I-Média n°347 – Zemmour, d’Ornellas, Trump… Censure générale !
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L'épopée coloniale allemande
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On ignore trop souvent que l'Allemagne fut, de 1884 à 1918, une puissance coloniale. Dans son livre, L'épopée coloniale allemande paru aux éditions Via Romana, qui prend souvent la dimension d'un roman d'aventures tout à fait passionnant, Sylvain Roussillon nous raconte l'histoire de ces territoires, une histoire totalement méconnue, autant que les spécificités de leur colonisation.
L'auteur nous entraine ainsi des archipels du Pacifique à la place chinoise fortifiée de Tsing Tao, de la forêt camerounaise aux sables du désert namibien et à la brousse d'Afrique orientale. Certes l'Empire colonial allemand est vaste, avec ses 2 914 150 km2, mais n'est peuplé que de 13,2 millions d'habitants, dont à peine 24.000 colons allemands, dont guère plus de 5000 soldats européens. La colonisation africaine a déjà été abordée dans des ouvrages passionnants par Rémy Porte et Bernard Lugan (lisez son Heia Safari! Général von Lettow-Vorbeck, dont nous avons écrit une recension en ces colonnes). Le mérite de Sylvain Roussillon est d'offrir une vue d'ensemble de la colonisation allemande, de sa protohistoire jusqu'à sa disparition, au lendemain de la Grande Guerre.
Les débuts de la colonisation allemande
Dès les débuts de la colonisation des Amériques, on trouve des Allemands parmi les pionniers et les précurseurs de l'aventure coloniale ultra-marine. On rencontre au fil des pages du livre d'étonnants aventuriers. L'absence d'unité politique de l'Allemagne n'aide guère à la mise en place d'un projet colonial cohérent et doté de moyens suffisants. Evoquons à titre d'illustration quelques curiosités. C'est ainsi que le duché de Courlande, petit état balte de 200.000 habitants, doté cependant d'une marine marchande respectable, va entreprendre, dès 1637, d'installer une colonie de 212 Courlandais sur l'île de Tobago, dans les Caraïbe. Les Espagnols verront d'un très mauvais œil l'arrivée sur la scène américaine de ces nouveaux concurrents et la colonie ne tardera pas à disparaître, étranglée par le blocus naval et commercial espagnol. Autre exemple: le comté de Hanau-LIchtenberg (1500 km2, qui ne dispose même pas d'une façade maritime!) tente en 1669 de se lancer dans l'aventure. Ce sera évidemment un fiasco. En fait, le Saint-Empire romain germanique est un géant politique mais un nain militaire et économique, et ne dispose absolument pas des moyens pour entreprendre une vraie politique coloniale. Il n'est de fait pas en état de supporter le choc que constitue la naissance des états-nations. Il faudra attendre la naissance de l'Empire allemand, en 1871, dans la Galerie de Glace du Château de Versailles, pour que l'Allemagne unifiée, désormais première puissance européenne continentale, se tourne vers la création d'un empire ultra-marin. Par nécessité, car le nouvel Empire se trouve alors prisonnier d'un marché intérieur trop petit pour absorber les productions de sa puissante industrie.
Et puis, l'Allemagne peine à retenir ses populations. Près de 4 millions d'Allemands ont émigré de 1815 à 1870, dont 90% vers l'Amérique du Nord. Bien que personnellement hostile à l'idée de colonisation, Bismarck finit pourtant par s'y résoudre. Il va synthétiser sa stratégie par la fameuse formule: « Die Flagge folgt dem Handel » (le drapeau suit le commerçant).
L'Allemagne va placer sous protectorat les différents territoires dans lesquels la « société pour la colonisation allemande » a noué des accords marchands avec les monarques et potentats locaux. Ce faisant, l'Allemagne rejette la méthode française de la colonisation qui consiste, dit Bismarck, « à prendre un morceau de terre, à y installer des fonctionnaires, une garnison et ensuite à y attirer des colons ». Après le Togo, le Sud-ouest africain, le Cameroun et l'Afrique orientale allemande, l'Allemagne va aussi s'implanter dans le Pacifique: la Nouvelle-Guinée, l'archipel Bismarck et... la Chine. Cet empire colonial est cependant un colosse aux pieds d'argile. Ce n'est pas un ensemble homogène, capable d'assurer son propre développement, ou sa propre défense.
Présence allemande en Chine
Après les deux Guerres de l'opium, l'empire chinois est en plein chaos et constitue une proie facile pour les prédateurs occidentaux qui pratiquent la « diplomatie de la canonnière ».
Prenant prétexte de l'assassinat de deux missionnaires allemands, le 1er novembre 1897, par des membres d'une société secrète anti-occidentale, les Allemands débarquent dans la baie de Kiautschou, dont ils obtiendront la concession. Un petit village de pêcheurs, Tsingtao est destiné à devenir la capitale administrative de la colonie. Mais dès le printemps 1898, des groupes de rebelles Boxers (les Boxers sont une sorte de secte anti-occidentale qui pratiquent une boxe ritualisée) attaquent des communautés chrétiennes, assassinant à tout-va les fidèles chinois et les missionnaires étrangers. Les ressortissants occidentaux et japonais vont se réfugier et se barricader dans le quartier des légations de Pékin, un minuscule périmètre de 3,2 km sur 1,6. C'est le début du siège des légations, connu comme les « 55 jours de Pékin ». Une coalition internationale, rassemblant huit nations, sous commandement militaire allemand les délivrera. La Chine est désormais à terre. Les Allemands ont l'ambition de faire de Kiautschou la « Hong-Kong » du Nord, une vitrine exemplaire de la colonisation allemande et une plaque-tournante maritime de premier plan. La concession dispose du tout-à-l'égout, d'un système d'assainissement des eaux, d'une centrale électrique et... d'une brasserie. Tous les amateurs de bière contemporains connaissent la bière chinoise Tsingtau ! Ajoutons l'aménagement d'un port, d'une ligne de chemin de fer qui permet de relier Berlin à la concession en treize jours. Sun Yat-sen, premier président de la république de Chine, s'exclamera: « Je suis impressionné. Cette ville est un vrai modèle pour la Chine future ».
La guerre navale allemande en Asie
Las, la guerre va éclater. Le Japon se range aux côtés du Royaume-Uni. Pas question pour l'escadre allemande, en tournée d'inspection, de rentrer à Kiautschou, trop vulnérable. D'autant que 29.000 soldats japonais ont débarqué. La ville est privée d'eau potable. La situation des Allemands est désespérée. Le 7 novembre 1914, le drapeau blanc est hissé. L'acte de capitulation est signé à 20 heures. 4500 hommes seront détenus, durant la guerre, au Japon. Ces prisonniers seront particulièrement bien traités, libres d'aller et venir dans l'enceinte du camp et même d'aller faire des achats à l'extérieur. Les autorités japonaises ont même fait le choix de rémunérer les prisonniers allemands en échange de leurs travaux. Lors de leur libération en janvier 1920, 170 choisiront de rester au Japon !
En attendant, l'Escadre navale allemande de l'Asie orientale est dans une situation des plus difficiles. « Je suis tout à fait sans-abri. Je ne peux pas accéder à l'Allemagne. Nous ne possédons aucun port sécurisé » dit Maximilian von Spee, le commandant de l'Escadre, qui décide de s'en prendre aux établissements alliés dans le Pacifique et à leurs navires. Il va remporter de brillantes victoires, faisant preuve d’une grande audace. C'est ainsi que son escadre se trouve face à la Quatrième escadre de croisière commandée par le contre-amiral Cradock, chargée de traquer la flotte allemande. Bilan de la bataille dite de Coronel, au sud de Valparaiso: 1654 morts et disparus, dont le contre-amiral Cradock côté britannique, et trois blessés seulement côté allemand. Mais la situation va s'inverser lors de la bataille des Falklands qui sera une défaite presque totale pour la flotte allemande. Maximilian von Spee y perdra la vie. Il reste encore un croiseur survivant, de l'Escadre allemande de l'Asie orientale: le SMS Emden. Celui-ci va entamer un périple incroyable, coulant un grand nombre de navires ennemis, semant la panique. Toutes les marines alliées, et tout particulièrement les Britanniques, se lancent à ses trousses. Avec ses trois grandes cheminées, il est aisément repérable. Qu'à cela ne tienne. Son commandant, Karl von Müller fait rajouter une quatrième cheminée fictive sur son navire afin d'en modifier la silhouette et de tromper ainsi l'ennemi ! Il fut cependant rattrapé au large des îles Cocos, un petit archipel corallien de l'océan indien, situé à mi-chemin entre l'Inde et L'Australie. L'héroïque capitaine de frégate Karl von Müller échouera son navire, touché une centaine de fois, sur un récif et sera le dernier à quitter son navire Au final, durant son équipée, le SMS Emden aura, du 9 septembre au 9 novembre 1914, coulé ou arraisonné 25 navires marchands et coulé deux vaisseaux de guerre.
La guerre en Océanie
Les territoires allemands du Pacifique et d'Océanie font partie des plus anciennes colonies de l'Empire. A la veille du premier conflit mondial, les Samoa allemandes comptent 35.000 autochtones, 6000 Chinois et 500 européens. Face à eux, les Néo-Zélandais et les Australiens qui se sont, dès le déclenchement de la guerre, mis d'accord pour se partager les possessions allemandes d'Océanie, disposent évidemment de forces militaires considérablement plus importantes. Les Allemands capituleront très vite.
L'autre ensemble colonial allemand d'Océanie est connu sous le nom de Nouvelle-Guinée allemande. En 1885, l'acquisition par l'Allemagne des îles Marschall, achetées à l'Espagne, bien incapable de les administrer, avait élargi le territoire auquel se rajoutera l'île de Nauru. Suite à une offre d'achat faite par l'Allemagne, l'Espagne finira par céder la totalité de ses possessions pacifiques et océaniennes. Ces vastes possessions allemandes vont devenir, dès le début de la Première Guerre mondiale, un enjeu de pouvoir pour les belligérants. Les Britanniques craignent en effet les appétits japonais dans le Pacifique, voyant avec une réelle appréhension la substitution du Japon à l'Allemagne et se hâtent de mobiliser les troupes australiennes et néo-zélandaises.
Leur victoire sera facile, mais les jeunes australiens et néo-zélandais le paieront très cher. Beaucoup de jeunes volontaires auront acquis une image fausse et idyllique de la guerre, entraînant un grand engouement dans les journaux et dans l'opinion publique, incitant des milliers de jeunes à s'engager comme volontaire pour une si belle promenade de santé. Las, ce sera un voyage au bout de l'enfer, sans retour pour nombre d'entre eux. Bilan de la bataille des Dardanelles en Turquie, entre le 25 avril 1915 et le 9 janvier 1916: 8700 mort, 20.000 blessés sur un effectif de 50.000 engagés australiens. En 1914, c'en est presque fini de la présence allemande dans ces régions. Presque, car il subsiste une petite mission d'exploration, conduite par le lieutenant bavarois Hermann Detzner qui entend ne pas capituler. Recherché par les patrouilles australiennes, il bénéficie du soutien quasi-constant de la part des tribus papoues et se constituera un mini-protectorat dans les hautes terres de l'hinterland, au milieu des tribus anthropophages ! Une quinzaine d'entre elles lui sont fidèles et arborent l'étendard impérial allemand, Detzner et ses hommes circulant de village en village, en chantant à tue-tête des airs patriotiques comme Die Wacht am Rhein (la garde sur le Rhin).
Fin de l'histoire qui fait penser au livre de Kipling, L'Homme qui voulut être roi, Detzner effectue sa reddition le 5 janvier 1919, après avoir dispersé sa petite troupe et détruit ses armes. A Rabaul, il est fêté comme un héros, notamment par les populations indigènes, ce qui indispose hautement les Australiens, qui l'expulsent le 31 janvier.
Un corsaire allemand dans le Pacifique
Depuis la défaite de Héligoland, en août 1914, la marine de guerre était inactive et confinée dans ses ports, soumise au blocus naval britannique. Pour rompre le blocus, les Allemands vont avoir une idée qui peut paraître tout à fait farfelue. Ils vont transformer un trois-mats carré qui appartenait à une compagnie de commerce américaine, tombé entre les mains des Allemands, en croiseur auxiliaire à voile qu'ils camoufleront avec le plus grand soin en navire norvégien. Il s'agit de tromper les inévitables inspections alliées lors des contrôles en mer. L'ensemble de l'équipage est constitué de marins allemands parfaitement norvégophones. Les capitaines norvégiens étant par tradition autorisés à embarquer avec leurs épouses, un jeune matelot aux traits particulièrement fins est même habillé en femme lors des contrôles.
Le SMS Seadler sera en effet contrôlé par les Britanniques qui n'y verront que du feu, le capitaine anglais se montrant extrêmement courtois à l'égard de la pseudo-épouse de son homologue pseudo-norvégien, Félix von Luckner... 14 navires alliés pour un total de 40.000 tonnes de marchandises, sont capturés. Mais toutes les marines alliées sont aux trousses du SMS Seadler. Il s'agit de changer d'air. Von Luckner décide de quitter les eaux de l'Atlantique pour celles du Pacifique. Mais le 2 août 1917, le SMS Seadler est drossé sur des rochers et gravement endommagé. Voici donc les Allemands captifs forcés sur ce petit atoll dont Luckner, hissant le pavillon impérial, proclame la souveraineté allemande. Il s'agit du seul et unique territoire ultramarin conquis par les Allemands dans cette région du globe durant la guerre ! Les Allemands vont construire une petite ville de tentes et de cabanes, avec un mess, un hôpital, une bibliothèque, une station radio, une cuisine, une fumerie à poisson, une buanderie. Des concerts sont donnés. Mais pas question de baisser les bras. Luckner va faire démanteler les restes du SMS Seadler et faire construire une barque de six mètres de long. Son objectif est d'atteindre les îles Fidji, de s'emparer d'un navire plus important et de revenir chercher le reste des naufragés. Avec ses six hommes d'équipage, la barque, arborant un pavillon de la Kaiserliche Marine s'élancera à l'assaut du Pacifique. Mais le 21 septembre, terriblement éprouvés, après avoir parcouru près de 4000 km, ils seront arrêtés. L'histoire ne s'arrête pas là. Le lecteur découvrira la suite, en lisant ce formidable livre.
La colonisation du Togo
L'établissement allemand du Togo, petit territoire de 87 200 km2, est l'un des plus anciens territoires coloniaux du nouvel empire germanique. C'est aussi un des plus fragiles, et il sera rapidement conquis par les troupes alliées.
C'était un explorateur allemand, Gustav Nachtigal, qui avait signé un traité avec le souverain local. Les Allemands surent mettre le territoire en valeur, les terres s'avérant fertiles, et ils développèrent un réseau routier assez dense, des lignes de chemin de fer et une puissante station de télégraphie sans fil, en contact permanent avec Berlin. Le Togoland sera le seul territoire allemand en Afrique à être économiquement à l'équilibre en 1914. Notons qu'on n'y compte que 363 Blancs pour une population de 1 050 000 autochtones. Le Togoland sera surnommé la Musterkolonie (colonie modèle) et se voudra une véritable vitrine de la colonisation allemande en Afrique.
Le Sud-Ouest africain allemand
Ce territoire de 835 000 km2, que l'on nommera plus tard la Namibie, est bordé au nord par l'Angola portugais, à l'est par le Bechuanaland britannique et au sud par l'Union sud-africaine. Il est officiellement placé sous la protection du Reich en 1884. En 1902, la colonie compte près de 3000 ressortissants allemands et 330.000 indigènes, dont 80.000 Hereros, une communauté pastorale et guerrière. Le 12 janvier 1904, le chef herero donne, pour des raisons qui restent obscures, l'ordre du soulèvement des tribus. Près de 200 civiles blancs furent massacrés, les victimes étant sauvagement torturées avant d'être mises à mort et les femmes violées et éventrées devant leurs enfants qui furent massacrés à leur tour. La répression fut féroce, et on a pu parler, à juste titre, d'un véritable génocide ayant conduit à la mort 60.000 herehos sur une population de 80.000. La Deutsch-Sudwestafrica comptera 12.300 Allemands et près de 2500 Boers en 1914 et sera, en fait, la seule colonie de peuplement allemande. Mais le territoire est militairement extrêmement vulnérable. Sylvain Roussillon nous raconte la résistance allemande, le soulèvement des nationalistes Boers sud-africains qui refusent de participer à cette guerre, puis, l'après-guerre. Seule colonie allemande dans ce cas, les civils allemands seront autorisés à rester à la fin du conflit. La Namibie possède aujourd'hui le seul quotidien africain en langue allemande, l'Allgemeine Zeitung, édité à 6000 exemplaires, reçoit la visite de 60.000 touristes tous les ans, le passé allemand demeurant très visible dans l'architecture des grandes villes, et puis, chose vitale, la gastronomie allemande est très présente, avec la bière locale, le kirsch, l'apfelstrudel, le chocolat, les petits pains fourrés !
La conquête du Kamerun
Britanniques et Allemands sont en compétition pour la conquête du Kamerun. Les Britanniques y enverront une canonnière sous le commandement du lieutenant Moore. Celui-ci a l'idée géniale de menacer de mettre à feu et à sang des villages indigènes autour de Douala, si les tribus locales continuent à traiter avec les Allemands. Les Dualas n'apprécient que modérément le chantage et la plupart des chefs dualas se précipitent dans les bras des Allemands. Le 14 juillet 1884, le drapeau allemand est hissé sur Douala. Ce n'est que dans l'après-midi du 19 que la canonnière HMS Flirt fait son entrée tardive dans les eaux de Douala. Trop tard. La plupart des souverains et chefs doualas arguent que les Britanniques n'avaient qu'à arriver plus tôt.
L'épisode vaudra au consul britannique Hewett, le sobriquet de « Too late Consul » (le consul qui arrive trop tard). A la veille de la guerre, le Kamerun est une colonie très prometteuse sur le plan économique, même si elle reste nettement déficitaire. Autre ombre au tableau: la faiblesse du peuplement européen estimé à 2000 personnes environ, dont 1700 Allemands. Les autorités allemandes, conscientes de leur faiblesse militaire, tenteront, sans succès, d'obtenir la neutralisation de la région, invoquant à juste titre l'exemple désastreux que constituerait, aux yeux des populations colonisées, l'image de peuples blancs se faisant la guerre. La conquête du Kamerun par les forces françaises et britanniques ne sera cependant pas une simple promenade militaire. Les Alliés entreront à Yaoundé le 1er janvier 1916. Les troupes allemandes, accompagnées d'un grand nombre de civils se mettront en route, pour échapper à la capture et gagneront la colonie espagnole du Rio Muni, territoire neutre. Il est à noter que parmi les civils figurent de nombreux Africains, restés fidèles aux Allemands. Ceux-ci retourneront dans leurs villages dans les dernières semaines de 1918. L'accueil qui leur est réservé est en général très cordial, trop même aux yeux des nouvelles autorités coloniales. Le général britannique Macpherson Dobell osa écrire que « du côté allemand, les indigènes étaient cruellement contraints de se battre sous la menace et soumis à des représailles lorsqu'ils osaient défier l'autorité allemande ».
De la pure propagande. Quelles menaces auraient été suffisantes pour contraindre quelques 14.000 indigènes à suivre près d'un millier d'Allemands dans une fuite désespérée, vaincus, coupés de toutes ressources extérieures ? Dans la réalité, de nombreux officiers supérieurs français ou britanniques furent au contraire étonnés de cette fidélité. En 1922, la Société des Nations partagera le territoire entre les vainqueurs, attribuant aux Français les quatre cinquièmes, et le reste aux Britanniques.
L'Afrique orientale allemande
Dans la seconde moitié des années 1880, l’Allemagne dispose en Somalie de six ports dont deux ouvrent sur de vastes concessions territoriales jusqu'aux portes de l'Ethiopie. Elle fera même quelques tentatives pour prendre pied dans l'archipel des Comores et à Madagascar. La mise en place d'une kyrielle d'impôts et taxes, la brutalité des autorités et le coup d'arrêt à la traite des esclaves, génère un mécontentement croissant auprès des populations arabes qui entraine une rébellion généralisée en 1888 qui, certes matée, sera suivie d'autres rebellions, telle celle de la tribu des Hehe. Ainsi, 3000 guerriers hehe attaqueront une colonne allemande. Bilan: 10 Européens dont l'officier prussien commandant la colonne tués, ainsi que 291 supplétifs, une centaine de porteurs, le petit parc d'artillerie, 300 fusils et des milliers de cartouches étant perdus. L'arrivée d'un nouveau haut-commissaire, qui saura rallier les autres tribus, permettra cependant de faire évoluer la situation, mais il y aura bien d'autres révoltes, dues notamment au travail forcé pour un salaire de misère. C'est ainsi que la révolte des Maji-Maji embrasera en 1904 tout le sud de la Deutsch-Ostafrika. Le chef de la révolte, qui se présente comme magicien, distribue des potions censées transformer les balles allemandes en eau au moment de l'impact. Le mot « eau » se disant maji en langue kiswahili, c'est ce qui donnera son nom à ce soulèvement: la rébellion des Maji-Maji. Le bilan sera effroyable du côté des rebelles: 10 à 15.000 tués, tandis qu'en y ajoutant les décès liés à une famine provoquée, on atteindrait des chiffres de 75.000 à 300.000 morts. Ce bilan évoque évidemment celui de la guerre des Hereros et constitue, écrit Sylvain Roussillon, « une tache indélébile sur l'histoire coloniale allemande ».
La révolte achevée, ce vaste territoire de 995.000 km2 et de 8 à 10 millions d'habitants va se voir doté d'infrastructures solides. En 1914, la colonie compte 3.550 km de lignes de chemin de fer et est en pleine expansion. Un bémol: la faiblesse du peuplement européen qui ne compte que 5339 Européen, dont 4107 Allemands. C'est pourtant là que la résistance coloniale allemande aux troupes alliées sera la plus acharnée.
L'héroïque épopée de von Lettow-Vorbeck
Le lieutenant-colonel Paul von Lettow-Vorbeck s'était illustré lors de la bataille décisive de Waterberg, en actuelle Namibie, où les Hereros avaient été vaincus. Il s'était opposé en vain à la mise en place de la politique d'extermination voulue par le général Lothar von Trotha, considérant qu'il est plus judicieux de s'attacher à terme la fidélité de tribus guerrières plutôt que de les anéantir. Chargé de la défense de la Deutsch-Ostafrika, il ne dispose que d'un effectif de 12.000 supplétifs askaris et de 2375 cadres et combattants européens. Son charisme, son énergie et sa remarquable intelligence tactique vont lui permettre de mener la vie dure aux alliés durant toute la guerre. Il ne déposera les armes qu'au lendemain de l'armistice. Le lecteur découvrira dans le livre de Sylvain Roussillon (et aussi, rappelons-le, dans celui de Bernard Lugan, Heïa Safari) une extraordinaire épopée.
Un exemple: en ce début de l'année 1917, la situation des troupes allemandes semble désespérée. Von Lettow-Vorbeck et ses hommes sont encerclés. Il va diviser ses troupes en plusieurs colonnes. La colonne Wintgens, forte de 40 Européens et 600 Askaris, va agir de manière complètement autonome, sans objectif autre que de semer la pagaille dans les états-majors alliés, progressant vite, dépourvue de porteurs, se nourrissant grâce à la chasse: une troupe insaisissable. Le gros des troupes allemandes, 1500 hommes, attaqué par plus de 5.000 soldats, leur inflige une cuisante défaite en octobre 1917. Plus de 50% des effectifs britanniques, c'est-à-dire 2.700 hommes, sont hors de combat. Les Allemands ont 95 tués. Ayant constaté l'efficacité de la colonne Wintgens, une troupe extrêmement mobile, délivrée de contraintes territoriales, hardie et combattive, le désormais général va réduire ses effectifs de supplétifs et de porteurs, augmentant considérablement sa mobilité. Il équipe le plus possible ses porteurs de bicyclettes, où l'on peut entasser jusqu'à 150 kilos bien répartis, permettant d' « économiser » cinq porteurs. Le 21 novembre 1917, les troupes allemandes franchissent le fleuve Rovuma et entrent au Mozambique portugais, semant la panique dans une armée dix fois plus importante. En quelques semaines, toutes les garnisons du nord-Mozambique sont prises ou contraintes à la fuite. Les tribus Yao, majoritaires dans ces régions, se rallient avec enthousiasme aux Allemands. Le pouvoir colonial portugais s'effondre sur la moitié du territoire mozambicain. La dernière victoire du général von Lettow-Vorbeck a lieu le 2 novembre 1918, au lendemain de la signature de l'armistice, dont il n'était pas informé ! Le 2 mars 1918, le général, accompagné de 114 de ses hommes, défile entre le Pariser Platz et la Porte de Brandebourg, à Berlin sous les acclamations de la foule.
Le 28 juin 1919, la signature du Traité de Versailles fait définitivement disparaître l'empire colonial allemand.
Robert Spieler-Rivarol 2021
L'épopée coloniale allemande, de Sylvain Roussillon, 270 pages, 25 euros, Editions Via Romana, 29 rue de Versailles, 78150 Le Chesnay
En vente ici : https://www.facebook.com/boutiqueenracinee/photos/379747780518657
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D'ou vient tout cet argent ? Comment peut-il y avoir TANT d'argent à preter ? La réponse est... qu'il n'y en a pas.
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Si tout ceci vous laisse perplexe, rassurez-vous, vous n'etes pas le seul ou la seule. Très peu de gens comprennent ce système, meme si nous sommes tous touchés. Ce long métrage d'animation, dynamique et divertissant, de l'artiste et vidéographe Paul Grignon, explique les effets magiques mais pervers du SYSTEME ACTUEL D'ARGENT-DETTE dans des termes compréhensibles pour tous.
L'esprit traditionnel dans la mythologie grecque
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Pour comprendre l'esprit traditionnel, nous devons garder en tête un axiome irréfutable relatif au « Principe des deux natures »: il existe un ordre physique et un ordre métaphysique. Nous appelons ordre physique le monde tangible, visible (par les cinq sens), le devenir qui entraîne l'homme dans un monde sans direction et sans sens. Nous faisons référence au monde métaphysique lorsque nous parlons du monde invisible et, au-delà de celui-ci, de la sphère immatérielle.
Un exemple qui illustre ce que nous avons décrit dans les lignes précédentes se trouve dans la civilisation archaïque minoenne: le roi souverain Minos servait de pont, c'est-à-dire qu'il agissait comme un bâtisseur entre les deux mondes (physique-métaphysique) et exerçait son pouvoir sur les deux, en tant que roi et prêtre par la volonté et la protection de Poséidon et, à son tour, il était le fils de Zeus. De cette façon, les lois divines étaient promulguées de manière exacte, juste et équitable et appliquées dans le royaume, répondant à la vérité, puisque Minos lui-même parlait au nom non pas de sa propre personne (mortelle et éphémère) mais de l'intégrité entière d'une personne complète qui savait parfaitement comment combiner les deux mondes. Pour cette raison, le sang d'une progéniture procédant du divin (Zeus) et d'une mortelle (Europa) était « récapitulatoire ». Selon l'émanationnisme, il héritait de sa mère l'Atman, de Zeus la lignée divine, autrement dit, le roi souverain Minos avait une descendance non seulement de sang mais d'esprit. Si cette ascendance spirituelle et cette noblesse étaient perdues, elles devenaient des termes vides, un pont qui ne permettrait pas de se connecter aux deux mondes. Cette base provenait de la Tradition occulte qui mettait son poids et sa force dans le maintien de la lignée ou de la succession des Rois sacrés, formant ainsi un axe de lumière pérenne et d'éternité dans le temps.
Après la rupture avec la Tradition et avec ce pont sacré et, au fur et à mesure que des mortels sans lignée divine se succédaient dans la fonction de roi souverain, ils ont commencé à former une politique de tyrans, de despotes et d'entourages qui abusaient non seulement du pouvoir, mais aussi de la distorsion des lois divines et de la rupture avec une tradition sacrée. On y explique, par exemple, le long processus de décadence de l'homme, dû à cette fracture avec les dieux, brillamment reflété dans les quatre âges. Précisément, Hésiode détaille le processus de chute par lequel passe l'homme de l'âge d'or à l'âge de fer, un cycle descendant par lequel l'homme ferait disparaître les forces subtiles ou nouménales de son monde physique. Cependant, Hésiode met en évidence les cycles dits héroïques où les castes de valeureux guerriers (Achille, Agamemnon, Héraklès, Thésée, entre autres) surmontent leur simple condition de mortel pour se connecter au Transcendant. Ainsi, par exemple, dans le mythe d'Héraclès, avec ses douze travaux, il finit par équilibrer son moi inférieur avec le monde céleste.
D'autre part, la Tradition mentionne également le premier Principe ou Élément, celui du feu, comme une composante de l'univers, cachée et invisible mais présente dans la nature qui nous entoure, comme une gaine lumineuse qui nous enveloppe. Cet agent invisible est appelé Agni et apparaît déjà chez les anciens Rishis de l'Inde, c'est-à-dire chez ces sages de l'antiquité védique qui vénéraient cet élément en accomplissant des rituels très solennels pour leurs guerriers. Héraclite, par exemple, a exprimé que : « Le feu est l'élément générateur et de ses transformations, qu'il soit raréfié ou condensé, naissent toutes choses (...) ».
Dans la mythologie, Achille est le héros qui hésite entre une vie tranquille, longue et familiale ou une vie immortelle, mais qui choisit finalement de perdre sa vie sur le champ de bataille avant de l'avoir vécue pleinement et de se coucher sur son lit de mort.
Achille est le fils d'un mortel, Pelée (un descendant de Zeus), et d'une néréide, Thétis, nymphe de la mer. Thétis ne voulait pas que ses enfants soient mortels comme leur père. Pour ce faire, elle soumet le petit Achille à un rituel impliquant l'action du feu afin de purifier la composante mortelle qu'Achille a héritée de son père Pelée. Mais Pelée a réussi à le tirer des flammes à temps, bien que le talon droit du garçon ait été endommagé par le feu. Plus tard, le centaure Chiron réparera les dommages causés par le rituel de Thétis en remplaçant l'os brûlé par celui d'un géant célèbre pour sa rapidité, qualité qui lui sera reconnue bien plus tard, car Achille sera connu comme « le pied léger ». Il semble qu'Achille avait le don de courir à une vitesse exceptionnelle, mais avec son talon comme seul point vulnérable. Une autre version raconte que Thétis plongea Achille dans les eaux magiques de la rivière Styx, qui avaient la propriété de le rendre invulnérable, mais immergea tout le corps sauf le talon droit. Les deux versions prennent l'eau ou le feu comme éléments purificateurs. Le feu, lorsqu'il se condense, se vaporise, et cette vapeur prend consistance et devient de l'eau qui retourne à la terre.
Il est clair que l'homme (quelle que soit la civilisation consultée), aux temps de l'Age d'Or, avait bénéficié d'une connexion instinctive avec les forces intimes et cachées de la nature, ainsi qu'avec les énergies cosmiques, qu'il percevait directement dans la vie des éléments (feu, eau, air, terre), ou par une communion immédiate et directe avec le principe qui est à l'origine des choses. Pendant l'âge d'or, nous mettons en évidence la race aryenne (descendants directs de la branche atlante) qui s'était installée dans les chaînes de montagnes de l'Himalaya. Cette race a migré en formant les peuples indo-européens qui se sont répandus en Irlande, en Angleterre, dans le nord de la France, en Scandinavie ; tandis qu'au sud, ils ont donné naissance aux Aryens de l'Inde, en plus des Sarmates, des Germains, des Italiens et, bien sûr, du peuple grec Dorien. En tant qu'idéologie principale, les peuples indo-européens ont transmis les mystères et les hautes doctrines ésotériques avec lesquels la pensée religieuse indo-européenne allait commencer à évoluer, cet esprit glorieux que Hans Friedrich Karl Günther met en évidence dans son essai La religiosité nordique.
En suivant les directives de Günter, l'essence de la religiosité grecque de caractère indo-européen peut être résumée comme suit :
- Elle n'est pas née d'une quelconque forme de peur.
- Elle ne craint pas la mort.
- Elle ne craint pas Dieu. Son Dieu n'est pas un dieu qui punit.
- Elle ne croit pas que Dieu ait conçu le monde.
- Pour le Grec, le monde était autrefois un ordre hors du temps: les hommes et les dieux ont leur siège, leur voie et leur mission.
- Ils croient en une alternance éternelle de mondes qui naissent et disparaissent, en des « crépuscules répétés des dieux », par exemple, en des cataclysmes, des catastrophes cosmiques.
- Ils ne croient pas au jugement dernier, ni à l'avènement d'un royaume de Dieu.
- Ils n'ont pas été créés par Dieu, ni par la volonté d'un créateur.
- L'origine de l'homme, comme du Cosmos, est la manifestation du principe suprême d'émanation. (Pour plus d'informations : s’informer sur l’Emanantisme).
- Il n'est pas soumis à Dieu.
- La religiosité grecque n'est pas une servitude.
- Dieu est conçu comme la Raison suprême manifestée dans l'ordre du monde, un lien Dieu-Homme, l'essence même du monde grec, étant une rationalité commune. Ils ne doutaient pas d'une réalité supérieure qui leur était évidente.
- Les Grecs recherchaient la sagesse.
Le Grec a confiance en une communauté qui comprend les hommes et les dieux, la Polis d'Athènes. Les dieux, comme les hommes, doivent trouver l'origine de leur existence dans la manifestation (par émanation) du Principe suprême. Des héros comme Thésée (roi sacré d'Athènes) et Ulysse (roi sacré d'Ithaque) représentent le guerrier spirituel, qui restaure, équilibre et harmonise le microcosme en leur sein, faisant ainsi partie du monde suprasensible du macrocosme. L'enseignement des deux héros consiste à dépasser toute sorte de barrière qui fait obstacle au voyage initiatique qui mène à la Grande Libération et à revenir à sa genèse : inconditionnée, éternelle, divine ?
L'union des dieux autour d'une cité à des moments critiques devait répondre à l'union des hommes, une union dans laquelle la force et l'efficacité symbolique s'exprimaient dans des moments tels que les Panathénées. Tant les Panathénées à Athènes que les Hyacinthes à Sparte, pour donner l'exemple des fêtes les plus fastueuses de deux cités helléniques de référence, sont le moyen de renouveler le pacte qui unit la cité à ses dieux et qui garantissait l'ordre et la prospérité.
Les Grecs honoraient une divinité avec respect, politesse, ils priaient debout, les yeux dirigés vers le ciel, les bras tendus: « A Pallas Athéna, illustre déesse, je commence à chanter, l'œil de hibou, riche en industries, que possède un cœur indomptable, vénérable jeune fille, que protège la cité, vaillante, Tritogenia, que l'industrieux Zeus a seule engendrée sur sa tête sainte, d'armes guerrières dotées, dorées, resplendissantes » (28ème Hymne homérique, c. s. VII B.C).
La religiosité grecque, de base indo-européenne, est la religiosité de notre monde et l'une de ses graines les plus caractéristiques est qu'ils ne connaissaient pas le sentiment de péché, ils ne se sentaient pas victimes, pour eux il n'y avait ni peur ni souffrance, ni mortification pour s'élever devant Dieu.
Curieusement, au sein de la chaîne indo-européenne qui s'est établie au Tibet, on trouve les Rishis (sages de l'antiquité védique), qui ont réussi à préserver et à transmettre une partie de leurs pouvoirs spirituels originels à travers une discipline qu'ils ont appelée « yoga », dont le fondement est d'unir l'esprit à la divinité par la pratique de la méditation et de l'ascèse spirituelle. Plus tard, les brahmanes furent les héritiers des Rishis et avec Krishna, chef et ascète de l'Himalaya, ils créèrent et innovèrent leur religion, Brahma étant le Dieu de l'univers, et Vishnu le « Verbe », deuxième personne de la divinité et sa manifestation invisible.
Avec le passage des âges ou périodes suivants, l'homme perdrait les capacités et facultés de l'âge d'or, comme, par exemple, le contact direct avec les puissances supérieures. Cette pensée élevée et transcendante des brahmanes, abritée et isolée dans leurs lointains ermitages de l'Himalaya, s'éloignait de plus en plus du monde du devenir et des plaisirs terrestres. Ainsi, l'homme a abandonné cette voie rigoureuse, stricte et ascétique, et il y a donc eu une séparation entre l'Homme et Dieu.
Dans la Grèce antique, cependant, ils ont réussi à canaliser les souvenirs de cet âge d'or, et il est curieux qu'un personnage ait surgi pour renouer avec ces puissances supérieures: Orphée. Son nom signifie « celui qui guérit par la lumière ». Orphée a réveillé le sens de la divinité avec sa lyre à sept cordes qu'il a lui-même sculptée et qui a ensuite été portée par Apollon, ce qui symbolise le fait de savoir vibrer dans les sept notes fondamentales de l'univers, qui correspondent aux sept planètes sacrées traditionnelles et qui ont également une analogie avec les sept chakras principaux. La religion orphique se manifeste progressivement au 6e siècle avant J.-C. et Orphée en est le prophète.
La grande vertu d'Orphée, d'origine thrace, était d'entretenir une relation particulière, intime et directe avec la nature. Grâce à sa subtilité, Orphée a pu capter l'essence que d'autres ne pouvaient ou ne savaient pas capturer. Ainsi, Orphée apparaît comme le médiateur entre la nature et l'homme, une sorte d'interprète du langage merveilleux des choses au langage ordonné des mots et de la musique qui est en relation directe avec l'univers. De cette façon, elle devait transcender et dépasser la médiocrité de la vie humaine et son transit pauvre et éphémère dans le monde. Sans doute Orphée avait-il le don de divination, puisqu'il a lui-même institué les Mystères de Dionysos, version orphique, et répandu son culte. Selon les Orphiques, Dionysos, qui représente le « moi » cosmique, a été détruit et mis en pièces par les Titans, mais grâce à Athéna, il a été recomposé car elle lui a redonné vie et l'a offert à Zeus. Zeus fulmina contre les Titans ; les frappa de sa foudre et, de leurs cendres, qui tombèrent sur la terre naquit l'humanité qui avait transgressé les lois divines et qui devait se racheter. L'humanité avait d'une part cette part titanesque et d'autre part une part divine, représentée par Dionysos. L'homme, en effet, possède en lui le feu latent (Agni) qu'il devait allumer, telle une étincelle, et vivre une vie spirituelle en lien avec les dieux. Ulysse, Héraklès, Thésée, entre autres héros, ont atteint ce degré de connexion divine, grâce à la réalisation de certains travaux ésotériques qu'ils ont dû accomplir sur le plan terrestre pour élever leur âme, passant de cette manière symbolique de l'homme terrestre Dionysos à l'homme divin Dionysos, c'est-à-dire qu'il y a une transmutation de l'être terrestre à l'être spirituel. C'est pourquoi Orphée est également lié à une société de guerriers, avec leurs rites d'initiation, comme en témoignent les peuples indo-européens.
Chaque héros qui entrait en contact avec Orphée savait qu'il avait la possibilité d'acquérir des capacités surhumaines. Orphée accompagne Jason et les Argonautes dans leur quête de la Toison d'or. Dans cette histoire, nous pouvons déjà voir qu'Orphée escorte ces héros vers le monde du divin, leur montrant le chemin de la libération des âmes et de leur ascension finale, après les rites pertinents de purification et d'initiation et, enfin, les conduisant à la recherche de la sagesse.
De même, le mythe de la descente de Dionysos dans l'Hadès pour sauver sa mère Sémélé est étroitement lié, sur le plan symbolique, à l'histoire de la descente d'Orphée pour retrouver sa femme Eurydice. Le mythe lui-même a été développé sous la vision orphique comme un paradigme mythique de la libération de l'âme et de la bénédiction que Dionysos lui-même a pu accorder à ses dévots dans l'Hadès.
Ainsi, dans l'orphisme, Dionysos est le fils de Zeus et de Perséphone et a la capacité d'intercéder auprès d'elle pour que ses initiés reçoivent un destin heureux dans l'autre monde.
En synthèse, les différentes religions ésotériques exposées dans les paragraphes précédents avaient pour objectif fondamental d'exposer les principes des lois naturelles du cosmos, la feuille de route ésotérique que l'homme devait suivre pour atteindre l'éveil de la divinité, jusqu'à atteindre l'ascèse mystique. Par l'intermédiaire des fondateurs de leurs religions, cet ascétisme pouvait être atteint par un contact direct.
Il faut noter que, malgré la pluralité des dieux et des prophètes, ils partent tous de la même source, puisqu'il n'y avait pas tant de vérités différentes, mais une seule vérité vue par différents prophètes et une pluralité de dieux ; la diversité des dieux n'est pas contradictoire avec l'idée d'unité du divin.
Cela nous fait comprendre que, grâce à une base ésotérique qui se manifeste sans en altérer les principes, l'évolution d'un peuple est également en accord avec elle.
Les religions ésotériques se caractérisaient par leur spiritualité supérieure, laissant de côté le païen. De ce point de vue, elles sont considérées comme des religions de salut. À Éleusis, ils présentaient une série de cérémonies et de représentations dramatiques dans lesquelles Déméter jouait un rôle fondamental, tandis que sa fille Perséphone représentait un témoin muet. Les fidèles étaient captivés et abstraits par la magie de l'environnement et sa musicalité, qui réveillait les recoins invisibles et insondables des initiés, où ils reconnaissaient en Perséphone le symbole de leur âme immortelle. Déméter accordait deux dons: le blé, source de vie, et les mystères, promesse d'une vie meilleure, au-delà du plan terrestre.
À Delphes, Dionysos était vénéré dans un culte extatique où l'initié ressentait une mutation intérieure de la conscience qui changeait radicalement sa perception du monde et de lui-même. Par une transe, il s'est laissé posséder par l'esprit de Dionysos, une énergie plus puissante et infinie. Il ne s'agissait pas de perdre conscience, mais de laisser parler la folie originelle et sacrée qui est en soi. Très probablement, et suite aux tragédies des classiques, les initiés ont perdu la notion du temps et ont soustrait tout sens lié à la vue, l'ouïe et la parole. La grande étape de la libération de l'âme serait sûrement le Mont Parnasse, qu'ils verraient comme un reflet du cosmos, et l'initié se sentirait relié à lui par son âme. En perdant cette conception de l'espace, vous n'auriez pas non plus la conception du temps, car le but ultime était d'être le phénomène de la nature qui est sur le point de naître en vous. Chaque geste, chaque danse, chaque action serait parfaite. Il n'y avait pas de marge d'erreur, il n'y avait pas de plan ou d'intention préméditée. Dionysos représentait dans cet instant infini l'action pure dans l'éternel présent. Dans Les Bacchantes d'Euripide, il s'exprime (73-151) :
« Heureux l'initié béat aux mystères des dieux qui consacre sa vie et offre son âme comme compagne à la tante du dieu, dansant sur les montagnes comme les Bacchantes dans les saintes purifications (...) Le lait coule de la terre, le vin coule, le nectar des abeilles coule. On respire un arôme semblable à l'encens de Syrie lorsque Bacchus élève haut dans les airs la flamme rouge de la torche de pin avec son feu, laissant dans l'air ses boucles délicates et avec des danses et des hurlements il fait bouger les femmes en délire qui rugissent avec des cris d'évohé ».
Grâce à l'état de délire et de possession divine, les dévots pouvaient réaliser toutes sortes de prodiges dans leurs danses et chants dans la montagne, entre les rites de chasse et de mort d'un animal, ainsi que d'autres « miracles » dionysiaques, liés aux domaines du dieu (la végétation, la vigne...).
En conclusion, comme le nom de Dionysos n'a pas de racine indo-européenne, il relève d’une influence orientale. Certains auteurs relient le dieu à l'Inde, bien que la ligne continue des cultes archaïques, qui reliait directement la Méditerranée à l'Inde par le Moyen-Orient et la Perse, ait été perdue pour une bonne part. Sa transcription indienne serait Shiva. Shiva correspondrait au principe destructeur qui conformerait la trinité hindoue, Brahma étant le principe créateur et Vishnu, le principe conservateur. Shiva, comme Dionysos, représenterait non seulement le principe destructeur, mais symboliserait également le phallus, en tant qu'expression de la fécondité. Il est également représenté comme le seigneur de la danse cosmique. Plus tard, les peuples aryens lui ont donné une place dans leurs rituels et l'ont associé au protecteur de la nature et des animaux sous le nom de Pashupati. On reconnaît à Shiva les traits suivants, très semblables à ceux de Dionysos: la vigne, la fertilité de la terre, le seigneur des animaux, l'invocation de la danse ou du théâtre, liée à des forces incontrôlées, oscillant entre la vie (festins, orgies nocturnes) et la mort. Progressivement, les traces du shivaïsme ont été intégrées au brahmanisme védique, le transformant profondément, d'où la difficulté de le rattacher à ses origines. Il en va de même pour Dionysos, dont l'origine est ambiguë et dont le culte est resté sous-jacent malgré la vague d'invasions et les guerres qui en découlaient. Quoi qu'il en soit, si nous devions penser que le Dionysos archaïque a été la même divinité que le Shiva de la religion védique, nous trouverions des divinités « identiques » dans différentes religions, et cette possibilité est également très valable pour relier les religions occidentales et orientales.
Álex Capua
Ex : https://animasmundi.wordpress.com/2021/04/16/el-espiritu-...
Bibliographie en espagnol :
Burkert, W. Cultos mistéricos antiguos. Ed. Trotta.
Capelle, W. Historia de la Filosofía Griega. Ed. Gredos
Bernabé, A. Orfeo y la tradición órfica. Akal Universitaria. Serie Religiones y mitos.
Günter, H. Religiosidad nórdica. Ed. EAS.
Montes, A. Repensar a Heráclito. Ed. Trotta.
Grimal, P. Diccionario de mitología griega y romana. Ed. Paidos.
Bhagavad Gita: el canto del Señor. Círculo de Lectores.
Héritage païen: Tradition catalane des herbes magiques de la Sant Joan
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Juste après la fête des feux de la saint Jean, il était de tradition d’aller cueillir, sans outils tranchants, des herbes spécifiques, que l’on nomme pour l’occasion « herbes de la saint Jean ». Il semblerait également qu’une pratique similaire existe ailleurs en Europe, encore une preuve de l’existence d’un héritage païen européen commun. Cette tradition est encore maintenue dans certains villages grâce à des associations soucieuses de pérenniser l’héritage ancestral.
On a dénombré pas moins de 27 herbes de la saint Jean ! Les plus utilisées en pays catalan sont au nombre de quatre. Le « mort i viu », ou orpin qui a la propriété curieuse de fleurir toute l’année s’il a été coupé à la saint Jean. L’immortelle ou herbe de saint Pierre. Le mille-pertuis ou la verveine, les deux correspondent à la tradition des herbes de la saint Jean. Les feuilles de noyer.
Ces plantes sont soit tressées en forme de croix, avec l’immortelle qui forme les quatre branches de la croix et le mille-pertuis qui prend place au bout des branches, soit montées en bouquets, ou en couronnes. La croix revêt de nos jours un caractère uniquement chrétien, or nous pouvons également l’interpréter d’un point de vue païen. En effet, cette dernière placée dans un cercle nous rappellera la roue solaire, quatre branches pour quatre saisons, mais également le croisement de l’horizontal et du vertical. La verticalité symbolise dans ce cas l’élévation spirituelle. L’axe horizontal symbolise le rayonnement de cette élévation. Les herbes ainsi assemblées sont accrochées au fronton des portes des maisons. Elles portent bonheur à ceux qui en franchissent le seuil.
On appelle généralement le bouquet des herbes de la saint Jean un « ramallet » en catalan, on le garde toute l’année, jusqu’à la nouvelle célébration du solstice d’été, ou il est jeté dans le bûcher, en même temps qu’une pensée envers un être cher, vivant ou disparu, occupe notre esprit lors de ce petit rituel qui est également censé porter bonheur. Les propriétés de ces herbes sont également curatives, notamment pour les brûlures et les plaies.
Certains parlent même que lors de la confection du bouquet de la saint Jean, il était de coutume de remplacer l’ancien bouquet par un nouveau et de le laisser macérer dans de l’huile d’olive déjà consacrée comme préparation médicinale afin de soigner les maladies de la peau ou les plaies, aussi bien des hommes que des animaux. D’autres traditions et d’autres légendes existent autour du solstice d’été en pays catalan, mais nous ne pouvons pas toutes les citer ici !
Llorenç Perrié Albanell
Elections : Les leçons d’un naufrage
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66,63% des électeurs n’ont pas jugé bon de se déplacer pour aller voter, les jeunes plus encore que les autres (chez les 18-24 ans 13% ont voté : le jugement est sans appel).
Les « spécialistes » (sic) de l’information (disons plutôt de la désinformation) se battent les flancs. Qu’est-ce qui se passe ? Où va-t-on ? C’est tout simple, pourtant. Les braves gens, les Gaulois qui galèrent au jour le jour tandis que les « élites » parisiennes sont censées penser et décider pour eux, ne jouent plus. Aller voter ? Pour qui ? Pour quoi ? Nous serons les derniers à leur donner tort. Les clowns du Système (toutes tendances confondues) n’amusent plus personne.
Un grand motif de satisfaction : la mayonnaise Macron a fait un grand flop. Les créatures de l’Elysée sont envoyées dans les pâquerettes. Mais nous avons une pensée triste pour Jean-Marie Le Pen qui voit l’œuvre de toute une vie sacrifiée bêtement.
Tout cela confirme que c’est le combat pour les identités locales, enracinées, qui a un sens. Et qu’il faut renforcer de plus en plus le rejet, le boycott des politiciens , arrivistes professionnels et des partis englués dans un Système qui n’inspire plus que du mépris tant il couvre d’injustices, de lâchetés et de magouilles en tous genres. « La démocratie française est plus que jamais à bout de souffle ». C’est ce qu’écrit L’Obs … qui fait partie de la clique qu’il dénonce…
Pierre VIAL
Le déclin de l'Europe annoncé il y a un siècle
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- Catégorie : PHILOSOPHIE
Il y a environ cent ans paraissait le livre « Le déclin de l'Occident » (Der Untergang des Abendlandes) d'Oswald Spengler (1880-1936). Je dis « approximativement » parce que l'œuvre se compose de deux volumes, elle a dès lors deux dates de naissance. Le premier volume a été publié en 1918, le second en 1922.
Le livre est né à une époque où l'Europe se consumait dans les flammes de la Première Guerre mondiale, et les mots « décadence », « effondrement », « mort » de l'Europe en 1918 n'étaient pas perçus comme choquants.
Dans une traduction exacte, le titre du livre de Spengler ressemble plutôt à l'anglais « The Sunset of the West » (= Le crépuscule de l'Occident), et l'accent mis sur l'Europe dans l'édition traduite a été mis dans les années 1920 : l'Amérique du Nord semblait alors assez prospère, il n'y avait aucun signe du déclin du nouveau monde. Aujourd'hui, il s'agit d'une autre question, celle de savoir si le livre de Spengler doit revenir à son titre original que nous baptiserions en anglais « Sunset of the West ».
Pendant une centaine d'années, l'œuvre de Spengler a figuré parmi les plus célèbres ouvrages du XXe siècle sur la philosophie de l'histoire et de la culture. À différents moments, l'intérêt pour le livre a explosé puis s'est émoussé. K. A. Svasian, qui a fait une nouvelle traduction du premier volume de Der Untergang des Abendlandes donne, dans la préface à la publication de ce volume en 1993, des statistiques intéressantes. En Allemagne, entre 1921 et 1925, la bibliographie des ouvrages sur Spengler contient 35 titres. Dans les cinq prochaines années, leur nombre sera réduit à cinq. 1931-1935 - pendant la période marquée par la persécution de Spengler par les nazis, neuf œuvres apparaissent, en 1936-1940 - cinq encore. « Dans la période d'après-guerre », écrit K. A. Svasyan, « l'image s'est considérablement détériorée, et ce n'est que dans les années 1960 qu'il reveindra timidement à l'avant-plan, grâce aux efforts d'Anton Mirko Koktanek (l'auteur du livre Oswald Spengler und seine Zeit publié en 1968 - V.K.) , lequel a publié la correspondance de Spengler et certains matériaux de son héritage... éphémère... ».
Il me semble que dans les années 1990 et 2000, l'intérêt pour l'œuvre de Spengler a commencé à retomber, est resté le même dans les années 2010, et depuis l'année dernière, l'intérêt est reparti. Et ce n'est pas étonnant : des signes sont apparus non seulement du déclin, mais aussi de la mort de l'Europe, de l'ensemble du monde occidental, voire de l'humanité.
Les évaluations du travail de Spengler étaient différentes, parfois diamétralement opposées. L'une des premières estimations appartient au philosophe et sociologue allemand Georg Simmel (1858-1918). Il a pris connaissance du premier volume du Déclin de l'Occident un mois avant sa mort et a qualifié l'œuvre de Spengler de « philosophie la plus significative de l'histoire après Hegel ». Mais le philosophe et culturologue allemand Walter Benjamin (1892-1940) considérait l'auteur du Déclin de l'Occident comme « un petit chien sans intérêt ».
L'œuvre de Spengler est inégale et ambiguë. On y trouve de la trivialité et de l'ingéniosité, mais aussi des choses tout à fait originales. L'auteur fait preuve d'une étonnante érudition en termes de connaissance de nombreuses cultures. Certains critiques ont fait remarquer à Spengler qu'il avait construit sa philosophie de l'histoire sur des bases fragiles, sans se référer à de nombreux ouvrages sur la philosophie de l'histoire. Spengler dans les pages de Der Untergang des Abendlandes réfute les attaques qu'il attendait. Il déclare qu'il ne fait pas confiance à la science académique officielle. Cette histoire, comme les autres sciences sociales (humanitaires), il ne la considère pas comme une science, s'appuyant uniquement sur les sciences naturelles. Mathématicien de formation, Spengler s'appuie principalement sur cette science-là. Il aime le mysticisme des nombres, et le premier chapitre du premier volume s'intitule « Sur la signification des nombres ».
Beaucoup ont attribué l'œuvre de Spengler au genre de la philosophie de l'histoire (l'historiosophie). Cependant, l'auteur lui-même a déclaré que les critiques ne comprenaient même pas son intention. Il s'agit d'un ouvrage portant non pas sur la philosophie de l'histoire, mais sur la culture en tant que phénomène de l'histoire humaine. Dans l'histoire, certaines cultures sont remplacées par d'autres, diverses cultures coexistent, les cultures peuvent s'influencer mutuellement, s'emprunter quelque chose, se concurrencer et même essayer de se détruire. Avec une certaine variabilité dans les formes externes, la structure interne de la culture est très forte. L'objet de recherche de Spengler est la culture, sa structure et ses formes. Le sous-titre de Der Untergang des Abendlandes explique d'ailleurs l'intention de l'auteur : « Essais sur la morphologie de l'histoire mondiale ».
Spengler considère la science historique officielle comme primitive : « Le monde antique, le Moyen Âge, les temps modernes : voilà un schéma incroyablement maigre et vide de sens ». Spengler oppose ce schéma linéaire à son schéma morphologique. La morphologie est une science née dans le cadre des sciences naturelles, qui étudie la structure et les formes des différents objets du monde matériel : minéraux, végétaux, organismes vivants. Et Spengler applique le schéma de l'étude morphologique de la nature à la société humaine. Pour Spengler, toute société est un organisme à la structure complexe, aux éléments et aux formes interconnectés. Et cet organisme social s'appelle « culture ». Toute culture est précédée par la naissance d'une « âme », par laquelle Spengler entend une nouvelle vision du monde (religieuse ou scientifique) : « Toute nouvelle culture s'éveille avec une certaine nouvelle vision du monde ».
Spengler a identifié huit cultures mondiales : égyptienne, babylonienne, chinoise, indienne, mésoaméricaine, antique, arabe et européenne. Spengler mentionne également la neuvième grande culture : la culture russe-sibérienne. Il la considérait comme un éveil et en parlait très brièvement, ses contours étaient vagues pour lui.
Il est facile de voir que la « culture » de Spengler correspond à ce qu'on appelle plus souvent « civilisation » aujourd'hui.
Bien que Spengler ait également fait usage du concept de « civilisation », mais l'utilise toutefois dans un sens différent. Dans son concept, chaque culture a son propre cycle de vie : « Chacune a sa propre enfance, sa propre jeunesse, sa propre maturité et sa propre vieillesse ». Ce qui précède la vieillesse, Spengler l'appelle culture au sens propre du terme. Et il appelle une culture vieillissante et mourante une « civilisation »: « Chaque culture a sa propre civilisation ». Les civilisations « continuent à devenir ce qu'elles sont devenues, la vie comme la mort, le développement comme l'engourdissement ... ». Spengler calcule l'espérance de vie moyenne des cultures à un millénaire, suivi de la léthargie et de la mort. Pour décrire la civilisation, Spengler a introduit le concept de « fellahisation », c'est-à-dire « l'acquisition lente d'états primitifs dans des conditions de vie hautement civilisées ».
Plusieurs cultures sont déjà passées par une phase de civilisation, disparaissant ensuite de l'histoire (les cultures égyptienne, babylonienne, antique). Spengler identifie les traits distinctifs suivants de la phase de civilisation: la domination de la science (scientisme) ; l'athéisme, le matérialisme, le révolutionnisme radical; la sursaturation technologique; le pouvoir de l'État devient tyrannie; l'expansion extérieure agressive, la lutte pour la domination mondiale. Il considère également comme un signe de « civilisation » le remplacement des établissements ruraux par des villes géantes, la formation de grandes masses humaines dans celles-ci : « dans la ville-monde, il n'y a pas de gens, il n'y a que de la masse ».
Spengler identifie et analyse scrupuleusement tous les signes de la disparition des cultures primitives afin de répondre à la question : à quel stade de son développement se trouve la culture européenne ? Selon lui, cette culture est née à la jonction du premier et du deuxième millénaire après la naissance du Christ. La durée de vie moyenne des cultures qu'il a examinées avant d'entrer dans le stade de la « vieillesse » (civilisation) est d'environ mille ans. Il s'avère que sur la base de ces termes estimés, la culture européenne est sur le point de se transformer en civilisation.
Apparemment, Spengler ne croyait pas vraiment (ou ne voulait pas croire) que la culture européenne entrerait rapidement dans une phase de décrépitude et de mort. Lui-même, comme il l'a avoué dans ses notes autobiographiques, est arrivé à cette conclusion de manière soudaine. Ce fut une sorte de révélation au moment où il apprit le déclenchement de la Première Guerre mondiale : « Aujourd'hui, au plus grand jour de l'histoire du monde qui tombe sur ma vie et qui est si impérieusement lié à l'idée pour laquelle je suis né, le 1er août 1914, je me sens seul chez moi. Personne ne pense même à moi ». C'est alors qu'il a conçu l'idée de justifier rationnellement le « déclin de l'Europe ».
De nombreux détracteurs de Spengler l'ont accusé d'emprunter, voire de plagier. La liste des prédécesseurs à qui Spengler aurait « emprunté » est assez longue. Plus d'une centaine de noms sont cités, en commençant par Machiavel, en poursuivant par Hegel, Schelling, les encyclopédistes français, pour finir par Henri Bergson, Theodore Lessing, Houston Stuart Chamberlain, Max Weber, Werner Sombart. Ces listes comprenaient également deux penseurs russes : Nikolai Danilevsky et Konstantin Leontiev.
En réponse à ces attaques, Spengler a déclaré que s'il avait réellement étudié les œuvres d'un cercle aussi large de personnes intelligentes, voire brillantes, il n'aurait pas eu le temps d'écrire ses propres œuvres. Spengler a admis qu'il avait des prédécesseurs: Johann Wolfgang Goethe et Friedrich Nietzsche. Les deux sont les idoles de Spengler. Voici un extrait des notes de Spengler sur Nietzsche : « Il a découvert la tonalité des cultures étrangères. Personne avant lui n'avait la moindre idée du rythme de l'histoire...... Dans le tableau de l'histoire, que les recherches scientifiques ultérieures ont résumé en dates et en chiffres, il a d'abord connu un changement rythmique d'époques, de mœurs et de modes de pensée, de races entières et de grands individus, comme une sorte de symphonie ... Le musicien Nietzsche élève l'art du sentiment au style et au sentiment des cultures étrangères, sans tenir compte des sources et souvent en contradiction avec elles, mais quel sens ! ». Dans les notes autobiographiques de Spengler, publiées après sa mort, on trouve une telle révélation : « J'ai toujours été un aristocrate. Nietzsche était clair pour moi avant même que je ne le connaisse. »
L'influence de Goethe sur Spengler n'est pas moins évidente. La culture européenne, qui était au centre de l'attention de Spengler, il l'appelle la culture faustienne, ou « la culture de la volonté », et Faust en est un symbole. Pour lui, la culture faustienne qui se désintègre est la civilisation faustienne, et le citoyen de la civilisation faustienne est un nouveau nomade, pour qui l'argent et le pouvoir passent avant les mythes héroïques et la patrie.
(Dans ses mémoires, la sœur de Spengler a écrit à propos du dernier voyage de l'auteur du « Déclin de l'Occident » : « Nous avons mis Faust et Zarathoustra dans le cercueil. Il les prenait toujours avec lui quand il partait quelque part ».
Le déclin de l'Europe hier et aujourd'hui
En poursuivant la conversation sur Le déclin de l'Occident d'Oswald Spengler, il n'est pas superflu de parler de ceux qui peuvent être considérés comme ses précurseurs et ses suiveurs.
J'ai déjà dit que Spengler lui-même a identifié ses mentors, deux seulement : Goethe et Nietzsche. « Il avait cette façon, » écrit Spengler à son éditeur Oscar Beck, « de connaître plus de cinquante prédécesseurs, dont Lamprecht, Dilthey et même Bergson. Leur nombre, quant à lui, devait dépasser la centaine. Si je m'étais mis en tête d'en lire au moins la moitié, aujourd'hui je n'aurais pas fini .... Goethe et Nietzsche sont les deux penseurs dont je me sens dépendant de manière fiable. Celui qui, depuis vingt ans, déterre des « prédécesseurs » ne pense même pas que toutes ces pensées, et de surcroît dans une édition beaucoup plus anticipée, sont déjà contenues dans la prose et les lettres de Goethe, comme, par exemple, l'enchaînement des premiers temps de l'ère, de l'ère postérieure et de la civilisation dans un petit article « Epoques spirituelles », et qu'il est aujourd'hui généralement impossible de dire quoi que ce soit qui n'ait été mentionné dans les volumes posthumes de Nietzsche. »
Nikolai Danilevski & Konstantin Leontiev.
Dans la longue liste de ceux qui ont alimenté de leurs réflexions l'auteur du Déclin de l'Occident, les penseurs russes Nikolai Yakovlevitch Danilevsky (1822-1885) et Konstantin Nikolaevitch Leontiev (1831-1891) sont également mentionnés. Cependant, il est ici presque impossible de parler d'emprunts: en Occident, ces penseurs étaient peu connus, peu traduits. Ainsi, la traduction allemande de Russia and Europe (1869) de Danilevsky n'a été publiée qu'en 1920, deux ans après la publication du premier volume de Der Untergang des Abendlandes. Rien n'indique que Spengler ait lu Danilevsky, Leontiev et les auteurs russes en général.
Et la similitude de certaines des idées entre ces trois-là est frappante. Pour un Allemand, le concept clé est « culture », pour N. Danilevsky, c'est « type culturel-historique ». Pour un Allemand, la « culture » signifie un « organisme », c'est-à-dire un système social complexe composé d'une idéologie (religion), d'une science, d'un art, d'une économie, d'un droit et d'un État interconnectés. Danilevsky dit presque la même chose dans son Russia and Europe. La même composition, le même principe morphologique (la forme détermine le type de culture). Même analogie avec les organismes vivants (Danilevsky était biologiste de formation).
La « culture de Spengler, le « type culturel-historique » de Danilevsky, la « civilisation » de Toynbee sont des concepts identiques, Danilevsky a juste eu recours à ce concept plusieurs décennies avant Spengler et Toynbee.
En ce qui concerne la proximité idéologique entre Konstantin Leontiev et Oswald Spengler, il convient de noter que le penseur allemand consacre une part importante de son œuvre à la description du cycle de vie de la culture. Pour lui, le point de départ de la naissance d'une culture est la vision du monde: « Chaque nouvelle culture s'éveille avec une certaine nouvelle vision du monde ». Spengler, dans le cadre de la vision du monde, peut comprendre à la fois la religion et le système des vues scientifiques. La vie de la culture, selon Spengler, se développe selon le schéma suivant: « Chaque culture passe par les étapes de l'âge d'un individu. Chacun a son enfance, sa jeunesse, sa maturité et sa vieillesse ». Dans Der Untergang des Abendlandes, il identifie quatre étapes du cycle de vie de la culture : 1) l'origine (« mythologique-symbolique ») ; 2) le début (« morphologique ») ; 3) le sommet (« métaphysique et religieux ») ; 4) le vieillissement et la mort (« civilisation »).
Konstantin Leontiev (qui a repris de Danilevsky le concept de « types culturels-historiques », mais a également utilisé les termes « culture » et « civilisation ») a presque le même schéma. Leontiev a formulé la loi du « processus trilatéral de développement », selon laquelle tous les organismes sociaux (« cultures »), comme les organismes naturels, naissent, vivent et meurent : il a défini la naissance comme la « simplicité primaire », la vie comme la « complexité florissante », la mort comme la « simplification secondaire du mélange ». Leontiev a diagnostiqué le début de la transition de la culture européenne de la phase de « complexité florissante » à la phase de « simplification par mélange secondaire » dans l'ouvrage Byzantinisme et monde slave (1875). Dans le langage de Spengler, c'est le « déclin de l'Europe ». La chronologie des étapes de la civilisation (culture) européenne est similaire pour Spengler et Leontiev. L'apogée de l'Europe dans les deux cas remonte à la période des XVe-XVIIIe siècles, et la transition vers le stade de l'extinction commence au XIXe siècle. Seul Leontiev a formulé l'idée d'un « processus de développement trilatéral » (cycle de vie de la culture) quarante-trois ans avant le philosophe allemand.
Arnold Toynbee.
En Occident, il est généralement admis que l'ouvrage le plus fondamental sur l'histoire et la théorie des civilisations est l'ouvrage fondamental (en 12 volumes) A Study of History d'Arnold Toynbee (1889-1975). Cet Anglais a admis que pour lui Spengler était un génie, et, lui, Toynbee, a adopté et développé l'enseignement de l'Allemand sur les cultures et les civilisations (Toynbee a étendu la liste de Spengler de 8 cultures majeures à 21, les appelant civilisations).
La priorité incontestée de deux penseurs russes - Danilevsky et Leontiev - par rapport à Spengler et Toynbee est malheureusement rarement, voire pas du tout, évoquée.
Les chercheurs de l'œuvre de Spengler notent la forte influence de Der Untergang des Abendlandes sur José Ortega y Gasset (1883-1955), philosophe, publiciste et sociologue espagnol. Dans ses œuvres majeures La déshumanisation de l'art (1925) et La révolte des masses (1929), un Espagnol a exposé pour la première fois dans la philosophie occidentale les idées fondamentales sur la « culture de masse » et la « société de masse » (culture et société qui se sont développées en Occident à la suite de la crise de la démocratie bourgeoise et de la pénétration des diktats de l'argent dans toutes les sphères des relations humaines). Mais cette idée a d'abord été formulée par Spengler, qui a décrit les signes de la mort de la culture dans les phases de la civilisation. Le signe le plus important de cette mort est l'urbanisation, la concentration de personnes dans des villes géantes, dont les habitants, selon Spengler, ne sont plus du tout des citoyens, mais une « masse humaine » dans laquelle une personne a le sentiment de faire partie d'un collectif impersonnel, d'une foule.
Nikolai Berdiaev.
Tous les intellectuels allemands n'ont pas eu le temps de réagir à la sortie du Déclin de l'Occident, et à Petrograd en 1922 est apparu le recueil Oswald Spengler et le déclin de l'Europe (auteurs N. A. Berdiaev, Ya. M. Boukchan, F.A., S . L. Frank). Le plus intéressant de ce recueil est l'essai de Nikolaï Berdiaev intitulé Pensées de Faust sur son lit de mort ..... Berdiaev pensait à Oswald Spengler lui-même, un admirateur de la culture « faustienne » (européenne). Le paradoxe de ce nouveau Faust, selon Berdiaev, est que, tout en décrivant les signes de l'apocalypse, il n'a pas compris qu'il s'agissait de l'Apocalypse de Jean le Théologien. Il (c'est-à-dire Faust, également connu sous le nom de Spengler) montre que la culture européenne, qui entre dans la phase de « civilisation », mourra, et qu'une nouvelle culture la remplacera, mais elle ne viendra pas ! La tragédie de Spengler-Faust, souligne N. Berdiaev, est que, étant athée, il ne réalise pas que la religion est le noyau de toute culture. La civilisation européenne (selon Berdiaev) tue finalement la religion, et, sans elle, la suite de l'histoire terrestre est impossible. Les chercheurs qui se sont penchés sur la créativité de N. Berdiaev ont noté que les travaux de Spengler ont eu une forte influence sur le philosophe russe,
La Seconde Guerre mondiale a pleinement manifesté la tendance désastreuse décrite dans Le Déclin de l'Occident. Depuis lors, de nombreux philosophes, historiens et politologues ont diffusé un état psychologique alarmant. Cette alarme est portée sur les couvertures des livres publiés: Jane Jacobs, The Decline of America. The Dark Ages Ahead (1962); Thomas Chittam, The Collapse of the United States. The Second Civil War. 2020 (1996) ; Patrick Buchanan, Death of the West (2001), On the Brink of Death (2006), The Suicide of a Superpower (2011); Andrew Gamble, A Crisis Without End ? The Collapse of Western Prosperity (2008), etc.
L'un des auteurs qui a utilisé les concepts de « culture faustienne » et de « civilisation faustienne » de Spengler était Igor Ivanovitch Sikorsky, qui, en tant que concepteur d'avions de premier plan (et d'hélicoptères), était également théologien. En 1947, son ouvrage Invisible Encounter est publié aux États-Unis. L'un des concepts avec lesquels Sikorsky décrit l'état du monde au 20ème siècle est la « civilisation faustienne » de Spengler.
Valentin Katasonov : Professeur, docteur en économie, président de la Société économique russe. S.F. Sharapova.
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