Thaïs d’Escufon, l’ancienne porte-parole des Identitaires devenue influenceuse spécialisée en relations amoureuses, vient de commettre l’irréparable en proposant aux hommes célibataires une « opération » pour « attirer et garder une femme de haute valeur ».
Irréparable, car la formation qui promet de vous changer en homme supérieur, est coûteuse, et même très coûteuse. Mais qu’on se rassure, il y a une promo ! 19,90 euros par mois seulement si vous vous abonnez maintenant, après ce sera 49,90 euros par mois ! Quant à la réduction pour l’achat de son ouvrage « Comment devenir un homme dominant » (9.90 euros au lieu de 19.90 euros… pour un e-book de 37 pages), il faut faire vite car « cette offre disparaît dès que vous fermez cette fenêtre ». 37 pages, vous avez bien lu. À titre de comparaison, les plus intéressantes œuvres sur le même sujet, d’auteurs faisant autorité coûtent moins pour… le quintuple de pages. Bon, elle, Thaïs, promet d’apprendre à « hacker le cerveau féminin pour passer de célibataire à chef de famille », alors laissons-lui le bénéfice du doute. Et j’espère du fond du cœur que la conversation téléphonique de 30 minutes facturée 200 euros où elle s’engage à « débloquer votre situation » est une farce, une de ces fausses nouvelles qui infestent le net et que je ne peux vérifier en l’absence de souscription à un abonnement. (Si ce n’est pas le cas, Thaïs, reprends-toi, car 200 euros pour 30 minutes de conversation, on est à deux pas d’OnlyFans !)
Bref, si je suis aussi tout à fait consciente que toute besogne mérite salaire et que je sais d’expérience que les articles ne s’écrivent pas tout seul, que le travail requis en amont, – heures de recherches, de lectures et de rédaction -, peut être abyssal, cette formation ressemble un peu trop à un moyen « de gagner de l’argent sur le dos des pigeons sans bouger de chez soi » comme le lui reproche un internaute. Un moyen très lucratif de surfer sur la misère sexuelle en promettant aux désespérés de devenir des séducteurs ou pire, des dominateurs ! La technique de collecte de fonds, faite pour toucher l’affect de la cible visée (voir « Je rejoins la communauté ») est vraiment gênante et ressemble à s’y méprendre, le graphisme cool en plus, à une de ces publicités de marabout africain : « Résultats 100 % garantis ». Le langage (et les promesses) sont les mêmes.
Mais toutes les critiques qui lui sont portées ne sont pas opportunes. Qu’une jeune-fille de 24 ans puisse s’auto-ériger en grande manitou de la séduction, je ne vois pas vraiment où est le problème puisque ce qu’elle faisait jusqu’à présent, elle le faisait plutôt bien. Avec, certes, une forme américanisée qui pouvait agacer, mais elle ne faisait rien d’autre qu’une synthèse d’auteurs pertinents sur le sujet. Utilisant sa popularité et sa jolie frimousse, elle avait fait un travail de divulgation tout à fait valide, donnant à lire les œuvres de Guillaume Faye, de Jordan Petterson, de Julien Rochedy etc. Son manque d’expérience en faisait rire plus d’un, mais après tout, il n’est pas besoin d’avoir été un camé pour affirmer que la drogue est nocive, ni d’être un parent pour faire remarquer que lire un conte est plus éducatif que placer le mioche devant un écran !
Mais là, se faire grassement payer en se faisant passer pour une experte, c’est un tantinet too much, comme elle dirait. Thaïs d’Escufon, empreinte d’hubris, semble s’être fourvoyée. Pense-t’elle vraiment parvenir à résoudre les maux de jeunes en profonde difficulté affective, sentimentale et sexuelle ? C’est ce qu’elle affirme sur son site. Or, pour avoir croisé et interviewé tout un tas de ces célibataires involontaires, des jeunes-hommes tellement emplis de complexes d’infériorité et d’auto-commisération, que je peux témoigner que nombre d’entre eux ne pourront s’en sortir qu’avec l’aide d’un thérapeute, ce que n’est pas la youtubeuse. Thaïs ne peut pas l’ignorer et prétendre être capable de résoudre leurs problèmes est d’une arrogance sans limite. Sans compter qu’en n’ayant de cesse de dépeindre les femmes comme hypergames, vénales, féministes, insatisfaisables, elle nourrit leur ressentiment contre ces dernières, elle entretient leur pathologie, celle de croire que tous leurs ennuis proviennent de la gente féminine et qu’ils n’accéderont au bonheur qu’en trouvant une femme de haute valeur. (D’ailleurs, si une femme se fait « hacker le cerveau » par quelque technique apprise sur internet, ce n’était probablement pas une « femme de haute valeur », mais passons.)
« Votre vie sentimentale est au point mort. Vous n’avez même pas l’impression d’être le dernier de la course… mais de ne même pas pouvoir participer à la compétition. Les réseaux sociaux et les applis de rencontre ne font qu’accentuer cette angoisse : les couples souriants inondent votre fil Instagram, mais il n’y toujours aucun message dans vos DM et vos matchs Tinder sont toujours à 0. »
Elle s’adresse à des QI fragiles et désespérés, pourris de réseaux sociaux, convaincus que c’est par là que passera leur salut (alors que c’est plutôt de là que vient leur mal), et entend les amener à verser 50 balles par mois et 20 euros pour un opuscule de 37 pages pour une promesse qu’elle ne pourra probablement pas maintenir. De leur part, cette quête de « coaching » est révélatrice du besoin d’éducation criant qui défaut dans nos sociétés. Sans la transmission des savoirs, même les plus pratiques et terre à terre, c’en est fini de l’éducation, on n’est plus préparé à la vie. Et le résultat est sous nos yeux : des générations apeurées, atomisées, agressives qui ne comprennent plus rien de l’autre sexe, parce que personne ne leur en a jamais parlé exception faite des hystériques qui font de tous les hommes des porcs. Et c’est là que le fourvoiement de Thaïs d’Escufon est regrettable. Car pour ceux qui n’avaient pas accès aux voies dissidentes, aux messages à contre-courant de la vulgate libéral-libertaire et féministe, ses vidéos avaient leur intérêt, elles permettaient d’entendre autre chose, elles représentaient un tremplin pour accéder à un savoir qu’elle avait mis à la portée de tous.
Or, cette marchandisation de l’être, cette volonté de se faire rétribuer par les « simps » qu’elle décrivait si bien ici,- « ceux qui sont prêts à lâcher des milliers d’euros pour une fille qu’ils n’ont jamais vue », ces hommes cherchant désespérément à attirer l’attention d’une femme sur une plateforme la couvrant d’argent -, rendent ses intentions incroyablement hypocrites et intéressées.
Plus noble aurait peut-être été d’aller travailler et de prodiguer des conseils gratuitement, surtout quand on prétend être mue par le désir de sauver la civilisation européenne. Militer est un geste gratuit. Ça, c’est vertueux. Mais incarner des valeurs n’est peut-être pas le but recherché… Dommage.
Audrey D’Aguanno
PS: une dernière chose, un petit détail. Bodycount, simps, incels, hacker… Si je m’intéresse aussi aux délires made in USA qui viennent tôt ou tard nous polluer, ce n’est pas non plus une raison pour importer tout et n’importe quoi et devenir malgré soi un vecteur de cette américanisation bête de nos esprits.
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Source : Breizh-info.com - 15/02/2024