Les services de renseignements français ne comprennent pas que les candidats ne puissent répondre à des « questions pourtant simples et accessibles ».
Sans grande surprise, il semblerait que se mettre des longs tunnels du Bureau des Légendes ne soit pas suffisant pour rentrer à la DGSE. Début avril, l’opaque service de renseignement du boulevard Mortier à Paris a publié le rapport du jury de l’édition 2019 du concours externe SAS (comprendre celui des « secrétaires administratifs spécialisés »). Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le rapport – repéré par Intelligence Online – est salé pour ceux qui ont tenté leur chance.
Dans son rapport, le jury estime que le niveau global des candidats peut être qualifié de « moyen », alors que nombre d’entre eux possèdent pourtant un Master 2. Mais ça se gâte particulièrement pour ceux qui ont présenté les options « Rédaction, administration générale » ou « Arabe littéral », dont le niveau est qualifié de « très en deçà du niveau attendu ». Et cela ne s’arrête pas là, puisque pour ceux qui ont présenté l’option « Arabe littéral », le jury a tout simplement décidé de ne retenir aucun candidat, alors que deux postes étaient pourtant ouverts. « Aucun d’entre eux n’a démontré avoir une connaissance suffisante de la DGSE et de ses missions pour pouvoir se projeter, avec conviction, dans un poste correspondant à cette spécialité », tranche le rapport.
Ce qui a aussi passablement déçu le jury, c’est que nombre de candidats n’avaient apparemment pas vraiment préparé leur présentation orale. Le jury s’est étonné de rencontrer des postulants qui ne connaissaient que très partiellement la DGSE et le milieu du renseignement. Les candidats malheureux n’ont pas été retenus parce qu’ils n’ont pas su répondre à des « questions pourtant simples et accessibles » portant par exemple sur la loi renseignement, l’organisation et les missions de la DGSE ou encore le statut du poste auquel ils postulaient.
Ce poste de secrétaire administratif spécialisé (SAS), accessible par un concours de catégorie B, consiste notamment à aider les analystes à collecter et diffuser du renseignement ; à sélectionner, étudier et exploiter des documents ; mais aussi à exercer des tâches administratives. Le concours pour devenir SAS est loin d'être aisé. Il est composé de diverses épreuves, notamment celle de « cas pratique », qui consistait en 2018 à rédiger une note de synthèse sur les nouveautés apportées par le règlement général sur la protection des données (RGPD) adressée à un directeur central fictif. Venaient ensuite les épreuves de spécialités – arabe littéral, géopolitique ou administration générale. En géopolitique, les questions portaient sur le vol Korean Airlines 007, l’invasion russe en Afghanistan, ou encore l’autonomie de la Nouvelle-Calédonie. Et pour finir, les candidats devaient passer l’épreuve orale : un entretien avec le jury visant à « apprécier les qualités personnelles du candidat, ses motivations, son potentiel, son comportement face à une situation concrète, le cas échéant sous forme d'une mise en situation. »
Pour cet entretien final, le jury s’appuie sur des documents fournis par le candidat, comme son CV et une lettre de motivation. Mais là non plus, le jury n’a pas été séduit. Trop de fautes d’orthographes y ont été relevées, « alors que ces documents sont la première impression que se fait le jury du candidat », relève le rapport. Le contenu des lettres de motivation n’a pas non plus attendri le jury, puisque jugées identiques à celles adressées à d’autres concours et ne permettant donc pas de comprendre pourquoi le candidat souhaitait s’engager dans une institution aussi singulière que la DGSE.
Pourtant, la DGSE recherche activement de nouvelles mains, puisque d’ici 2022 elle compte recruter près de 1 500 civils et militaires. Des impératifs qui ont obligé les services à créer une chaîne YouTube, poster leurs offres d'emplois sur LinkedIn ou encore faire le tour des écoles d’ingénieurs ou militaires. Pis, comme nombre d’autres concours, la DGSE est aussi touchée par les mesures sanitaires dues à la pandémie que nous connaissons, si bien que les oraux du concours des attachés (concours de catégorie A) sont suspendus jusqu’à nouvel ordre. En attendant de pouvoir ressortir de chez vous, vous pouvez toujours aller jeter un œil aux annales des concours de la DGSE pour savoir à quoi vous attendre si un jour l’envie vous prend de tenter votre chance.
Vice 30 Avril 2020