Quatre poetes dans la Grande Guerre

 

Ce sous-titre d’un remarquable ouvrage d’Olivier Parenteau, Quatre poètes dans la Grande Guerre. Apollinaire, Cocteau, Drieu la Rochelle, Éluard (Presses universitaires de Liège, 2018) prend le contre-pied du célèbre poème d’Éluard sur la liberté.

Analysant la poésie française des fronts de 14 – 18, l’auteur dresse le panorama du courant pacifiste (notamment représenté par le Belge Émile Verhaeren), puis survole le corpus nationaliste – belliciste, où l’on est surpris de trouver Paul Claudel parmi les « rossignols du carnage ».

Le livre est aussi émaillé de quelques intéressantes considérations sur Philippe Soupault et Blaise Cendrars. Mais quatre figures littéraires mobilisent toute notre attention. Leur point commun est d’avoir transmué leur expérience des tranchées en l’élaboration d’une écriture qui annonce « l’avant-garde » surréaliste.

Drieu lui-même écrit des lettres aux surréalistes, dont la deuxième date du 15 février 1927. Les Calligrammes d’Apollinaire paraissent en 1916, peu avant son décès le 9 novembre, deux jours avant l’Armistice. Le fléau de la grippe espagnole ne laisse aucune chance à son organisme affaibli par une blessure à la tête et une trépanation. Avant d’adhérer au surréalisme (Capitale de la Douleur, 1926) et à la branche communiste de la Résistance (Poésie et Vérité, 1942), Éluard fait la guerre par devoir patriotique, puis sa volonté de servir la France laisse s’insinuer un douloureux, mais légitime questionnement sur le sens de ce conflit qui semble s’éterniser.

Bien que déclaré inapte au service militaire, Cocteau s’engage dans la                       « boue des Flandres » (Max Deauville) et en tire le Discours du grand sommeil, œuvre à redécouvrir comme Interrogation de Drieu, Les Jeunes Crépuscules du Belge José Gers et Les Brancardiers de Constant Burniaux (également Belge). Interrogation de Drieu et les Poèmes pour la Paix d’Éluard ne sont pas des textes proto-fascistes ou proto-communistes.

Olivier Parenteau ne tombe pas dans le piège d’un anachronisme consistant, par exemple, à minimiser les poèmes de guerre de Cocteau sous prétexte de l’image ultérieurement laissée par le touche-à-tout léger et superficiel des Enfants terribles ou de La Belle et la Bête. Nés entre 1880 et 1895, Apollinaire, Cocteau, Drieu et Éluard avaient vingt ans lorsque le ciel européen se couvrait des lourds nuages préludant aux Orages d’acier évoqués par Ernst Jünger.

Daniel Cologne  

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