Né le 23 mai 1940, le germaniste, spécialiste de la littérature de l’Allemagne médiévale et traducteur Jean-Paul Allard est décédé le 11 juin dernier. D’ascendance dauphinoise, il avait une grand-mère maternelle d’origine piémontaise et vécut assez longtemps à Grenoble, où sa mère exerçait le métier d’institutrice.[1]
Il soutient sa thèse de doctorat d’État, pour laquelle il reçoit les félicitations du jury, au tout début des années 1980, à l’université Paris-IV. Elle porte sur le célèbre conflit médiéval du Sacerdoce et de l’Empire et a pour titre Littérature et politique en Allemagne. De la querelle des Investitures à l’apogée des Hohenstaufen (1076-1198). Ayant fait l’objet d’une diffusion confidentielle par l’atelier de reproduction de thèses L’Hermès, à Lyon, ce travail fondamental mériterait assurément d’être réédité en vue d’une plus large diffusion.
DE LA THÈSE DE DOCTORAT AUX « MOUSQUETAIRES DE LYON-III »
Très peu intéressé par la politique – il n’adhéra jamais à aucun parti -, il fut cependant membre du GRECE (Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne), fondé à la fin des années 60 par d’anciens militants de la Fédération des étudiants nationalistes (FEN) et des comités Europe-Action. Mais il en démissionna rapidement, dès 1979, estimant que le GRECE lui paraissait avoir quitté « le combat culturel de réflexion »[2]. C’était l’époque où plusieurs des dirigeants et têtes pensantes de cette organisation collaboraient activement, avec l’appui de Louis Pauwels, au Figaro-Magazine. J.-P. Allard se disait volontiers monarchiste, mais admirait plus le Saint Empire romain germanique que la royauté française.
Dans les années 80, il publie, outre des articles dans des revues spécialisées, un livre, L’initiation royale d’Erec, le chevalier[3]. Il traduit aussi un livre important d’un linguiste, mythographe et historien des religions, spécialiste des domaines nordique et celtique, le Néerlandais Jan de Vries (1890-1964) : il s’agit de L’Univers mental des Germains[4], qu’il préface. De la même époque date une autre traduction de notre germaniste : Le Loup-Garou, roman de l’écrivain Hermann Löns, tombé au combat devant Reims le 26 septembre 1914. Chronique paysanne parue en 1910 chez le plus grand éditeur de la mouvance völkisch, Eugen Diederichs, basé à Inéa, ce livre influença aussi le courant national-révolutionnaire allemand[5]. Plus tard, en 1993, J.-P. Allard traduira une anthologie de textes, choisis et présentés par Alain de Benoist, d’un penseur politique, cette fois, de la « Révolution conservatrice », Arthur Moeller van den Bruck[6]. On ne notera qu’aucun des trois ouvrages traduits que l’on vient de mentionner n’est d’inspiration nationale-socialiste.
En 1982, J.-P. Allard figure parmi les cofondateurs, avec l’indianiste Jean Varenne et le grammairien et linguiste Jean Haudry, lui aussi récemment décédé (voir notre nécrologie « Jean Haudry [1934-2023] : la science et le courage », parue dans RIVAROL, n° 3568, 31 mai 2023, p. 4), de l’Institut d’études indo-européennes. Celui-ci publiera de 1982 à 1998 une revue de haute tenue, Études indo-européennes, dans laquelle paraîtront plusieurs articles scientifiques de J.-P. Allard.
Depuis 1973, les gauchistes, si influents à l’Université Jean Moulin de Lyon-II, redoutent la concurrence de Lyon-III, dont la réputation droitière et le sérieux, attesté par d’excellents résultats aux examens et concours, leur sont insupportables. Il est vrai que les « trois mousquetaires » (Allard, Varenne et Haudry) y sont bientôt rejoints par le médiéviste Pierre Vial, dirigeant du GRECE (il en fut même le secrétaire général) et futur fondateur, en 1995, du mouvement identitaire Terre et Peuple, l’économiste Bernard Notin, qui sera affublé de l’étiquette infamante de « négationniste » et persécuté pour un seul article s’écartant trop de la doxa officielle, et l’africaniste Bernard Lugan.
FACE AU TERRORISME INTELLECTUEL ET AU HARCÈLEMENT
Les ennuis de J-.P. Allard avec le terrorisme intellectuel pratiqué par les gauchistes, ensuite appuyés par les zélotes de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) et de l’Organisation juive de combat (OJC), commencent en janvier 1988 : il est alors molesté par des individus encagoulés sur le parking de Lyon-III. L’agression est revendiquée par l’OJC. En cause : la participation de J.-P. Allard au jury de la thèse d’Henri Roques, soutenue à Nantes le 15 juin 1985. La thèse a pour titre Les confessions de Kurt Gerstein. Étude comparative des différentes versions[7]. Le rapporteur est le linguiste et grammairien Jean-Claude Rivière (1930-2017), qui enseigne à l’université de Nantes. Membre fondateur du GRECE, il avait collaboré au magazine Europe-Action.
Bien qu’ayant obtenu du jury la mention très bien, la thèse est annulée l’année suivante par le ministre des Universités, Alain Devaquet. Dans le cas de la thèse de Roques, « il s’agissait simplement - affirmait Allard en 2001 - de faire l’analyse critique du témoignage de Kurt Gerstein, personnage plus qu’ambigu, mais dont on n’a pas hésité à solliciter les dires pour salir la mémoire du pape Pie XII »[8]. Pourtant, une sanction ne tarde pas à tomber, sous la pression de certains lobbies : Jean-Claude Rivière est exclu de l’Université en 1986 et rejoint un an après, comme Robert Faurisson, le Centre national d’enseignement à distance.
Pour Allard, c’est le début d’un harcèlement qui va connaître des hauts et des bas, mais ne jamais vraiment cesser. Il reprend de plus belle en 2000 à travers une campagne médiatique de diffamation. En décembre de cette année-là, le quotidien le Progrès de Lyon titre en gros caractères : « Lyon-III : la chasse au négationnisme ouverte. Un enseignant visé », tandis que Lyon capitale, organe de la gauche locale, surenchérit dans la vulgarité haineuse en titrant le 20 décembre 2000 : « La pêche au gros négationniste », allant jusqu’à qualifier le germaniste de « professeur dont les recherches sont plus que douteuses ». Début mars 2001, Alliance juive écrit : « La chasse au Allard est ouverte », animalisant ainsi celui qu’elle attaque. Comme le déclara l’intéressé à J. Bourbon dans l’entretien déjà cité : « Curieux, pour des sectateurs de la dignité humaine, de la tolérance et du respect d’autrui ! »
La haine de la presse ne tarde pas à se doubler d’attaques physiques de groupes étudiants afin d’empêcher Allard de faire ses cours. Parmi eux, un groupe nommé Hippocampe, du nom de la partie du cerveau humain qui est le siège de la fameuse « mémoire » ! Cette association, précise Allard à J. Bourbon, « regroupe quelques chrétiens fanatiques d’extrême gauche, cornaqués par un ou deux enseignants d’histoire en mal de notoriété qui furent eux-mêmes à l’origine inspirés par feu l’archevêque Decourtray ».
L’IGNORANCE CRASSE DES « SIMPLIFICATEURS » MANICHÉENS
Tout cela est d’autant plus aberrant que J.-P. Allard n’a jamais écrit le moindre article « négationniste », ou, plutôt, révisionniste, ni n’a évidemment abordé ces questions dans ses cours, exclusivement consacrés à la langue et à la littérature allemandes du Moyen Age ou aux questions de traduction. Ce qu’ignorent les antifas et les zélotes, ces « terribles simplificateurs » qui se font toujours une image préconçue et préconstruite de leurs ennemis, supposés ou réels, c’est que J.-P. Allard, en authentique savant désireux d’explorer dans toutes les directions son domaine de compétence, avait prévu de créer un groupe d’études consacré à l’étude de l’afrikaans, issu du néerlandais/flamand des XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles, mais aussi un autre groupe d’études qui se serait consacré à l’étude des origines du…yiddish, langue dérivée du moyen haut-allemand !
Savent-ils seulement, ces êtres hideux dévorés par la haine de tout ce qui ne leur est pas semblable, que Gertrude Stein, par exemple, richissime Juive américaine et lesbienne aux idées féministes (mais plutôt conservatrice en politique) qui tenait salon rue de Fleurus à Paris dans l’entre-deux-guerres, accueillant les peintres les plus célèbres du moment, à commencer par Picasso, était en même temps une amie du collaborateur Bernard Faÿ, lui-même carrément lié à des membres du SD allemand ? Mieux, savent-ils qu’il est attesté qu’à la fin de 1942, elle « travaillait encore à la traduction [en anglo-américain] – elle en avait achevé les trois cinquièmes – de Paroles aux Français, recueil des discours du Maréchal pour lequel elle rédigea aussi une substantielle introduction »[9] ? C’est le genre de détail qui tue – qui tue la bêtise, à défaut des fanatiques.
Victime de ce harcèlement, J.-P. Allard tomba sérieusement malade en 2001 et dut renoncer à faire cours pendant un certain temps. Il ne fait aucun doute que cette longue confrontation avec le fanatisme, la bêtise et la haine assombrirent sa retraite, durant laquelle il se montra assez peu productif. Il eut quand même la force de reprendre et de réviser un magnifique article, « La royauté wodanique des Germains », initialement paru en 1982 dans Études indo-européennes, pour le numéro de la revue Nouvelle École consacré aux Germains[10]. Il n’est pas nécessaire d’être « païen » pour en apprécier toute la profondeur et toute l’érudition.
Philippe BAILLET.
Directeur de la rédaction de Sparta, revue des éditions Aidôs (diffusion : www.akribeia.fr)
Notes:
[1] Je remercie tous ceux qui m’ont aidé à recueillir la documentation nécessaire à l’écriture de cette nécrologie d’un homme très discret : en premier lieu Charlotte Jungblut, mais aussi le rédacteur anonyme de la fiche consacrée à Jean-Paul Allard de l’encyclopédie Metapedia, ainsi que Pascal Leloup et Jean Plantin.
[2] Propos tenu dans le cadre d’un entretien (« Avec le professeur Allard, le point sur le terrorisme intérieur à Lyon-III ») accordé à Jérôme Bourbon et paru dans Rivarol le 23 novembre 2001, p. 6.
[3] Coédité par Archè, à Milan, et les Belles-Lettres, à Paris, en 1987.
[4] Édité par le Porte-Glaive, 1986 ; 2e éd. : Amis de la culture européenne, 2022. Chez le même éditeur, J.-P. Allard sera aussi le maître d’œuvre d’un ouvrage collectif, Patrimoine de l’Europe, paru en 1990.
[5] Le Loup-Garou a été édité par une maison aujourd’hui disparue, Art et histoire d’Europe, en 1986 ; 2e éd. : 1988.
[6] Cf. La Révolution des peuples jeunes (textes des années 1916-1923), Pardès, Puiseaux, 1993.
[7] Dernière édition revue et augmentée : La Sfinge, Rome, 2020.
[8] J.-P. Allard, entretien accordé à Jérôme Bourbon.
[9] Antoine Compagnon, Le Cas Bernard Faÿ. Du Collège de France à l’indignité nationale, Gallimard, 2009, pp. 81-82. L’auteur a lui-même été professeur au Collège de France de 2006 à 2021. Je me permets ici de renvoyer à mon étude « Entre Gertrude Stein et Philippe Pétain : Bernard Faÿ par-delà les clichés », in : Philippe Baillet, Le Parti de la vie. Clercs et guerriers d’Europe et d’Asie, Akribeia, Saint-Genis-Laval, 2015, pp. 117-131 ; 2e éd. : 2023.
[10] Cf. Nouvelle École, n° 63-64, année 2014, pp. 95-119. J.-P. Allard, germaniste distingué, tenait au « d » de Wodan, en remplacement du « t » habituel, estimant que cette dernière graphie « s’est imposée par erreur dans l’usage courant au XIXᵉ siècle, où elle a été reprise et popularisée par Richard Wagner » (p. 95, note 2).
Source: RIVAROL - 21 06 2023 - Soutenez RIVAROL : Rivarol.com