Nous vous proposons aujourd’hui un entretien exclusif avec Padrig Montauzier, acteur majeur du mouvement breton depuis plusieurs décennies et aujourd’hui rédacteur en chef de la revue nationaliste War Raok. Un militant de longue date qui fait sienne la citation suivante :
« D’un bout à l’autre de l’Europe, des peuples luttent pour leur liberté. De l’un à l’autre, les buts et les moyens varient, mais l’impulsion initiale est la même. Cette lutte des peuples a concerné, ou concernera, tous les peuples européens sous tutelle coloniale. Aujourd’hui particulièrement sensible chez tel ou tel, elle exprime une constante de l’histoire globale de notre continent ».
Entretien avec un combattant de la Bretagne libre.
Breizh-info.com : Comment pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Padrig Montauzier : J’ai été sensibilisé très tôt à la politique et cela en raison de mon environnement familial. A 16 ans j’adhère au PCF ou plutôt aux Jeunesses communistes. C’est également le début des activités du mouvement clandestin breton F.L.B (Front de Libération de la Bretagne) et les premiers attentats. Vive interrogation de ma part, mais le « détonateur » fut les toutes premières émissions en langue bretonne à la télévision régionale. On s’approche également de mai 68. Les positions du PCF, pour un jeune de 18 ans, m’apparaissent quelque peu dépassées mais c’est l’arrestation et la détention d’un grand nombre de militants du F.L.B qui vont me fâcher définitivement avec les dirigeants communistes français et quitter ce parti. Je commence alors multiples recherches sur la Bretagne et tout naturellement sur son histoire, histoire d’un pays, d’une Nation qui fut indépendante et souveraine pendant plus de 10 siècles. C’est le grand déclic. De lectures en lectures, j’adhère en 1972 au parti nationaliste Strollad Ar Vro (le parti de la patrie). Bien qu’ayant, encore à cette époque conservé des idées de gauche, j’adhère à ce parti marqué plutôt à droite. Pourquoi ? Tout simplement les analyses défendues notamment par Yann Fouéré m’apparaissent d’un bon sens et d’une logique totale. Le mouvement clandestin continuait ses attentats contre les symboles de la France coloniale… Le gouvernement français, quant à lui, reste sourd aux revendications des partis et mouvements politiques bretons légaux… Ce qui devait arriver arriva !
C’est le grand pas en avant et mon entrée dans le camp des soldats de l’ombre. Pendant plusieurs années je prends la responsabilité de plusieurs commandos (kevrennoù en breton) en Ille et Vilaine, une partie des Côtes d’Armor et du Morbihan, et enfin la partie « France » ponctuellement. Je suis, de droit, membre du Kuzul Meur (Grand Conseil) du F.L.B/A.R.B (Front de Libération de la Bretagne/Armée Républicaine ou Révolutionnaire Bretonne) composé de quelques personnes où se décidait les actions militaires mais également la ligne politique du mouvement clandestin.
En juin 1978, je suis arrêté, mis en garde à vue pendant 6 jours, puis transféré dans une geôle parisienne. C’est le début d’une longue détention, d’une mise à l’isolement par rapport aux autres camarades détenus, isolement qui durera 11 mois.
Premier procès : condamnation à 15 années de réclusion criminelle pour l’attentat contre le château de Versailles.
Second procès plusieurs mois plus tard pour une série de près de 30 attentats : condamnation à 15 autres années de réclusion criminelle.
Libération l’été 1981 suite à une amnistie après l’élection de Mitterrand.
Quelques mois plus tard création du parti nationaliste POBL (Parti pour l’Organisation de la Bretagne) avec entre autre Yann Fouéré et la responsabilité de secrétaire national. Je deviendrai par la suite un des Présidents de ce parti.
Années 2000, scission au sein du POBL (pour des raisons politiques) et création d’ADSAV (la relève, la renaissance). Je prends la tête de ce parti et en assume la présidence pendant de nombreuses années puis laisse tout naturellement la place à des camarades plus jeunes et les assure de toute ma confiance pour le combat d’une Bretagne indépendante dans une Europe des peuples. Je décide alors de me consacrer exclusivement à la revue War Raok et à son développement et j’en deviens le directeur de publication.
Voilà, brièvement résumé mon parcours politique, tout en vous précisant qu’il n’est certainement pas terminé. (Je ne vous ai pas parlé d’un bref et éphémère passage dans un fantomatique et folklorique Parti Communiste Breton).
Breizh-info.com : Padrig Montauzier, comment se porte la revue nationaliste bretonne War Raok que vous animez fidèlement et régulièrement depuis tant d’années ?
Padrig Montauzier : Vous n’êtes pas sans connaître la situation critique de la presse en général. Concernant une revue dissidente comme War Raok, je peux affirmer que le créneau choisi, créneau qui s’inscrit dans une démarche bretonne à la fois nationaliste et indépendantiste, peut effectivement être un handicap. Certes ce choix n’est certainement pas le plus aisé, mais c’est un choix politique réfléchi. Ainsi le lecteur peut s’informer et mieux comprendre ce que renferment les mots nationalisme et indépendance. Trop d’erreurs volontaires diffusées par les opposants à toute émancipation du peuple breton sont ainsi corrigées. Nous devons non seulement le dire, l’écrire, mais également l’expliquer avec des mots justes, simples et sans excès. C’est un des rôles primordiaux de la revue, un rôle d’éducation. Citez-moi une revue bretonne qui ose traiter correctement et mettre un sens réel et véritable à cette lutte de libération nationale, lutte émancipatrice… Aucune revue n’ose affronter les foudres du « terrorisme intellectuel » ambiant. Attention à l’idéologie unique revendiquée par certains qui veulent enfermer la pensée dans un espace carcéral, assujettir le peuple breton et lui imposer un despotisme à travers une logique totalitaire. C’est un choix difficile en effet, mais je l’assume et toute l’équipe de la revue a su faire front face à cette censure, véritable limitation arbitraire et doctrinale de la liberté d’expression. Il existe en effet une censure permanente, une véritable police de la pensée unique, une désinformation « pacificatrice des esprits ». Il ne faut plus penser personnellement, mais seulement dans les catégories de la « conscience collective » ou de la popularité de masse. Ce sont des dangers réels. Nos sociétés occidentales commencent à pratiquer la « démocratie populaire » que je croyais vaincue depuis une décennie en Union soviétique et dans les Pays de l’Est sous dictature communiste. Si je suis partisan d’une pensée forte, ayant pour objectif la marche en avant, je me méfie de la volonté angélique d’oublier les offenses faites aux autres, ou d’un esprit justicier à sens unique. War Raok respecte les opinions de chacun mais demande en retour un respect mutuel.
La qualité et le sérieux sont les deux principaux atouts de la revue. Nous avons progressivement déstabilisé nos détracteurs. Je n’ai jamais souhaité non plus être encensé ou flatté par des esprits chagrins, mesquins… Restons debout face aux adeptes de la pensée unique, du consensus mou, et autres petits esprits. Le fait d’exister, et de progresser, depuis 21 années est quand même un gage de sérieux et je pense que la revue va continuer à incarner la résistance de cette pensée bretonne sans hésiter à bousculer la théorie du sens de l’histoire officielle. Je refuse que la revue subisse la loi de ceux qui se targuent de vertu et de droit mais veulent remettre en place les tribunaux révolutionnaires pour les mal-pensants.
Pour conclure, je dirai qu’il suffit d’ouvrir un peu les yeux pour comprendre la source des maux qui gangrènent aujourd’hui la nation bretonne et toutes les autres nations européennes. Incarnons avec notre plume la résistance de cette pensée bretonne.
War Raok doit être le véritable outil de démocratisation et de libération des esprits du formatage de l’idéologie unique, d’émancipation des intelligences… en prenant bien soin de passer au crible toute vérité officielle.
War Raok est bien le porte-drapeau du nationalisme breton et de l’indépendance de la Bretagne, la voix de la nation bretonne. Voilà pourquoi l’existence d’une telle revue est indispensable à l’éveil du peuple breton.
Breizh-info.com : vous avez été, depuis plusieurs décennies maintenant, de toutes les luttes pour la Bretagne libre, payant même votre engagement d’années de prison. Qu’est-ce qui vous a poussé à ne jamais rien lâcher malgré les coups ?
Padrig Montauzier :Il est exact que mon parcours politique, pour cette Bretagne qui me tient tant à cœur et qui parfois m’obsède, se solde par plus de 50 années de militantisme et que malgré certaines périodes difficiles, je ne regrette rien et si cela était à refaire, je le referais sans hésitation… mais en prenant soin de ne pas recommencer certaines petites erreurs. Lorsque l’on a comme moi la Bretagne dans la peau, il est très difficile de baisser les bras à la moindre tempête. C’est peut être mon éducation, mon environnement familial qui m’ont permis de rester toujours debout et de ne jamais courber l’échine ! Les coups il faut savoir les recevoir, les accepter… mais également savoir les rendre.
Breizh-info.com : quel regard portez-vous sur l’évolution de la Bretagne ces dernières décennies ?
Padrig Montauzier : La Bretagne, comme l’ensemble de l’Europe, se trouve confrontée depuis plusieurs années maintenant à des problèmes nouveaux, dont l’un de ces problèmes est lié directement aux flux migratoires nouvellement apparus et qui constituent, par le fait d’une immigration extra-européenne massive et incontrôlée, une grave menace pour tous les peuples européens et à leur homogénéité ethnique.
Si les déplacements de populations ont de tous temps marqué l’histoire, ce que nous connaissons aujourd’hui, s’apparente plus à une véritable et nouvelle « colonisation » de peuplement de gens en quête d’une subsistance, d’une nouvelle terre d’accueil, c’est-à-dire d’implantation.
Un tel dérèglement du paysage ethnique pose des questions, questions cruciales que les gouvernements actuels et l’Union Européenne refusent à résoudre et, par laxisme ou idéologie, facilitent même ces mouvements migratoires quelles qu’en soient les conséquences.
Concernant la Bretagne, il est évident que si elle doit être et restée une terre hospitalière, elle ne doit pas devenir un conglomérat de ghettos ethniquement séparés, véritable danger entraînant inéluctablement la dépersonnalisation et le déracinement du peuple breton, de culture celtique et européenne.
Si j’insiste sur ce problème d’immigration, c’est que je considère qu’il devient une des principales menaces pour l’existence même du peuple breton. Il n’est pas le seul et je ne fais surtout pas l’impasse sur les méfaits de la colonisation française qui maintient mon peuple sous tutelle, le prive de ses droits les plus élémentaires et de toute vie nationale.
Pour conclure, je dirai que les problèmes liés à l’immigration extra-européenne en Bretagne et en Europe appellent une solution idéologique favorable à la cause des peuples. Il faut refuser le mondialisme et mettre fin à son projet de métissage des peuples et des cultures.
Au même titre que je refuse l’exode des Bretons, je refuse l’exode immigrationniste dans le monde.
Le défi, notre défi de nationaliste et indépendantiste breton, c’est une civilisation bâtie sur un socle ethnique vigoureux.
Breizh-info.com : le mouvement Breton, l’Emsav (Mouvement breton), n’a jamais réussi à percer politiquement lourdement en Bretagne. Qu’est-ce qui explique cet échec ?
Padrig Montauzier : Voilà une question primordiale dans ce combat que mènent, avec une grande sincérité, hommes et femmes de Bretagne pour l’émancipation du peuple breton. Malheureusement, malgré une conscience bretonne bien réelle et affirmée, le mouvement breton a bien du mal à percer politiquement.
A cela plusieurs raisons. Tout d’abord il ne faut jamais oublier que la France est en Europe le pays le plus rétrograde, le plus colonialiste et impérialiste. Cette première raison fait que toute expression dissidente remettant en cause les agissements de l’État français est systématiquement étouffée. C’est le visage réel du pays des « Droits de l’homme » ! Il est donc difficile pour le mouvement breton de jouer dans la même cour que les partis français omniprésents dans les médias et exempts de toute censure.
La seconde raison est que, dans le mouvement breton, certains ont cru bon de privilégier l’idéologie à la cause nationale. Ces mêmes personnes ont également donné la priorité à des alliances contre nature, avec bien souvent nos pires ennemis ! Ces personnes travaillent-elles pour la Bretagne ? Devons-nous les considérer comme faisant partie de l’Emsav ? Je réponds sans ambiguïté NON. Ils se proclament de toute façon anti-nationalistes et se sont de tous temps distinguer en dénonçant, voire calomniant, les patriotes du mouvement clandestin F L B (Front de Libération de la Bretagne) lourdement condamnés par la justice française. Ils sont les idiots utiles, les valets dociles de l’État français… de braves régionalistes de gauche. A noter néanmoins qu’ils n’ont jamais réussi à intéresser, malgré leurs compromissions, le peuple breton. En fait, il faut voir dans ce triste comportement l’attitude du Breton colonisé ayant adopté la mentalité, la réflexion du maître. Une sombre soumission !
Le reste de l’Emsav fait de son mieux avec, à une certaine période (les années 70), de bons scores électoraux.
Pour terminer, je voudrais préciser que l’on peut être de droite, de gauche, du centre et des extrêmes, mais être nationalistes bretons. C’est ainsi que l’on pourra mettre sur pied un efficace parti ou mouvement national breton qui sera à même de faire trembler l’État colonial français. Nous convaincrons en adoptant un comportement, en proposant des choix clairs, en un mot en étant à l’écoute de notre peuple. Voilà le rôle de l’Emsav, être capable d’assumer le destin de la nation bretonne en refusant tout discours insipide, fade et dilué qui donnera, certes, une bonne image mais ne provoquera aucune sympathie et fera très certainement fuir les bonnes volontés. L’Emsav doit s’affirmer pour ce qu’il est en prenant toutefois bien soin de refuser tout activisme groupusculaire et irresponsable, tout excès d’actes, qui ouvrent la porte à toutes les provocations.
Enfin, l’Emsav doit refuser de tricher avec le peuple breton et répondre à une exigence d’honneur.
La lutte amène l’espoir et l’espoir intensifie la lutte… le combat progresse et l’ennemi recule, puis un jour, enfin, on mérite la victoire ! Voilà mon message d’espérance.
Breizh-info.com : quel conseil donneriez-vous aux jeunes nationalistes bretons du 21ème siècle ? Quelles sont les luttes qui, selon vous, doivent être leurs priorités ?
Padrig Montauzier : Je pense que l’avenir du mouvement national breton passe par une relève jeune et déterminée. Nos jeunes militants doivent prendre connaissance du passé, de l’histoire, du vécu des anciens militants car cela ne peut leur être que bénéfique, mais surtout ils ne doivent pas s’enfermer dans un passé romantique… c’est l’avenir qui est primordiale.
Nos jeunes militants devront faire le choix de certaines valeurs, valeurs fondamentales seules capables de rassembler et de sauver le peuple breton et l’aider à se redresser. Il est évident que le réveil d’un peuple passe par l’entretien et la promotion de certaines qualités éthiques, spirituelles qui constituent l’essence du peuple, sa part la plus haute. Toutefois l’appel à la redécouverte et à la défense du patrimoine ethnique ne suffit pas pour entraîner le renouveau politique.
La jeune génération devra convaincre en adoptant un comportement, en proposant des choix de société, en prouvant qu’elle est capable, avec un mouvement fort et structuré, d’assumer le destin d’un peuple et d’une nation.
« A temps de guerre, valeurs de combat ! ». Le peuple breton a besoin d’un système de valeurs qui puisse transformer le crépuscule présent en une aurore nouvelle.
Propos recueillis par YV
Sources : Breizh-info.com