Tout à l’émotion de la victoire (provisoire) de Fillon, non prévue par les oracles de son espèce, le quotidien Le Monde a titré en première page, le 29 novembre, « Fillon, la révolution conservatrice ». C’est faire bon marché et de ce que fut, historiquement le courant baptisé « Révolution conservatrice » en Allemagne, dans la première moitié du XXe siècle (auquel Armin Mohler a consacré une somme incontournable, La Révolution Conservatrice en Allemagne 1918-1932, traduction française Pardès 1993) et de ce que représente Fillon, à savoir un libéralisme sans frein, peu soucieux des souffrances, des angoisses et des attentes de ces « gens d’en bas » pour lesquels les bourgeois, les nantis ont un souverain mépris. Ce qui fait de Fillon, contrairement à ce que disent certains, l’antithèse d’un candidat populiste (il faut d’ailleurs reconnaître qu’il ne fait rien pour apparaître comme tel…).

Mais soyons honnêtes. Si Fillon se retrouve Président de la République (c’est loin d’être acquis) nous le jugerons sur ses actes, même si ses déclarations actuelles n’augurent rien de bon, tout comme les gens dont il s’entoure, dont beaucoup appartiennent aux milieux cosmopolites.

Juger sur les actes : c’est aussi notre position en ce qui concerne Trump, pour lequel certains « nationaux » se sont enthousiasmés sans doute un peu vite. Le prouve, là encore, les gens dont il a choisi de s’entourer. Au poste clé de secrétaire au Trésor, il a désigné Steven Mnuchin, un banquier d’origine juive (tout comme ses prédécesseurs Robert Rubin, nommé par Bill Clinton et Henry Paulson, nommé par George W. Bush). Caractéristique commune de Mnuchin, Rubin et Paulson : ils ont fait carrière chez Goldman Sachs. C’est au sein de ce temple de la ploutocratie cosmopolite que Mnuchin a gravi les échelons jusqu’à devenir vice-président exécutif, amassant une fortune de 46 millions de dollars (43 millions d’euros). Après avoir quitté ce job fort lucratif, Mnuchin a créé son propre fonds spéculatif, Dune Capital, avec deux anciens de chez Goldman, Daniel Neidich et Chip Seelig.

Son coup d’éclat fut, en association avec le spéculateur bien (trop) connu George Soros, le rachat d’IndyMac Bank, caisse d’épargne spécialisée dans les prêts hypothécaires à risques qui venait de faire faillite après la crise des subprimes. Mnuchin et ses associés ont repris cette société pour 1,5 milliard de dollars, soit un montant largement inférieur à la valeur des actifs de la société. Cette opération est un parfait exemple d’un tour de passe-passe bien connu : socialisation des pertes suivie d’une privatisation des profits (la Federal Deposit Insurance Corporation a en effet assumé l’essentiel des risques, en versant plus d’un milliard de dollars pour couvrir le coût des saisies immobilières dans le seul Etat de Californie). En suite de quoi, délestée de son passif, la société est devenue une affaire juteuse pour les acheteurs, qui, dès la première année, se sont versés 1,57 milliard de dividendes. Stéphane Lauer, qui a étudié de très près le dossier, explique le mécanisme : « Rebaptisé OneWest, l’établissement est rapidement à la tête de trente-trois succursales et de 16 milliards d’actifs. En quelques années, l’organisme de crédit se bâtit une réputation d’entreprise sans scrupule, multipliant les saisies (…) En juillet 2014, OneWest est revendu à CIT Group pour 3,4 milliards de dollars, soit une plus-value de 100% en l’espace de cinq ans. Après le rachat, Steven Mnuchin est resté vice-président du conseil d’administration jusqu’au 31 mars 2016, fonction pour laquelle il a été rémunéré 4,5 millions de dollars par an. A son départ, il a eu droit à un parachute doré, qui, selon le Wall Street Journal, s’est élevé à 10,9 millions de dollars ».

Pour compléter ce tableau trop éloquent, il faut ajouter la probable désignation par Trump, au poste de secrétaire au commerce, du milliardaire Wilbur Ross, figure, comme Mnuchin, de Wall Street. Fondateur d’un fonds d’investissement dans les entreprises non cotées, sa fortune est estimée par Forbes à environ 2,9 milliards de dollars (2,7 milliards d’euros). Il a gagné son surnom de « Roi de la faillite » en rachetant pour presque rien des fabricants d’acier, des entreprises textiles et des mines de charbon, revendus ensuite à bon prix après les avoir sévèrement restructurées et licencié des milliers de personnes ». Comme on voit, on a à faire à du beau monde …

La conclusion de tout cela est hélas trop facile : les braves gens qui ont voté pour Trump en espérant un vrai changement vont se retrouver cocus. Cocus et contents ? La suite de l’histoire nous le dira.  

                                                                                                                              Pierre VIAL

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