Un historien met en garde contre la création d’une « culture de la délation » par le biais de points de signalement permettant aux gens de dénoncer leurs collègues.

 

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Hubertus Knabe a été directeur du Mémorial de Hohenschönhausen, sur le site de la prison politique de la Stasi, jusqu’en 2018 Crédit : Julian Simmonds pour The Telegraph

 

L’Allemagne met discrètement en place un « gigantesque appareil de surveillance » qui risque de créer une culture de la dénonciation semblable à celle des nazis et de la Stasi, a affirmé l’un des plus éminents historiens du pays.

Hubertus Knabe a affirmé que Berlin mettait en place un système tentaculaire de « points d’information » au sein des entreprises et des autorités gouvernementales, qui permettra aux gens de dénoncer leurs collègues, et ce « à l’insu du public. »

La « loi allemande sur la protection des lanceurs d’alerte » est entrée en vigueur en juillet dans le but déclaré de protéger les personnes qui signalent des abus sur leur lieu de travail. Toutes les entreprises employant plus de 49 personnes doivent mettre en place un bureau où le personnel peut signaler anonymement les abus présumés de la loi sans crainte de représailles.

Mais selon Knabe, qui a dirigé pendant près de vingt ans le Mémorial de Hohenschönhausen, situé sur le site de la prison politique de la Stasi à Berlin, la loi a une portée plus large que la simple protection des lanceurs d’alertes.

« Les points d’information ne se contenteront pas d’enquêter sur les soupçons de criminalité, ils s’occuperont également des délits passibles d’amendes », a-t-il écrit dans un article paru cette semaine dans le journal allemand Die Welt. Ils seront même responsables des déclarations des fonctionnaires qui « constituent une violation de l’obligation de loyauté envers la constitution ».

 

« Une atmosphère de peur »

Mettant en garde contre le fait que « il n’y a qu’un pas entre le simple signalement et la dénonciation », Knabe a cité l’exemple de l’Allemagne nazie, où les Allemands dénonçaient avec empressement leurs voisins, souvent « pour en tirer un avantage personnel ou pour se venger. »

Dans le pire des cas, ces points de signalement conduiront à « une atmosphère de crainte semblable à celle que l’on observe dans les dictatures », a-t-il déclaré.

On peut considérer que Knabe a son mot à dire sur la question de savoir jusqu’à quel point l’État est autorisé à sanctionner des cadres supérieurs pour des abus signalés sur le lieu de travail.

En 2018, la mairie de Berlin l’a licencié de manière controversée de la tête du Mémorial de Hohenschönhausen en raison d’allégations selon lesquelles il n’aurait pas su faire face au sexisme sur le lieu de travail. Il s’est plaint d’avoir été licencié sans avertissement ni possibilité de donner sa version des faits.

Ces dernières années, les commentateurs politiques et les experts constitutionnels ont été de plus en plus préoccupés par la prolifération de ce que l’on appelle les « centres de délation », qui sont souvent mis en place en ligne.

 

« Portail d’alerte antiféministe »

Un « portail de signalement antiféministe » géré par la Fondation Amadeu Antonio, une ONG de lutte contre la discrimination financée par le gouvernement fédéral, est particulièrement irritant pour les conservateurs. Il encourage les gens à dénoncer ceux qui distribuent des tracts critiquant la « théorie du genre » ou qui tentent de perturber des événements féministes.

Au début de l’année, l’ONG environnementale Greenpeace a mis en place un portail similaire sur lequel le public pouvait signaler les cafés ne proposant pas de gobelets réutilisables. Tout signalement entraîne l’envoi d’une notification aux autorités locales.

Le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) a employé des tactiques similaires dans le domaine de l’éducation. En 2018, il a créé un site web encourageant les gens à dénoncer les enseignants qui « contreviennent à leur obligation de neutralité. »

Jörg Luyken depuis Berlin

Source : The Telegraph, Jörg Luyken, 19-08-2023

Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

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