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Avec le livre Flandre : des questions qui dérangent, édité par Yoran Embanner, Wido Bourel (voir son interview chez nos confrères du Miroir du Nord) signe un ouvrage qui passionnera les Bretons attachés à leur identité (et les Flamands bien sûr, ou tous les défenseurs des patries charnelles). L’occasion de partir une nouvelle fois à la découverte d’une région, d’une identité méconnue, bafouée très souvent par la République française, et qui pourtant, n’a à rougir ni de son peuple ni de son histoire.

Flamand de France habitant la Flandre belge, Wido Bourel pose 38 questions qui dérangent et y répond avec toute l’impertinence de Tyl L’Espiègle. Loin des sentiers battus et à des années-lumière de la pensée jacobine hexagonale, ce livre constitue une mine d’informations sur l’histoire, la langue et l’identité flamande.

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Et pour aller plus loin, nous l’avons interrogé.

Livre à commander ici chez Yoran Embanner

 

Breizh-info : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Wido Bourel : Je suis né en Flandre dite française, dans le Westhoek, de parents qui parlaient le flamand. Très jeune je me suis posé la question : « comment devenir ce que j’étais ». A savoir le Flamand que les écoles de la République avaient mis en sourdine en moi. En renouant avec mes racines j’ai pris mes responsabilités et j’ai milité dans différentes associations flamandes. Également, je voulais apprendre le néerlandais qui est au dialecte flamand ce que l’allemand est à l’alsacien. Ne pouvant pas apprendre correctement le néerlandais standard sauf en xième langue après l’anglais, l’allemand, l’arabe, le portugais et le chinois, j’ai décidé de passer la frontière artificielle et d’étudier le néerlandais en autodidacte aux Pays-Bas puis en Flandre belge. Ce bain culturel m’a donné le goût de cette Flandre libérée du carcan hexagonal. J’y suis resté et j’ai entamé une carrière en Flandre belge dans le marketing direct et l’édition. Depuis de nombreuses années je publie également dans différents médias ainsi que plusieurs ouvrages sur la Flandre, sa langue et son histoire et sur les relations entre la France et les pays du Benelux. J’habite en Flandre belge dans la Campine anversoise.

 

Breizh-info : Qu’est-ce qui a amené à écrire ce livre, à une époque où l’identité flamande est particulièrement malmenée, et même parfois oubliée y compris des Flamands de France eux-mêmes ?

Wido Bourel : L’éditeur militant breton Yoran Embanner m’a proposé d’écrire ce livre sur la Flandre dans sa collection «des questions qui dérangent ». Sont déjà parus dans la même collection des ouvrages sur la Bretagne, l’Alsace, la Corse et la Savoie. L’identité Flamande a surtout été malmenée par le jacobinisme français. Même si les Flamands de France, coupés de leur histoire, de leur culture et de leur langue, ont plutôt bien résisté pendant plus de trois siècles. Au nombre des drapeaux flamands qui flottent le long des routes du tour de France de passage en Flandre et en Artois, je ne crois pas que celle-ci soit oubliée par tous les Flamands de France. La problématique de la Flandre en France est que, suite à l’annexion, elle a perdu le contact avec son arrière-pays naturel la Flandre aujourd’hui belge qui elle prospère, et qui a su s’émanciper culturellement, économiquement et politiquement, au point d’avoir le potentiel, aujourd’hui, d’une nation en devenir.

 

Breizh-info : D’où vient la langue flamande ?

Wido Bourel : La formation de la langue flamande est plus ancienne que celle de la langue française. Elle est issue du francique occidental, langue parlée par les Francs de la Somme à Aix la Chapelle, et qui était sans doute aussi la langue de Charlemagne. Au septentrion, ce west-francique est entré en contact avec les Frisons et Saxons autour de la mer du nord qui parlaient ce que les linguistes ont appelé le germanique de la mer du nord (Noordzeegermaans). C’est le croisement de la langue des Francs avec ces apports frisons et saxons qui a donné le Flamand parlé en Flandre française, puis le néerlandais qui en est la langue standardisée.

 

Breizh Info : Qu’est-ce qui explique le déclin de l’identité flamande (en France) courant 20ème et en ce début de 21ème siècle ?

Wido Bourel : La liste est longue et pas exhaustive :

La scolarité en français de plus en plus longue ; l’interdiction de notre langue dans les écoles ; son abaissement à un dialecte seulement parlé et dont on avait fait croire à nos parents qu’il ne s’écrivait pas ; les fonctionnaires venus d’ailleurs et faisant fonctions d’agents de la francisation malgré eux ; l’enseignement de la version franco-française de l’histoire ; la volonté jacobine de faire correspondre la frontière linguistique avec la frontière étatique (« nos ancêtres les gaulois de Dunkerque à Tamanrasset » ; l’écoute de la radio puis de la télévision françaises. Les deux guerres mondiales on fait le reste qui ont été l’occasion de dénoncer la germanité comme l’ennemi principal et d’y associer la Flandre pour mieux la discréditer.

A tout ceci s’est ajouté comme partout à la fin du siècle dernier et au début de ce siècle des phénomènes planétaires. Pêlemêle : internet, la mondialisation, la multiculturalité, les folies du genre, le phénomène woke et la trahison des élites.

 

Breizh Info : L’assimilation du Nord de la France aux chtis (notamment via un navet célèbre) ou aux Picards, ainsi qu’aux Belges, a-t-il joué un rôle dans ce déclin ? Certains en ont-ils tiré profit ?

Wido Bourel : La langue et la culture flamande sont heureusement bien protégées en Flandre dite belge. Ce n’est pas le cas en Flandre française. La nature ayant horreur du vide, le picard est la culture de remplacement avoisinante à laquelle on voudrait nous réduire. J’ai beaucoup de respect pour nos amis picards mais j’avoue ne pas comprendre pourquoi ils laissent la langue picarde partir à la dérive du chti. Les Flamands ne sont pas des Picards, encore moins des Chtis, et les pitres nationaux de service comme Dany dit Boon ne pourront rien y changer. Quant aux Wallons de Belgique, c’est à eux qu’il faut poser la question mais le chti ne pourra qu’appauvrir leur cause.

 

Breizh Info : Vous réhabilitez un personnage que certains ont voulu faire le symbole de la controverse, comme l’Abbé Perrot en Bretagne : l’Abbé Gantois. En quoi est-ce un personnage fondamental de l’histoire de Flandre récente ?

Wido Bourel : On ne peut pas ressasser éternellement les procès du passé, pour mieux discréditer l’identité flamande des générations à venir. Gantois était un éveilleur de peuple à la manière des grands. Il faut maintenant lui donner une place dans l’histoire. Le mérite de Gantois est qu’il a sorti le Mouvement Flamand de France des séminaires et des vieux cercles régionalistes poussiéreux et sclérosés dans lequel il était enfermé. Pour un prêtre il fallait le faire. Il a été le premier à replacer la Flandre en France dans le contexte historique et géopolitique européen des anciens Pays-Bas près de la mer.. Rappelons que Gantois, s’il était ouvert aux pays de culture germanique, n’était pas un nazi, et que ses travaux ne se résument pas aux seules années d’occupation. Il y a une toute une vie avant et après.

Idéologiquement Jean-Marie Gantois est à classer parmi les représentants de la Révolution Conservatrice européenne, mouvance cause des peuples. C’était un fédérateur européen avant la lettre, non pas de cette Europe ultralibérale d’aujourd’hui malade de l’ultralibéralisme, mais la vraie, celle des patries charnelles.

 

Breizh Info : Pouvez-vous expliquer aux Bretons que nous sommes la question de la querelle entre griffes rouges et noires sur le drapeau flamand ?

Wido Bourel : Le drapeau officiel de la Flandre montre un lion noir à griffes et langue rouges sur fond jaune. Le Mouvement Flamand en Belgique utilise le drapeau flamand jaune et noir, sans griffes ni langue rouges pour se distancier des trois couleurs du drapeau belge.

Certains voudraient discréditer le drapeau jaune et noir du Mouvement Flamand sous prétexte qu’il a été utilisé par des mouvements collaborationnistes durant la deuxième guerre mondiale. C’est comme si on disait que le drapeau français est condamnable sous prétexte qu’il a flotté sur les bâtiments officiels à Vichy.

L’héraldique nous révèle que le drapeau au lion à deux couleurs est apparu en premier au XIIe siècle. L’héraldique, à l’époque, ne mettait pas en évidence ni la langue ni les griffes, évolution qui se fera seulement deux siècles plus tard. Le drapeau bicolore est donc historiquement le plus ancien est peut aussi être utilisé comme drapeau flamand et au même titre que le lion avec griffes et langues rouges.

 

Breizh-info : Y’a-t-il des raisons d’espérer un renouveau flamand à l’heure actuelle, comme d’autres régions l’ont connu avant ?

Wido Bourel : Vous connaissez la devise de Guillaume d’Orange, dit le Taciturne : point n’est besoin d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer.

En Flandre belge le mouvement flamand politique, s’il est divisé, pourrait atteindre une majorité incontournable aux prochaines élections de 2024. Il faudra bien tenir compte d’une manière ou d’une autre. En Flandre en France la situation est celle d’une minorité perdue dans une super région Hauts-de-France sur laquelle elle n’a aucun contrôle. On peut difficilement la comparer à d’autres ethnies sur le territoire français : ni par son nombre, ni par l’état des lieux, ni par la situation géopolitique.

 

Breizh-info : Dans quel état se trouve le mouvement culturel flamand ? Quid de mouvements politiques ?

Wido Bourel : En Flandre en France la vie culturelle flamande est en partie divisée entre, d’une part, les associations qui revendiquent au titre de langue régionale la reconnaissance du néerlandais à côté et en plus du flamand occidental – comme c’est déjà le cas avec l’allemand et l’alsacien en Alsace – et d’autre part les défendeurs du dialecte flamand soutenus avec moultes subventions des Hauts-de-France, par Xavier Bertrand en personne. Mais il faudra bien un jour proche amorce le dialogue car l’avenir est bien entendu à une langue de large de communication à savoir le néerlandais, sans lequel le dialecte flamand mourra de sa propre mort. La Flandre en France manque également d’une maison d’édition militante, du type Westhoek éditions des années ’80. La tentative de créer une formation politique à la fin du siècle dernier n’a rien donné. Mais on pourrait imaginer que dans les années à venir elle puisse s’affirmer à la base, c’est-à-dire au niveau communal. Je crois que la carte d’une sécession localiste pourrait y trouver terrain propice, localisme que la revendication culturelle et linguistique ne ferait pas replier sur soi, mais ouvrirait justement sur la Flandre de l’autre côté de la frontière et sur les pays autour de la mer du nord. Comme disait l’écrivain franco-Anglais Hilaire Belloc : « ma patrie c’est la mer du Nord ».

Propos recueillis par YV

Source : Breizh-info.com, 2022.

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