Covid 19 et Grande Réinitialisation, réflexions autour d’un livre et de ses auteurs.
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Covid 19 : La Grande Réinitialisation (Forum publishing – Éditions du Forum Économique Mondial – 2020). Les auteurs : Klaus Schwab & Thierry Malleret.
Thierry Malleret est un consultant international qui dirige un service d’analyse prédictive privé destiné aux dirigeants des secteurs publics et privés qui gravitent autour du World Economic Forum. Formé à la Sorbonne et à Oxford (pépinière traditionnelle de l’élite mondialiste anglo-saxonne), ancien du cabinet de Michel Rocard (1er Ministre de mai 1988 à mai 1991 : ce qui ne fait pas de Malleret un « perdreau de l’année »…), ce parcours le rattache à la « seconde gauche » sociale-capitaliste, il réside en Savoie et cultive aussi la pratique de la montagne. Son épouse Mary-Anne, d’origine anglaise, a été durant une dizaine d’années membre du cabinet du Prince Charles. La famille Windsor est, depuis très longtemps il faut le rappeler, l’un des piliers discrets du mondialisme occidental.
Klaus Schwab, 83 ans, d’origine allemande, professeur d’économie, président fondateur du World Economic Forum (W.E.F.) / dit « Forum de Davos » (créé en janvier 1971 sous le nom de Symposium économique européen, puis qui devenu, en 1987, sous l’effet du succès, W.E.F. – Présidence Schwab effective jusqu’en 2017 ; depuis le Président est le norvégien Børge Brende, ancien politicien conservateur et dirigeant de la Croix Rouge). Notons que Klaus Schwab est propriétaire de la marque W.E.F.…
L’objet de Davos est d’œuvrer à la coopération mondiale entre secteurs publics et privés du monde occidental (même si on y voit des entreprises chinoises, comme le chinois Ali Baba ou des acteurs économico-politiques d’autres zones mondiales: en fait, ces présences se justifient par de la veille stratégique : Davos est un endroit où les gens qui comptent doivent être, quel que soit leur avis sur les questions traitées, afin de « prendre la température », pour être à l’affût des grandes tendances du monde occidental).
La naissance du W.E.F. prend place dans une séquence Bilderberg (1954 : comme une instance d’échanges autour de l’Alliance Atlantique pour nourrir des projets stratégiques et politico-économiques), Trilatérale (1973 : destinée à associer au premier groupe les éléments asiatiques raccordés à l’Occident Atlantique) … La transformation en W.E.F. en 1987 se fait à une date symbolique : la fin officielle de la Guerre Froide par victoire du camp occidental. Le W.E.F. est devenu aujourd’hui le « Parlement » de l’oligarchie occidentale, c’est à dire au sens étymologique, l’endroit où l’on parle et échange. Les cercles moteurs de l’Oligarchie occidentale viennent y « tâter le cul des vaches » : voir comment est ressenti le résultat d’un certain nombre de cogitations qu’on y infuse en permanence ; Le W.E.F. est un exercice de Soft Power : rien n’est imposé ou ficelé d’avance, tout nait des conversations entre gens sur la même longueur d’onde … ou pas : avec pour objectif le consensus. On en retire souvent le sentiment que ce qui sort du W.E.F. est un compromis entre diverses factions oligarchiques.
Il est instructif d’aller voir sur le site Internet du W.E.F. (en partie en français) la somme des partenaires classés par ordre alphabétique : il y a du lourd en termes de capitalisation boursière ! Il est intéressant aussi de regarder l’agenda des projets : tout est public mais écrit en langue de coton afin d’être lu avec bienveillance ; il y a donc nécessité de décoder le fond des projets mais rien n’est caché il est important de le souligner : il n’y a pas de complot au sens strict du terme. La Grande Réinitialisation y est expliquée et intégrée publiquement dans un agenda proposé aux états pour des politiques publiques. Il s’agit, avec le W.E.F., de stratégie d’influence à plusieurs niveaux.
Le livre, nous dit Klaus Schwab, a été relu par des membres du W.E.F. (il ne dit pas lesquels) avant publication (début de l’été pour la version anglaise – automne 2020 pour la version française). On peut donc le considérer comme un point de vue officiel du Forum de Davos ou, au moins, comme une synthèse / compromis des réflexions de son premier cercle dès la première période du Covid. La précocité de la rédaction du livre par rapport au début de la crise du Covid est un indice qu’il s’agit bien de réflexions antérieures réutilisées à cette occasion.
L’expression « Great Reset », qui s’inspire du langage informatique (remise d’un système dans ses conditions de démarrage), semble avoir été forgée en 2014 au FMI, dans l’entourage de Christine Lagarde, alors Directrice Générale, devant les conséquences prévisibles des politiques financières accommodantes suite à la crise de 2008. En effet, ces politiques accommodantes consistaient à inonder les grands acteurs économiques et financiers de liquidités créées ex nihilo ce qui, passé le moment aigu d’une crise, fonctionne comme une drogue, les bénéficiaires réclamant sans cesse leur nouvelle « dose », avec le risque à terme d’une dépréciation radicale des monnaies. Dans l’esprit des experts du F.M.I., le « Great Reset » était alors un projet de purger le système financier et de le relancer pour un nouveau départ.
Pour Klaus Schwab et ses collègues, l’ambition va au-delà, puisqu’il s’agit de réinitialiser le système économique dans son ensemble, ainsi que le système politique et le système des expériences et des valeurs sociales. C’est une réinitialisation globale qui est visée.
Le livre « Covid 19, la Grande Réinitialisation » doit se comprendre aussi dans le prolongement d’un précédent livre de K.S. : « La 4ème Révolution Industrielle ».
Une Révolution Industrielle est le résultat de l’addition et de la multiplication réciproque des effets d’une révolution technologique. Il s’agit, de nos jours, de la triple révolution des sciences et technologies numériques, physiques et biologiques débouchant sur l’Intelligence Artificielle, la robotique, le big data et son exploitation ainsi que les biotechnologies… avec, en toile de fond, la perspective transhumaniste : celle-ci est voulue, selon le point de vue des dominants pour ses effets positifs de démultiplication des potentialités humaines, et, visant les dominés, pour faciliter leur « gestion ».
Il faut bien préciser dès maintenant que le contenu du dernier livre de Schwab et Malleret n’est pas lié spécifiquement au surgissement du Covid. Le Covid a été l’occasion de donner un coup d’accélérateur pour des idées et des projets qui étaient déjà là, parce que correspondant depuis un certain nombre d’années à une nécessité (toujours du point de vue des dominants).
Que contient le livre ?
Il est construit en trois parties inégales en taille qui détaillent la Grande Réinitialisation soit à l’échelle mondiale (la plus grosse partie car c’est ce qui intéresse en premier lieu les davosiens), à l’échelle de l’entreprise et à l’échelle individuelle. Je renvoie au livre qui est disponible gratuitement en format PDF sur Internet.
C’est objectivement un livre médiocre… un peu moqué pour cela par les intellectuels de la dissidence (Antipresse, Éléments etc.) qui se demandent comment il peut se faire qu’un tel ouvrage ait reçu le patronage de tant de puissants, tant il contient de « bisounourseries », d’enfilages de banalités, de truismes et d’enfonçages de portes ouvertes. Il prône, entre autres, et tout en prenant ses distances avec les « effets pervers » possibles pour la démocratie, la surveillance généralisée du « parc humain » pour le bien sanitaire de celui-ci. Il semble s’inscrire dans un modèle de socialisme piloté par les grandes entreprises (cf. Fabianisme et Saint-Simonisme) qui seront propriétaires des biens dont les gens ordinaires ne seront que les locataires/usufruitiers (si on ne peut plus faire sa fortune sur la vente/consommation, on pourra la faire sur de la location à vie) : les historiens auront reconnu une forme archéo-futuriste de l’ancien servage : c’est la vieille fascination de l’Oligarchie occidentale pour la manière dont le communisme « tient » sa population qui ressort, fascination relancée par l’expérience des transnationales en Chine communiste. (Cf. sur ce point Flora Montcorbier : « Le Communisme de marché : de l’utopie marxiste à l’utopie mondialiste » (L’Âge d’Homme, 2000)).
À qui s’adresse-t-il ?
Visiblement pas aux intellectuels et universitaires (pour ce que j’ai pu juger du parallèle entre la Peste Noire et le Covid, le niveau d’analyse historique y est très rudimentaire, voire affligeant pour quelqu’un frotté de savoir universitaire) … Il me semble destiné à la classe dirigeante et à celle des cadres supérieurs de l’Occident … ce qui témoigne, par parenthèse, de leur baisse de niveau… C’est un agenda, c’est-à-dire une feuille de route, pour une dernière bataille désespérée visant la maîtrise d’un monde qui échappe à l’Occident, contrairement aux apparences. Cela me paraît plus un point d’aboutissement pour serrer les vis, pas nécessairement un point de départ dynamique, et c’est là qu’il faut faire un retour vers le passé pour mettre les choses en perspective.
D’abord rappel de quelques points qui fondent mon analyse : Je me situe dans la lignée de l’École réaliste des sciences politiques (Pareto, Michels, Negro-Pavón : on peut commencer par ce dernier car il fournit des références pour creuser la question : in « La loi de fer de l’Oligarchie. Pourquoi le gouvernement du Peuple, par le Peuple, pour le Peuple est un leurre », L’Artilleur, 2019) qui fait état de :
- La Loi de Fer de l’Oligarchie combinée à la règle parétienne des 80 / 20 : Quels que soient les temps, les lieux, les peuples : les petits nombres commandent et s’imposent aux grands nombres. Au sens étymologique, c’est le règne de l’Oligarchie. (Pour un développement : voir ma brochure « Pour une boussole métapolitique » EdF, 2019 que l’on peut se procurer auprès de TP, La Licorne- 2, chemin des Monts - 42110 Feurs).
– Ingénierie culturelle, politique et sociale : La gestion – manipulation des grands nombres par les petits a, de tous temps, nécessité des pratiques qu’on appelle, à la suite de Lucien Cerise « ingénierie sociale » (Cf. son ouvrage majeur : « Neuro-pirates. Réflexions sur l’ingénierie sociale », KontreKulture, 2016), mais je préfère, par souci de précision, parler à la fois d’ingénierie culturelle – métapolitique -, d’ingénierie politique – propagande et manipulation - et d’ingénierie sociale quand on travaille spécifiquement sur les représentations des populations. Cette ingénierie est devenue « scientifique » avec le progrès des connaissances psycho-sociales au début du XXème siècle, mais les anciens la pratiquaient instinctivement sans lui donner de nom !
– la notion de système socio-technique : cette notion prend place quand les innovations techniques produisent des changements culturels, sociaux et sociétaux. Elle est liée à la notion de Révolution Industrielle et produit des mutations qui fonctionnent en essaim avec impact sur l’instruction – la culture – et les rôles politiques.
Notre Oligarchie est une Ploutocratie (oligarchie fondée sur la richesse) en formation depuis le XVIIème siècle, avec une accélération de son emprise durant la 1ère Révolution Industrielle. Aujourd’hui le Système oligarchique occidental me semble articulé autour de trois niveaux : la vraie oligarchie des possesseurs de capitaux (elle est la seule à être réellement autonome et se subdivise elle-même en petite, moyenne et grande, voire très grande, selon les niveaux de fortune) – la classe dirigeante : c’est une oligarchie par aspiration (c’est à dire qu’elle côtoie d’assez près la vraie oligarchie pour en partager les références, une partie du genre de vie, de même qu’elle souhaite l’intégrer mais elle est en fait, dépendante pour ses revenus et sa position sociale de la vraie oligarchie. En réalité, c’est la classe des domestiques de rang supérieur, la classe des majordomes dirait-on dans l’ancien monde) – la classe des cadres supérieurs, classe dirigeante par aspiration (C’est la classe qui agit réellement sur le terrain pour traduire en réalisations pratiques les options dirigées par la classe dirigeante. Elle aspire à intégrer celle-ci par son travail et ses capacités mais, comme elle est dans l’entre-deux, elle peut aussi basculer dans le soutien aux classes moyennes et populaires. C’est aujourd’hui un point faible, selon moi, car elle prend de plein fouet les innovations de la 4ème Révolution Industrielle qui peuvent conduire à réduire son nombre).
Les grandes lignes de la constitution de notre monde selon les principes énoncés ci-dessus, en y replaçant toujours le triptyque : éducation – culture – participation politique, sont les suivantes :
- XVIIème – XVIIIème siècles : Émergence d’une ploutocratie marchande et financière dans le monde anglo-saxon protestant, marginalement influencé dans cette période par une oligarchie juive elle-même en voie d’émergence. L’Occident moderne (essentiellement basé sur l’économisme, le libéralisme et l’individualisme etc.) se constitue alors.
- XVIIIème – XIXème siècles : Les siècles de la 1ère Révolution Industrielle : celle-ci est essentiellement axée sur l’ensemble charbon – acier, machine à vapeur et le développement de la mécanisation. On assiste alors à une complexification sociale croissante.
- Dernier tiers XIXème siècle – jusqu’au dernier tiers du XXème siècle : C’est l’époque de la 2ème Révolution Industrielle : Soit l’ensemble, électricité – pétrole – chimie + automobile + Organisation Scientifique du Travail (Taylor et le taylorisme) + chaîne industrielle (Ford) + consommation de masse (permise par la baisse du temps de travail et la hausse des rémunérations) + stimulations économiques (publicité pour stimuler le désir et obsolescence programmée des produits pour obliger au renouvellement) + affirmation de la forme moderne de la ploutocratie (les marchands financiers fusionnent avec les entrepreneurs). Conséquence : Recherche de l’intégration des masses d’où : Démocratisation de l’Instruction/de la Culture /de la représentation politique qui nécessitent une ingénierie culturelle, politique et sociale plus efficace, donc plus scientifique car « il faut que tout change pour que rien ne change ».
- Dernier tiers du XXème siècle : Le temps de la 3ème Révolution Industrielle : électronique – automatisation – informatisation – révolution des transports maritimes et aériens ; Hausse considérable de la productivité + début des problèmes de ressources. On assiste à un basculement du monde sociotechnique : le travail humain s’amoindrit, perd en importance dans le processus d’accumulation du capital et la consommation de masse pèse sur les ressources naturelles faisant apparaître la problématique écologiste + fin du diable soviétique (le soviétisme fut une tentative de soumission de la Russie à l’ordre occidental qui a échappé à ses concepteurs pour devenir un modèle messianique concurrent qui obligeait la Ploutocratie à une certaine retenue : c’est une autre histoire qui interfère ici) : Commence alors le temps des hommes inutiles pour lesquels on n’a plus de gants à prendre.
- 1970 – 2000 : Une évolution en biseau se produit, à la fois l’achèvement du modèle de mondialisation consumériste de masse et le basculement vers le temps des hommes superflus : c’est l’apogée de la croissance tirée par la consommation de masse – qui entraine des problèmes écologiques et l’épuisement des ressources – le jeu financier remplace alors la production comme facteur d’enrichissement des oligarchies (la finance se déconnecte progressivement de l’économie réelle) – fin du communisme – retour de la Chine (celle-ci était la première puissance économique mondiale au XVIIIème siècle et tend à le redevenir) – L’Oligarchie occidentale triomphe mais prend conscience de la fragilité de son modèle à la fois sur le plan écologique et sur celui de l’économie-casino qui est devenue sa drogue.
- 1990 - ? : La 4ème Révolution Industrielle de Klaus Schwab + « Il faut que tout change pour que rien ne change » (saison 2 !) : Il faut à la fois résoudre les problèmes écologiques et économiques occasionnés par les 2ème et 3ème Révolution Industrielle et sauver le mode de vie et le genre de vie de la Ploutocratie en sacrifiant au besoin ceux des hommes inutiles qui, au sens propre, « pompent l’air pur » des oligarques.
- Problème : comment, sinon s’en débarrasser, du moins les neutraliser ou les cantonner ? Si possible en recherchant la servitude volontaire et donc leur assentiment à leur rétrogradation.
- Une des méthodes : Instrumentaliser les vrais problèmes. Par exemple, l’écologie : Le Club de Rome (think tank financé par de très grandes entreprises), produit le rapport Meadows de 1972 ! qui montre les impossibilités d’une croissance indéfinie dans un monde fini. Le constat n’est pas faux mais il débouche sur la décroissance et la sobriété « volontaire » devenant des objectifs… surtout pour les gens ordinaires. La Ploutocratie, bien informée, a perçu avant tout le monde les limites du modèle qui a fondé sa richesse et sa domination et trouvé sa solution écologique… à son profit… avec l’aide des idiots utiles baba-cools qui n’ont pas perçu l’arnaque du verdissement de l’économie consistant surtout à trouver un relai à la traditionnelle domination capitaliste.
- Idée du revenu universel de base, c’est une vieille idée utopiste qu’on fait remonter à Thomas More et qui resurgit dans les milieux ultra-libéraux des années 1970, en particulier chez Milton Friedman. Cela permettrait d’assurer aux « hommes en trop » le minimum vital et social pour désamorcer des velléités de révolte.
- 1995 : Brezinski produit – Conférence de San Francisco – le concept de Tittitaynment : si 80% de la population devient économiquement inutile, comment les entretenir et les tenir au calme ? En combinant revenu minimum et divertissements de masse pour endormir les velléités de révolte. S’est-il alors rendu-compte qu’il retrouvait, sous une forme plus glamour et moderne, le vieux principe romain du « pain et des jeux » ?
- La pastorale de la terreur climatique est enclenchée, 1980 – 1990 : du « trou » dans la couche d’ozone au réchauffement climatique – En 2015, l’émergence du phénomène Greta Thurnberg prend place dans une véritable stratégie marketing : cibler les plus jeunes pour formater les nouvelles générations afin qu’elles acceptent un appauvrissement volontaire pour « sauver la planète », mais pas sauver la qualité de vie des gens ordinaires ! On ne dit pas aux gens, et en particulier aux naïfs lycéens qui cocoonent dans le confort du monde occidental, quelles seront les conséquences pratiques de cet appauvrissement volontaire pour eux-mêmes.
- Quand on lit le livre de Schwab et Malleret, on s’aperçoit en fait que cette problématique « écologique » est au cœur de leurs préoccupations.
- Mais la transition écologique est un processus long, trop long (les changements climatiques sont souvent imperceptibles et peu motivants à court terme et les changements profonds de mentalité sur des générations prennent du temps) quand l’autre urgence est là : depuis la crise financière de 2008, l’Oligarchie sait que, malgré les rustines, le compte à rebours est lancé. Elle joue la survie de sa fortune. Un Great Reset devient urgent. Il faut aussi trouver un relai de croissance du capital (économie verte et circulaire – économie de la location éternelle de produits plus durables - + fin des indépendants pour récupérer leurs revenus et se débarrasser d’une classe peu fiable) afin d’assurer la pérennité du rôle socio-économique de l’Oligarchie occidentale dans un « socialisme » de grandes multinationales, capables de contrôler le « parc humain » (c’est le rôle des GAFAM et compagnie). Je rappelle qu’il y a une frange du socialisme des élites, de sensibilité fabienne dans le monde anglo-saxon et saint-simonienne dans le monde francophone, qui conçoit la mise en place d’une mondialisation socialisante par évolution « naturelle » des grandes entreprises transnationales. À notre époque, celles-ci semblent en outre fascinées par un « modèle chinois » leur semblant conjuguer capitalisme des grands groupes et discipline communiste.
La divine surprise du Covid pour Schwab et Malleret : il s’agit toujours de se servir d’un vrai problème né de la globalisation (Peu importe l’origine exacte du virus, origine naturelle ou accident de laboratoire : on sait depuis 40 ans les risques potentiels d’une épidémie planétaire dans une planète interconnectée comme elle ne l’a jamais été. À l’heure des transports aériens de masse les risques de dissémination virale rapide sont immenses et connus. Nombre de rapports militaires, de services de renseignement et… de romans, de films et de séries de SF ont abordé cette problématique), et de s’en servir pour faire avancer l’agenda de ce qui est une vraie révolution oligarchique pour conserver le pouvoir. Comme le Covid s’est présenté comme un problème objectivement mineur vu son taux réel de létalité, il a fallu lancer une mise en scène terrorisante digne des grandes productions hollywoodiennes.
Cette mise en scène médiatique affolante a suffi pour relancer la pastorale de la terreur sur un point qui touche tout le monde : le risque de sa propre mortalité à court terme est alors utilisé pour modifier rapidement, sous l’effet de la peur, les mentalités et l’organisation du monde occidental, en espérant emporter aussi, par effet d’entrainement, la lutte pour la domination de la planète entière.
En effet l’objectif est à la fois le resserrement du contrôle oligarchique sur l’Occident et le rétablissement de ce même Occident dans sa posture de maître du monde aujourd’hui contestée par l’Eurasie. À l’intérieur du monde occidental, l’objectif est double : contrôler les comportements par la mise en place d’une société de surveillance à motivation sanitaire (donc pour le « bien » des gens) et opérer un transfert de capital des indépendants vers les grands groupes afin de consolider leur position dans la perspective de la relève de la consommation par la gestion locative de l’existant.
C’est, je crois compte tenu de la tendance lourde à l’effritement des facteurs de puissance de l’Occident, l’offensive de la dernière chance car, si cette fois-ci, la ploutocratie rate son coup, vu la manière dont elle a fait monter les enchères, elle pourrait bien se faire remplacer… par une autre oligarchie issue d’autres horizons.
Les freins possibles (mention de ce qui pourrait faire dérailler le projet mais sans me prononcer sur leur réalisation ou leur impact réel) :
- Il y a d’abord un facteur de bon sens. Un projet d’ingénierie sociale et politique résiste rarement aux conditions réelles de sa mise en musique. Le monde humain, surtout si on a la prétention de l’embrasser à l’échelle planétaire, n’est pas un ensemble mécanique ou une pièce d’un jeu vidéo. Comme l’ont souligné de nombreux stratèges du passé : aucun plan ne résiste aux conditions de sa mise en œuvre.
- Pour mémoire, il y a aussi le problème des limites écologiques : la Grande Réinitialisation s’appuie sur une 4ème Révolution Industrielle, beaucoup plus gourmande en énergie et en ressources qu’on ne le croit généralement. Sauf accès facile à des ressources extra-planétaires (mais c’est aussi une question d’énergie) ou sauf baisse drastique et rapide de la population mondiale, de 8 à 1 ou 2 milliards, qui peut être difficile à réaliser (après, comme certains complotistes le font à l’exemple du Dr Mike Yeadon, ancien n°2 de Pfizer, on peut soutenir que l’un des objectifs des thérapies géniques à ARN messager pour lutter contre le Covid est de programmer une dépopulation partielle par stérilisation génétique). En plus, il y a aussi le problème des limites technologiques : Il y a beaucoup de projets en cours sur lesquels on met des sommes considérables, mais rien de dit qu’ils seront tous réalisables, en particulier dans l’optique transhumaniste. Ce ne serait pas la première fois que l’on gaspillerait des sommes colossales dans des impasses. C’est en tout cas un grand point d’interrogation à surveiller.
- La baisse réelle du poids de l’Occident dans le monde, avec un certain effondrement qualitatif de l’Europe et une baisse qualitative tendancielle des USA, ne donne pas à la Ploutocratie tous les atouts de la réussite. En 1945, les U.S.A. à eux seuls faisaient environ 60% du PIB mondial, ils n’en constituent plus qu’un petit cinquième et l’ensemble des pays de l’OCDE (soit les pays du bloc américano-occidental) un peu moins de 50% à eux tous. C’est encore considérable, mais c’est en baisse constante. Objectivement, l’Occident n’est plus ni dans une phase ascendante, ni dans une phase dominante.
- La baisse de la qualité intellectuelle globale en Occident avec répercussion sur les classes dirigeantes : il faut prendre en compte les conséquences du passage de l’instruction aux compétences et de la culture à la communication + l’abêtissante culture de masse dont les rejetons des classes des cadres supérieurs et des classes dominantes ne sont pas à l’abri. Le niveau actuel des élites qui se constate dans la gestion incompétente de la crise Covid (avec ou sans plan préconçu. S’il y a plan, le constat est encore pire…). Par ailleurs, l’Occident a multiplié les plantages plus ou moins discrets de grands projets technologiques ou politiques (pensons par exemple à la « dinde volante », l’extraordinairement coûteux foirage du JSF F35 américain).
- Le hors sol et le hors-peuple de la ploutocratie a des avantages pour elle, mais elle oublie trop que sa puissance s’est constituée de manière localisée et s’est appuyée sur des peuples précis : on ne fragilise pas impunément les bases anthropologiques de sa puissance. Notre ploutocratie en sacrifiant le monde albo-européen n’est-elle pas en train de se tirer une balle dans le pied ?
- On sent un réveil lent mais sûr des peuples qui ne veulent pas mourir en servitude (populisme – souverainisme encouragés par l’effet covid qui a dessillé certains yeux) : l’état actuel de ce réveil est certes insuffisant mais il a considérablement progressé par rapport aux dernières décennies.
- Y aura-t-il une oligarchie émergente dans le monde albo-européen pour en prendre la tête ? C’est la question essentielle par rapport à mon point de vue sur l’inévitabilité du phénomène oligarchique… Aucune réponse à cette question ne peut être faite aujourd’hui.
- Les oligarchies chinoises (mentionnons le conflit Schwab – Soros sur la Chine : Soros s’en inquiète, Schwab la tient pour connectable à l’Occident. À Davos aussi, il peut y avoir des conflits de perception !), russes et indiennes ne sont pas raccord avec les projets occidentalistes : elles n’ont rien contre un Great Reset, mais le leur… D’où les conflits géopolitiques en filigrane et les dérapages toujours possibles à l’ère du nucléaire. Ce qu’on appelle le « piège de Thucydide », quand une puissance déclinante joue son va-tout face à une puissance ascendante, a une réelle pertinence.
- L’islamisme a son propre agenda mondialiste qui ne cadre pas avec celui de Davos et la religion est une force puissante. Entre l’islamisme et Davos, qui se sert de qui ?
En guise de non-conclusion
Allons-nous vers la catastrophe eschatologique espérée par certains de nos milieux pour remettre les choses à l’endroit ? ou vers une démolition contrôlée dans laquelle il y aura des gagnants (oligarchiques) et des perdants (populaires et classes moyennes) ? A-t-on réfléchi au concept de catastrophe partielle ?
Pour résister, faut-il choisir le survivalisme individuel ou de micro-groupes ou bien rechercher une résilience globale nécessairement politique, éventuellement ancrée sur nos nations : une résilience tout à la fois culturelle, politique, et économico-pratique ?
Aujourd’hui, l’Oligarchie occidentale est moins forte de ses propres forces que de la sidération incapacitante qu’elle sait encore utiliser et dont nous sommes trop souvent les victimes consentantes. Surestimer l’ennemi ou rechercher des objectifs inatteignables est parfois une justification à l’impuissance… Il ne tient qu’aux résistants – rebelles de ne plus se laisser sidérer et de retrouver les voies de leurs propres stratégies positives.
Jean-Patrick Arteault
Les origines historiques du futhark par Halfdan Rekkirsson - 3.
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Si l'origine mythologique des runes est assez connue (le Runatàl), les origines historiques du futhark sont une histoire à découvrir dans cette nouvelle vidéo. Une plongée dans une partie de l'histoire européenne méconnue et pourtant décisive.
Une anthologie des articles de Brasillach dans Révolution nationale, l'Echo de la France et La Chronique de Paris (1943/1944)
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Le 26 juillet 1943, mis en minorité au Grand Conseil fasciste, Benito Mussoloni avait remis sa démission au roi Victor-Emmanuel III, qui le fit immédiatement arrêter et qui nomma à sa place le maréchal Badoglio qui s'engagea auprès des Allemands à poursuivre la lutte à leurs côtés. Il ne tarda évidemment pas à trahir les Allemands après avoir trahi le Duce, faisant dire à Churchill, qui le méprisait profondément, qu'il était un des plus grands traîtres de l'Histoire. Robert Brasillach, brillant journaliste au journal fasciste Je Suis Partout, avait compris que la guerre était perdue, et qu'il était déraisonnable d'entraîner la jeunesse française dans une aventure sans issue. Il souhaita orienter JSP vers une voie moins politique, plus littéraire, mais ne fut pas suivi par les ultras, tels Lucien Rebatet, Alain Laubreaux et Pierre-Antoine Cousteau (dit PAC), qui tenaient à poursuivre leur politique de collaboration jusqu'au bout. Il quitta l'équipe de Je suis partout en août 1943, tout en restant fidèle à son idéal, et continuera à rédiger, certes moins souvent, des articles politiques dans un certain nombre de journaux de la Collaboration tels Révolution nationale (qui fut fondé par Eugène Deloncle, qui fut le chef de la « Cagoule »), l'Echo de la France et La Chronique de Paris. Une anthologie de ces articles passionnants nous est offerte par les remarquables éditions Pardès qui ont entrepris la réédition de tous les ouvrages de Brasillach, mais aussi de Drieu La Rochelle. Notons qu'une anthologie des articles de Brasillach, parus dans Je suis partout, est prévue dans les prochaines semaines. Nous l'attendons avec gourmandise !
Le fascisme, « notre mal du siècle »
Peter Tame, l'excellent connaisseur de Brasillach, qui a écrit la préface, note que l'attitude de Brasillach envers les Allemands subit une métamorphose sous l'Occupation. Il avait montré, bien avant la guerre, une sympathie pour l'Allemagne nationale-socialiste tout en exprimant une certaine méfiance très maurrassienne mêlée d'amitié, devant les défilés de Nuremberg dont il avait été témoin en 1937. Mais cette amitié se transforma vite en admiration. Il exprima ainsi, lui le pacifiste, dans sa correspondance privée « une admiration objective pour la réussite du débarquement allemand partout à la fois en Norvège ». D'un collaborationnisme de raison, il ne tardera pas à arriver à un « collaborationnisme de cœur » qu'il exprimera dans son premier article paru dans Révolution nationale sous le titre « Naissance d'un sentiment ». On y lit cette déclaration d'amour: « J'aime les Allemands. Je me dis qu'ils sont courageux au-delà encore de ce qu'on savait, je me dis qu'ils sont forts, et surtout je me dis qu'ils sont des nôtre. Nous sommes des copains du même sang ». Cet article, d'une « germanophilie outrée », pèsera lourd sur l'issue de son procès. Brasillach, qui était un homme plus instinctif que doctrinaire, voyait en les Allemands qui connaissaient pourtant d'importants revers en Russie les vecteurs d'un « juste socialisme », une « construction révolutionnaire éloignée de la contagion juive et marxiste » et les libérateurs des paysans russes promis à un bel avenir, les champions du « respect des individualités et des patries ». Une vision quelque peu irénique. Mais Brasillach commettra cette phrase terrible, qui lui sera beaucoup reprochée, et qui sans doute, lui fut fatale: « Qu'on le veuille ou non, nous aurons cohabité ensemble. Les Français de quelque réflexion, durant ces années, auront plus ou moins couché avec l'Allemagne, non sans querelles, et le souvenir leur en restera doux ». L'année 1943 marqua un tournant. Les Allemands avaient été battus à Stalingrad et en Afrique du Nord. L'étau se resserrait. Pour Brasillach, commente Peter Tame, commença « le temps du dégoût », du « désespoir », du « désenchantement de la politiqu ». Le ton qui domine ses derniers articles pour Révolution nationale, alors que les Alliés viennent de débarquer, est celui du regret et de la nostalgie. Il écrit, dans un article paru le 5 février 1944: « Pouvez-vous penser qu'il ne restera pas au cœur de quelques jeunes gens éblouis le souvenir du temps mussolinien, le grand rêve d'une Italie dictant sa loi à la Méditerranée, toute la fable fasciste, avec ses mirages, ses illusions même, ses excès ? » Et de conclure: « Notre mal du siècle, qu'on le veuille ou non, c'est le fascisme ».
Brasillach et la religion
Brasillach n'a quasiment pas, dans ses livres, évoqué la religion. Son article, du 13 octobre 1943, paru dans Révolution nationale, n'en est que plus intéressant. Que dit-il ? Florilège: « L'Eglise a toujours subi la tentation de la théocratie. Il faut dire tout net que c'est là une idée essentiellement juive, l'essentiel même du judaïsme, où politique et religion sont toujours mêlées. L'enseignement de Jésus est, au contraire, un enseignement intérieur, le prêche du royaume qui n'est pas de ce monde ». Le pape Pie XI avait, quelques années plus tôt, consacré six évêques chinois. Commentaire de Brasillach: « Le christianisme est la religion du pain et du vin de vigne, produits méditerranéens. Il va de soi que, devant Dieu, toutes les âmes sont égales, mais cela n'empêche pas de maintenir les distinctions, voire les hiérarchies, dans le gouvernement de ces âmes: on imagine mal un pape nègre ». A propos des six évêques chinois, dont, dit Brasillach, deux sont retournés au culte des ancêtres, Brasillach évoque « le plaisir d'une belle cérémonie, d'une manœuvre anti-raciste ». Et L'auteur de s'en prendre au danger du « compromis moderniste » qui guette l'Eglise dès qu'elle se fourvoie sur le terrain politique. Evoquant le cas de l'Espagne où les curés avaient patronné la République de 1931 avant de se faire massacrer, Brasillach s'en prend à un « clergé trop souvent arriéré » qui « conte fleurette à la démocratie, à l'anglophilie, au parlementarisme, car il a ces vices dans le sang ». Et de conclure: « L'Eglise a versé dans la démagogie, et la démagogie s'est vengée ». Qu'eût dit Brasillach de Vatican II ?
Le national-socialisme contre le national-capitalisme
Brasillach s'en prend, dans un article paru le 23 décembre 1943, peut-être le plus passionnant de l'ouvrage, aux errements de « la cause nationaliste (comme d'ailleurs de la cause religieuse, ajoute-t-il), et à l'alliance indiscutable qu'elle a toujours maintenue avec les puissances de l'argent ». Il affirme que « la réconciliation du socialisme et de la nation est la grande tâche de la Révolution du XXème siècle ». Il critique sévèrement ces « pâles imitations françaises qu'on a pu faire du fascisme » et « la ruée des bourgeois » qui « pour la plupart ne cherchaient que des sections d'assaut et de protection à bon marché », désignant tant l'A.F. que le Faisceau, Solidarité française et même de façon quelque peu inattendue, le P.P.F. de Jacques Doriot, tous ces mouvements ayant été financés, il est vrai, à un moment ou un autre par le grand Capital, avec comme conséquence redoutable que l'on en vint à identifier le « fascisme » avec la « réaction ». Brasillach écrit ces phrases saisissantes et si justes: « On sait bien que (pour la bourgeoisie) la conservation des privilèges de l'argent reste le premier devoir, et la seule besogne sérieuse. De temps à autre, on se permet d'ailleurs quelque diversion, quelque attaque verbale contre cet argent, on chante, redressant le col, quelque chanson révolutionnaire, on tient des propos pour faire frémir les bourgeoises. Mais les bourgeoises aiment frémir, chacun sait ça ». Et Brasillach de s'en prendre à cette bourgeoisie qui sait, « pourvu que le chéri ne parte pas, que le fils ne parte pas, que le gendre ne parte pas, exhorter les autres à partir pour le sacrifice suprême, pour la civilisation en péril ». Brasillach méprise « les adeptes de la seule vraie religion, du seul vrai parti, de la seule vraie politique: le capitalisme ». « Non, nous n'avons pas de rapports avec ces gens-là », dit-il. Et de conclure: « Nous n'avons pas, nous, à aller au peuple, puisque nous sommes du peuple. Nous en sommes tout naturellement par nos soucis, par nos dégoûts, surtout par nos dégoûts ». Pour l'auteur, un ordre nouveau implique la rupture avec « le culte de l'or ». Toute la pensée politique fasciste de Brasillach se trouve en ces quelques phrases...
Le temps des bombardements, des bobardements, du dégoût
Le débarquement anglo-saxon se rapproche. Il est là. Les bombardements tuent les populations et détruisent les plus belles villes de France. Brasillach est amer. Il évoque la « canaillerie humaine » de « ces pauvres benêts qui tremblaient de peur », quatre ans plus tôt, « dans leurs voitures de luxe » espérant l'armistice et qui aujourd'hui « se réjouissent du bruissement des planeurs dans le ciel de Normandie et du fracas des bombes de mille ou deux mille kilos ». « C'est le vainqueur qui écrit l'histoire, chacun sait ça », dit-il, à force de « bourrage de crâne ». La « bassesse humaine traîne avec soi tant de mensonges ». Il y a ces « bobardements » qui racontent que les Allemands venaient subrepticement bombarder les maisons de Caen « épargnées par les Américains » afin de faire croire qu'elles étaient démolies par leurs adversaires. Brasillach constate: « Au passif de toutes les guerres, il faut d'abord inscrire la bêtise. Telle est la nature humaine, dont on ne dit point qu'elle soit belle ». Brasillach évoque ces « civilisations assassinées », les bombardements de Florence, de Sienne, de Nuremberg. Et puis, « le crime immortel du Vieux Marché de Rouen » où « les flammes ont monté du bûcher nouveau dressé autour de la place ancienne », brûlant pour la seconde fois Jeanne d'Arc. Brasillach évoque à plusieurs reprises dans ses articles cet épisode épouvantable, qui l'aura littéralement traumatisé, lui qui admirait tant Jeanne d'Arc. « Mais qui sont ceux qui nous bombardent? », s'interroge l'écrivain dans un article paru dans L'Echo de la France, le 24 mai 1944. Il évoque la littérature américaine qui permet de répondre à cette question, écrivant: « Un peuple se livre par sa littérature ». Se référant notamment à Caldwell et Steinbeck, il évoque une littérature qui « nous dépeint en quelques actes violents les réactions d'êtres prodigieusement élémentaires, de brutes effrayantes intermédiaires entre le singe et le nègre. Des hommes, des femmes qui ne savent ni lire ni écrire, volent, tuent, presque pour rien ». En attendant, ces « brutes », « ces assassins analphabètes », viennent bombarder les merveilles de l'Occident, détruisent « le Campo Santo de Pise, les fresques de Simone Martini à Sienne, le palais de justice de Rouen, les maisons de la Hanse de Hambourg, les pigeons sculptés de Nuremberg ». Brasillach cite ce mot admirable que lui a dit un menuisier d'origine italienne qui déplorait la destruction de Rouen: « Ils ont fait ça par envie. J'ai travaillé chez eux autrefois; j'ai vécu autrefois à Philadelphie. Mais ces gens-là n'ont rien... » Brasillach conclut amèrement cette séquence en évoquant le traitement de l' « arbre sacré des libertés basques » de Guernica, détruit par un bombardement allemand, ce qui suscita une intense émotion, et « le silence, le silence bestial et terrifié qui s'empare du monde devant tant d'autres disparitions plus émouvantes et plus irréparables que la mort d'un arbre ». Il ajoute: « les catholiques étaient émus de l'atteinte possible au paganisme inoffensif d'une coutume locale, mais les catholiques se taisent lorsque la ville de sainte Thérèse est réduite en décombres ».
Robert Brasillach ne se fait guère d'illusions quant au peuple français dont il dit: « Je sais que le peuple français n'a pas le goût de la vérité. Il aime ce qui lui fait plaisir, il accepte ce qui le flatte, à un degré absolument incroyable. On lui exprimerait demain que les habitants de la Lune ont décidé de venir lui rendre la semaine des quatre jeudis et des deux dimanche et le pernod pour Arthur, ils s’en trouveraient quelques-uns pour l'admettre de façon non pas métaphorique mais au pied de la lettre au nom du réalisme bien entendu, et avec le petit sourire malin de celui à qui on n'en fait pas accroire. Aussi ne faut-il pas s'étonner si pour parler à ce peuple on utilise si souvent le mensonge. »
Il restait à Robert Brasillach sept mois à vivre...
Robert Spieler – Rivarol 2021
LE POINT FAIBLE DE LA MACRONIE (...et de la CASTE POLITICO-MÉDIATIQUE) ?
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I-Média n°340 – Présidentielle : l’emprise de Macron sur les médias
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Parution du N° 87 de Terre & Peuple Magazine
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Didier VIAL, PRESENT !
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Fils de Dany et Pierre VIAL, Didier, nous a quittés brutalement à l’âge de 57 ans.
Homme d’action et soldat de fortune pendant plusieurs années,
Didier est parti pour son dernier voyage avec les Oies Sauvages ...
En ce moment douloureux, nos pensées vont à sa famille.
Didier VIAL, Présent !
12 avril 1861 – Fort Sumter arraché aux Yankees
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A Charleston, le soir, après avoir dégusté un mint julep, un margarita, un hurricane (et plus si affinités) dans les bars du French Market, on peut avoir une pensée pour Rhett Butler, le briseur de blocus, et pour Scarlett O’Hara, toujours présente dans nos cœurs. Et puis, alors qu’il ne fait plus « que » 36° (taux d’humidité : 97 %…), aller déambuler le long des quais, près de la statue à la mémoire des défenseurs confédérés de Charleston. Avec, au loin, comme un fantôme émergeant de la mer, Fort Sumter.
Quand la Caroline du Sud décide – seule et la toute première – de faire sécession, Fort Sumter, à l’entrée du port de Charleston, est occupé par les forces unionistes. Les Nordistes ayant refusé d’évacuer le fort, les forces confédérées décident de passer à l’attaque. Le 12 avril 1861, les canons sudistes de Fort Johnson entrent dans la danse.
Après un bombardement de deux jours, le major Robert Anderson et ses 85 hommes se rendent. Leur vainqueur, le légendaire général Beauregard (descendant d’un combattant vendéen), avait été l’élève d’Anderson à West Point. Le 14 avril, le soldat John S. Bird Jr., des Palmetto Guards, fait flotter le drapeau desdits Palmetto Guards sur le fort.
Jusqu’au 17 février 1865, le fort restera aux mains des Sudistes. Et jusqu’à cette date, Fort Sumter sera soumis à l’un des plus longs sièges de l’histoire moderne, résistant aux bombardements massifs de la marine yankee pendant deux ans (quelque 46 000 obus, des milliers de tonnes de métal…).
Aujourd’hui, on peut débarquer pacifiquement à Fort Sumter. En prenant un bateau soit à Liberty Square sur les quais de Charleston, soit à Patriot Point à Mount Pleasant. Choisir plutôt le départ à Patriot Point, ne serait-ce que parce que le bateau qui vous emmène à Fort Sumter est ancré tout près de l’USS Yorktown, ce porte-avions (surnommé Fighting Lady), qui a été de tous les combats du Pacifique pendant la Seconde Guerre mondiale, d’Iwo Jima à Okinawa.
Ce n’est pas sans émotion que l’on met le pied – dans les pas des soldats de Beauregard – sur la petite île où se tient Fort Sumter, même si les bâtiments (après les bombardements yankees, le fort était une ruine) n’ont plus qu’un lointain rapport avec ceux de l’époque. Là, une plaque commémorative installée en 1929 par les United Daughters of the Confederacy à la mémoire des Sudistes qui tinrent le fort de 1861 à 1865. Là, les ruines du quartier des officiers qui avait trois étages. Ailleurs, les canons, des Mountain Howitzer, qui empêchèrent tout débarquement yankee.
C’est ici que tout a commencé. Charleston et la Caroline du Sud ne l’ont pas oublié. Sur des affiches, des autocollants, des T-shirts, des drapeaux, une tranquille constatation : « Standing alone against Northern agression since 1861 » (« Dressée, seule, contre l’agression nordiste depuis 1861 »). Dans le petit magasin de souvenirs de Fort Sumter, on vend des soldats de plomb. Des Nordistes. Et des Sudistes. Les Nordistes partent au compte-gouttes. Les Sudistes se vendent comme des petits pains. Vae victis ? Pas toujours. La preuve !
Alain Sanders
Présent n° du 12.04.2021
Louis-Ferdinand Céline et le « blabla » idéologique de notre temps
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- Catégorie : Littérature
Au temps où la liberté de déplacement était encore autorisée, une odyssée cycliste m'avait conduit à coudoyer la maison d'exil de L.F. Céline au Danemark. Point d'orgue de ce voyage, ma rencontre inopinée avec un témoin direct de l'époque, dont je comprends aujourd'hui la responsabilité face à l'Histoire. Olé Seyffart-Sorensen, huit ans à l'époque des faits, a en effet noué une touchante complicité avec le «Géant» (A l'époque, le gamin accompagnait son père dans la masure, prêtée par l'avocat danois, pour y effectuer de menues réparations de boiserie, cette masure ou Céline et Lucette passèrent bon gré, mal gré, plus de trois années).
Bref, avec le temps, ce voyage semble avoir délivré sa charge heuristique au-delà de l'anecdote. La question est de savoir ce que le mal aimé des Lettres Française dirait des avancées sociétales du XXIème siècle, de cet art contemporain qui s'impose dans nos rues ébahies et autres confinements à répétition. Céline est mort il y a 70 ans (le même jour qu’Ernest Hemingway) mais une grande œuvre peut agir aussi comme une réplique, au sens sismique du terme, du substrat de la civilisation.
Les confinements ont, à leur manière, contribué à donner des messages nouveaux à mon questionnement célinien. Je songe aux truculents entretiens radiophoniques disponibles sur internet, résonnant avec cette époque de basses eaux que nous traversons.
L'entretien de 1957, réalisé pour le compte d'une radio suisse, sonne comme un véritable roman radiophonique. Le fond sonore se compose de bruits divers et chants de menâtes qui donnent à ces propos une hilarité toute particulière que l'on retrouve bien sûr dans ses romans. L'auteur d'Un château l'autre qui se joue des faiblesses du journaliste, déclare notamment :
«Je suis femme du monde, Monsieur, et non pas putain ; j'ai des faiblesses pour qui je veux... Je me sacrifiais pour mes semblables. Je n'ai pas eu d'avantage à me sacrifier ! »...
Quant aux innombrables colloques et recensions qui font flores sur la toile, aussi passionnants fussent-ils, ils ne m'ont pour autant pas fait basculer dans le célinisme confessionnel. C'est même en réaction contre un certain nombre de « poncifs » véhiculés autour de Céline, comme celui de l' « écrivain styliste », que j'ai commis cet article. Je voulais le surligner avec d'autant plus d'audace que ce poncif, répété en chœur par tous les épigones, provient de Céline lui-même. Dans un entretien de 1957, il déclare : « On parle de "messages". Je n'envoie pas des messages au monde. L'Encyclopédie est énorme, c'est rempli de messages. Il n'y a rien de plus vulgaire, il y en a des kilomètres et des tonnes, et des philosophies, des façons de voir le monde... ».
L'auteur du Voyage a martelé à plusieurs reprises qu'il n'était pas un « homme à idées, un homme à messages » mais il s'exprimait après avoir échappé à « la plus grande chasse-à-courre qui ait été organisée dans l'Histoire », au terme de dix-huit mois de réclusion au Danemark et six ans d'exil hors de France avant son retour équivoque.
Après-guerre, l'Histoire était en cours d'être réécrite à la faveur des vainqueur. Et cette histoire fut écrite symétriquement contre le projet européen d'Hitler et la France de Céline. A son retour en France, son image d'écrivain maudit le contraint donc à une semi-clandestinité. A l'étage de la maison de Meudon, Lucette prodigue ses cours de danse ; au rez-de-Chaussée, le médecin Destouches reçoit quelques patients. Il écrira les trois romans fulgurants de la «trilogie allemande» (D'un château l'autre, Nord et Rigodon) mais réserve désormais ses visions politiques aux rares amis fidèles.
Pour cette période meudienienne, deux thèses s'affrontent, celle des Céliniens qui prétendent que sa posture et sa tenue vestimentaire de clochard aristocrate étaient surjouées et factices, et celle du très dévoué rédacteur de la revue célinienne, Marc Laudelout, qui penche au contraire pour un retrait jüngérien de Céline sur le mode «anarque».
Quelle que soit la réalité vécue, Céline fut sans conteste un « lanceur d'alerte » avant l'heure. Grand blessé de 1914, il milita contre la déclaration de guerre d'une France dont il présageait l'issue tragique. Il fustige une déclaration de guerre perdue d'avance. Il sera perçu pour un héros au début du second conflit mondial. A son retour en France, il restera un sage à la mode de Diogène-le-Cynique dans la villa de Meudon.
Sur l'art célinien, l'erreur généralement commise est à mon avis double :
1) Dissocier le style émotif de Céline et son « message » textuel est le premier travers dans lequel tombent nombre de Céliniens. En réalité, cette dichotomie n'est pas plus opératoire que la séparation franche entre la vie et l’œuvre d’un auteur. Ces manœuvres appartiennent au monde proustien relayé par certains universitaires détachés des contacts avec les réalités et les sortilèges de l'écriture, promptes à créer une religion de ces séparations abstraites tout en se gardant bien d'occulter les distinctions lorsqu'elles s'imposent, le pays réel et le pays légal, par exemple.
A mon avis, style et « idées » ne sont tout simplement pas séparables, pas plus que forme et force en peinture aurait dit René Huyghe.
Certes, le travail de restitution de l'émotion du langage parlé dans l'écrit ne fait pas de Céline un théoricien des idées ni un « philosophe » stricto sensu, bien qu'il puisse, à mon avis, être perçu comme un « cynique ». Céline est comme les cyniques grecs, proche des animaux. Il aime la compagnie des chats, des perroquets et des chiens (cynique provient d'ailleurs du latin cynismus pour désigner ce qui concerne le chien). Comme les Cyniques grecs, il aime à exprimer sans ménagement des sentiments, des opinions contraires à la morale reçue.
Les Cyniques ont pris pour modèle le chien car cet animal aime « ronger les os ». Les Cyniques rongeaient les Idées platoniciennes. Céline, lui, est celui qui ronge le « blabla » que ce soit celui des va-en-guerres des années 30 que celui des chantres des évolutions sociétales des années 60. Céline est par exemple, avant Marshall Mac Luhan, un critique de la télévision et la publicité dont il pressent le pouvoir sur les masses dès 1953. Il anticipe la société du spectacle de Guy Debord. Il perçoit la portée idéologique de la « réclame ».
On peut imaginer sans peine ce qu'il écrirait aujourd'hui face au « soft power » néolibéral de la machine macronienne, les avancées de la démocrature mondialiste sous couvert d'hystérie sanitaire. Il tournerait à coup sûr en dérision toute cette grossière mascarade ! Gageons également qu'il aurait été le premier à porter le « gilet jaune » sur les ronds-points du pourtour parisien sur le mode « périféerique pour une autre fois » !
2) En revanche, contrairement à l'idée répandue, le style célinien est moins le retour de la langue populaire (la langue de la rue) que l'art de restituer l'émotion de la langue. Céline cherche à nettoyer la dentelle de la langue des formalismes et du métalangage hérités de la langue diplomatique du XVIIème siècle. Il désenclave la langue, il ne lui fait pas faire le trottoir. Mort à Crédit fourmille de mots d'argot, mais Féerie pour une autre fois, œuvre la moins comprise du corpus, touche la dentelle même de la langue.
Si la langue est marquée, comme toutes réalités, par des mouvements de balancier, la langue romanesque de Céline marque incontestablement un « retour » à la langue pré-scripturale, souterraine, dionysiaque et rabelaisienne. Mais celle-ci ne s'identifie à mon avis pas à la « langue de la rue ». Ceux qui soutiennent cette thèse se rangent sans même le savoir du côté de la critique allemande qualifiant les romans de Céline d'« Asphalt Literatur », critique intéressante mais étrangère à la francophonie.
A mon avis, la langue célinienne a plus à voir avec le mouvement transcendantalisme américain qu'à l'« Asphalt Literatur ». Mais Céline est un Européen, au lieu de faire son miel du passé amérindien, il renoue avec le fond païen celtique, notamment. N'oublions pas que « Céline » est le prénom que Louis-Ferdinand emprunte à sa grand-mère bretonne, celle qui transmis au fils unique Destouches, choyé par ses parents, les légendes bretonnes des « Saints de la main gauche ».
On comprends maintenant mieux pourquoi Céline se disait opposé aux idées: son style est déjà « idéologique », il n'a pas besoin d'exposer des idées pures ou phosphorer sur tels ou tels débats de société. Ce n'est pas un théoricien. A mon sens, on comprend que Céline a agit avec les idées comme il a agit avec la langue française dont il épure les lourdeurs et les formes figées. Il s'agit d'un « rendu émotif » de la langue française et non d'un bilan d'idées.
J'avance par ailleurs l'idée que Céline fut aussi le pionnier des « lanceurs d'alerte » en ouvrant notamment le sillon à Guillaume Faye.
3) Parmi les héritiers de Céline : Se demander quelles « personnalités » pourraient aujourd'hui revendiquer l'héritage de Céline, c'est déjà y répondre. Bien sûr, le nom de Guillaume Faye vient à l'esprit comme une évidence. Le théoricien des années 80, l’« Esprit fusée » de la ND, fut aussi un humoriste sur les ondes de Sky Rock, un « homme total » décrié jusque dans ses propres rangs, comme il se doit pour un Célinien pur sucre. Nous savons que Faye mourut en état de semi-clochardisation à Paris.
Parmi les héritiers, je pense aussi au directeur artistique Joël Labruyère dont certains textes sont céliniens sans chercher à l'être. Dans la chanson Le Dieu Azard, le chansonnier développe une satire des « prêchi-prêcha » de la religion républicaine et scientiste; on ne saurait mieux s'inscrire dans le sillon du Céline pourfendeur des « blablas » pseudo-démocratiques de son temps, d'autant que la scénographie du clip avec des personnages à masques d'animaux n'est pas sans évoquer les réalités augmentées du roman célinien.
https://communaute-rose-epee.fr/2021/03/31/le-studio-des-brigandes-le-dieu-hazar-hasard/
Notons au passage que Céline est l'inventeur du néologisme « blabla » (dans Bagatelle pour un massacre) mais aussi de la ponctuation « émotive », entre autres innovations entrées aujourd'hui dans l'usage. L'héritage célinien est esthétique, il irradie tous les arts, littérature et cinéma notamment car la langue agit par cristallisation des innovations esthétiques.
Les entretiens relatifs à Céline sur internet réservent quelques perles à leurs auditeurs attentifs. Au cours du colloque tenu en 2011 sur le thème de Céline et L'Histoire : http://www.lepetitcelinien.com/2011/02/colloque-louis-ferdinand-celine-paris.html un intervenant prend la parole (à 3:27:00 minutes de l'émission) à propos des « chochottes anglaises », qui n'est autre que Robert Faurisson ! Vous pourrez sans doute reconnaître le truculent professeur au ton de sa voix. L'intervenant reste anonyme mais déclare être « demi-écossais ».
Profitons de ce clin d’œil amusant pour souligner l'apport du professeur en matière d'analyse textuelle, son interprétation étonnante de l'énigmatique poème « Voyelles » de Arthur Rimbaud a fait date. Ne le réduisons donc pas à son révisionnisme héroïque.
Les génies se reconnaissent souvent par leur pluralité, leur côté insaisissable, leur décalage par rapport à leur temps et au « polythéisme des valeurs ». Céline fut à la fois un écrivain de génie, un lanceur d'alertes, et comme Apollinaire en son temps, un visionnaire. Il a notamment annoncé le déclin français, le crépuscule occidental, ainsi que la montée en puissance de la Chine. Il n'est pas exagéré de dire que nous serons tous un jour ou l'autre « céliniens », conscients ou non de cet héritage. Dès le Voyage, Céline annonce avoir renouvelé la littérature pour deux cent ans. Les génies se reconnaissent aussi par les phénomènes de cristallisations mimétiques qu'ils entraînent, malgré eux, après coup. On songe que Céline le reprouvé, le proscrit des commémorations, reste l'un des écrivains français le plus lu dans le monde. Il est l'objet d'un journal bimensuel publié depuis les années 80 regroupant tous les articles et publications à son sujet. Quel autre auteur peut en dire autant ?
4) L'art de Céline est le contraire même de l'art contemporain. La révolution célinienne touche le fond d'air de son temps (comme on pourrait dire : « le fond de l'air est célinien ») à l'instar d'un sismographe qui enregistre les mouvements telluriques d'un sol. Si l'influence de Céline est souterraine, si sa figure irrite autant qu'elle fascine, c'est sans doute parce qu'il travaille en dehors de toute climatisation idéologique (y compris fasciste). Son travail a consisté à décaper les couches de peinture de la langue pour atteindre sa trame émotive, d'où le génie qu'on lui prête. Il lui arrivait de paraphraser Saint Jean : « au début était l'émotion».
En matière d'art, il appréciait les impressionnistes, Vlaminck, etc. Il n'aimait pas la peinture abstraite, par exemple Dubuffet, qui, lui, avait une admiration éperdue pour Céline. Mais ses préférences allaient à Breughel, Bosch, etc. Bref, un choix éclectique.
Les tendances d'une certaine littérature et de l'Art Contemporain (AC) vise au contraire la monoculture. L'idée est d'expulser la trame émotive de l'art pour ne garder que la couche de peinture superficielle, conceptuelle, hors-sol, idéologique. D'où l'impression que les expositions d'AC ne touchent plus l'âme des spectateurs mais seulement l'épiderme et qu'elles s'imposent à l'instar de « slogans ». On peut parler à leur endroit de stratégie d'im-position et non d'ex-position. Tout se passe comme si les artistes subventionnés de l'AC agissaient à rebours de Céline.
Céline épure la langue de ses lourdeurs, le résultat est une langue qui est à la fois populaire et poétique sans chercher à l'être, poétique par « grâce », alors que les homards géants qui s'imposent sur nos places publiques sont tout au contraire des concepts déguisés en œuvre, interdisant de ce fait tout espèce de réminiscence. L'émotion est remplacée par la provocation; le talent par la soumission à un logiciel idéologique et financier indiscutable, minutieusement démontré dans les ouvrages d'Aude de Kerros.
Dans une émission de radio, Aude de Kerros pose par ailleurs une question d'une grande actualité : « Peut-on être dissident dans le système libéral ?». La réponse à cette question est moins simple qu'il n'y paraît. Le libéralisme a transformé l'anti-fascisme (secondairement, l'anti-communisme) en neutralité politique. Dans une discussion entre amis, il faut être antifasciste pour être neutre et commencer à avancer un argument. Toutes vérités entre les lignes (la pensée transversale) sont désormais proscrites. Contemporain de la télévision, Céline disait que l'homme moderne était « lourd et épais ». Mais imaginait-il qu'il puisse atteindre l'obésité actuelle ?
Aujourd'hui, toute critique de l'AC pose un trouble. Si vous critiquez des œuvres où l'âme a été remplacée par le concept, vous êtes automatiquement «suspecté» de dissidence. L'amalgame tombe sur vous comme une avalanche, et pour éviter les descellements des plaques de neige idéologiques, vous vous faites petit et discret.
Si, a contrario, vous critiquez frontalement l'AC ou la boite à munitions idéologiques qu'il contient (théorie du genre, théorie du climat) vous êtes automatiquement suspecté car l'AC cristallise l'astralité du néo-libéralisme. L'homme à qui il correspond est un homme hors-sol, interchangeable et consumériste, un homme sans âme et sans révolte.
Dans le climat idéologique actuel, l'AC reflète donc un enjeu idéologique. A mon sens, la dissidence consiste précisément d'en revenir «aux œuvres», éprouvées et éprouvantes, aux Bergers d'Arcadie, à la Vierge au chancelier Rolin, sans pour autant passer d'une monoculture à une autre. Max Weber parle de « polythéisme des valeurs » ; c'est dans cette direction qu'il faut se diriger. Le Kolumba Museum de Cologne est à mon avis, un exemple de muséographie innovante échappant à la fois au passéisme réactionnaire et au progressisme idéologique.
L'auteur du Voyage a mis en lumière, comme Rabelais en son temps, les «sentiments innommables». Il en ressort un sentiment de provocation, parfois de malaise, mais à rebours de la provocation programmée de l'AC car Céline ne fait pas table rase du passé, il démystifie au contraire tous les « blablas » de notre temps y compris dans la langue elle-même. Dans son chef d'œuvre Féerie pour une autre fois, on trouve la formule suivante. A tout seigneur, tout honneur ; nous voudrions terminer par elle:
« C'est des filigranes, la vie. Ce qui est écrit net, c'est pas grand-chose. Ce qui compte, c'est la transparence. La dentelle du temps, comme on dit. »
PS : Le récit de notre rencontre avec Ole et de mes aventures au Danemark, disponible ici:
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