Comme une poupée, par Gabriele Adinolfi
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La matriochka est une poupée russe constituée de plusieurs poupées de tailles différentes, contenues les unes dans les autres. Si l’on observe la plus grande, on ne remarque pas celles qu’elle contient ; on peut donc dire que la matriochka exprime une réalité à plusieurs niveaux qui ne sont pas immédiatement perceptibles.
En tant qu’allégorie de la réalité actuelle, elle est pertinente.
La première poupée
La poupée la plus externe, donc visible en vitrine, correspond à la représentation officielle, à la narration politique des conflits. À ce niveau, tout se résume à des affrontements Est-Ouest ; Sud-Nord ; OTAN-Russie ; États-Unis-Chine ; Israël-Hamas.
Pourtant, cela fait au moins huit décennies que ce type de narration est trompeur car il exagère les aspects de contraste entre les pôles ou les blocs, assurant ainsi le maintien du statu quo et la gestion des opinions publiques qui se solidarisent autour de leur opposition au “mal absolu” respectif.
Mais en réalité, les relations, selon une formule heureuse de Lénine, sont déterminées par la loi de “l’unité et de la scission”, ce qui fait que, comme l’a enseigné la Guerre froide, les intérêts communs des puissances en conflit l’emportent même sur ceux qui les séparent. Chacun a besoin de l’autre pour mieux dominer son propre domaine.
Ainsi, aujourd’hui comme hier, plus que les confrontations entre les États-Unis et la Russie ou entre la Russie et l’OTAN, les opérations principales sont celles que les États-Unis mènent, ou confient à d’autres, aux dépens de l’Europe ; celles menées par la Chine pour cannibaliser la Russie ; celles concernant la montée en puissance de l’Inde en concurrence avec la Chine, etc.
La deuxième poupée
Si on l’extrait de la première poupée, on en trouve une deuxième qui démontre précisément ce qui précède, et qu’aucune des raisons avancées pour justifier l’invasion de l’Ukraine ou expliquer la réaction occidentale n’adhère parfaitement à la réalité. Une réalité qui, sur tous les fronts – économique, énergétique et géopolitique – démontre que les États-Unis tirent d’énormes bénéfices de l’action russe et que l’objectif réel est l’Europe : une Europe trop ambitieuse sur les plans commercial et diplomatique pour les goûts américains et à laquelle Washington n’entend pas accorder un poids excessif dans le “reset” mondial.
À quel point il importe peu aux Américains de nuire à la machine militaire russe est démontré par les données objectives, ce qui devrait nous amener à réfléchir sur combien est impropre la définition de monde “multipolaire” et à préférer les termes américains d’“interdépendant” et indien de “multialigné”.
Selon le rapport actualisé de décembre 2023, soit vingt et un mois après le début du conflit, l’armement russe se compose de 2811 éléments, dont seulement 14 sont russes, 790 sont étrangers – dont même pas 150 provenant de ses “alliés” – et 2007 sont américains, soit 71,39%.
De plus, comme le documentent de nombreux analystes américains, allant à l’encontre de leurs intérêts à première vue, même les missiles de nouvelle génération les plus sophistiqués de l’arsenal russe dépendent de la Silicon Valley. Une manière étrange de faire la guerre.
Il est donc clair que le conflit a jusqu’à présent servi le rééquilibrage (le reset) et nous a causé du tort. Une guerre, rappelons-le, déclenchée par la Russie, qui, qu’elle le veuille ou non, complice ou rusée, dans la logique de “l’unité et de la scission”, n’a jusqu’à présent profité qu’aux Américains.
La troisième poupée
Ensuite, il y a une troisième poupée. Celle qui se réfère au contentieux financier à travers lequel le “Sud global” viserait la dédollarisation.
Pour l’instant, la réalité exprime tout autre chose.
En 1946, le PIB américain représentait 50% du PIB mondial. Grâce à la croissance d’autres économies, ce ratio a diminué chaque année jusqu’en 2021, où il a atteint 21% du total mondial. Mais en deux ans de conflit, il a récupéré quatre points et est remonté à 25%.
Quant aux transactions sur les marchés mondiaux, élément fondamental de la domination monétaire, selon le dernier rapport de la BRI (Banque des règlements internationaux) sur les plus de sept mille milliards de mouvements quotidiens, le dollar était présent dans 88% des cas. Suivaient l’euro avec 31%, le yen avec 17%, la livre sterling avec 13%, et le renminbi chinois avec seulement 7%. Parmi celles-ci, seule le renminbi est la monnaie des BRICS.
Évidemment, les transactions s’effectuent également entre plusieurs devises, donc ces pourcentages ne doivent pas être additionnés, car cela donnerait une somme de 156, mais ce serait une erreur de configuration.
Enfin, nous devons considérer que les titres du Trésor américain se trouvent en grande partie entre les mains asiatiques, surtout chinoises et japonaises: et cela, dans la logique financière, lie Tokyo et Pékin à la puissance du dollar probablement plus que Washington. Aucun créancier ne cherche en effet à faire faillir son débiteur ni même à déprécier la monnaie de celui-ci!
La quatrième poupée
Passons à la quatrième poupée. Ici, nous trouvons les logiques du capital global.
Vous aurez remarqué que, malgré quelques blocages temporaires – qui ont cependant affecté les prix – le blé continue de sortir des ports ukrainiens malgré la flotte russe. Les intérêts mondiaux peuvent bien être contestés, mais pas contournés.
La guerre contribue aux transformations en cours. La revue française Conflits, en présentant le cadre de l’ascension stratégique des Émirats arabes unis, note également comment cela a attiré des fleuves de capitaux russes et ukrainiens dans l’immobilier à Dubaï.
Mais, pour rester sur le thème du blé, nous en achetons également plus que nécessaire à l’Ukraine dans le but de l’aider et, d’une manière assez dénuée de sens, nous faisons des réserves de poulets. Nous pourrions très bien les leur acheter mais les laisser là pour la consommation locale. Au lieu de cela, nous nous mettons à concurrencer nos propres éleveurs qui sont en faillite dans plusieurs nations européennes.
C’est une folie, mais elle s’inscrit dans la logique du Reset car, avec le libre marché défendu surtout par les économies exportatrices les plus puissantes qui sont l’Europe et la Chine, on tombe dans la logique des spécialisations locales, et certains secteurs agricoles sont considérés comme un fardeau, contrairement à d’autres, comme la viticulture, sur laquelle on mise également à l’exportation.
Ainsi, une Europe déjà entraînée dans la guerre et entravée par l’intérêt russe et américain, se fait du mal elle-même internement parce que, tout comme les autres, elle est prisonnière d’une logique d’exploitation capitaliste qui se révèle suicidaire.
En conclusion
Tout cela pour dire essentiellement trois choses
1. Les représentations de la réalité auxquelles nous sommes habitués sont toutes fausses ou biaisées, et il est nécessaire d’adopter une approche sérieuse, concrète et réelle.
2. Les éléments positifs que nous pouvons tirer de la guerre en Ukraine sont la prise de conscience européenne de la nécessité de se réarmer et d’acquérir une autonomie stratégique. J’ajouterais surtout la récupération du sentiment patriotique et simultanément européen, ainsi que de la guerre nationale, quelque chose qui, dans une époque où les idéologies ont été remplacées par des fondamentalismes religieux, fanatiques et psychotiques, peut se révéler fécond.
3. S’il est totalement absurde, suicidaire, dément, de ne pas soutenir toujours et partout les intérêts européens, notre unité, et de ne pas viser notre puissance, nous ne devons pas oublier qu’en même temps, non seulement nous ne pouvons pas compter sur notre classe dirigeante actuelle, mais nous devons opposer un modèle culturel très différent de celui dominant et produire la sortie des cages internes que nous nous sommes imposées pour servir le libre marché tourné vers l’étranger. On ne peut pas raisonner seulement avec la logique comptable car elle est souvent aveugle.
En annexe, parmi les nombreuses sources de cet article, deux en particulier :
https://static.rusi.org/RUSI-Silicon-Lifeline-final-web.pdf
https://noreporter.org/comme-une-poupee/
Alia ratio. L’armée romaine, la guérilla et l’historiographie moderne
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Ordinairement, c’est aux chefs barbares que l’historiographie moderne prête le plus spontanément les traits de guérilleros utilisant toutes les ressources de la guerre d’usure pour venir à bout d’armées assimilées un peu vite à celles d’États jugés plus avancés, comme la phalange hoplitique ou la légion romaine.
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Aragon, Barrès et Brocéliande. Les origines surprenantes du communisme à la française.
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Complicité entre Marchais et Aragon au XXIIème congrès du PCF (1976). Le secrétaire général était intervenu contre les commères du Parti qui jasaient sur l’homosexualité du poète.
En septembre 2021, Fabien Roussel a inauguré sa campagne présidentielle en rendant hommage à la dépouille de Louis Aragon. Ce militant communiste particulièrement discipliné était aussi le dernier géant incontestable de la poésie française. Ses ballades, classiques et modernes à la fois, ont été mises en musique par Georges Brassens, Léo Ferré ou Jean Ferrat, plus récemment Bernard Lavilliers, qui les ont fait aimer par des générations de Français de tous bords politiques.
La complexité de la situation géopolitique au Moyen-Orient - l'exemple de la milice Hachd al-Chaabi
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La Belgique est un pays complexe, et si vous essayez parfois d'expliquer cette complexité à vos amis et connaissances étrangers, cela se fera généralement sans succès, surtout lorsque vous tâcherez d'expliquer le rôle des différents (7 !) gouvernements de ce pays et la répartition des pouvoirs où même une chatte ne retrouve pas ses petits. La Belgique est peut-être complexe, mais en grande partie, à travers les déformations successives de l'État, ce pays n'a qu'à s'en prendre à lui-même - et aux partis du système.
Archeofuturisme ou droite prométhéenne ?
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Cet article est extrait du livre de Romain D’Aspremont The Promethean Right (La Droite Prométhéenne) également auteur de Penser l’Homme Nouveau.
L’archéofuturisme de Faye est souvent présenté comme un remède à l’approche trop conservatrice de la droite en matière de changement social et technologique – une soi-disant synthèse harmonieuse de la tradition et de la technophilie. Cet article soutient que l’Archéofuturisme est en réalité davantage archaïque que futuriste, comme si le tempérament droitard de Faye le poussait à équilibrer son éloge du progrès technologique par un retour aux valeurs médiévales. Il s’agit d’un archaïsme déguisé en futurisme : un pas vers l’avenir et deux pas vers le passé. Faye a toutefois l’immense mérite d’affirmer une ligne technophile au sein d’une famille politique minée par la technophobie.
Eberhard Koebel, dit «Tusk », créateur d’un mouvement de jeunesse radicalement antibourgeois
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Parmi les mouvements de jeunesse, il y en a un qui s’est tout particulièrement signalé par son radicalisme antibourgeois : la dj.1.11 ou la Deutsche Jungenschaft 1.11 (1er novembre, date de sa fondation). Le radicalisme de ce mouvement est dû essentiellement à la personnalité de son chef et fondateur : Eberhard KOEBEL, surnommé « Tusk ». Né en 1907 à Stuttgart, fils d’un haut fonctionnaire, Eberhard KOEBEL a adhéré très jeune au Wandervogel. Plus tard il est passé à la Freischar, dont il deviendra Gauführer pour le Würtemberg en 1928. Cet homme de taille menue, nerveux et énergique, ne fut pas un théoricien. Ce fut surtout un artiste qui révolutionna le « style » des mouvements de jeunesse, en donnant un visage moderne à ses revues, en conférant à celles-ci un graphisme osé, épuré, moderne.
Trump, dernier espoir de l’Europe armée ? Par Georges FELTIN-TRACOL
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Dans Le Figaro du 9 novembre 2016, Étienne de Montety rappelait à propos de l’élection – surprise à la Maison Blanche de Donald Trump que son patronyme vînt d’un substantif signifiant en anglais « atout ». Il ajoutait aussitôt que le verbe to trump se traduit par « éclipser, ridiculiser, battre, voire l’emporter sur … ». Force est de constater que l’étymologie du nom de famille du 45e président des États-Unis correspond parfaitement à la situation actuelle.
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