Le scandale Lactalis nous rappelle, s'il en était besoin, toute l'opacité qui règne autour des pratiques des multinationales. Cette affaire met non seulement en lumière le cynisme et la cupidité des grandes firmes, mais également la défaillance des systèmes de contrôle de la grande distribution, et les insuffisances de l’État.
Une contamination à la salmonelle provoquée par les produits de Lactalis est révélée début décembre 2017.
37 bébés ont été atteints de salmonellose en France – dont 18 avaient été hospitalisés – après avoir consommé un lait ou un produit d’alimentation infantile Lactalis infecté, selon un bilan au 11 janvier. (Le Monde, édition du 16 janvier)
En 2005, il y a déjà eu des cas de salmonelles dans la même usine. Or il s'agit de la même souche que celle qui est incriminée aujourd'hui. L'ensemble des nourrissons atteints par la maladie avait consommé des poudres de lait infantile «de la marque Picot» ou «de la marque Blédina (Blédilait)» sorties de la «même chaîne de fabrication». (Rapport de l'INVS, 5 septembre 2006)
Que s'est-il passé entre 2005 et 2017 se demande Karine Jacquemart, directrice de l'ONG Foodwatch qui estime par ailleurs que c'est l'ensemble des acteurs, y compris l’État, qui est responsable de la crise sanitaire.
Lactalis a continué d'envoyer aux distributeurs des lots potentiellement à risque pendant le mois de décembre 2017, malgré l'interdiction et les distributeurs ont continué à vendre ces produits malgré les procédures de retrait ! La grande distribution s'excusant lamentablement en prétextant qu'elle était trop occupée par l’effervescence consumériste des fêtes de fin d'année pour traiter correctement les alertes sanitaires.
Cette application des décisions de retraits a été défaillante dans plusieurs supermarchés qui appartiennent à des groupes différents, ce qui prouve que le problème est global.
« Pour y remédier, des protocoles devraient être élaborés en lien avec l’État pour qu’il y ait des protections sanitaires qui soient prises immédiatement.Il n’existe aucune centralisation des informations sur les produits retirés en France. Les données sont éparpillées sur plusieurs sites.
Qu'en est-il de la firme en question ?
« Un mystérieux PDG. Car il faut dire que chez Lactalis, le secret est une règle absolue. Il n'existe d'ailleurs que très peu photo d'Emmanuel Besnier, le président du groupe, présenté par Challenges comme la troisième fortune de France. » (Emmanuel Duteil, 12 janvier 2018, Europe 1)
« Une entreprise opaque qui […] pratique le culte du secret, au point de ne pas publier ses comptes. Face au refus du géant agroalimentaire de retirer les produits contaminés, M. Le Maire a suspendu, le 9 décembre, la commercialisation de ses laits infantiles. » (Le Monde, édition du 13 janvier, MAJ le 16 janvier 2018)
Et du côté de l'état ?
La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a effectué, depuis le 26 décembre, 2500 contrôles et en a programmé autant, pour vérifier la disparition des produits contaminés des rayons et des stocks. Mais en raison d’une baisse de son budget et de son personnel, elle n'a pas les moyens d'assurer convenablement son rôle de surveillance.
Longtemps absent sur ce scandale agroalimentaire, le gouvernement réclame enfin plus de transparence à Lactalis. "Je crains que nous trouvions des choses étonnantes chez Lactalis", a déclaré Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, invitée vendredi 12 janvier 2018 de la matinale d'Europe 1. Rappelons qu'elle déclarait n'avoir aucun commentaire à dire sur l'affaire encore une semaine auparavant !
Alors que le scandale des boîtes de lait contaminées aux salmonelles s'étend désormais aux hôpitaux, aux crèches et aux pharmacies, le gouvernement a enfin ouvert une enquête et somme le géant de l'agroalimentaire de s'exprimer. Rappelons que c'est grâce aux associations de consommateurs en colère et à la pression populaire que l'opacité sur ce scandale Lactalis a pu être en partie levée. Si les 44 pharmaciens défaillants (sur 21791 officines en France au 1er janvier 2018) seront sanctionnés par l'Ordre des pharmaciens pour non respect des alertes sanitaires envoyées instantanément et quotidiennement à toutes les officines de France, il est certain que ni l’État, ni la grande distribution ne seront condamnés.
Au-delà de la tromperie et de la mise en danger du consommateur, il serait temps de remettre également en question notre mode de vie. Pourquoi privilégier ces multinationales titanesques dont le credo est de produire toujours plus, toujours plus vite, pour un marché mondial ? Nous avons l'essentiel des savoir-faire pour produire à une échelle humaine, locale. Nous avons la logistique pour assurer des contrôles sanitaires efficaces et réguliers dans un ensemble de circuits courts qui ne serait pas une course frénétique à la productivité.
Il est temps de consommer moins et mieux, de retrouver le sens de la limite dans un monde où les ressources ne sont pas illimitées. A défaut de trouver du lait infantile bio local, il existe plusieurs marques bios françaises.
Nous réclamons la primauté de l’État sur les firmes en matière de santé publique comme dans les autres domaines.
Nous réclamons une politique fiscale incitative en faveur des producteurs qui font le choix de l'agriculture biologique et de l'abandon des pesticides.
Nous refusons tous les traités transnationaux qui remettent en cause les législations nationales et mettent en péril la santé des populations (TAFTA, CETA, etc).
Nous réclamons une politique en faveur des circuits courts.
Nous réclamons une restructuration et un renforcement des organismes étatiques de contrôle sanitaire, ce qui va à l'encontre des politiques de restriction budgétaire prônées par les libéraux.
Nous réclamons une sévérité exemplaire envers les grands groupes qui trompent le consommateur, la sanction pouvant aller jusqu'à la nationalisation de l'entreprise.
Terre et Peuple organise une campagne de sensibilisation auprès de nos compatriotes.
Nous vous proposons deux tracts que vous pouvez télécharger en cliquant dessus :
Version nationale
Version Lyonnaise