, entraînant le placement en détention de 200 000 personnes. Même les enfants paient le prix fort: 12 000 sont placés dans des foyers provisoires et 8 000 dans des camps spéciaux...
René Benjamin, un écrivain gommé de la mémoire
René Benjamin, romancier talentueux, dramaturge, fut aussi le biographe attitré du maréchal Pétain. Brillant étudiant, il n'a que 24 ans lorsqu'il publie son premier roman, avant d'entamer une carrière de journaliste. Parti sur le front dès l'ouverture des hostilités, il y est blessé en septembre 1914 et mettra à profit son repos forcé pour écrire Gaspard, qui décroche le prix Goncourt en 1915. Ce livre raconte les joies et les malheurs d'un biffin parisien, grand amateur de vermouth-cassis et « marchand d'escargots » de son état. Les portraits que brosse Benjamin sont vifs, pleins d'ironie et souvent hilarants. Jugez-en avec ce portrait du boucher: « Le nez épaté tenait du museau de bœuf; ses petits yeux, mal fendus dans la graisse, faisaient songer à ceux d'un porc; aucune espèce de front, les derniers cheveux formant sourcils; pas l'ombre d'un menton car la bouche se perdait dans le cou ». Au lendemain de la guerre, Benjamin va se lancer dans le combat contre le « Système », c'est à dire les bourgeois, les professeurs, les magistrats, les diplomates, etc... il suscite des polémiques furieuses, traitant les instituteurs syndiqués d' « idiots ». La Démocratie, quant à elle, est une « bouffonnerie ». Les tribunaux ont droit à sa verve et son art du croquis caricatural fait merveille. On songe évidemment à Daumier: Le juge « frotte ses mains comme les mouches leurs pattes », devant un négociant qui a « des mains de singe, une face de pain d'épice et des yeux de corbeau ». rené Benjamin ne recule pas devant les considérations iconoclastes. Ainsi remarque-t-il dans le tribunal du VIIIème arrondissement que « le buste de la République est là, énorme, monstrueux, imbécile, la république démocratique, démagogique, avec son bonnet de sans-culotte et ses seins de poissarde ». Dans le IXème, ce sont les Juifs qui retiennent son attention. Il décrit ainsi « un vieux Juif à favoris, crochu du nez, crochu des doigts, crochu des pieds, et dont on voit tous les os de l'échine » Et puis, voici un sieur Lippmann qui refuse de régler le montant d'une emplette. Il est assisté, nous raconte Benjamin, « d'un bout de juif rouquin, boutonneux mais éloquent, qui, revêtu d'un jupon d'avocat, démontre, par quinze arguments personnels, deux arrêts du tribunal d'Ostende, un jugement de la cour de Poitiers et tous les articles de la convention de Vienne, que M. Lippmann tout en achetant un chapeau pour sa femme, ne l'a cependant pas acheté! » Benjamin ne se contente pas d'écrire. Il sillonne la France et ses conférences rencontrent un vif succès, notamment dans les milieux proches de l'Action française. En 1936, il se rend en Italie et y rencontre le Duce. Au retour, il publie « Mussolini et son peuple », se déclarant très favorablement impressionné par ce qu'il a vu et entendu. Vient la guerre. Dolbeau le décrit comme « profondément chrétien et foncièrement germanophobe », n'éprouvant « aucune sympathie pour le national-socialisme ou le IIIème Reich ». Elu en 1938 à l'académie Goncourt, René Benjamin est désormais l'une des plumes les plus célèbres de la droite et des lettres françaises. Il milite désespérément pour le réarmement moral et militaire de la France, dénonçant la pusillanimité des gouvernants. Il constate rageusement qu' « on ne fait pas des soldats avec des magazines canailles, un cinéma crapuleux, une TSF pour crétins, une école n'enseignant que l'erreur, sous le contrôle de sociétés secrètes qui sont depuis cinquante ans le refuge de tous les couards. » Sans exercer aucune responsabilité officielle, René Benjamin va rejoindre Vichy pour y devenir le confident et le biographe du maréchal Pétain. Dès lors, les livres et textes que René Benjamin publie deviennent gentiment hagiographiques, abondant d'anecdotes du genre patronage, illustrant les moqueries de Michel Mohrt qui s'amusait du style « tutu-panpan » de la propagande de Vichy. René Benjamin sera arrêté et incarcéré, mi-novembre 1944. Il est expulsé de l'académie Goncourt, ce qui amènera son ami Sacha Guitry à en claquer la porte. C'est entouré des siens qu'il s'éteint, le 4 octobre 1948. Ses derniers propos sont: « J'ai aimé, j'ai cherché Dieu toute ma vie... Enfin, je vais le voir ». René Benjamin, que d'aucuns ont comparé à Henri Rochefort, Robert Poulet ou Jean Dutours, est aujourd'hui, hélas, un auteur bien oublié.
Robert Spieler - Rivarol 2021
Christophe Dolbeau : « Les parias. Fascistes, pseudo-fascistes et mal-pensants », 600 pages, 30,00 euros + 5,00 de port, Akribeia, 45/3, route de Vourles, 69230 Saint-Genis-Laval (www.akribeia.fr)