Jacinda Ardern n'est plus la Première ministre de Nouvelle-Zélande. Bientôt le même sort pour Justin Trudeau, en chute libre dans les sondages canadiens ? (Photo : Londres, rencontres du Commonwealth, 20 avril 2018)
Photo par Andrew Matthews / POOL / AFP
Au Canada comme en France, en Nouvelle-Zélande comme en Belgique ou encore en Irlande, les Premiers ministres ou Présidents ont un point commun : une baisse de popularité auprès de l'électorat. Mais ces dirigeants partagent un autre point commun. Ce sont tous des « alumnis » des « Young Global Leaders » (YGL), issus du programme chapeauté par le Forum Économique Mondial (WEF), qui vise à sélectionner les dirigeants de premier plan de demain. Si certains sont toujours au pouvoir comme Justin Trudeau, Emmanuel Macron, ou encore Alexander De Croo, d’autres ont déjà cédé leur poste, comme Jacinda Ardern, parfois pour essayer de revenir aux affaires, comme c’est le cas de Leo Varadkar en Irlande. Cinq « alumnis » à l’épreuve d’une popularité en baisse, une opposition conservatrice en hausse et des mesures rejetées ou décriées : est-ce là une simple coïncidence, l'essoufflement d’une génération de YGL ou un vrai rejet généralisé des idées de Davos ?
Créé en 2004 par Klaus Schwab, président du Forum Économique Mondial (WEF), le programme des Young Global Leaders, dont il est « très fier », « infiltre » les gouvernements à travers le monde et choisit les dirigeants de demain. L’une des « réussites » de ce programme, selon le chef du WEF, est d’avoir justement « infiltré » le cabinet du Premier ministre canadien, Justin Trudeau. « Je sais que la moitié de son cabinet, voire plus de la moitié, sont en fait des Young Global Leaders », déclarait-il en 2017.
Premiers ministres à 37 ans, les « alumnis » rapidement impopulaires
Six ans après, Justin Trudeau est en perte de vitesse au Canada. La popularité du libéral poursuit sa chute. Selon un sondage de la société Abacus Data, réalisé entre le 6 et le 11 juin, 81% des Canadiens souhaitent le départ de leur Premier ministre et un changement du gouvernement. Parmi les 2 000 personnes interrogées, 35% envisagent de voter pour le parti Conservateur, au détriment des Libéraux de Trudeau (28%) et des démocrates (21%).
Une baisse de popularité chez Justin Trudeau qui intervient pendant des élections fédérales. Ses opposants, particulièrement les partis conservateur et démocrate, lui reprochent une baisse du pouvoir d’achat, une hausse des taux d’intérêt pour les hypothèques mais surtout une taxe carbone. Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur, a exigé l’abolition de cette taxe, en vigueur depuis 2019 et en hausse chaque année de 15 dollars canadiens. Un reproche partagé par le député conservateur du Nouveau-Brunswick, Richard Bragdon, qui pointe du doigt une affiliation de Trudeau au WEF et l’accuse de « faire son ignoble danse avec la classe de Davos » en « amassant des richesses et faire de la jet-set » tout en « taxant le petit gars pour s’être simplement rendu au travail en voiture ».
En Belgique, un autre « alumni » des YGL fait pâle figure. Et les questions environnementales sont l’une des causes, quoique indirectes, de la baisse de sa popularité du Premier ministre Alexander De Croo auprès des électeurs belges. À une année des élections législatives et régionales qui pourraient lui coûter son poste, un sondage réalisé par Ipsos avec plusieurs médias nous apprend que les Belges ne veulent plus de lui, ni de la coalition fédérale Vivaldi, qui réunit sept partis francophones et flamands. 60% de l’électorat ne souhaite pas qu’Alexander De Croo soit reconduit à son poste de Premier ministre.
La coalition, qui va de la gauche socialiste à la droite libérale, manque de cohésion et d’identité aux yeux des Belges. De nombreuses réformes promises peinent à se concrétiser, faute de consensus entre les différents partis. Le dossier nucléaire, par exemple, est une question qui divise.
En pleine crise énergétique en raison de la guerre en Ukraine, le gouvernement De Croo espère le prolongement de plusieurs réacteurs nucléaires, à l’opposé des écologistes de la coalition, hostiles à ce projet. Les négociations européennes sur la « restauration de la nature » refroidissent également le Premier ministre belge, qui appelle à les « suspendre ».
Un autre « alumni » à l’Élysée en 2027 ?
La baisse de la popularité a eu raison de Jacinda Ardern. Élue en 2017 à la tête de la Nouvelle-Zélande à 37 ans, elle a brusquement quitté ses fonctions en janvier 2023. Si elle affirmait « n’avoir plus assez d’énergie », sa démission intervenait peu après la publication de sondages défavorables, dans un contexte marqué par une situation économique détériorée et une baisse de confiance en son gouvernement, rattrapé par l’opposition conservatrice.
La même année de 2017, un autre jeune de 38 ans devenait Premier ministre, cette fois-ci en Irlande. Il s’agit de Leo Varadkar. Son parti centriste, le Fine Gael, a laissé des plumes aux élections législatives de 2020 et le « Taoisaech » a démissionné.
Une démission attendue puisque son parti est arrivé en troisième position lors de ces élections. Ses opposants lui reprochent une crise hospitalière, une crise de logement et un autre point de crispation : l’âge de départ à la retraite, que son parti a voulu amener à 67 ans en 2021 et à 68 ans en 2028. De retour en décembre 2022 à la tête du gouvernement, le Taoisaech et son parti font déjà face à des sondages défavorables. Selon les chiffres dévoilés par l’Irish Times, le Fine Gael a perdu 4 points de soutien, devenant le 3e parti seulement le plus populaire. Quant à son chef, sa popularité a chuté de 6 points, à 37%.
Emmanuel Macron est l’autre « Global Young Leader » à subir une franche baisse de popularité. Si sa cote est repartie à la hausse en juin, selon plusieurs sondages, pour atteindre entre 29 et 32% d’opinions favorables, le taux affiché est loin des 45% (Elabe) ou des 62% (IFOP) de popularité dont profitait le chef de l’Élysée au début de sa présidence. La gestion des crises sociales comme le mouvement des Gilets jaunes et la contestation contre la réforme de la retraite a considérablement réduit la confiance des Français en Macron.
Ne pouvant pas se représenter en 2027 à un troisième mandat sans une modification de la Constitution à laquelle appelle Richard Ferrand, Emmanuel Macron, devenu président de la République cinq ans après son passage chez les Young Global Leaders, va-t-il « parrainer » un autre « alumni » ?
Nombreux de ses collaborateurs ou ex-collaborateurs sont également d’anciens membres de cette organisation du WEF, comme Marlène Schiappa, Najat Vallaud-Belkacem, Amélie de Montchalin ou surtout un Gabriel Attal que certains qualifient de « visage de la Macronie » et dont les ambitions présidentielles sont évoquées par la presse.
Source : France-Soir, le 20 juin 2023