I-Média n°293 – Terroriste soudanais : les médias osent tout !
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LE CANCER AMERICAIN : LA COLONISATION DE L'EUROPE (Toujours aussi actuelle !)
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Les peuples européens, à Vincennes ou ailleurs, se disputent le privilège des vertus coloniales : l'Anglais depuis longtemps s'en targue, le Français en exhibe des marques plus récentes. Et l'Allemand y prétend d'autant plus qu'elles font partie du patrimoine que la guerre a mutilé. Bref, ce génie colonisateur qui, en dehors de l'héroïsme et du désintéressement fréquents chez les sous-ordres, n'est au fond devenu sous sa forme actuelle qu'un succédané de l'esprit du policier, du contremaître et du pirate, ce génie colonisateur, qui s'est mué en somme en un déchet de l'esprit d'invention et d'aventure et qui, à ce titre, devrait apparaître comme une tare, devient un objet d'envie et un motif de querelles.
Il y aurait cependant une façon de mettre sur ce point tous les Européens d'accord. Ce serait d'évoquer le rôle du dernier larron colonial, de ces anciennes colonies d'Amérique, qui semblent n'avoir conquis leur indépendance que pour menacer à leur tour, par des procédés coloniaux, celle des anciennes mères-patries. Grâce à l'Amérique, le colonialisme européen est retombé sur l'Europe ; mais ce retour s'est effectué avec une telle perfection, selon des méthodes qui marquent un tel progrès sur les procédés de nos pères, que les Européens souvent semblent ne pas l'avoir encore compris. Pourtant, au cours de la marche fatale qui pousse le cancer américain à proliférer en Europe, nous retrouvons les caractères essentiels de toute colonisation. Imposer au pays soumis des cadres de civilisation artificiels et rigides, développer arbitrairement son pouvoir de consommation pour augmenter les débouchés qu'il procure au risque de provoquer des crises, fonder quelques hôpitaux ou construire des bibliothèques, telles sont les lignes générales de toute colonisation, où l'on retrouve les bienfaits dont le Yankee nous qualifie. Colonial, le Yankee l’est dès l'origine et par destination ; il l'est par vocation et avec enthousiasme. II l'est aussi avec astuce ; car laissant à ses colonies une apparente indépendance, préférant en réalité à l'annexion pure et simple un protectorat déguisé, il dégage sa responsabilité lorsqu’il craint une catastrophe, mais il retrouve tous ses droits pour empocher les bénéfices. Combinant l'arrogance du parasite avec le sans-gêne du nouveau riche, infatigablement, sur son sol d'abord, sur les autres ensuite, par la force, tant qu'il était viril, aujourd'hui par l'or, le crédit ou la presse, l'Américain colonise.
Depuis le temps déjà lointain où, selon le mot du bon Tocqueville, les Yankees éliminaient philanthropiquement les Peaux-Rouges, l'Amérique a fait du chemin. Il semble même, au premier abord, que l'esprit de ses méthodes coloniales se soit complètement modifié ; de la colonisation concrète ayant un but matériel, voire territorial, elle est passée progressivement à ce que l'on pourrait appeler la colonisation abstraite, c'est-à-dire à la colonisation par le commerce, puis par le crédit, puis enfin par le prestige.
Mais d'abord il ne faudrait pas se tromper sur les effets de la colonisation par le prestige. Nous appelons ainsi cette forme de propagande psychologique par laquelle l'Américain prétend forcer même son adversaire à se conformer à ses méthodes, à descendre sur son propre terrain, c'est-à-dire celui du progrès technique et du succès quantitatif. Lorsque M. Dubreuil ou même M. Pomaret proposent de s'inspirer des méthodes américaines, le premier par admiration béate et avec la plate humilité du réformiste, le second au nom du réalisme, et prétendent endiguer ainsi la marée américaine, il ne faut pas que ces « grœculi », vassaux intellectuels du vainqueur, nous fassent croire qu'en agissant ainsi, l'Europe peut, même matériellement, sauver sa terre aux dépens de son esprit. Au sens le plus précis du mot, c'est l'esprit qui vivifie, et si la France ou l'Allemagne adopte la rationalisation à l'américaine et le mythe de la production, fût-ce contre l'Amérique, elle ne sauvera rien du tout, même pas ses frontières, même pas ses industries. Au fond Tardieu est plus franc, lorsque, sans même essayer de sauver la face, il lie la France à la Banque américaine et l'inonde d'œuvres philanthropiques yankees. Admettons même que l'Amérique, colonisant par son prestige, laisse aux peuples européens le temps de s'adapter à la rationalisation et d'en tirer ce qu'on est convenu d'appeler les bénéfices, elle conserve encore sur eux l'immense avantage de son sol aux matières premières presque neuves, et de l'avance qu'elle a prise sur toutes les autres nations. Elle reste toujours la plus forte, même en présence de pays qui ont cherché à l'imiter. Un exemple récent le montre : c'est celui de l'Allemagne qui, ayant voulu rationaliser à outrance à l'instar des États-Unis, dans l'espoir de se débarrasser plus vite et de l'obligation des traités, et de la mainmise de la finance étrangère, s'est trouvée acculée à une crise d'une gravité sans précédent, qui la contraint à appeler au secours cette même finance internationale et particulièrement américaine, de l'emprise de laquelle elle avait espéré se dégager, en s'équipant à sa manière.
D'ailleurs, en réalité, la colonisation par le prestige ne peut jamais être séparée de la colonisation brutale. La seule différence possible est que parfois elle la précède et d'autres fois elle la suive. Quand le prestige est le premier à coloniser un pays, il est le meilleur fourrier de la conquête matérielle : en effet ce sont les ressorts mêmes de toute résistance qui sont brisés par l'acceptation du prestige, et si parfois on lutte encore de façon instinctive, on ne sait plus pour quoi lutter. La colonisation brutale, lorsqu’au contraire elle apparaît la première, ne néglige d'ailleurs pas pour cela les facteurs de la propagande. Le colonisateur ne se réclame pas de la virtu du conquérant ; il condamne la violence, tout comme le préfet de police ; il s'appuie sur le médecin, comme sur le pasteur et le missionnaire ; et dans les pays où sa poigne est la plus brutale, il affecte de protéger toujours les parias, les femmes et les petits enfants, de préférence dégénérés ou incurables, contre les aristocraties viriles et contre les traditions guerrières. Autant que possible, il ne combat pas lui-même ; il cherche à gagner à sa cause une tribu plus vénale ou plus politicienne que les autres. Il corrompt par l'or et par la parole; et si parfois un soldat à son service tire l'épée comme pour la guerre de conquête, où à l'origine les adversaires combattaient sur le même plan, il est sévèrement blâmé pour cette erreur de tactique.
A bien considérer les choses, le colonisateur n'a aucun contact réel avec le colonisé: il domine dans tous les cas par un prestige abstrait, juridique, administratif, industriel. On pourrait, dès lors, aller jusqu'à dire que les invasions barbares apparaissent comme la rançon morale de la colonisation et la vengeance de la violence concrète sur la magie abstraite. Le jour où l'Europe spirituelle aurait fléchi devant la puissance d'abstraction américaine, il ne resterait contre le matérialisme envahissant que l'appel aux barbares, s'il y en a encore. Mais si, comme il le semble, pour la première fois dans l'histoire du monde, la raison dégénérée a atteint une puissance technique telle qu'aucune barbarie ne puisse directement la menacer, si par une confusion tragique et une dégradation de toutes valeurs, la barbarie moderne, c'est la raison sous sa forme américaine, alors on ne voit plus de force extérieure à notre civilisation qui puisse nous libérer d'elle en la combattant ou en la détruisant. Tout appel aux barbares est vain si les barbares ne sont pas armés à l'américaine, et si le barbare est yankee, il est doublement barbare. C'est donc à l'intérieur de notre monde que doit se jouer le drame décisif de l'histoire de l'humanité. L'esprit n'a pas le droit de reculer contre l'abstrait car, par son effort même, celui-ci a d'avance renversé toutes les barrières et éliminé les interventions possibles de forces humaines encore vierges. C'est donc maintenant que la bataille décisive est livrée, où il n'y a plus et ne peut plus y avoir, au moins avant fort longtemps et sauf écroulement imprévisible de toute la civilisation moderne, que deux adversaires en présence: l'esprit vivant et créateur et son émanation figée, matérialisée, en lutte ouverte contre lui-même. Lutte pour des valeurs spirituelles, qui montre bien, dans la colonisation de l'Europe, l'importance primordiale de la colonisation par prestige.
Certes, il n'y a pas lieu de méconnaître, quoiqu'elles ne viennent qu'au second rang, l'importance des autres formes de colonisation, par le commerce ou par le crédit. Presque tout le monde a oublié que la colonisation de l'Europe a failli se faire dès le lendemain de l'armistice grâce à certain mémorandum Wilson du 1er décembre 1918 aux gouvernements alliés. Dans ce mémorandum, Wilson proposait sérieusement d'organiser, à l'instar du commandement unique, une direction générale du ravitaillement dont le champ d'action embrasserait toutes les régions, alliées ou ennemies, touchées par la guerre. Le Directeur général devait naturellement être un Américain. On voit que déjà l'Europe était menacée d'une dictature économique américaine, qui, par une curieuse coïncidence, aurait peut-être été dès ce moment une dictature Hoover. Mais ce n'était là qu'une tentative globale encore prématurée. De nombreux ouvrages, malheureusement depuis trop peu de temps, ont montré le développement des affaires américaines en Europe que la crise de 1929, bien loin d'arrêter, n'a fait que précipiter. Il faut en effet, non seulement, que les Américains angoissés par le krach découvrent des marchés neufs qui leur permettent de rendre à leurs usines une production en rapport avec leur outillage et leur capacité énormes, actuellement bien loin d'être en rapport avec les besoins d'un marché intérieur singulièrement déprimé. Il faut aussi faire face au danger du chômage, plus grave encore que celui de la perte de l'outillage. Il faut enfin écouler les stocks, stocks de matières premières tels que blé et coton, stocks de produits fabriqués, tels qu'automobiles ou films... L'Amérique est ainsi acculée à la nécessité d'un dumping dont l'Europe n'a jusqu'ici été préservée qu'à cause des prétentions américaines à fermer les yeux devant la réalité. Les Américains en effet, qui savent bien que leur énergie due à l'autosuggestion, n'a pas le ressort d'une énergie spontanée et créatrice, ne veulent à aucun prix abandonner le mythe de la prospérité ; ils ne veulent par conséquent pas consentir à écouler leurs stocks à perte, mais ils y seront bien obligés. Peut-être, avant d'en arriver à cette extrémité, utiliseront-ils la détresse des États européens aux prises eux aussi avec la crise, pour leur vendre ces stocks à crédit, substituant ainsi la vente à crédit à la vente à perte : dumping, à peine camouflé. L'Allemagne semble s'offrir tout naturellement à une combinaison de ce genre, du moins pour certains produits agricoles.
Quoi qu'il en soit, les progrès du capitalisme américain en Europe s'affirment de jour en jour; les ouvrages de MM. Pomaret et Laurat, pour ne citer que les plus récents, donnent à ce sujet des renseignements précis, sur une situation qui, du reste, évolue très rapidement. Nous n'avons pas ici le dessein de déterminer où en est actuellement l'aspect technique de la question. Qu'il suffise de rappeler que la pénétration américaine peut se produire de plusieurs manières:
la première sous forme d'emprunt de l'État, des municipalités ou d'un établissement public autonome; tel est le cas du Reich, de divers autres États, tels que la Pologne et même, ce qu'on oublie trop, de la France, au moins pour ses chemins de fer et ses régions libérées (notamment Soissons)l. Un exemple typique de la puissance de l'arme financière vient d'être fourni tout récemment par l'Angleterre elle-même. Le chef du parti travailliste, Mac Donald, acculé à une situation sans issue autre que révolutionnaire, passe délibérément sans quitter le pouvoir du service du socialisme au service de l'Amérique sous la pression de la Banque d'Angleterre, elle-même entièrement dominée par la banque américaine seule capable de sauver la Livre menacée par la débâcle allemande, trahison qui s'est révélée vaine. Ici la méthode financière de colonisation apparaît cyniquement si l'on se souvient qu'à l'origine de la débâcle allemande se trouvait l'échec de la rationalisation financée avec des crédits yankees.
La seconde méthode de colonisation est celle de la pénétration d'une industrie ou d'une firme américaine sur le territoire européen ; par exemple la mainmise de la General Motors sur Opel, de la General Electric sur le Consortium allemand de l'A.E.G. ; ou encore les tentatives directes faites par Ford pour supplanter Citroën et Renault. En dehors de la lutte entre Ford et la General Motors qui, comme le dit M. Pomaret, se disputent la clientèle sur le dos de l'Europe, le premier, généralement sous son nom, la seconde, plutôt sous le nom des firmes qu'elle achète en Europe, deux exemples de cette manière de coloniser sont particulièrement frappants : le premier est celui du groupe Harriman en Pologne, qui accaparant la majeure partie de la production minière de ce pays, faillit récemment, en créant à son profit le monopole de la force motrice, dominer entièrement la vie économique. L'autre exemple, le plus éclatant de cette manière de faire, semble avoir été l'espèce de chantage opéré par la General Electric sur tout notre système téléphonique, radiotéléphonique, etc., juste au moment où le plan d'Owen Young était présenté en Europe comme une concession généreuse de l'Amérique. Sans insister davantage, rappelons qu'en Allemagne et en France, la majeure partie de l'industrie du cinéma est d'ores et déjà sous le contrôle américain, qu'il en est de même pour l'électricité, pour les matières colorantes, etc. Si les firmes britanniques pétrolifères et les firmes françaises automobiles se défendent jusqu'ici utilement, il ne faut pas oublier néanmoins qu'une grande partie du pétrole exploité par les firmes anglaises vient d'Amérique et que l'industrie automobile française pour lutter contre Ford et la General Motors, tend à américaniser peu à peu ses méthodes, rendant ainsi plus facile, au cas d'une crise, la conquête américaine dont le public et l'ouvrier ne s'apercevront même pas.
Enfin une troisième méthode de colonisation est celle de la colonisation financière par le contrôle progressif d'un plus grand nombre de banques d'affaires européennes. Cette méthode, qui est la plus redoutable de toutes, est applicable presque impunément en régime capitaliste. Il suffit que la tranche d'actions d'une affaire que possède telle ou telle banque choisie par la firme pour soutenir sa valeur en Bourse, passe entre les mains du groupe Morgan ou de tout autre. Comme les parlementaires ou les ministres qui pourraient protester, ont eux-mêmes tout intérêt à ménager leurs amis américains, qu'enfin la presse dépend d'agences de publicité ou de firmes susceptibles de se trouver dans le même cas, on est prévenu quand l'opération est faite. Cette méthode est d'ailleurs infiniment souple ; il semble même qu'un capitalisme d'État puisse en être victime comme les autres.
La constatation la plus intéressante qui se dégage d'une étude de cette colonisation américaine de l'Europe est évidemment que plus elle devient dangereuse, moins elle est apparente. Et ici se confirme une fois de plus le caractère profondément abstrait de cette colonisation. C'est sur le terrain financier et particulièrement celui du crédit que cette constatation se montre la plus éclatante. A ce titre, et bien qu'il soit bousculé par les événements, le plan Young demeure un objet d'études particulièrement révélateur: son importance subsiste entière et 1929 apparaît comme une étape particulièrement grave dans la colonisation de l'Europe par l'Amérique. Pour la première fois, au moyen d'un organisme bancaire, un protectorat secret sur l'ancien monde était établi de façon assez discrète, pour que nul ne s'en aperçût. Machine admirablement montée, mais encore mieux camouflée, et sur laquelle il faut nous arrêter quelque peu. Véritable charte du colonialisme américain !
Le plan Young succédant au plan Dawes, reconnu impraticable, avait pour origine le rapport des experts qui dans son chapitre III exposait les données du problème : D'une part liquider la question des réparations de façon à contenter tant bien que mal les États créanciers.
D'autre part, permettre à l'Allemagne, État débiteur, de s'acquitter de ses obligations sans ruiner sa situation économique.
L'obstacle essentiel contre lequel s'était brisé le plan Dawes et qu'il s'agissait cette fois de tourner était le transfert aux États créanciers des sommes dues par l'Allemagne.
Ces sommes étaient d'une telle importance que leur seul déplacement massif d'un pays aux autres pouvait ébranler le crédit international et ruiner le crédit allemand.
Pour en finir avec cette difficulté sans cesse renaissante, qui risquait d'assurer au plan Young, le même sort qu'au plan Dawes, le chapitre V du nouveau plan prévoyait une seule chance de salut : la commercialisation des obligations allemandes, substituée au transfert direct des sommes en question. Ainsi naquit, et devait naître par la force même des choses, le projet d'une Banque de Règlements Internationaux, une Banque, étant par définition le seul organisme capable de garantir au créancier le remboursement de son dû, sans exiger du débiteur qu'il acquitte dans les mêmes délais sa dette.
Mais il est aussi dans la nature d'une Banque de ne pouvoir se limiter à un ordre précis d'activité et la Banque des Règlements Internationaux devait fatalement dépasser son but primitif. En effet dès le chapitre suivant du plan (chapitre VI) nous vîmes les experts déclarer que la Banque ne serait pas « seulement, voire même principalement, consacrée au règlement des réparations, mais fournirait en outre au commerce mondial et à la finance internationale d'importantes facilités qui manquaient jusqu'à présent ».
Il était difficile d'être plus clair, et de montrer plus cyniquement que le règlement des réparations n'était que le prétexte à une sorte d'hégémonie sur les échanges internationaux. Quels devaient en être les bénéficiaires ? Ici le cynisme faisait place à l'hypocrisie. En apparence toutes les nations, débitrices ou créancières, riches ou pauvres, étaient sur un pied d'égalité au Conseil d'Administration de la Banque. Mais en fait, que ce fût pour le placement des obligations ou pour stimuler les échanges, la Banque, même en s'en tenant à sa fonction primitive d'escompter à l'avance le paiement des annuités, devait avoir besoin d'argent frais et de larges ouvertures de crédit, et devait imposer la suprématie de qui pouvait lui en fournir.
Ainsi le plan Young, conçu en principe pour libérer l'Europe des suites financières de la guerre, l'asservissait bien plutôt de façon définitive, en les aggravant et les consolidant à jamais.
Surtout le plan Young marquait un progrès dans l'abstrait sur le plan Dawes. Dans ce dernier, en effet, la monnaie restait marchandise, puisqu'à son propos se posait le problème du transfert ; et les nations participantes restaient indépendantes de l'organisme de transfert. Dans le plan Young au contraire tout se trouvait réduit en facteurs abstraits, dont il semblait qu'on pût changer l'ordre. Le moteur n'est plus chez tel créancier ou tel débiteur particulier. Il est tout entier à la Banque. Nous entrons par conséquent dans le domaine de la finance pure, dans le paradis des techniciens. Tous ceux qui ne l'étaient pas ne cachaient pas leur malaise. Gardant le besoin périmé de connaître les responsables, ils voulaient savoir à qui s'en prendre : États-Unis ou Angleterre ? Morgan ou Poincaré ? Mais devant eux tous les guichets se fermaient. Comment trouver des personnages là où il n'y a plus de choses ni de pays, où il n'y a que des rapports ?
Les techniciens, bien au contraire, les rhéteurs de la pure finance, ne cachaient pas leur enthousiasme pour le plan Young. C'était pour eux le but du jeu, la machine-outil idéale. Sous l'égide du plan Young s'organisaient scientifiquement production et surproduction. Alors que dans toute nation rationalisée, du temps de son indépendance, le chômage menaçait l'optimisme des rationalisateurs, le plan Young ouvrait de nouvelles sources de travail. On pouvait espérer voir se constituer sous la direction d'une B.R.I., devenue une véritable filiale des Fédéral Reserve Banks, des États-Unis d'Europe dans le prolongement pratique et idéologique des États-Unis d'Amérique. La porte était ouverte sur la grande prospérité. Rêves grandioses et abstraits, qui survivent au plan Young.
Mais ce qui subsiste du plan Young, c'est sa leçon d'hypocrisie ; son magistral tour de passe-passe, c'est qu'il rompait d'un seul coup et sans que le public pût s'en apercevoir tous les contacts avec le réel.
Est-il question qu'en échange de nos dettes on parle de prendre une colonie ? L'opinion s'insurge à grands cris. Nos allumettes sont sacrées : notre tabac devient soudain une parcelle essentielle du patrimoine national. Demander des crédits à l'Amérique, c'est même, pour quelques-uns, trahir.
Le plan Young, bien plus habile, sans sembler vouloir d'annexions, sans citer de gages tangibles, ouvrait toutes les écluses du crédit ; il aboutissait sans esclandre à l'achat global du continent européen par la finance et le colonialisme anglo-saxon. Celui-ci ne pouvait être esquivé, soit que nous nous organisions spontanément à l'américaine, soit que nous nous laissions administrer par des banquiers américains.
Dans l'ordre de l'économique, qui n'est déjà qu'une abstraction, le domaine financier est de loin le plus abstrait. Partout ailleurs il y a une marchandise, qui n'est pas une pure valeur d'échange, qui a une valeur concrète. Au contraire la monnaie n'est qu'un signe. Mais l'organisation moderne du crédit (papier de change, chèque, virement...) renchérit sur l'abstraction du signe. Le plan Young introduisait donc dans l'ordre économique international le règne de la pure abstraction mathématique.
De ce point de vue, même après son échec, il marquait l'aboutissement du cancer américain, qui met l'abstrait au-dessus du concret, l'homme politique et surtout économique au-dessus de l'individu vivant, et qui procède d'une hypocrisie d'un genre nouveau en substituant à l'impérialisme par l'autorité, l'impérialisme par la suggestion. Le colonialisme ne s'appelle plus colonialisme, mais rationalisation.
Il fallait donc rompre en visière avec la société moderne ou bien accepter le plan Young, révolution ou adhésion. Nul, dans aucun Parlement, hormis sans doute les communistes, n'a su poser ce dilemme. Et ceux qui sentant le scandale ont cherché à y pallier par des réserves de détail se sont contredits et trahis, ou bien ont donné la preuve de leur incompréhension foncière.
En effet si aujourd'hui le plan Young semble avoir échoué, ce n'est aucunement en raison de l'opposition de ceux qu'il devait asservir; c'est en raison d'une défaillance des Américains eux-mêmes. Mais, tel que,il reste le chef-d'œuvre que nul n'a osé critiquer, et le modèle que l'on s'apprête à reproduire. Son échec apparent provient de ce que l'Amérique, prise de peur, n'a pas osé se servir de la B.R.I. qu'elle avait créée, de même que douze ans auparavant, reniant les fameux quatorze points, elle n'avait pas osé confirmer le programme wilsonien de colonisation évangélique. Qu'on ne s'y trompe pas, toutefois, si le plan Hoover supplante le plan Young, c'est peut-être que la peur américaine a de nouveau changé de cause : mais les ambitions sont les mêmes : le colonialisme n'a pas renoncé. La nouvelle conférence de Bâle, qui réunit de nouveaux experts, fait de nouveau appel, pour arbitrer ses débats, à un banquier américain. Celui-ci est contraint à jouer le rôle de Tartuffe pacifiste, c'est-à-dire à exciter les haines internationales en prétendant les calmer. La Paix par l'Argent, qu'il prétend apporter, prépare en réalité la guerre de toutes les manières : d'abord parce qu'elle irrite, et, pour une fois, de manière légitime, les nationalistes des pays qu'on livre à la Banque Internationale, d'autre part parce qu'en servant d'intermédiaire isolant entre les anciens ennemis, elle les empêche d'envisager ensemble les nouvelles difficultés qui leur étant communes, pourraient les unir ; enfin et surtout, parce qu'elle perpétue le mythe absurde de la prospérité, cause de surproduction et de chômage, et introduit la rationalisation dans les régions qui en étaient encore indemnes.
De tous côtés, partout où s'exerce la contagion de l'esprit yankee, où s'instaure, à l'instar de l'Amérique, un régime abstrait de prospérité, ce sont mêmes menaces de guerre.
Et l'Amérique pourrait à bon droit, reprenant un mot célèbre, déclarer: « Nous n'avons pas voulu cela ». En réalité, elle ne veut rien, ni paix ni guerre. La question d'ailleurs aujourd'hui n'est plus de savoir si l'on veut la paix ou la guerre, mais de déterminer les conditions dans lesquelles, pris par un mécanisme tout puissant, il nous sera possible de vouloir quelque chose. Déterminisme ou liberté. La question se pose en matière politique.
Le but profond des États-Unis en Europe comme en Amérique est d'éviter un renversement du mythe de la production capitaliste, c'est-à-dire l'explosion psychologique révolutionnaire. Puisqu'ils mènent aujourd'hui la danse capitaliste, tout ce qui s'oppose à leur action doit être brisé par la corruption si c'est possible, par la force, si cela devient indispensable. Les réactions des gouvernements français et allemand à des exigences d'origine ou de forme américaine annoncent celles qui tôt ou tard déclencheront la guerre ou les guerres nécessitées par le processus en cours.
On ne soumet pas impunément la conscience d'une époque à des nécessités inhumaines, industrielles ou financières. Quand ils s'exercent chez l'individu les mécanismes destructeurs ont une issue commode, la mort. Il n'en est pas de même pour les sociétés ; l'humanité ne peut mourir ni se suicider. Mais elle peut passer par des crises, où toutes ses valeurs morales et ses valeurs spirituelles seront bafouées et ébranlées. Ces crises approchent, si elles ne sont déjà là.
Contre l'esprit américain, ce cancer du monde moderne, il n'est aujourd'hui qu'un remède. Pour échapper à l'engloutissement dont nous menacent les déterminismes matérialiste et bancaire, c'est avant tout le mythe de la production, qu'il faut attaquer et détruire : c'est avant tout une révolution spirituelle qu'il est de notre devoir de susciter.
Sources : le cancer américain – R. Aron et A. Dandieu – Réédition l’Age d’Homme 2008
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G. SOREL et le BLANQUISME
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(…) Ne convient-il pas de juger le blanquisme favorablement ? Les blanquistes n'ont-ils pas toujours combattu de toute leur ardeur les politiciens réformistes et tous les socialistes d'Etat ? L'affirmation énergique et sans aucune réserve de la lutte des classes ne constitue-t-elle pas le premier et principal article de leur credo politique ? N'est-ce pas le ressort de toute leur action socialiste ? Et, en toutes circonstances, ne se comportent-ils .pas comme de très authentiques révolutionnaires ? Adversaires déterminés de toute doctrine de paix sociale, c'est non pas grâce au simple jeu des Institutions démocratiques, mais en instituant la dictature prolétarienne, qu'ils veulent déterminer la catastrophe et .réaliser le socialisme.
Pour le blanquisme, G. Sorel, en bien des textes, se montre sévère et même souvent très dur. Il arrive toutefois que cette sévérité s'adoucisse. Et, d'ailleurs, tout bien examiné, n'est-ce pas un mouvement blanquiste que cette révolution bolcheviste qui, dans les dernières années de sa vie, provoqua son admiration et même son enthousiasme ?
Mais, tout d'abord, qu'est le blanquisme ?
La vraie pensée de Louis-Auguste Blanqui n’est pas ici en cause. Et il convient de maintenir aux termes de blanquisme et de blanquiste la signification qu'ils ont fini par prendre et que, dans les milieux socialistes, on leur donnait couramment à la fin du siècle dernier et dans les premières années du nôtre (XXe).
Le blanquisme, ce fut, en premier lieu, la pensée du coup de main contre le régime établi, du coup de force pour s'emparer du pouvoir. On le symbolisait par les «journées» révolutionnaires, l'appel aux armes, les barricades, les combats de rue. Mais, remarque G. Sorel, les hommes dont l'idée dominante et même exclusive était que, pour réaliser le socialisme, la conquête de l'Etat est nécessaire et suffisante, ont fini par s'apercevoir qu'un tel but peut être atteint autrement que par une descente dans la rue. Si, par la voie électorale, on parvient à désarmer suffisamment le pouvoir pour rendre facile toute action contre lui, pourquoi ne pas recourir à cette méthode ? Pourquoi ne pas lutter de toute son énergie et de toute son habileté sur le terrain électoral? Et d'autant plus que des administrateurs comme Haussmann multiplient, dans les grandes villes, à la place des ruelles tortueuses si favorable aux barricades, les larges avenues toutes droites où sont utilisées avec un grand rendement des armes de plus en plus puissantes que seuls les Etats sont capables de se procurer et de mettre en service !
Pour le blanquisme contemporain, la conquête de l'Etat exige l’emploi de multiples moyens. Mais le principal, c'est la constitution d'un parti bien commandé, strictement discipliné, avec des cadres solides, une organisation minutieuse, et tel qu'il soit apte à profiter de toutes les circonstances favorables et à faire face à toutes les situations. Parti qui restera lui-même, gardera jalousement son autonomie, ne pactisera pas avec les partis bourgeois. II faut bien dire le Parti, et non la classe. Lorsque les blanquistes parlent de luttes de classes (et c'est à chaque instant !), ils en reviennent toujours à une notion de la classe antérieure à celle que Marx avait réussi à préciser grâce à ses observations sur des mouvements ouvriers qui étaient contemporains non plus du précapitalisme, du capitalisme usurier, mais du vrai capitalisme industriel, producteur et hardiment conquérant. Pour les blanquistes, le problème à résoudre c'est d'amener au parti baptisé parti de classe tous ceux qui, pour une raison ou pour une autre sont hostiles au régime bourgeois tous les mécontents quels qu'ils soient et d'où qu’ils viennent. Et ainsi grâce aux efforts quotidiens et sous la direction méthodique et ferme de l’état-major du parti, pourra être organisée et disciplinée une masse de plus en plus imposante de partisans et de sympathisants, tous hostiles aux gouvernants et au régime établi, et prêts à obéir à tous les mots d'ordre de l'état-major, soit dans les luttes électorales, soit, au besoin, dans d'autres luttes. Au nom de l'intérêt de ce Parti, qu'il prétend identifier à l’intérêt même de la classe ouvrière, l'état-major blanquiste s'emploie à subordonner au Parti toutes les organisations ouvrières, syndicales et coopératives, et à utiliser, pour ses fins propres, des mouvements ouvriers, soit qu'ils naissent spontanément, soit qu'il réussisse à les provoquer.
Encore une fois, ces blanquistes accordent au vote une importance exceptionnelle. Nous nous rappelons avoir entendu Jules Guesde qui, s'adressant à des ouvriers, leur disait : « Vous vous plaignez de l'oppression capitaliste et de toutes les injustices qui naissent du régime bourgeois. Mais vous possédez, avec le bulletin de vote, le moyen de le faire cesser immédiatement. Vous êtes de beaucoup les plus nombreux. Votez pour votre, parti de classe. Et la révolution est faite ! » D'ailleurs, ces « votards », comme les appelaient les anarchistes, comme devaient les appeler les syndicalistes révolutionnaires, conservaient pieusement le culte de la Commune, et le défilé annuel au mur des Fédérés au Père-Lachaise, était, pour eux du moins, bien autre chose qu’une manifestation obligatoire, mais vide de sens !
QUALITÉS DU BLANQUISME
La pensée et les paroles de ces blanquistes comportent ainsi un accent révolutionnaire parfois fort accusé; leurs attitudes et gestes témoignent, dans certains cas, d'un véritable élan révolutionnaire. Il arrive même que le mouvement blanquiste soit dirigé par des ouvriers désintéressés, pénétrés jusqu'aux moelles de l'idée prolétarienne, acceptant avec ferveur tous leurs devoirs et toutes leurs responsabilités de prolétaires et s'appliquant à maintenir leurs pensées et leurs actions dans le sens des aspirations les plus profondes et des intérêts les plus incontestables de la classe ouvrière. Tel est un Allemane ! Tel le vieux parti révolutionnaire français qu'avait fondé Allemane après s'être séparé de Paul Brousse. A un pareil blanquisme G. Sorel, jusque vers 1898, marque toute sa sympathie et, autant qu'il lui était possible, donne son adhésion. L’idée blanquiste, sous sa forme la plus pure, la moins entachée d'utopie et de diplomatie électorale, paraît bien avoir été la première forme de son socialisme. Après 1898 même quand il compare ce blanquisme-là à toutes les sortes de réformisme et de socialisme d'Etat, ces sympathies anciennes, dans une certaine mesure, réapparaissent. Entre les deux attitudes, son choix est fait.
VICES DU BLANQUISME
Pourtant, si nous nous plaçons entre 1898 et 1911, le blanquisme, et même ce blanquisme-là, n'échappe pas aux critiques les plus acérées de G. Sorel; car il souffre, lui aussi, de vices rédhibitoires.
Il est un étatisme. Il tend à assurer à un état-major de politiciens qui ne peuvent pas tous être des ouvriers désintéressés comme un Allemane, la possession paisible d'un pouvoir politique absolu. En fait, il aboutirait, triomphant, à une véritable dictature du « prolétariat intellectuel », de ce prolétariat intellectuel qui poursuit des fins propres, qui veut commander et jouir, sans travailler, sans aucun souci des intérêts réels des ouvriers, sans la moindre aspiration à la civilisation du travail. Prolétariat intellectuel que possède la passion et qui pratique le culte de l'immoralité. Ennemi du travail, ennemi de la famille, sans noblesse, sans grandeur, il est plus bas encore qu'une bourgeoisie en pleine décadence, et moins apte qu'elle encore, s'il se peut, à promouvoir la vraie société des travailleurs libres, associés dans la pratique de la morale humaine et du droit. Les blanquistes, dans ces conditions, ne travaillent guère à l'émancipation des travailleurs. Ils ne les incitent presque jamais, ils ne cherchent pas à les former à la pratique du « self-government ». Tout au contraire, ils font obstacle soit inconsciemment, soit de propos délibéré, à tout mouvement autonome d'une classe ouvrière qu'ils cherchent à incliner avant tout vers l'action purement électorale et que, dans la mesure où elle les suit, ils associent, qu'ils le veuillent ou non, à tous les vices et à toutes les tares d'une telle action !
Nous voici donc conduits à cette conclusion que, selon G. Sorel, il ne peut exister aucune action proprement socialiste en dehors de la vie et du mouvement d'une classe ouvrière consciente d'elle-même, soucieuse de ses responsabilités et pratiquant une pleine autonomie. Telle fut bien, en effet, entre 1898 et 1911, la pensée fondamentale de G. Sorel.
Fernand Rossignol
Sources : F. Rossignol – Pour connaitre la pensée de G. Sorel – Ed. Bordas.
Une date, un événement : 6 mai 1085, reconquête de Tolède
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Le royaume wisigoth, en Espagne, était l'un des plus puissants royaumes germaniques établis, au début du Moyen Age, sur les ruines de l'empire romain d'Occident. Le roi Athanagild (554-567) fit de Tolède sa capitale. Ne subsistent de la Tolède wisigothique que quelques éléments de fortifications, alors que la ville fut un phare de la vie politique et religieuse, en particulier grâce aux nombreux conciles qui s'y tinrent. Ces onze conciles nationaux, entre 589 et 711, convoqués le plus souvent par le roi et présidés par le métropolitain de Tolède, traitaient aussi bien de questions politiques que de questions religieuses. Ce qui illustrait la place prépondérante, dans la vie du royaume, prise par l'Eglise depuis la conversion (en 586) au catholicisme du roi Reccared (ses prédécesseurs étaient ariens). Le roi, censé être élu par l'assemblée générale des guerriers, l'est en fait par les aristocrates laïcs et ecclésiastiques, ces derniers apportant au pouvoir royal une caution déterminante puisque le métier de roi est défini par eux comme un office sacré.
Les conciles de Tolède se préoccupent souvent de la communauté juive, soupçonnée de faire un prosélytisme nuisible à l'unité spirituelle du royaume. D'où des mesures de coercition dont donnent l'exemple certains des Actes du quatrième concile de Tolède, tenu en 633 et animé par le célèbre Isidore de Séville. Ces mesures sont comparables à celles que prend, au même moment, l'empereur byzantin Héraclius. Sont visés spécialement les « juifs chrétiens depuis un certain temps et revenus ensuite à leur premier rite » : en effet malgré le baptême forcé des Juifs ordonné par le roi Sisebut (612-620), beaucoup de « convertis » sont accusés de clandestinement « pratiquer les rites du judaïsme, blasphémant le Christ, mais encore ont l'audace de pratiquer d'abominables circoncisions ». Le concile ordonne donc « que les transgresseurs de cette sorte, guéris par l'autorité pontificale soient ramenés au culte du dogme chrétien », au besoin par la contrainte. De plus les Juifs ne doivent ni exercer de fonctions publiques ni posséder d'esclaves chrétiens.
On comprend mieux, ainsi, l'appui apporté par les Juifs aux envahisseurs lors de l'invasion de l'Espagne par les musulmans en 711. Ils avaient un compte à régler.
En 711, après la défaite infligée au roi Rodrigue par le chef des envahisseurs musulmans, Tariq ibn Ziyad, Tolède tombe entre les mains de ceux-ci, qui prennent le contrôle de l'Espagne, hormis les bastions de résistance wisigothique établis dans les montagnes du nord de la péninsule ibérique.
Si le long effort (huit siècles !) de la Reconquista commence dès 722 par la symbolique victoire de Covadonga, la longue marche est rythmée par une alternance de succès et de revers. Cependant s'impose l'idée qu'il faut reconstituer le royaume wisigothique, sous la houlette des rois appuyés sur leur bastion des Asturies et avec l'aide de saint Jacques (Santiago Matamores, c'est-à-dire « le tueur de Maures »). La victoire de Polvoraria remportée par le roi Alphonse III (877), la fondation de Burgos par le comte de Castille (884), l'édification des forteresses de Zamora, Toro, Simancas (893) sont autant de jalons dans la progression des forces chrétiennes et permettent le repeuplement européen des terres reconquises. Des épisodes comme la prise de Clunia (1007) par Abd al-Malik, qui fait massacrer la garnison qui s'est rendue, ne font que renforcer la détermination des Espagnols.
A la fin du XIe siècle, tandis que se renforcent le comté de Barcelone et le jeune royaume d'Aragon, l'initiative de l'offensive appartient à la Castille dont le roi Alphonse VI vient mettre le siège devant Tolède à l'été 1081. La ville tombe le 6 mai 1085. Les habitants musulmans peuvent partir en emportant leurs biens. Tolède sera la capitale du royaume de Castille, puis d'Espagne, jusqu'en 1561. Alphonse VI y a fait élever une forteresse, l'Alcazar, dont le premier gouverneur fut le Cid Campeador et qui est devenue au XXe siècle un puissant symbole grâce à l'héroïque résistance des Cadets face aux Rouges en 1936 (voir Henri Massis et Robert Brasillach, Les Cadets de l'Alcazar, Pion, 1936).
Pierre VIAL
SOURCES : Rivarol du 20/05/2011
Tensions raciales aux USA. S’ils ne veulent pas disparaître, les Blancs doivent se réveiller et vite !
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Pendant qu’en Europe de l’Ouest, la presse mainstream, majoritairement blanche, fantasme sur la révolte de Noirs aux USA (un peu comme elle avait fantasmé sur l’élection d’Obama, métis, mais noir aux yeux de la presse), les Blancs des USA, comme les Blancs d’Europe demain, seraient bien avisés de se réveiller, et vite !
Les traîtres à leur civilisation et à leur communauté que sont les Antifas blancs ont beau s’agiter dans tous les sens aux côtés des Noirs, d’une part, ils ne sont pas les bienvenus y compris dans leurs manifestations (on voit circuler des vidéos dans lesquelles ces Blancs éduqués à la sauce Evergreen se font rembarrer par des Noirs qui leur demandent de ne pas casser), d’autre part, ils devront être considérés par les Blancs conscients comme ce qu’ils sont : des collaborateurs, des traîtres.
La peur doit changer de camp. Car nous assistons, sur des terres majoritairement blanches, à un basculement total ces dernières années. On est passé de « la reconnaissance des minorités » à la dictature de celles-ci. Les prétendus oppressés d’hier portent désormais en eux les germes d’oppresseurs, revanchards. Regardez-les ces Noirs militants se pavaner tandis que des Blancs collabos s’agenouillent devant eux pour leur demander pardon (pour qui, pour quoi ?). Des décennies de renoncement, des décennies de lois antiracistes ici ou là, des décennies de poison diffusé au sein de nos écoles, de nos universités… et voici le résultat.
La jeunesse blanche d’Europe de l’Ouest et des USA a honte de ce qu’elle est, alors même que notre civilisation a tant apporté au monde. Le « mâle blanc » est un fils d’esclavagistes, de génocidaire, de brutes sanguinaires, de colonisateurs, tandis que « l’autre » serait la victime permanente, l’exotisme réconfortant et rassurant, la victime à qui nous devrions réparation. Les seuls Blancs médiatiquement tolérés aujourd’hui sont ceux inféodés aux lobbys féministes et LGBT, c’est-à-dire ceux qui portent en eux, par définition, la fin d’une civilisation.
Il faut en finir avec ce raisonnement. Il faut retrouver un peu de fierté et de dignité. Nous devons être fiers d’être blancs, fiers de ce qu’ont fait nos ancêtres, fiers de nos civilisations. Et cela n’enlève d’ailleurs rien aux autres civilisations. Mais que l’on arrête avec la pleurniche, le reniement. Que l’on arrête de regarder les Noirs, comme d’autres communautés, se communautariser et défendre leurs ethnies justement, sans nous situer nous-mêmes. Le pire c’est que les collabos de notre communauté seront les premiers balayés si un jour, de leur faute, le chaos racial éclate.
Car de tout temps, les hommes, sans doute universellement, ont méprisé les lâches et les faibles. Et les collabos blancs qui s’évertuent aujourd’hui à mettre un genou à terre et à pleurer l’oppression fantasmée des Noirs seront les premiers à être les victimes de la société barbare et inculte que nous sommes en train de laisser émerger sans réagir.
Pour les autres, pour ceux qui sont conscients, et pour ceux qui pourraient l’être, mais qui se refusent à le faire par peur d’être jugés et détruits par la police politique, médiatique, et internet, il est temps de se regarder dans une glace. D’ouvrir des livres d’histoire. De faire le constat que toutes les sociétés multiculturelles sont multiracistes, violentes, et des poudrières ethniques. Ces sociétés instables et violentes réjouissent profondément les décideurs de ce monde, ceux de la caste qui chérissent une instabilité qui leur permet de gouverner par la peur.
Le chaos racial larvé qui explose petit à petit aux USA pourrait arriver en Europe. Parce que nos dirigeants continuent à laisser les frontières ouvertes et à laisser des hordes d’Africains et d’Asiatiques entrer chez nous sans le consentement des peuples. Parce que des millions de ces extra-Européens sont déjà à l’intérieur de nos frontières, possèdent des papiers faisant d’eux nos « compatriotes ». Parce que démographiquement, les Blancs font moins d’enfants que les autres.
Ce ne sont pas les « suprémacistes » ou les « identitaires » qui portent en eux les germes de la violence raciale, de la guerre civile qui vient. Non, ce sont les autorités, ce sont les collabos, ce sont ceux qui ont renoncé à tout ce qui a fait, pendant plusieurs millénaires, notre civilisation européenne. Ceux qui ont appris à détester qui ils sont, et qui voudraient que nous continuions à nous détester, jusqu’à disparaître de la surface de la planète.
Quand un « artiste » noir chante « Pendez les Blancs » dans un pays construit par des Blancs, sans subir les foudres ni de la Justice, ni de la population, c’est que le ver est déjà sérieusement dans le fruit. Et qu’il est plus que temps de se réveiller.
Nous ne pourrons pas vivre ensemble demain dans une société bercée par le chaos racial. Il faudra choisir entre la remigration, le retour au pays de tous ceux qui chérissent tant la terre de leurs ancêtres tout en profitant de nos modes de vie, ou bien la sécession, qui constituerait une première défaite pour les Blancs d’Europe qui concèderaient donc une partie de leur territoire ancestral à d’autres populations.
Depuis le temps qu’on vous dit, qu’on vous écrit, qu’on vous prévient qu’un faible pourcentage d’immigrés, ça ne pose aucun problème, mais que quand ce pourcentage augmente en flèche et que les différences ethniques deviennent trop importantes, cela ne passe plus et le territoire se communautarise, et se tend… au nom de la race justement…
Debout les Blancs, réveillez-vous !
Julien Dir
Précision : les points de vue exposés n’engagent que l’auteur de ce texte et nullement notre rédaction. Média alternatif, Breizh-info.com est avant tout attaché à la liberté d’expression. Ce qui implique tout naturellement que des opinions diverses, voire opposées, puissent y trouver leur place.
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Breizh-info.com, 2020, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine – V
SOL - Sowulo (Nordic Pagan Folk)
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20 attentats islamistes trop vite oubliés
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I-Média n°292 – Covid-19. Campagne médiatique contre la chloroquine ?
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Un Ukrainien contre les Bolcheviks : Nestor MAKHNO
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« Ne serait-il pas plus simple alors pour le gouvernement, de dissoudre le peuple et d'en élire un autre ? »
B. BRECHT — La solution
On sait que la révolution bolchevique d'Octobre 1917 fut aussi sanglante que difficile à accomplir ; on sait également que la farce (toujours durable) des soviets, ces conseils qui devaient être élus librement par les ouvriers, les paysans et les soldats, permit à Lénine et à ses compagnons de conférer à leur coup d'Etat une apparence démocratique. Mais la révolution ne se cantonna pas uniquement à St Pétersbourg et à Moscou. L'Ukraine, que l'on peut considérer comme la matrice de l'empire des tsars, fut le théâtre de luttes acharnées durant quatre années, luttes conduites par les blancs, les rouges, et aussi par certains Ukrainiens qui voulaient profiter de l'événement pour faire de leur patrie un Etat autonome.
Nestor Makhno, un paysan ukrainien, est probablement l'un des hommes que les communistes haïssent le plus depuis 1917. Il représente, en effet, à leurs yeux l'image du traître le plus accompli qui soit ; il figure aussi l'échec bolchevik de l'enrégimentement de la paysannerie. C'est certainement la raison pour laquelle nous avons assisté, en 1968, à un phénomène de brusque popularité pour Makhno chez les étudiants dont les aspirations libertaires allaient, sans cesse, s'opposer au conformisme communiste. A côté de Makhno, même le Che (Guevara) apparaît comme un héros pour albums d'enfants. Qui était-il ?
Né en 1889 dans le village ukrainien de Gulyai-Polyé (ou Goulaï-Polé), fils de paysans pauvres, Nestor Makhno devient berger à l'âge de six ans, puis garçon de ferme à douze. En 1905, il a alors 16 ans, la révolution lui fait prendre conscience des nombreuses inégalités et de la condition pour le moins sommaire dont sont victimes les siens et lui-même ; ces Ukrainiens qui travaillent la terre du « grenier » de l'Europe si riche, ne le font, en effet, que pour des maîtres et ce malgré l'abolition du servage intervenue en 1861. Ils demeurent des âmes. On décomptait les moujiks dépendant d'un domaine en âmes.
Attentif aux idées nouvelles, à défaut d'idées venues d'ailleurs, et désireux, malgré son jeune âge, de conserver l'essentiel des libertés dont on parle alors abondamment ainsi que son identité ukrainienne, Makhno opte pour le mouvement anarchiste. Cette adhésion lui vaut, en 1908, d'être arrêté et condamné à mort, peine qui sera commuée en détention à vie un peu plus tard. En prison à Moscou, Makhno, avec le bel optimisme de son âge (19 ans), se met à étudier ; il apprend à lire, à écrire et à compter, mettant ainsi à profit, et de manière intelligente, les « loisirs » dont il bénéficie. Il lit beaucoup et surtout des ouvrages interdits qui pénètrent clandestinement dans la prison. Ce jeune paysan ne donne pas l'impression à ses geôliers d'être l'un de ces intellectuels que l'on semble tant craindre au¬tour du tsar ; fruste d'allure, Makhno engrange des connaissances dans une impunité totale.
En 1917, il est libéré dès février, et regagne l'Ukraine. Il y organise aussitôt des milices paysannes et après avoir rencontré Lénine à Moscou en 1918, il se range pour un temps dans le camp des forces rouges avec lesquelles il combat contre les koulaks, contre les troupes de l'hetman Petlioura et les Austro-allemands encore présents. Parallèlement, il organise les villages en communes paysannes, autogérées et auto-défendues. A vingt-neuf ans, il possède une maturité d'esprit que beaucoup d'adultes pourraient lui envier car, tout en combattant, il veut préserver l'avenir de ses hommes et leur faire prendre conscience de leur force lorsqu'ils consentent à demeurer unis. En 1919 dans le bassin du Don, les makhnovistes forment le flanc droit du groupe d'armées rouges de Kojevnikov quand celui-ci atta¬que Denikine. Au printemps, les Austro-allemands quittent l'Ukraine et Makhno se rapproche du gouvernement démocratique local qui doit, selon les termes de l'armistice de Brest-Litovsk, détenir le pouvoir en Ukraine. Première rupture avec les bolcheviks.
A Moscou, bien évidemment, on veille et Trotsky interdit la tenue du congrès makhnoviste dont la coloration anarcho-autonomiste l'inquiète. Makhno démissionne en guise de réponse au diktat moscoutaire. Cette rupture aurait pu être définitive et lourde de conséquence en considérant l'avenir, si Denikine, qui se croit un César à Pharsale, n'avait, en août 1919, contraint les forces rouges à reculer. Makhno n'aime pas les bolcheviks (qui le lui rendent bien), mais Denikine représente à ses yeux tout ce dont il veut s'affranchir. Son appoint sera déterminant car les makhnovistes organisent la guérilla sur les arrières blancs et, dès l'automne 19, Denikine est à nouveau battu.
Moscou, en janvier 1920, ordonne à Nestor Makhno de se porter sur la frontière polonaise afin d'y combattre les forces de Jozef Pilsudski qui tiennent la dragée haute aux troupes rouges qu'elles vaincront finalement. Makhno refuse logiquement car pour lui, la « patrie » est l'Ukraine et non l'U. R. S. S. Il est, à nouveau, déclaré hors-la-loi et les partisans soviétiques le traquent. Durant l'été, c'est au tour de Wrangel d'attaquer pour le compte des blancs afin, semble-t-il, d'aider les troupes polonaises en fixant des contingents bolcheviks en Ukraine. De traqué et hors-la-loi, Makhno redevient, une nouvelle fois, l'allié « objectif » de Moscou ; mais s'il combat Wrangel, le batkho (père) a compris. Sitôt ce danger écarté en novembre 1920, Frounze qui commande les rouges, donne comme consigne à ses hommes d'attaquer les makhnovistes et de détruire leur chef, mais Makhno et les siens ont déjà repris le maquis.
On pourrait fort logiquement se récrier face aux prises de position successives et contradictoires de Nestor Mak¬hno ; ce serait oublier qu'il a combattu sur le terrain et que, jamais, il ne fut un théoricien de salon pouvant biaiser, feindre ; les makhnovistes connurent durant une brève existence deux dangers : celui consistant à une reprise en main de l'Ukraine par les blancs, et celui d'une conquête par les rouges. Makhno était pris entre le marteau et l'enclume, position assurément inconfortable et intenable.
Malgré des trésors d'intelligence tactique, de courage moral et physique, d'abnégation, la Makhnochtchina sera finalement vaincue et ses partisans anéantis.
En 1921, blessé, Makhno et quelques-uns de ses compagnons réussissent à traverser les lignes ennemies et à se réfugier en Roumanie. Il est temps, pour Moscou, de « normaliser » la situation en Ukraine. Elle le sera, et de façon radicale. C'est le 25 juillet 1934 que Nestor Makhno s'éteindra à Paris, pauvre et oublié. Seuls quelques « anars » l'entourent encore. Les amitiés fidèles sont rares et résis¬tent mal dans le malheur ; elles n’en sont que plus belles.
Géographie de la Makhnochtchina
Sur une carte de l'Ukraine, on peut tracer une ligne qui, partant de Marioupol, Jdanov sur la mer d'Azov, passe par Bakhnout au nord, puis, vers l'ouest, à Iékatérinoslav (Dniepropetrvsk), descend vers Nikopol, puis vers Melitopol. Ce territoire makhnoviste forme un carré approximatif de 250 km sur 280, carré au centre duquel se trouve situé le village natal de Nestor Makhno, Gulyai-Polyé.
Les limites extrêmes de l'action des makhnovistes s'étendent, à l'ouest, jusqu'à Peregonovka et, au nord, à Kharkov. A noter, en passant, qu'une partie notable de la vaste bataille d'encerclements entreprise par la Wehrmacht en 1941, se déroulera dans cette région d'Ukraine.
On peut donc, grâce à la géographie, affirmer que Makhno fut un combattant ou guérillero régional, voire local, et qu'il répugna à quitter ce qui constituait, à l'époque, le gouvernement de Iékatérinoslav. N'oublions pas, en outre, que Makhno était surtout un paysan attaché par atavisme à sa terre, et que ses milices furent formées par ses voisins, des paysans eux aussi. Cela explique en partie son apparente versatilité faite d'alliances puis de luttes avec Petlioura et les bolcheviks. Nestor Makhno avait pris au sérieux les idéaux de Zemlja i Volja (Terre et Liberté) association fondée en 1861 par les frères Serno-Solovievitch avec l'accord d'Alexandre Herzen ; les zemlevolietsi seront les premiers opposants actifs et armés au, pouvoir tsariste.
Paysan, régionaliste, libertaire, Nestor Makhno ne fut, en fait, qu'un héritier non abâtardi de générations d'hommes pour lesquels la terre était aussi une sorte de religion.
II n'est pas exagéré de dire que les Anarchistes furent, de tout temps, les adversaires les plus craints du communisme. Oui, Lénine et Trotsky craignaient les « anars » plus qu'ils ne craignirent jamais les blancs, car les disciples de Bakounine et de Kropotkine possédaient — possèdent — une doctrine, alors que la plupart des blancs ne possédaient, eux, que des biens matériels (à défendre) ou une foi religieuse souvent tiède. Dès 1918, Moscou projeta l'image des pillards, des bandits anarcho-syndicalistes, et s'il est certain que Makhno et ses hommes ne se conduisirent pas toujours en êtres courtois, rappelons qu'une guerre civile ne ressemble jamais à la bataille de Fontenoy. La Vendée, chez nous, en est un exemple entre autres.
De plus, les anarchistes étaient classés comme irrécupérables par Lénine, alors que les ci-devant tsaristes allaient fournir bon nombre de spetz, c'est-à-dire des officiers et des fonctionnaires ralliés au régime communiste.
En quoi consistait la doctrine makhnoviste ?
Le « Manifeste » du 1er janvier 1920 dit, en substance, que toutes les terres des koulaks et des monastères devaient être réparties entre les paysans, que la liberté et le droit de parole devaient être l'apanage de tous, que paysans et ouvriers devaient former des conseils (soviets) indépendants, etc... Rien donc de très nouveau dans ce manifeste depuis Zemlja i Volja, mais derrière les mots, une détermination telle que les maîtres communistes ne pouvaient que prendre peur, d'autant que leur pouvoir était encore branlant et contesté.
Le batkho (père) de la Makhnochtchina devait donc tomber, et il tomba. Extrêmement dangereux sur le plan des idées, il était également un combattant de valeur qui devait défaire Denikine, Wrangel et la cavalerie rouge de Boudiény. Des mois durant, il mena contre blancs et rouges une guérilla meurtrière et ne succomba finalement que sous le nombre, ce qui est le sort de tous les isolés.
Cet autodidacte assimila en quelques années seulement la doctrine libertaire et fédéraliste de Proudhon alors connue dans les grandes villes de l'empire. Cette assimilation devint conviction lorsque Makhno comprit que les thèses proudhoniennes convenaient parfaitement aux paysans en général. Aux communes qu'il fonde en 1918, les communistes opposent leurs soviets théoriquement composés d'ouvriers, de paysans et de soldats, soviets que Lénine et ses adjoints réduiront à rien dès leur prise de pouvoir. Tandis que les makhnovistes tiennent un front de 100 km devant les forces de Denikine, les rouges attaquent Makhno sur les plans idéologique et militaire, sentant en lui une force capable de détacher l'Ukraine du système bureaucratique dit de « centralisation démocratique » qu'ils élaborent, système qui se forge, parallèlement, un bras séculier (policier et militaire) tel que nous le connaissons encore aujourd'hui.
L'écrasement des makhnovistes coïncidera avec celui des marins de Cronstadt en 1921, à une époque où les forces blanches sont vaincues. A cette époque-là, le souvenir d'une Ukraine autonome, celle que Simon Petlioura a tenté de recréer, est déjà loin. On peut d'ailleurs comparer la situation des anarchistes russes (ukrainiens...) avec celle des anarchistes espagnols (catalans...). Ces derniers étaient appelés à être écrasés, de toutes façons, même si le franquisme n'avait pas pris le pouvoir ; ils étaient, comme Makhno et les siens, coincés entre deux feux ; l'anarchisme hispano-catalan a prouvé, une fois de plus, que la notion d'Etat fort et centralisateur recueille bien des suffrages chez les hommes politiques et chez les militaires dont la « bible » se résume à peu près à ceci : le pouvoir, c'est nous, les autres doivent se taire ! Cet éventail politique ressemble à un kaléidoscope, nous le savons, et c'est bien pour cette raison que les fédéralistes européens sont, aujourd'hui, traités « d'anarchistes » !
L'épithète, mal comprise, mal interprétée, sert toujours lorsqu'il est question d'apeurer les foules et de les faire se réfugier dans le giron d'un pouvoir « fort et stable ». Regardez la carte du monde et faites le bilan de ce siècle dédié au « progrès humain » ; que de bruits de bottes !
Michel PELTIER
Source : Défense de l’Occident, Septembre -Octobre 1977
La génération des hussards ou l’insolence littéraire
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- Catégorie : Littérature
Chacun de nos amis sait ce que furent les lendemains littéraires de 1944. A part quelques écrivains courageux, toute la République des Lettres soi-disant libérée s'employa de son mieux à enterrer ses nombreuses victimes. Mais, outre le caractère honteux de cette épuration, disons-nous bien que cette boucherie libératoire introduisit dans la littérature la plus incroyable — et l'adjectif est faible — introduisit donc la plus incroyable imposture. Le succès fut tributaire des opinions politiques et le talent ne se jugea plus qu'au soutien apporté à la résistance par les uns ou les autres.
Les années entre 1944 et 1950 voient le triomphe des pisse-vinaigre, de toute une horde de littérateurs ennuyés cherchant vainement à remplacer les maîtres condamnés. Alors que Brasillach a déjà été passé par les armes et que tant d'autres croupissent dans les prisons de César, les nouveaux venus et les revenants font tapage II n'est pas un seul trafiquant des choses de l'esprit qui ose proclamer n'avoir jamais lu un livre de Sartre, Camus, Malraux ou Simone de Beauvoir. C'est l'apothéose de « l'humanisme socialiste » avec tous les poncifs, les arguments les plus éculés que le communisme vainqueur impose. Il faut bien avouer que cette antilittérature doit une grande partie de son succès, non seulement à l'élimination de ceux qui auraient pu la combattre, mais aussi à la complicité flagorneuse de presque toute la critique, tant universitaire que mondaine, qui trouva par ce biais le moyen de se faire pardonner quatre années de travail jugé antidémocratique par le Comité National des Ecrivains. La nullité naît toujours de l'ingérence des politiciens en toge : Aragon est un bon romancier lorsqu'il oublie sa carte du Parti.
Il était donc inévitable que, cette dictature hargneuse ayant atteint un certain seuil, une réaction apparaisse. L'année1950 devait marquer un tournant tant politique que littéraire, La guerre froide s'installe, les communistes sont chassés du gouvernement et Antoine Pinay avec son allure d'un nouveau M. Guizot donne à la France la fausse sécurité du Directoire respirant d'aise après la Terreur : Roger Nimier publie « Le Hussard bleu ».
I. — Roger Nimier ou la Liberté permanente.
II est difficile de parler de Nimier tant à cause des légendes qui l’entourent que du fait qu'il ne nous a légué qu'une œuvre inachevée : sa mort prématurée (et absurde) nous a laissé sur notre faim.
Certains critiques l'ont présenté comme étant l'héritier de Louis-Ferdinand Céline. « Le Hussard Bleu » le laissait croire en effet et l'estime que Céline lui portait faisait penser que l'auteur du « Voyage » semblait avoir trouvé enfin celui qui, à sa suite, pourrait dire à tout le monde ce que Cambronne dit aux Anglais. Mais Nimier est un « classique » et, malgré une certaine verdeur de langage, ses longs monologues intérieurs relèvent beaucoup plus de la grande tradition romanesque du XVIIIe siècle que de « Mort à Crédit ».
Laissons donc les étiquettes de référence car Nimier (et ses amis) fut avant tout l'opposition salutaire et géniale à la domination du pessimisme mis à toutes les sauces et qui régnait alors à la manière d'un quelconque Néron. Il introduisit à nouveau dans le roman un anticonformisme élégant et racé que l'on croyait à jamais disparu. Son œuvre est une cure de jouvence même s'il n'a jamais pu atteindre les grands sommets de composition et de style. Il donne l'impression de s'être amusé en écrivant, se disant sans doute que l’essentiel viendrait plus tard, sa jeunesse lui donnant le droit illusoire de parler ainsi.
Dans la fameuse lettre que Jacques Chardonne lui écrivit après la publication du « Hussard », il lui conseillait entre autre chose de dormir beaucoup et d'écrire peu. Il semble bien que Roger Nimier ait malheureusement suivi cette recommandation. Il prend sa retraite d'écrivain très tôt, se contentant de quelques articles par-ci, par-là, et vivait sur sa réputation d'auteur du « Hussard bleu ». A sa mort, l’œuvre est bien mince. Et pourtant son talent deviné, sa culture, tout l'autorisait à prendre un jour la suite des grandes romanciers ou nouvellistes français. Nimier a sans doute été I’auteur à succès de sa génération mais il ne fut qu'impertinent : il pouvait être plus.
II. — Antoine Blondin, Michel Déon, François Nourrissier ou « la race des indifférents harmonieux ».
Il y a quelque deux mois, j'écrivais à propos d'Antoine Blondin : « (il) se tait depuis plusieurs années et l'on peut se demander s'il a perdu cette allure brillante, cet humour malicieux expliquant les espérances que certains eurent de pouvoir le considérer comme l'un des nouveaux grands romanciers de l'après-guerre ». (1). Il a depuis refait surface avec « Monsieur Jadis » sans pour autant annoncer un nouveau départ. Il fait partie d'une génération paresseuse préférant les joies de l'école buissonnière à la rigueur des programmes de travail, le jeu à la méthode. Ne lui en voulons pas, même si nous devons attendre encore dix ans le prochain roman. La seule chose que nous pouvons regretter est que, alors que tant de plumitifs féconds inondent tous les six mois les librairies de leurs mauvais romans suintant les égouts et la literie crasseuse, le talent soit si long à se manifester, que le talent s'use dans la désinvolture délibérée d'une adolescence perdue.
Michel Déon se présente lui-même comme étant un jeune intellectuel de droite. Il en retire d'ailleurs une certaine fierté dans la mesure où, aujourd'hui, qui dit intellectuel pense aussitôt de gauche. Dans « Tout l'Amour du Monde », il interrogeait déjà : « Aimez-vous l'immobilité? ». Dès la fin de la guerre, il a dit non. Plus rien ne le retenant en France où le bonheur avait été coupé en morceaux, il a fait ses valises et s'en va aux confins de l'Occident pour jouer les hussards. De ces frontières belliqueuses, il nous adresse des messages purificateurs débarbouillant la littérature des cascades de bidets, Des balcons de Pathmos, il salue la mythologie et si Maurras chantait l'Acropole, Michel Déon l'aime et en est fasciné. Il voit l'Occident se réveiller, mais ce n'est que pour mieux pouvoir mourir. Monsieur Michel Déon est un enfant triste, pour reprendre le titre de Roger Nimier, c'est-à-dire pessimiste. Il devine les sept anges aux sept plaies qui recevront les coupes de la colère, ce septième signe dont nous parle l'Apocalypse. La chute de Babylone est proche mais Michel Déon nous persuade qu'il fait toujours beau... même s'il ne le croit pas.
« Enterrés les héros. L'aventure s'est étrécie aux dimensions de ces fins de jours de novembre. Plus de Graal ni de dragons. Plus même de belles nuances de gris pour dire l'absurdité de tout. Le gris nous est entré dans la peau, notre sang est couleur de cendre. Voici la vie de l'homme : quelconque, hâtive, semblable » (2).
Monsieur François Nourrissier est un nouveau Rastignac dans un Paris où il n'y a plus rien à conquérir. Coincé entre l'insolence agressive de Roger Nimier et la liberté illusoire de Michel Déon, il promène son ennui du Parc Monceau à la place des Ternes. Ce dandy, malheureux d'être bourgeois dans un siècle où il « vit en suisse », est sans doute le plus tragique de nos romanciers actuels. Il montre la peur, l'angoisse, l'ennui derrière la forfanterie de façade, l'illusion de bonheur et l'étroitesse des plaisirs. Plus que Messieurs Déon ou Blondin, il est sans doute le seul (avec Roger Nimier, mais dans une moindre mesure) à avoir senti le vide né de l'abandon des clichés d'Epinal, à dépeindre le malaise de la solitude et à dénoncer la médiocrité intouchable. François Nourrissier peut nous réserver une grande œuvre.
III. — En guise de conclusion.
La conclusion que l'on peut faire concerne avant tout leur influence sur des auteurs plus jeunes qui, tout en respectant l'atmosphère, l'élégance ou l'humour des situations même si elles sont d'une manière vigoureuse, dépasseront ces romanciers en adaptant leurs récits aux situations d'aujourd'hui, mais tout en maintenant une certaine folie familière, ennemie de l'ennui. Je ne vois pas grand monde qui puisse succéder à nos hussards. Le seul nom que je puisse avancer (et en me compromettant encore!) est celui de Gabriel Matzneff.
Jean-Paul ROUDEAU,
Notes :
(1) « Du roman en France » dans Poitiers-Université de décembre 1970.
(2) « Une histoire Française » par François Nourrissier, Edit. Grasset.
Sources : Défense de l’Occident – Numéro 94, Janvier – février 1971
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