FOCUS - La situation s’est améliorée depuis qu’au début des années 2000, la cité où a été tourné le film La Haine, a été largement rénovée. Mais la délinquance se maintient.
Chanteloup-les-Vignes, ville de 10.000 habitants dans les Yvelines, a été l’objet de nouvelles violences urbaines, samedi 2 novembre. Dans la soirée, des jeunes ont pris à partie des policiers et des pompiers tandis qu’un cirque, récemment rénové pour environ 800.000 euros, a été incendié. «Il s’agit d’une bande très organisée qui a décidé de s’en prendre à un certain nombre d’équipements publics, comme symbole d’une ville qui allait mieux», a déclaré la maire (divers droite) de la commune, Catherine Arenou.
La ville qui se décompose entre le village historique de 3000 habitants en surplomb et le quartier de La Noé construit à flanc de colline à partir de 1966, était surnommée «Chicago-en-Yvelines» durant les années 1990. La cité, pensée par l’architecte Emile Aillaud comme une utopie en vase clos, s’est rapidement transformée en cauchemar, mêlant chômage, violences et trafic de drogue. Ce symbole du destin des banlieues s’est cristallisé dans le film La Haine , tourné à Chanteloup-les-Vignes, où Mathieu Kassovitz retrace en 1995 le quotidien de jeunes déstructurés. Pourtant, presque un quart de siècle après le film culte, la ville des Yvelines n’a plus rien à voir avec la grisaille sordide pour laquelle elle a servi de décors.
Squares désenclavés, verdure, halls moins propices au deal et au squat... «Chanteloup ne fait plus peur», constatait en 2015 l’actuelle maire (divers droite), Catherine Arenou. Pour preuve, selon elle: des promoteurs privés investissent depuis plusieurs années, des classes moyennes viennent y acheter des logements. Sur le marché de Chanteloup-les-Vignes, «il y a encore deux ans, on n’arrivait pas à patrouiller, il fallait qu’on y aille à une dizaine ou à une quinzaine, c’était très compliqué de rester une heure sur place. C’était outrages, jets d’œufs ou de projectiles», expliquait, toujours en 2015, le commissaire divisionnaire Aymeric Saudubray, alors chef de la circonscription de Conflans-Sainte-Honorine.
La délinquance persiste
L’État a mis le paquet pour faire de Chanteloup-les-Vignes un nouveau symbole, cette fois-ci d’un renouveau possible des banlieues. La ville des Yvelines est l’une des premières à avoir bénéficié du programme de rénovation urbaine lancé en 2003 par le ministre de la Ville, Jean-Louis Borloo. Certains chiffres reflètent cette embellie. La dette de la ville est passée de plus de 10,8 millions d’euros en 2009 à 5,5 millions en 2017 tandis que la taxe foncière n’a augmenté que de 15% de 2000 à 2014. En 2016, selon l’INSEE, le taux de propriétaires atteint 42%.
Mais d’autres chiffres montrent une réalité beaucoup plus clairsemée: le revenu médian en 2016 n’était que de 17.594 euros en 2016 (contre 20.809 euros dans toute la France et même 25.824 euros dans les Yvelines) avec un taux de chômage de 19,6% (plus de deux fois la moyenne nationale).
Surtout, la délinquance persiste. En 2015, le commissaire divisionnaire Saudubray le reconnaissait: «Reste toutefois un noyau de quelques dizaines de jeunes ancrés dans la délinquance et un risque de montées en pression à tout moment». Le groupe scolaire Roland Dorgelès est un symbole de cette persistance. En 2014, l’école a été incendiée par des trafiquants au motif que des policiers utilisaient l’établissement comme poste d’observation pour surveiller des trafics de drogue. En 2018, le groupe scolaire a de nouveau été incendié. Cette fois-ci, il sera rasé, a annoncé la maire Catherine Arenou, rappelant qu’un projet de «cité éducative» était prévu «depuis des années». Programmé dans le cadre du nouveau «plan de rénovation urbaine» d’un coût prévisionnel total de 43 millions d’euros, il devrait voir le jour d’ici 2022 ou 2023.
Quant aux violences avec les forces de l’ordre, elles sont régulières. Deux exemples récents: lors de la soirée d’Halloween, une quarantaine de personnes ont agressé au moyen de tirs de mortiers d’artifices des policiers qui ont dû répliquer avec des tirs de flash-ball et des jets de grenades incapacitantes. Le 28 septembre, des pompiers ont fait l’objet de jets de projectiles. Ils intervenaient pour secourir un homme d’une cinquantaine d’années, blessé au visage par deux individus qui tentaient de lui voler son téléphone portable.
En 2014, six policiers avaient été blessés dans la cité de La Noé lors de violences urbaines. En janvier 2018, treize personnes, pour la plupart délinquants récidivistes (notamment pour trafic de drogues) ont été condamnées à des peines de prison allant jusqu’à 18 mois pour ces faits.
Des moyens qui partent en fumée
En octobre 2019, lors d’une réunion publique, un habitant de la cité s’est plaint du manque d’éclairage la nuit. La maire DVD Catherine Arenou a vivement réagi: «On a sorti 300.000 euros pour remettre des poteaux sécurisés […] pour que vous ayez de l’éclairage le plus longtemps possible. […] Les personnes [chargées des travaux, ndlr] se sont fait exploser la figure, il y a eu trois blessés». Une nouvelle association baptisée «Espoir», qui a pris le relais du centre social Grain de social, fermé un peu plus tôt, a proposé de créer une maraude de mamans du quartier pour veiller sur le quartier, la nuit. Et l’association d’ajouter, classiquement, à l’adresse de la préfecture, de la mairie et de la Caisse des allocations familiales: «On espère avoir plus de moyens, pour réaliser plusieurs projets».
Des moyens qui ont largement été mis en œuvre ces dernières années pour que «Chicago-en-Yvelines» ne ressemble plus au décor de La Haine. Mais une partie d’entre eux partent en fumée, à l’image du cirque détruit ce samedi soir. En juin 2018, pour l’inauguration du nouveau chapiteau coloré en bois et en zinc, Catherine Arenou avait dit: «Après les événements que la commune vient de vivre, en particulier les deux incendies, dont un criminel, de nos groupes scolaires, l’ouverture de l’Arche est un élément positif». «Nous sommes anéantis mais nous nous relèverons et nous reconstruirons!», a derechef promis l’édile, ce samedi.
Le FIgaro du 3/11/19