En ces jours particuliers, citons ce bel extrait de Nietzsche à propos de Napoléon. En contrepoint aux discours convenus, un texte aux antipodes de l’esprit du temps.
« Notre foi en une virilisation de l’Europe. – C’est à Napoléon (et nullement à la Révolution française qui cherchait la « fraternité » entre les peuples et les universelles effusions fleuries) que nous devons de pouvoir pressentir maintenant une suite de quelques siècles guerriers, qui n’aura pas son égale dans l’histoire, en un mot, d’être entrés dans l’âge classique de la guerre, de la guerre scientifique et en même temps populaire, de la guerre faite en grand (de par les moyens, les talents et la discipline qui y seront employés). Tous les siècles à venir jetteront sur cet âge de perfection un regard plein d’envie et de respect : – car le mouvement national dont sortira cette gloire guerrière n’est que le contre-coup de l’effort de Napoléon et n’existerait pas sans Napoléon.
C’est donc à lui que reviendra un jour l’honneur d’avoir refait un monde dans lequel l’homme, le guerrier en Europe, l’emportera, une fois de plus, sur le commerçant et le « philistin » ; peut-être même sur la « femme » cajolée par le christianisme et l’esprit enthousiaste du dix-huitième siècle, plus encore par les « idées modernes ».
Napoléon, qui voyait dans les idées modernes et, en général, dans la civilisation, quelque chose comme un ennemi personnel, a prouvé, par cette hostilité, qu’il était un des principaux continuateurs de la Renaissance : il a remis en lumière toute une face du monde antique, peut-être la plus définitive, la face de granit. Et qui sait si, grâce à elle, l’héroïsme antique ne finira pas quelque jour par triompher du mouvement national, s’il ne se fera pas nécessairement l’héritier et le continuateur de Napoléon : – de Napoléon qui voulait, comme on sait, l’Europe Unie pour qu’elle fût la maîtresse du monde. »
Frédéric Nietzsche Le Gai savoir §362
Sources : Breizh-info.com, 2021.