I-Média n°348 – Délitement : militaires et policiers brisent l’omerta
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Chute de Québec | Points de repères
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En 1759, alors que la guerre de Sept Ans déchire l’Europe et le Nouveau Monde, la bataille de Québec décide du sort du Canada qui tombe aux mains de la Couronne d’Angleterre…
Comment orienter un discours de président de la République ?
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VACCIN AU TRAVAIL - Face à l'épidémie, le Medef et la CFDT ont uni leur voix ce dimanche pour exhorter les salariés à se faire vacciner.
CITATIONS DE F.G. FREDA
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— « (...) Le but de la culture « la culture intégrale » n'est pas de nous offrir des informations sur le monde, mais d'ajuster notre orientation individuelle à l'idée du monde et, notre orientation étant ainsi ordonnée, de nous permettre d'avoir un regard total sur le monde, de favoriser un comportement cohérent dans le monde. »
— « Les opinions sont des choses individuelles, chacun peut nourrir des opinions. Les idées sont supra-individuelles. »
— « (...) Nous ne pouvons renoncer à notre tâche, qui est de transmettre ce qui nous a été confié, en veillant seulement à la forme exemplaire de notre ligne de conduite. C'est à travers la ligne de conduite exemplaire de chacun que nous témoignons pour notre idée du monde et que la victoire est méritée. »
— « Nous disons alors que la culture intégrale doit être métaphysique, non dérivée des Lumières ; théologique, non logique ; religieuse, non laïque ; « pessimiste », non « optimiste » ; organique, non dialectique ; axiomatique, non critique ; mythique, non historique. (...).
Nous affirmons que la culture intégrale doit obéir à l'âme, non à la raison ; au cœur, non au mental. (...). Nous déclarons que la culture intégrale doit susciter des chefs responsables, non des intellectuels frivoles ; des communautés organiques, non des tourbes associées ; des conduites exemplaires d'hommes, non des attitudes désinvoltes d'individus. »
— « Nous opposons notre non au non de l'histoire et nous confirmons notre oui au oui de l'éternité. »
Source : TOTALITE – N°25, été 1986.
Le peuple ne sait pas qu'il ne sait pas - Charles Péguy
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- Catégorie : POLITIQUE
Tous les partis politiques parlementaires, sans aucune exception, parlent un langage conventionnel, tous l'entendent ; l'opposition républicaine ou réactionnaire n'a rien à envier ici aux différentes et pour un temps fructueuses positions républicaines. Apprendre la politique parlementaire, c'est apprendre à parler ce langage, et les plus grossiers démagogues y parviennent. Savoir la politique parlementaire, c'est savoir parler ce langage et les plus grands orateurs y succombent. Quand le président du Conseil, ministre de l'Intérieur et des Cultes, s'écrie théâtralement que nous allons sauver les droits de la société moderne, chacun entend que ça veut dire que nous allons sauver, ou simplement soigner les intérêts politiques de notre ministère. Car les habitués traduisent immédiatement ; ils font immédiatement la réduction nécessaire ; ce langage appris leur est devenu plus cher et plus familier que le langage maternel ; que le patois du pays ; d'abord, ils entendent au sens vrai, réduit, ce qui est dit au sens politique parlementaire ; ils n'ont aucune hésitation.
Quand un droitier, dit que nous défendons toutes les libertés, les libertés communes, les saintes libertés, les libertés nécessaires, les libertés indispensables, les libertés universelles, réciproquement, tout politique parlementaire entend que nous défendons nos intérêts menacés et nos libertés à nous.
Quand le président du Conseil parle de la chaleur communicative des banquets, tout le monde entend que le président du Conseil veut dire que le ministre de la Guerre et celui de la Marine étaient saouls. Et malheureusement quand Jaurès parlait éloquemment de justice et de vérité pendant le premier temps de l'Affaire (Dreyfus), on croyait qu'il s'agissait de justice et de vérité, parce qu'il parlait encore français ; mais aujourd'hui, quand il parle tumultueusement de justice et de vérité, tout le monde entend qu'il parle politique parlementaire, et qu'il s'agit de sauvegarder et de favoriser les intérêts de la politique jaurésiste gouvernementale.
Tout le monde politique parlementaire, car les bons électeurs, paternellement cultivés, soigneusement et patiemment encouragés par les élus, persistent avec une invincible opiniâtreté à comprendre directement, à écouter fidèlement le langage parlementaire ; ils entendent le langage parlementaire en français, et non pas en parlementaire ; ils entendent le langage de M. Combes, le langage des réactionnaires, le langage de Jaurès comme si c'était du français et non pas comme étant du parlementaire. Ils ne font jamais la réduction, la traduction. De là vient la perpétuelle et inouïe confiance du peuple en ses mandataires. De là vient aussi le perpétuel et inouï abusement du peuple par ses mandataires politiques.
Peut-être assistons-nous ici au phénomène le plus important de toute l'histoire parlementaire contemporaine : le peuple des électeurs entend et parle un certain langage politique presque sincère ; la foule des élus entend et parle un autre langage politique, un langage convenu, tout à fait différent du premier, mais correspondant au premier, formé des mêmes mots que le premier.
Si le peuple politique des électeurs et la foule politique des élus parlaient deux langages politiques totalement différents, il n'y aurait qu'un moindre mal ; ces deux parties de la nation vivraient séparément, et par suite assez indépendamment ; si le langage politique des élus n'était pas formé des mêmes mots que le langage politique des électeurs, les électeurs continueraient à ne rien savoir, mais au moins ils sauraient qu'ils ne savent rien ; ils se trouveraient en présence d'une langue étrangère, mais qu'ils connaîtraient pour étrangère. Ce qui fait presque tout le danger de la situation politique parlementaire des élus et le langage politique des électeurs sont deux langages parallèles, correspondants, à la fois totalement étrangers pour le sens, pourtant formés des mêmes mots, deux langages où les mêmes mots figurent, soutiennent les mêmes rapports, mais en des sens totalement différents, totalement étrangers. Ainsi le peuple croit savoir, et il ne sait pas, et il ne sait pas qu'il ne sait pas.
Le peuple suit des discours entiers, des sessions entières, des législatures entières, des régimes entiers sans y entendre un mot ; mais il croit qu'il entend parce qu'il suit tous les mots et toutes les relations formelles des mots entre eux. Il y a ainsi entre le pays et sa représentation non pas un inentendu, ce qui serait grave, non pas un malentendu, ce qui serait plus grave ; mais un faux entendu perpétuel et universel à qui on est sûr que rien ne peut échapper.
Le peuple et les parlementaires disent la République, la liberté, la révolution; mais ce n'est ni la même République, ni la même liberté, ni la même révolution.
Ch. Péguy
Sources : Les Cahiers de la Quinzaine.
La place de l'Europe dans un monde multipolaire - éléments pour une pensée populiste révolutionnaire
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Un avenir alternatif pour l'Europe
Le monde multipolaire émergent est une révolution géopolitique. Il ne marque pas seulement un changement de paradigme par rapport au court moment unipolaire établi par les États-Unis après 1991, mais aussi la fin de l'hégémonie occidentale. Le processus de multipolarité en cours est en faveur des différentes civilisations et contre le projet libéral de mondialisation. Alors que la mondialisation tente d'unifier le monde sous un seul système politique, une seule idéologie et une seule civilisation, la multipolarité proclame la diversité des différents systèmes politiques, des différentes idéologies et des différentes civilisations.
La multipolarité et le moment populiste
La question se pose donc : Quelle est la place de l'Europe dans ce monde multipolaire ? La position actuelle de l'Europe est incrustée dans l'orbite des Etats-Unis. Après 70 ans d'atlantisme, l'Europe ne semble pas capable d'exprimer ses propres intérêts géopolitiques. Mais comme le disait Hölderlin : « Mais là où il y a danger, les puissances salvatrices grandissent elles aussi ». Le moment populiste a donné naissance à des mouvements comme les Gilets jaunes et des partis contestataires dans toute l'Europe, qui ont déclaré la guerre aux élites libérales. Mais même les mouvements et partis populistes manquent d'une stratégie conséquente contre le mondialisme et le libéralisme. Les attaques des mondialistes sont dirigées contre le cœur de la civilisation européenne. Le christianisme et ses églises sont profanés, les peuples se dissolvent dans les « eaux glacées du calcul égoïste » (comme le disait Karl Marx), la famille est contestée en tant qu'instrument d'oppression, et aussi l'existence même des deux sexes est attaquée parce qu'ils représenteraient le patriarcat pour le gender mainstreaming, alors que le transhumanisme est même prêt à abolir l'humain lui-même pour, dit-on, libérer l'individu. Pour résumer ce danger, le libéralisme attaque sur plusieurs fronts. Mais les populistes ne décident de se battre que sur quelques-uns d'entre eux, notamment parce qu'ils ne comprennent pas l'importance de ces combats. Jusqu'à présent, ils n'ont remis en cause que certains aspects de l'hégémonie libérale et ne saisissent pas toute la panoplie subversive qu'ils forment tous ensemble. Ils appellent à la fin des migrations de masse mais ne remettent pas en question l'OTAN qui détruit la souveraineté des nations partout dans le monde. Ils gardent le silence sur le problème du capitalisme qui détruit leur propre culture et leur religion chrétienne, alors qu'ils crient « N'islamisez pas notre américanisation ! ».
Les deux pères fondateurs de la pensée populiste révolutionnaire : Gramsci et Schmitt
Tous ces aspects de la guerre intellectuelle qui fait actuellement rage en Occident nous montrent la gravité apocalyptique du moment historique que nous vivons. Il est donc plus important que jamais de s'armer, de se blinder intellectuellement et de choisir d'être résolument à l'écart du pandémonium à l'œuvre dans le monde occidental. Dans le cas de l'Europe, nous pouvons choisir entre les élites actuelles et leur vision perverse d'une fin de l'histoire ou la cause des peuples et la continuation de l'histoire. Ce qui manque actuellement aux populistes de toute l'Europe, c'est une théorie révolutionnaire. Mais où peuvent-ils la trouver ?
Tout d'abord, nous devons regarder la période de l'entre-deux-guerres où nous trouvons, d'une part, l'intellectuel communiste Antonio Gramsci et, d'autre part, le révolutionnaire conservateur allemand Carl Schmitt.
Dans la pensée de Gramsci, nous pouvons trouver sa théorie de l'hégémonie afin de mieux saisir le fonctionnement du régime libéral actuel. Si nous adoptons correctement les idées d'Antonio Gramsci, nous nous rendons compte que nous pouvons trouver l'idéologie libérale non seulement dans des phénomènes comme la migration de masse et la détérioration de la sécurité intérieure, ou l'économie capitaliste, mais aussi dans l'unipolarité géopolitique et surtout dans l'homogénéisation délétère de l'espace culturel. Par conséquent, une résistance contre l'hégémonie libérale sur l'Europe doit finir par s'avérer futile si elle n'est dirigée que contre un seul de ses aspects. Si le populisme n'est dirigé que contre un ou deux aspects de l'hégémonie, il doit nécessairement devenir un autre exemple de « modernisation défensive » et échouera finalement à long terme, comme l'a déclaré la théoricienne politique belge Chantal Mouffe. L'émergence du populisme signifie que le politique est revenu en Europe et que nous, Européens, pouvons choisir entre différents projets hégémoniques. Le libéralisme n'est qu'une possibilité - un populisme révolutionnaire orienté autour des principes de la Quatrième théorie politique, formulée en Russie par Alexandre Douguine, est l'autre possibilité. Ce sont les conditions intellectuelles préalables à une Europe souveraine dans un monde multipolaire.
Le land power (la puissance tellurique), le Katechon d'Europe et l'État-nation
Dans le domaine de la géopolitique, les populistes doivent redécouvrir l'opposition, théorisée par Carl Schmitt, entre la terre et la mer. Dans cette opposition, Schmitt démontre le lien entre la puissance maritime et les idées progressistes, alors qu'il met en évidence le lien entre la puissance terrestre et le conservatisme. Comme l'a formulé Alain de Benoist en se référant à Zygmunt Baumann, la puissance maritime tente de tout rendre liquide, elle « liquide » le capital et les migrants pour les laisser couler comme les eaux de la mer (ndt: cette « liquidité » de la pensée politique maritime anglo-saxonne, Carl Schmitt la formule dans son Glossarium, volume dense qu'il ne voulait pas publier de son vivant, volume qui n'a pas encore été traduit en une autre langue). Pour résister à la mondialisation, l'Europe doit devenir une « Europe katéchonique », selon l'expression de Carl Schmitt, un grand espace européen uni, afin de pouvoir s'opposer à l'Antéchrist. À bien des égards, cela signifie que l'Europe doit revenir à ses racines géopolitiques. Premièrement, elle doit reconnaître que l'État-nation, en tant que rejeton de la modernité, a) n'est plus en mesure d'exercer sa souveraineté et b) n'est pas un protecteur du peuple mais un agent des intérêts bourgeois.
Le sujet de la pensée populiste : le peuple
Pour développer une pensée populiste révolutionnaire, il est nécessaire de mettre l'accent sur le sujet même du populisme, c'est-à-dire le peuple. Contrairement à la nation, le peuple n'est pas une communauté artificielle, mais un organisme né d'une histoire charnelle. Il n'est pas constitué d'individus isolés, mais de personnes qui trouvent leur place dans la communauté. Alors que les nations ne connaissent au-dessus d'elles qu'une humanité politiquement homogénéisée et trouvent leur aboutissement logique dans l'État mondial, les différents peuples sont autant de pensées de Dieu, comme le concluait Herder. Au-dessus des peuples, on ne trouve que les civilisations, composées de différents peuples partageant entre eux la même religion, la même histoire, l'espace commun. Chaque peuple pour lui-même est condamné à être liquidé par l'Occident, mais uni au sein d'une civilisation, il peut résister à la tempête.
La multipolarité et le « cœur du monde distribué »
Il est donc impératif qu'une civilisation européenne unie forme un empire commun au sens traditionaliste du terme afin de garantir la paix sur le plan intérieur et de défendre sa souveraineté face à l'assaut mondialiste. Par ailleurs, l'essor des civilisations russo-eurasienne, chinoise et irano-chiite a prouvé ce qu'Alexandre Douguine appelle le heartland distribué. Il n'y a pas qu'un seul cœur, comme l'envisageait Halford Mackinder, mais plusieurs. En tant qu'Européens, nous représentons l'un d'entre eux, notre cœur européen spécifique. Cela signifie que nous devons laisser derrière nous le « fardeau de l'homme blanc », le messianisme libéral des droits de l'homme, la (post-)modernité, le progrès et les Lumières. Nous devons faire face à la xénophobie. Ce n'est que lorsque nous abandonnerons notre arrogance et nos superstitions que nous pourrons prendre place parmi les civilisations égales et revenir à notre héritage chrétien traditionnel. Si les populistes en Europe tirent les leçons de ces événements, en laissant derrière eux les différences stériles entre la gauche et la droite, et formulent un programme révolutionnaire dirigé contre la mondialisation et le libéralisme dans toutes ses dimensions, ils peuvent gagner. La multipolarité dans sa dimension intellectuelle et géopolitique est la clé pour rendre à l'Europe son propre destin. Mais comme dans toute lutte de libération, les Européens eux-mêmes doivent faire le premier pas pour sortir de l'hégémonie occidentale.
La fin du césarisme : réflexion et autocritique comme clés de la multipolarité européenne
Une théorie révolutionnaire permet non seulement aux populistes de toute l'Europe de différencier l'ami, l'ennemi et l'ennemi principal, mais aussi de créer une stratégie afin qu'ils puissent parvenir à libérer l'Europe du libéralisme. Une théorie sophistiquée permet également l'autocritique et met fin au césarisme irréfléchi au sein des mouvements et partis populistes. Les exemples tragiques de gouvernements populistes ayant échoué à cause du césarisme, comme en Italie et en Autriche, appartiendraient au passé.
La multipolarité : Les civilisations unies contre le globalisme
Comme nous pouvons le voir, la multipolarité offre de grandes chances de lutter contre les forces de la mondialisation et de mettre fin à leur progression. Nous en avons été témoins sur les champs de bataille en Syrie, où la Russie et l'Iran ont empêché la chute du président Bachar-al Assad et la montée d'ISIS. Au Venezuela, la Russie et la Chine ont réussi à aider le président Maduro à résister à la déstabilisation et au changement de régime orchestrés par les États-Unis. Si nous voyons ce potentiel d'un front anti-impérialiste composé de différentes civilisations unies contre la mondialisation, il serait logique que l'Europe le rejoigne également à long terme. Il est donc impératif que l'Europe laisse derrière elle l'Occident et forme un pôle propre dans l'ordre mondial multipolaire à venir.
Alexander Markovic est un historien, expert en politique internationale et en géopolitique (Autriche).
Source - Alexander Markovics : La place de l'Europe dans un monde multipolaire - éléments pour une pensée populiste révolutionnaire (VIDEO)
Garibaldi, condottiere italien et général français
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- Catégorie : HISTOIRE
Bernard Baritaud, qui a occupé des fonctions diplomatiques, mais aussi publié des livres, dont une biographie de Mac Orlan, aux éditions Pardès, nous propose, chez le même éditeur, la biographie de cet incroyable aventurier que fut Garibaldi. Il ne tiendra hélas cependant pas ce livre entre les mains et ne lira pas ces lignes. Il vient de décéder, il y a quelques jours.
Enfance et jeunesse
En 1807, Nice, qui avait appartenu au royaume de Sardaigne, était une ville française depuis 1793: les comtés de Nice et de Monaco furent alors rattachés à la France, après vote de la population, constituant le département des Alpes-Maritimes. Joseph-Marie Garibaldi est donc né français, le 4 juillet 1807, à Nice, et il vit le jour, curieusement, dans la chambre où était né, cinquante ans plus tôt, le futur maréchal d'Empire, André Masséna, « l'enfant chéri de la victoire ». Son père était capitaine de la marine marchande et lui donnera certainement le goût de l'aventure sur les mers. Joseph Garibaldi, qui restera très attaché à sa ville natale, deviendra, à sept ans, sujet de Victor-Emmanuel 1er, lorsqu'à la fin de l'Empire, le comté de Nice revient à la maison de Savoie. Ses parents auraient aimé qu'il devînt médecin, avocat ou qu'il entrât dans les ordres. Mais l'enfant n'a pas le goût des études. Il est fasciné par la mer. Bagarreur, impulsif, il va tenter d’embarquer clandestinement pour Gênes, mais sera rattrapé et ramené à Nice. A l'âge de dix-sept ans, il va voyager sur des bateaux de commerce et découvre Odessa, la mer d'Azov, mais aussi Rome: c'est un choc: il voit, dans ces monuments évoquant la splendeur du passé, le seul et unique symbole de l'unité italienne.
Il va vivre des aventures maritimes dangereuses. Son bateau est attaqué et pillé par des corsaires grecs. Il va aussi se retrouver bloqué à Constantinople, du fait de la guerre turco-russe de 1828. En 1832, il reçoit enfin la patente de capitaine. Lors de ses voyages, il fera des rencontres importantes. Il aura ainsi à bord treize passagers français adeptes du saint-simonisme qui lui font découvrir leur idéal d'une société fraternelle, animée par l'esprit d'entreprise, et connaissant la liberté et la paix. Autre rencontre: celle d'un marin qui lui expose les idées de Mazzini et l'intéresse au mouvement « Jeune Italie », une société plus ou moins secrète qui se veut « républicaine et unitaire », prônant une unité territoriale de la péninsule. Garibaldi participera à une conspiration qui échoue. Condamné à mort par contumace le 3 juin 1834, il finira par se mettre à l'abri au Brésil où est établie une communauté de marins ligures.
Les aventures de Garibaldi en Amérique du Sud
On a l'impression de lire un album de Tintin. Lorsqu'il arrive au Brésil, Garibaldi est âgé de vingt-huit ans. Il va passer douze ans en Amérique latine, une terre où les tensions sont permanentes, et se forger une solide réputation de chef de guerre. Garibaldi va ainsi se ranger aux côtés d'une république séparatiste, le Rio Grande do Sul, qui entendait rompre avec le Brésil. De 1837 à 1839, il va combattre l'armée impériale brésilienne sur mer mais aussi sur terre. Il sera blessé, capturé, torturé, libéré... En 1842, le voici commandant de la flotte de l'Uruguay, en guerre contre l'Argentine. Pour défendre la capitale, Montevideo, il va organiser une Légion italienne, qu'il met au service de l'Uruguay. Sur six mille hommes, elle compte cinq à sept cents italiens et deux mille cinq cents d'origine française. Les légionnaires de Garibaldi porteront la fameuse chemise rouge, qui deviendra un élément essentiel du mythe garibaldien. L'origine de cette chemise rouge est des plus étonnantes. Garibaldi avait acheté à bas prix un lot de tuniques de laine rouge qui, étant destiné aux employés des abattoirs de Buenos-Aires, était resté bloqué sur les quais de Montevideo en raison des événements. La laine était rouge pour que le sang des bêtes se remarque moins ! Garibaldi va devenir un héros pour l’Uruguay après la victoire de sa Légion sur des forces ennemies bien supérieures, lors de la bataille de San Antonio, le 8 février 1848. Sa réputation militaire devient internationale. Il va prendre la décision de regagner l'Europe où de grands bouleversements se préparent. C'est le « printemps des peuples ».
Première guerre d'indépendance italienne
En 1848, l'Europe tout entière est secouée par un vent de liberté. Milan se révolte, le 3 janvier, contre l'occupation autrichienne. Le vieux maréchal Radetzky se vantera d'avoir acheté « trente ans de paix par trois journées de sang ». A tort. Trois mois plus tard, il devra évacuer la ville couverte de barricades. Des mouvements populaires ont lieu à Paris, mais aussi à Prague, à Budapest, en Allemagne, à Vienne, dans les Etats pontificaux, en Vénétie. Les hostilités de la première guerre d'indépendance italienne sont engagées lorsque Garibaldi débarque à Nice, le 23 juin, après quatorze ans d'absence. Il prend conscience de sa très grande popularité. Il offre ses services au roi de Sardaigne qui incarne, à ses yeux, la résistance aux Autrichiens. Une proposition plutôt fraîchement accueillie. Garibaldi ne se déclare-t-il pas républicain ? Le gouvernement insurrectionnel de Milan va le nommer général des formations de volontaires. Sa légion compte désormais 3700 hommes. Il n'aura guère le temps de l'engager dans les combats. Les opérations militaires dirigées par le roi de Sardaigne, Charles-Albert, tournent à la catastrophe. Les troupes italiennes vont devoir évacuer la Vénétie, Modène, Parme. Le mouvement est un échec. Garibaldi va entrer dans Rome le 12 décembre pour y jouer un rôle politique. Il est élu député à l'Assemblée constituante de la future République romaine. Pie IX avait quant à lui, quitté Rome de nuit, clandestinement, déguisé en paysan. Accueilli par le royaume de Naples, il va faire appel à l'aide internationale. Le président de la République française, Louis-Napoléon, va envoyer un corps expéditionnaire de 7000 hommes. Garibaldi, nommé général de brigade de la République romaine, bat les Français, puis les Napolitains, soutiens du pape. Mais Rome, assiégée par l'armée française qui compte maintenant 30 000 hommes ne résistera qu'un mois. Les Français entrent le 2 juillet dans la ville. Garibaldi, blessé, est obligé de fuir. En 1850, le drapeau tricolore, un temps espoir d'unité, ne flotte plus que sur le Piémont. Le jeune François-Joseph, empereur d'Autriche, règne sur une bonne part de la péninsule.
Exil à New-York
Il va s'exiler, en juillet 1850, à New-York, où il gagnera sa vie en fabriquant des chandelles. Bernard Bariteau raconte qu'il plonge des mèches dans une cuve de suif bouillant, les retire et les laisse refroidir. Pas très exaltant pour cet aventurier... Il a 43 ans. 18 mois plus tard, il va reprendre la mer, sillonnant le Pacifique, transportant les cargaisons de blé ou de guano en Chine, à Manille, en Australie. Pendant ce temps, un homme nouveau, Cavour, qui jouera un rôle essentiel dans l'unité de l'Italie, devient Premier ministre du royaume du Piémont. Il considère que le Piémont, libre et indépendant, a pour mission de plaider la cause italienne devant l'Europe. Garibaldi va, en janvier 1854, retourner en Europe.
La deuxième guerre d'indépendance italienne
La deuxième guerre d'indépendance ne va pas tarder à être déclenchée. La France va, cette fois-ci, se ranger aux côtés des Piémontais. Cavour va demander à Garibaldi d'organiser des contingents de bersaglieri. Il mènera une véritable guerre de partisans, qui se battront au cri de « Vive l'Italie! Vive Victor-Emmanuel! Mort aux Autrichiens! ». La bataille de Magenta, le 4 juin, courte mais meurtrière, verra la défaite des Autrichiens. La victoire de Magenta est confirmée le 24 juin, à Solferino, où les Autrichiens, qui alignent pourtant 220 000 hommes commandés par l'empereur François-Joseph en personne, sont défaits. 40 000 soldats sont hors de combat dans les deux camps. Une véritable boucherie. Ce massacre poussera Henri Denant à créer la Croix-Rouge. Garibaldi va être nommé major général par Victor-Emmanuel III, et chargé d'assurer la défense de Turin. Il envahit la Lombardie avec son corps franc, bat les Autrichiens et occupe Côme. Sur son uniforme de général, il porte un poncho et a un foulard rouge autour du cou. L'armistice du 11 juillet 1859 met fin provisoirement à la guerre. On négocie. Napoléon III rencontre l'empereur d'Autriche. Mais les clauses du traité déçoivent Cavour et Garibaldi. Le royaume de Sardaigne incorpore certes la Lombardie, mais Venise reste autrichienne. Garibaldi, furieux, flétrit une « politique de renard », qui tergiverse au lieu de frapper fort et vite.
L'expédition en Sicile
Il est vrai que sans Venise, sans la Sicile, sans Naples et sans Rome, l'Italie n'existe pas. Mais la cause de l'unité italienne progresse dans les esprits. Des insurrections se produisent en Sicile, à Palerme et à Messine. L'insurrection de Palerme offre une merveilleuse occasion que Garibaldi va, bien sûr, saisir. Faisons une parenthèse. La vie sentimentale de Garibaldi ne fut pas toujours un long chemin tranquille. Le 24 janvier 1860, il épousait Giuseppina, dont il était tombé amoureux. Las, il découvrait le même jour que sa jeune épouse le trahissait avec un de ses officiers. Il la répudia au terme de la cérémonie nuptiale, et n'obtiendra l'annulation du mariage que vingt ans plus tard. En attendant, soutenu par le royaume de Sardaigne, il va embarquer dans la nuit du 5 au 6 mars, avec mille hommes, à Gênes, sur deux navires. L'expédition est financée par des dons internationaux. Alexandre Dumas et la veuve de Byron y contribuent. Les armes viennent d'Angleterre et des Etats-Unis. Les Mille, comme on les désignera, sont surtout des intellectuels, des étudiants, des artistes. Ils seront accueillis avec ferveur par les Siciliens. Garibaldi va se proclamer dictateur (au sens romain) de la Sicile, formant un gouvernement au nom de l'Italie et de Victor-Emmanuel. Etape suivante: la Calabre où il débarque et marche sur Naples, qu'il conquiert le 7 septembre. Le 1er et le 2 octobre, avec 24 000 Garibaldiens, il bat l'armée des Bourbons, pourtant deux fois plus nombreuse. Les troupes piémontaises ont, quant à elles, vaincu l'armée pontificale, permettant l'annexion des Marches et de l'Ombrie et réalisant leur jonction avec les troupes de Garibaldi. Durant cette campagne, Garibaldi a rencontré Alexandre Dumas qui lui propose de lui procurer des armes en France. Commentaire de Bernard Baritaud: « Une campagne fulgurante, menée par un tacticien de génie avec une troupe d'aventure et le soutien de la population, a défait une armée aguerrie et chassé les Bourbons ».
Garibaldi va rencontrer Victor-Emmanuel le 26 octobre. Mais il ne reçoit pas l'accueil qu'il pouvait légitimement espérer. Le monarque lui donne congé: « Vos troupes sont lasses, les miennes sont fraîches ». L'éternelle ingratitude des princes... Cavour, quant à lui, lui fait savoir que l'on diffère de pousser jusqu'à Rome. L'aventure des Mille s'arrête là. Garibaldi se retire sur son île, à Caprera. Il refuse toute récompense. Ce panache contribuera à sa légende.
Garibaldi, rebelle, en prison
Le projet d'une Italie unie et indépendante bute encore sur deux écueils: Venise et Rome, et sur les "puissances" que Cavour craint d'affronter. Venise est occupée par l'Autriche, Rome et le pape étant sous la protection de Napoléon III, dont Garibaldi pense fort peu de bien. Cavour va mourir à l'âge de 51 ans. Une perte considérable pour l'Italie. Garibaldi se tient à l'affût. Les ambassadeurs américains en Belgique et à Turin lui proposent, avec l'assentiment de Lincoln, de prendre part à la guerre de Sécession comme commandant de division. Tenté un moment, Garibaldi réclame le commandement suprême des armées nordistes, ce qui fait échouer le projet. L'année suivante, Garibaldi va retourner en Italie. C'est en Sicile qu'il va tenter, une fois de plus, et une fois de trop, l'aventure. Il va recruter des volontaires et pénétrer en Calabre. C'en est trop. Il est déclaré rebelle. La marche sur Rome est bloquée par les troupes régulières. Il est blessé à la cuisse et au pied droit. Il fait cesser le feu et se constitue prisonnier. Il est enfermé quelques temps à la prison de Varignano. On a frôlé la guerre civile et évité une intervention militaire de la France pour défendre Rome. Il sera amnistié assez rapidement par Victor-Emmanuel II, sur le conseil de Napoléon III, dans le souci d'éviter que l'on en fasse un martyr, car un fort mouvement d'indignation populaire se développait.
Garibaldi, qui a été élevé à la dignité de grand maître de la franc-maçonnerie italienne, va faire un voyage en Grande-Bretagne. 500 000 personnes l'acclament à Londres. La reine Victoria est réservée: « C'est un chef révolutionnaire », dit-elle. Cela n'empêche pas de hautes personnalités de l'aristocratie britannique de lui offrir une épée d'honneur. Il rentrera dans son île de Caprera à bord du yacht du duc de Sutherland. L'année suivante, la seconde moitié de son île, qui ne lui appartenait pas, lui est offerte par une souscription de donateurs britanniques.
La troisième guerre d'indépendance italienne
C'est la politique internationale qui va permettre la marche vers l'unité. Florence est alors la nouvelle capitale du royaume. En attendant que cela soit Rome. Mais c'est la question de Venise qui sera résolue en premier. Une alliance italo-prussienne va être conclue au détriment de l'Autriche. Bismarck, en effet, veut prendre l'ascendant sur l'Autriche dans la confédération germanique, et il revendique les duchés de Schleswig et de Holstein, contrôlés par Vienne. L'Italie, pour sa part, espère récupérer Venise. Le traité entre la Prusse et l'Italie est ainsi signé le 8 avril 1866. La troisième guerre d'indépendance est déclarée deux mois plus tard, le 20 juin. L'Italie mobilise 200 000 hommes. L'Autriche n'a que 80 000 soldats, mais ce sont des soldats d'élite qui écrasent les Italiens. La victoire prussienne sur les Autrichiens à Sadowa, deux jours plus tard, sauvera l'Italie. Une fois de plus, Garibaldi, avec 40 000 hommes mal équipés, s'était distingué, offrant à l'Italie les seules victoires du conflit. Battue sur terre, battue sur mer, l'Italie n'en récupère pas moins Venise grâce aux Prussiens. Un référendum sera organisé quant au rattachement de Venise à l'Italie. Résultat: 617 246 oui contre 69 non. Victor-Emmanuel entre triomphalement à Venise le 7 novembre 1866. Reste à résoudre la question romaine. Les soldats de Napoléon III n'y sont plus, la bannière pontificale flottant à la place du drapeau français, et ils sont remplacés par une milice papale composée de volontaires catholiques, commandés par un officier français, le colonel d'Argy. Celui-ci arrive à cheval place Saint-Pierre, saluant martialement le pape en français: « Vive le Pape-roi! » Garibaldi ne renonce pas à l'idée de prendre Rome. Il va organiser une nouvelle expédition (la troisième) sur Rome: la « campagne de l'Agro Romano pour la libération de Rome ». Mais le soulèvement escompté des habitants de la ville éternelle ne se produit pas. Sa troupe est relativement peu nombreuse. Le gouvernement italien ne bouge pas. Et la France envoie aussitôt une division. Le 3 novembre, Garibaldi est battu à Mentana, aux portes de Rome, par les Français et les pontificaux. Il y a eu 600 morts dans les rangs garibaldiens, décimés par l'utilisation du nouveau fusil Chassepot, utilisant le chargement par la culasse, et non plus par la bouche, permettant le tir et surtout le rechargement couché, ainsi qu'une cadence de tir accrue. Le général de Failly écrit son enthousiasme au ministre de la guerre Adolphe Niel: « Nos fusils Chassepot ont fait merveille! » C'est l'échec pour Garibaldi qui, désavoué par le roi, est arrêté une fois de plus, incarcéré quelques jours, puis libéré contre la promesse de se retirer dans son île, à Caprera. Cette malheureuse affaire ternit l'image du libérateur auprès d'une partie de l'opinion. Il paraît, d'ailleurs, abattu, diminué. Et Rome sera rattachée à l'Italie sans son concours, le 2 octobre 1870, après la défaite de Sedan. C'est l'armée régulière, et non les chemises rouges, qui défilera dans la ville, après le référendum qui confirmera la réunion des Etats pontificaux au Royaume par 40 785 oui contre 46 non.
Garibaldi, général français
La dernière campagne militaire de Garibaldi sera française. Quand la Troisième République est proclamée, après le désastre de Sedan, il se met à disposition du nouveau gouvernement, sans obtenir de réponse. Il n'en débarque pas moins à Marseille, le 17 octobre 1870 et se rend à Tours où, Paris étant assiégé, se trouve le gouvernement provisoire. « J'étais trop malheureux quand je pensais que les républicains luttaient sans moi », dira-t-il. Gambetta, ministre de l'Intérieur et de la Guerre lui offrira le commandement des corps francs de la zone des Vosges, de Strasbourg à Paris, les généraux français ayant refusé de servir directement sous ses ordres. Les volontaires affluents de partout: d'Alger, d'Oran, d'Italie, d'Espagne, de Hongrie, des provinces françaises. Ils sont mal équipés et doivent assurer leur subsistance par des réquisitions, ce qui les rendra impopulaires. De plus, les casernes étant occupées, ils logent, à Dole ou à Autun, dans des collèges religieux ou des séminaires, ce qui révulse les catholiques. Garibaldi va aussi choquer les bonapartistes, s'en prenant dans une déclaration au « plus stupide des tyrans qui a conduit des hommes vaillants au désastre ». Il est vrai que sa haine pour l'empereur est cuite et recuite. N'avait-il pas donné à ses ânes de Caprera les noms de Pie IX et de Louis-Napoléon ? La campagne, à laquelle participent deux de ses fils, Ricciotti et Menotti, qui commandent deux brigades, verra se produire un coup d'éclat. Les 400 voltigeurs de Ricciotti tuent, à Chatillon-sur-Seine, une centaine d'Allemands et font 160 prisonniers. Le seul drapeau pris à l'ennemi durant cette guerre est celui du 61ème régiment poméranien, dont les hommes de Ricciotti se sont emparés ! Mais la campagne prend fin avec la capitulation de Paris, le 28 janvier 1871. Les légions garibaldiennes sont licenciées en mars avec deux mois de solde et se dispersent.
Elu député en France
En février ont lieu en France des élections législatives. Garibaldi, qui n'est pas candidat, est cependant élu dans cinq circonscriptions, dont Paris et Alger, comme le permettait le mode de scrutin à l'époque. Son élection sera invalidée car il n'a pas la nationalité française. Victor Hugo, furieux, rappelle qu'il est « le seul général qui n'ait pas été vaincu », et démissionne de l'Assemblée. Zola, quant à lui, commente: « C'est une honte pour la France d'avoir marchandé un remerciement à ce soldat de la liberté ». Lorsque les insurgés de la Commune demanderont à Garibaldi de prendre la tête de la Garde nationale, il refusera, arguant du fait qu'il s'agit d'une affaire intérieure française. En Italie, le roi va entrer solennellement à Rome, le 2 juillet 1871 et le parlement italien s'y réunira pour la première fois le 27 novembre.
La fin de l'aventure
Dans les années qui suivent, Garibaldi, qui a encore des charges familiales avec ses jeunes enfants, connaît des difficultés matérielles. Il tente de les résoudre, sans y parvenir, en publiant des romans. En 1874, il refuse une pension votée par le Parlement et approuvée par Victor-Emmanuel II, pension qu'il acceptera deux ans plus tard. Il a encore une activité politique et est élu député de Rome en 1875. En 1881, encore, il s'élèvera contre le traité du Bardo qui permet la mainmise de la France sur la Tunisie où résident de nombreux Italiens. Mais sa santé est altérée. Il meurt, entouré des siens, le 2 juin 1882, à l'âge de 75 ans. La nouvelle de son décès causera partout une forte émotion. Victor Hugo déclare que « l'Italie n'est pas en deuil, ni la France, mais l'humanité ». Le parlement de Rome décrète un deuil national. 4000 personnes, venues du continent, et notamment des représentants des conseils municipaux de Paris, de Lyon, de Nîmes et du conseil général de la Seine, assistent aux obsèques, le 8 juin. Son corps repose à Caprera, dans un sarcophage fermé par un bloc de granit.
Un étrange destin
C'est sous le titre de « Un étrange destin » que Bernard Baritaud nous propose la belle conclusion de son livre. Lisons-la: « Destin étrange, en effet, que celui d'un gamin niçois qui, peu ou mal instruit, deviendra un excellent navigateur, se révélera un stratège de premier ordre, et jouera un rôle politique significatif dans l'histoire de son temps. Garibaldi est hors normes. Homme politique, il est député uruguayen, parlementaire du royaume de Sardaigne (quatre législatures), du royaume d'Italie (huit législatures), député de la République romaine (cinq mois et treize jours), député français (quinze jours). Homme de guerre, il se bat en Uruguay, sert le royaume de Sardaigne, la République romaine, le royaume d'Italie, la République française. Il commande une flotte aussi bien que des forces terrestres. Il est général, puis il ne l'est plus, puis il le redevient. Ses troupes sont composées de volontaires qui accourent à son appel, se dispersent une fois les hostilités terminées, se reforment-ce ne sont jamais les mêmes- pour une nouvelle campagne. Viscéralement hostile à l'Eglise, notoirement franc-maçon, il est adulé par une population très majoritairement catholique. Il est incontrôlable. On se sert de lui, il le sait, il l'accepte, mais rien ne l'empêche de se consacrer à la cause qui, seule, compte pour lui, celle de la liberté. Le peuple de ce pays peut se reconnaître en lui. Garibaldi a le sens de la mise en scène. Son personnage -chemise rouge, poncho, calotte brodée- ne laisse pas indifférent. Il a du panache. Il sait se battre, mais ne tire pas profil personnel de ses victoires, et il est parfaitement intègre. Il ne fait pas "carrière". Il n'était pas un homme d'Etat. Les gouvernements s'en défiaient. Il était un homme de guerre, mais pas un véritable militaire. Les généraux de tradition le toisaient et refusaient de servir sous ses ordres. il était parfaitement indépendant, et c'est ce qui faisait sa force. L'historien Denis Mack Smith juge qu'il était trop prudent pour être révolutionnaire. Il avait, certes, une juste appréciation des événements. L'immense popularité, dans la Péninsule comme à l'étranger, qu'il connut de son vivant, la caution glorieuse que lui apportèrent de grands contemporains, comme Victor Hugo, le prestige qui, aujourd'hui encore, s'attache à son nom, font de Garibaldi un personnage historique singulier qui fait définitivement partie de l'imaginaire collectif ».
Robert Spieler – Rivarol 2021
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« Garibaldi » de Bernard Baritaud, éditions Pardès, 128 pages, 12 euros
Romain D'Aspremont répond aux questions de la « Nietzsche Académie »
- Détails
- Catégorie : PHILOSOPHIE
Q : Quelle importance a Nietzsche pour vous ?
R : Il est moins le penseur qui m'a le plus influencé que celui dans lequel je me suis le plus retrouvé. Un auteur qui nous influence transforme nos opinions ; Nietzsche les a affinées, perfectionnées.
L'auteur qui a réellement transformé ma vision du monde est le philosophe idéaliste Bernardo Kastrup, pour lequel la matière n'est que la projection, l'apparence de la conscience. Tout comme Nietzsche, Kastrup est influencé par la métaphysique de Schopenhauer (la nature de la réalité est la volonté, non pas rationnelle mais instinctive).
Kastrup m'a toutefois permis de réaliser que la vision cosmologique de Nietzsche, selon laquelle la nature de la réalité est la volonté de puissance qui gouverne le vivant comme l'inerte, est compatible avec les dernières découvertes dans le domaine de la physique quantique (qui rendent le matérialisme et le dualisme intenables).
Nietzsche est toutefois le seul penseur idéaliste (le « volontarisme métaphysique » de Schopenhauer et de Nietzsche est une forme d'idéalisme) à ne pas sombrer dans une vision de type bouddhiste : le cosmos ne reflète aucun « amour universel » venant apaiser le cœur des êtres maladifs pour lesquels l'existence n'est que souffrance dont il faut se libérer.
Q : Etre nietzschéen qu'est-ce que cela veut dire ?
R : Viser le dépassement de soi, du groupe, de l'espèce. Ne pas se complaire dans une nostalgie morbide, mais créer les conditions propices à l'éclosion d'une nouvelle espèce, plus énergique et créative qu'Homo Sapiens, délivrée du ressentiment, du nihilisme et de la haine de soi. Nietzsche a compris que l'Homme était une espèce maladive, qui s'est hissée trop rapidement au sommet de la chaîne alimentaire, sans avoir eu le temps de développer la confiance en soi propre à tout prédateur. Notre conscience est « notre organe le plus faible et le plus faillible »; y voir un accomplissement de l'évolution darwinienne est une erreur. La nature humaine n'est qu'une ébauche, une construction branlante.
Le plus grand crime contre l'espèce serait de vouloir figer son évolution et, par là même, l'empêcher de prendre le contrôle de son avenir biologique. Voir en Nietzsche un penseur conservateur et anti-transhumaniste est erreur. Nietzsche est l'inverse d'un penseur de l'impuissance et de l'auto-limitation. Il nous intime d'affronter le danger qu'implique toute entreprise de dépassement : « L'homme est une corde tendue entre la bête et le Surhomme, une corde au-dessus d'un abîme.» Ce fil au-dessus de l'abîme, c'est le transhumanisme ; c'est précisément la raison pour laquelle il nous faut nous y aventurer. Le dysgénisme est un abîme plus effroyable encore.
Q : Quel livre de Nietzsche recommanderiez-vous ?
R : Généalogie de la morale est son livre majeur car il dévoile la nature du poison qui ronge l'Occident : le Christianisme, la matrice de la gauche, de l'égalitarisme, du pacifisme, de la haine de soi. Les personnes de droite attachées à la défense du christianisme se doivent de lire ce texte, qui leur permettra de réaliser leur formidable incohérence intellectuelle. La droite se sent l'obligation de tout conserver du passé. Nietzsche souligne l'importance de l'oubli, de la purge – nécessité biologique et civilisationnelle. La mauvaise conscience faite religion ne saurait être conservée. Généalogie de la morale doit toutefois être complété par les Ecrits posthumes dans lesquels Nietzsche esquisse sa vision du Surhomme.
Q : Le nietzschéisme est-il de droite ou de gauche ?
R : Nietzsche est le père de la droite prométhéenne (révolutionnaire ou faustienne). Ses valeurs sont de droite (hiérarchie, amour de la lutte) mais anti-conservatrices. Il considère les conservateurs comme une version appauvrie de la volonté de puissance : ils se contentent de conserver au lieu de croître. C'est là notre droite : une droite du juste-milieu, de la juste-limite, à taille humaine. Une droite-bonsaï. Tandis que la droite conservatrice s’interroge sur « comment conserver l’homme […], Zarathoustra demande […] comment l’homme sera-t-il surmonté [1]? »
La droite est tellement sclérosée dans son conservatisme que la volonté nietzschéenne de forger un homme nouveau – le Surhomme – est parfois assimilée à une entreprise gauchiste. Depuis la défaite du fascisme, le concept de progrès est tout entier assimilé à la gauche : que l'on ne cherche pas plus loin la cause profonde de la mort de l'Occident et de la suprématie idéologique de la gauche. Nietzsche nous permet de comprendre, ou plutôt de redécouvrir, que la volonté de dépassement et de progrès (osons nous emparer de ce concept !) est intrinsèquement de droite, car elle est le moteur même du vivant. La gauche est le royaume de l'égalitarisme, de la conservation, c'est-à-dire de la mort. La droite doit être celui du dépassement, de la rupture : « L’homme est le prétexte à quelque chose qui n’est plus l’homme ! C’est la conservation de l’espèce que vous voulez ? Je dis : dépassement de l’espèce [2]. »
Pour notre époque, cela signifie embrasser le transhumanisme, au moins dans sa dimension génétique (plutôt que cybernétique). Dans Zarathoustra, la dimension eugéniste est explicite, avec cet appel à améliorer l’espèce : « C’est un corps supérieur que tu dois créer (...) – c’est un créateur que tu dois créer. Mariage : ainsi je nomme de deux être le vouloir de créer un seul être qui soit plus que ses créateurs. »
Q : Quels auteurs sont à vos yeux nietzschéens ?
R : Trop peu parmi les auteurs majeurs. Spengler s'en approche, mais il demeure hélas trop conservateur. Pour Nietzsche, l'âge d'or est à venir tandis que Spengler demeure désespérément décliniste.
La Doctrine du Fascisme, co-écrit par Giovanni Gentile et Mussolini, est une remarquable tentative de transformer l'individualisme de Nietzsche en une idéologie du dépassement collectif, dans le cadre d'un Etat totalitaire. Si cette œuvre semble trahir la pensée de Nietzsche (penseur de l'individu, aux antipodes d'un Etat totalitaire), il faut garder à l'esprit qu'il nous exhorte souvent à ne pas concevoir ses écrits comme formant une doctrine.
Q : Pourriez-vous donner une définition du Surhomme ?
R : Par-delà le bien et le mal, il est créateur de valeurs nouvelles, c'est pourquoi il est si délicat à définir. Il est un processus de dépassement permanent vers un surplus maîtrisé de vitalité, d'instincts, de sensibilité et de chaos intérieur.
L’élitisme nietzschéen, qui affirme qu’ « un peuple est le détour que prend la nature pour produire six ou sept grands hommes – et ensuite pour s’en dispenser » est individualiste, ce qui le rend difficile à traduire politiquement. Ses surhommes semblent des demi-dieux solitaires et nomades, hermétiques les uns aux autres ; dans ces conditions, la société est à peine possible. Il semble qu’il n’y ait pas un seul type de surhomme, mais une infinité.
Le rapport entre les surhommes et les hommes du troupeau n’est pas non plus hiérarchique. Nulle volonté de gouverner la masse, ni même de l’élever : « Le but n’est absolument pas de comprendre [les Surhommes] comme maîtres des premiers, mais au contraire : il doit y avoir deux espèces qui coexistent : les uns comme les dieux épicuriens, ne se souciant pas des autres ». C’est un élitisme de la frontière, de l’éloignement. Toute relation entre les surhumains et le troupeau est synonyme d’abaissement des premiers.
Si l’homme fasciste se sacrifie pour la communauté, Nietzsche préfère sacrifier la communauté pour qu’advienne le surhumain. Cet individualisme est séduisant pour la jeunesse, mais il est également la raison pour laquelle la pensée de Nietzsche ne saurait, telle quelle, régénérer l'Occident, enferré dans un individualisme jouisseur. Il nous faut penser un juste milieu entre Nietzsche et Mussolini.
Votre citation favorite de Nietzsche ?
« L'homme est une corde tendue entre la bête et le Surhomme, une corde au-dessus d'un abîme.»
Romain D'Aspremont
Il est l'auteur de The Promethean Right (La Droite Prométhéenne) et de Penser l'Homme nouveau.
Notes:
[1] Zarathoustra, livre IV, « De l'homme supérieur ».
[2] Friedrich Nietzsche, Fragments posthumes, IX, Gallimard. p. 214.
Source : Euro-synergies 01/02/2021
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