Olivier Duhamel et ses réseaux : de la démocratie à l’oligarchie?
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Dans un précédent article « Olivier Duhamel accusé de pédophilie : l’affaire du siècle ? », nous avions analysé son cursus républicain exemplaire jusqu’à ce poste envié de président de l’association « Le Siècle », au cœur du pouvoir selon la judicieuse expression d’Emmanuel Ratier le premier à l’avoir étudiée. Nous avions constaté cette omerta dont il a bénéficié jusqu’à la sortie du livre de Camille Kouchner La familia grande.
Dans Le Parisien du 24/01, Julien, l’aîné des trois enfants de Bernard Kouchner et d’Évelyne Pisier, a déclaré : « Dans notre cercle, beaucoup savaient les agissements d’Olivier Duhamel ».
Ce silence complice des actes délictueux d’un membre important de ces réseaux, qui sont au cœur du pouvoir, ne traduit-il pas un passage de la démocratie à l’oligarchie ?
Quelles sont les personnes de ce « cercle » qui auraient pu savoir et qui ont gardé le silence ? À quels réseaux, point de rencontre de divers lieux de pouvoir : politique, médias, enseignement… dont Olivier Duhamel avait réussi à être un acteur central, appartenaient-elles ?
Parmi les plus proches et les plus connues, on rencontre Jean Veil, Alain Minc, Daniel Cohn Bendit, Robert Badinter, Élisabeth Guigou, Bernard Kouchner, Aurélie Filipetti, Nicole Belloubet, Marc Guillaume, Thierry Solére, Frédéric Mion, feu Richard Descoings, feu Guy Carcassonne, Christine Ockrent, Ali Baddou, Nicolas Demorand, Claude et Antoine Gallimard…
Certains sont adhérents du Siècle, incontournable dans cette affaire, d’autres anciens ministres ou proches des présidents de la République et des gouvernements, dirigeants de Sciences politiques, journalistes de médias de référence, intellectuels ou membres du cercles culturels qui donnent le la. La grande majorité gravite autour de l’État ou de l’administration.
Si tous n’étaient pas au courant, ils appartenaient à ces lieux de pouvoir, ces réseaux où Olivier Duhamel avait réussi à être un véritable chef d’orchestre. Par contre, ceux qui fréquentaient la villa de Sanary ne pouvaient ignorer le style de vie de « la familia grande », décrite précisément par Camille Kouchner.
Le 5 janvier dernier, Ariane Chemin tenait déjà ce discours : « Beaucoup de gens savaient », particulièrement « l’élite bourgeoise de gauche qui côtoyait les Pisier, Kouchner et Duhamel. » La journaliste du Monde avait même précisé que l’omerta aurait pesé sur « une centaine de personnes. »
Quelques figures de ces réseaux de l’État profond en relation avec Olivier Duhamel :
Jean Veil, pilier du Siècle, « l’ami absolu », savait et s’est tu
Fils de Simone Veil, ami d’enfance, « ami absolu » comme feu Guy Carcassonne selon ses propres dires, savait depuis au moins dix ans et s’est-tu selon l’enquête d’Ariane Chemin dans le journal Le Monde du 27 janvier. La première fois, entre 2008 et 2011 c’est l’actrice Marie France Pisier, compagne de Daniel Cohn-Bendit, belle sœur d’Olivier Duhamel et tante des enfants Kouchner, qui était venue lui en parler. En 2013, Olivier Duhamel lui-même avouera tout à Jean Veil. Il gardera le silence au prétexte du secret professionnel, tout en refusant d’être son avocat si l’affaire devenait publique.
Ils s’étaient connus jeunes chez leurs parents respectifs, proches politiquement, qui se fréquentaient. Jean Veil, qui fera de nombreux séjours estivaux à la villa des Duhamel à Sanary, a accompagné Olivier Duhamel dans tous ses parcours professionnels au point qu’il l’a pris comme associé de 2011 à 2016 dans son très réputé cabinet d’avocats. En 2014, ils cosigneront un livre « La parole est à l’avocat ».
En effet, Jean Veil a défendu des grands noms de la politique : Jacques Chirac dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris, Dominique Strauss-Kahn dans celle de la MNEF entre autres, François Léotard, Jérôme Cahuzac dans celle de la fraude fiscale.
Jean Veil, accusé de n’avoir pris aucune mesure à l’encontre de son ami Olivier alors qu’il était au courant de ses agissements, finit par démissionner du Siècle le 15 janvier.
Marc Guillaume, homme clé du Siècle, de Sciences Po et de la revue Pouvoirs, savait-il ?
Diplômé de Sciences Po. (promotion 1989), puis de l’ENA (promotion Victor Hugo 1991), il intègre le Conseil d’État en 1991, à sa sortie de l’ENA. De 1996 à 2007, il occupera des postes clefs dans divers ministères (Défense, Justice).
En 2007, il devient secrétaire général du Conseil constitutionnel, présidé par Jean-Louis Debré et y restera jusqu’en 2015. Selon divers témoignages, il y jouera un rôle essentiel dans l’évolution de cette institution pour intervenir et censurer les décisions du Parlement, en particulier avec l’instauration de la QPC, question prioritaire de constitutionnalité.
En mars 2015, sous la présidence de François Hollande, Marc Guillaume est nommé secrétaire général du gouvernement. Marianne le décrira comme « le technocrate le plus puissant de France » affirmant qu’il « a davantage d’influence que bien des ministres ».
Il le restera après l’élection d’Emmanuel Macron. Il y retrouvera Benoît Ribadeau-Dumas, qui est directeur du cabinet du Premier ministre Edouard Philippe, tous trois passé par le Conseil d’État.
D’après la revue Contexte, il « n’hésite pas à sortir de son rôle de conseiller juridique du Premier ministre pour présider — à la place du directeur de cabinet — les réunions interministérielles (RIM) et émettre un avis sur l’opportunité politique des textes… Marc Guillaume auditionne tous les candidats que le gouvernement envisage de nommer en Conseil des ministres – c’est-à-dire rien de moins que les préfets, les directeurs d’administrations centrales, les ambassadeurs… ». Il rédigera aussi le projet de réforme constitutionnelle.
Laurent Mauduit et Martine Orange de Mediapart affirment qu’il est « même capable de mentir publiquement, afin de ne pas bousculer ou importuner des puissants », « comme Mediapart en a établi la preuve lors d’une enquête sur la rémunération illégale perçue par des parlementaires siégeant à la commission de surveillance de la Caisse des Dépôts ».
Jean Castex s’en séparera le 15 juillet 2020 et le nommera préfet de la région Île-de-France et préfet de Paris.
En parallèle, il était membre du conseil d’administration de Sciences Po, membre puis vice-président du Siècle, codirecteur de la revue « Pouvoirs », créée et dirigée par Olivier Duhamel, dont on voit combien il en était proche.
Victime collatérale du scandale, le 13 janvier 2021, il a démissionné de toutes ces positions, tout en déclarant ignorer « totalement » les actes d’Olivier Duhamel et qu’il « condamne absolument ces actes ». Sollicité par Le Monde, il refuse d’indiquer s’il avait été alerté des faits début 2018.
Frédéric Mion, à la tête de Sciences Po, savait également et s’est tu
Major de la promotion Victor-Schoelcher de l’ENA en 1996, Frédéric Mion entre au Conseil d’État, tout en enseignant comme maître de conférences à Sciences Po. Il dirigera la section « service public » et la prép’ENA. Il sera conseiller au cabinet de Jack Lang, ministre de l’Éducation nationale, puis adjoint au directeur général de la fonction publique avant de rejoindre le secteur privé (avocat, secrétaire général de Canal +).
Il est réputé proche d’Edouard Philippe, l’ancien premier ministre d’Emmanuel Macron, comme Marc Guillaume.
Le 1er mars 2013, Frédéric Mion est élu à la tête de Sciences Po. Il succède ainsi à Richard Descoings. L’élection a été validée par Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur, et par François Hollande, Président de la République, le 29 mars 2013. Il entre en fonction le 2 avril 2013. En 2018, il sera reconduit pour un nouveau mandat.
Frédéric Mion est très engagé pour l’égalité femmes-hommes. En 2011, il soutiendra aussi l’action de l’association Isota qui milite pour le mariage et l’adoption d’enfants par des couples homosexuels.
Dès 2018, Frédéric Mion est averti par Aurélie Filipetti des faits reprochés à Olivier Duhamel, enseignant lui aussi à Sciences Po et par ailleurs directeur de son organisme de tutelle, la Fondation Nationale des Sciences Politiques. Il n’en tiendra pas compte. Pire, il se dira stupéfait par la nouvelle le 4 janvier, avant de reconnaître en avoir été averti en 2019 et de mettre en cause Jean Veil pour se justifier de son silence. Il affirme : « Je vais trouver à son cabinet Jean Veil, avocat dont Olivier Duhamel est l’associé. […] Il m’assure qu’il ne s’agit que de rumeurs. Je me suis laissé berner ». Selon l’article du Monde, Jean Veil confirmera « C’est vrai, Frédéric Mion est venu à mon bureau. Je lui ai caché la vérité. » Il y a quelques jours, il se serait excusé, par SMS, auprès de l’intéressé « de ne pas avoir pu lui dire ».
Il serait proche d’Edouard Philippe, l’ancien premier ministre d’Emmanuel Macron, comme Marc Guillaume.
Bernard Kouchner, Aurélie Filipetti, deux anciens ministres, savaient et se sont tus
Camille Kouchner révèle qu’en 2009 son frère a averti leur père des actes sexuels commis par son beau-père. L’ancien ministre et son épouse, la journaliste Christine Ockrent, se sont rangés à son refus de porter plainte.
On a vu que dès 2018, Aurélie Filipetti en avait informé Frédèric Mion.
Élisabeth Guigou, ancienne garde des Sceaux, membre du Siècle, hiérarque socialiste, féministe, intime de la famille Duhamel, dans L’Obs, assure avoir « découvert cette histoire dans la presse cette semaine ». Ajoutant, « Le silence pendant des années de cette famille, que je connais, nous montre combien il faut être courageux pour que ce tabou puisse être levé. Nous côtoyons tous des victimes et des agresseurs sans le savoir, je ne fais pas exception à la règle », s’exonérant à bon compte de toute responsabilité.
Pourtant, elle fréquentait très régulièrement la villa de Sanary, où s’étalaient des relations équivoques entre adultes et adolescents. Comme ancienne Garde des Sceaux, n’a-t-elle jamais entendu parler d’un début de dépôt de plainte sans suite en 2011 sur ces relations pédophiles ?
Cela ne l’a pas gênée pour accepter la présidence de la commission sur l’inceste et les violences sexuelles contre les enfants. Suite au scandale, elle a fini par en démissionner le 13 janvier 2021.
De la démocratie à l’oligarchie
À travers ces quelques figures de l’entourage d’Olivier Duhamel et de son parcours personnel, que peut-on constater au-delà de l’omerta dont il a bénéficié qui probablement a pu lui faire croire qu’il était au-dessus des lois ?
Rôle de Sciences Po., l’ENA, le Siècle
La majorité de ces personnages sont des hauts fonctionnaires qui ont suivi ce cursus en passant par des grands corps, en particulier le Conseil d’État, et sont devenus des membres éminents du Siècle. Raphaêlle Bacqué du Monde les décrit ainsi : « ce qui fait le cœur des élites françaises, Sciences Po et Le Siècle Autant dire l’école du pouvoir et le club de la nomenklatura.
Ils sont proches des présidents de la République et des membres des gouvernements, mais n’ont pas reçu de mandat du peuple souverain. Pourtant, ils sont les moteurs des changements politiques et sociétaux.
Ainsi, Olivier Duhamel a réussi à agir hors des partis, à influencer les gouvernements par-delà les alternances. Raphaëlle Bacqué du Monde en fait le portrait suivant : “Olivier Duhamel y incarnait une forme de permanence des coteries françaises, transpartisanes et intemporelles” tout en y incarnant “une science du réseau qui est, plus efficacement que la connaissance du droit, le moteur du pouvoir.”
Par exemple, sous la présidence de Jacques Chirac, il a été, en 2001, l’un des initiateurs de l’inversion du calendrier des élections législatives et présidentielles, ce qui a transformé radicalement les institutions.
Par la suite, lors des obsèques de sa femme Evelyne, il n’hésitera pas à passer le bras autour des épaules de François Hollande, démontrant ainsi leur proximité.
De même, en avril 2017, Olivier Duhamel se retrouve à la table de la salle à manger de Sciences Po avec Frédèric Mion et Brigitte Macron. Depuis des mois, il distribue conseils et notes à son mari qu’il espère être bientôt élu. Ismaël Emelien, le conseiller politique du futur président, a été son élève ici même, rue Saint-Guillaume. “Mon meilleur poulain”, répète le politiste.
Le pouvoir d’une oligarchie : la révélation majeure derrière ce scandale sexuel et cette omerta
Comme l’a analysé Xavier Raufer sur Bd Voltaire : “la gauche caviar a monopolisé tous les pouvoirs, le pouvoir médiatique, politique et littéraire… Ces gens-là définissaient ce que tout le reste de la société ou presque était prié de penser.”
Les rôles étaient bien répartis dans la famille : aux Duhamel, les leçons de républicanisme, aux Kouchner celles d’humanisme, aux Pisier celles de féminisme : soit la gauche de progrès dans toute sa splendeur médiatique.
Comme l’a observé Ariane Chemin du Monde, reprenant l’expression de Camille Kouchner : ». » D’une certaine manière, on le voit régner sur ce banquet de la maison de Sanary, dans le Var, où tout le monde venait passer ses vacances tout l’été. Mais il régnait aussi à Sciences Po, c’est lui qui rythmait les rentrées avec sa conférence inaugurale. Il était le roi partout ».
N’est-ce pas la véritable leçon de cette affaire, l’existence d’une nomenklatura, d’une oligarchie qui tient le pouvoir à la place du peuple souverain et de la démocratie officielle ?
Restent plusieurs questions sans réponse à ce jour :
- Pourquoi Camille Kouchner a-t-elle choisi de publier maintenant ces révélations ?
- Comment a-t-elle pu bénéficier d’une telle complicité pour qu’Olivier Duhamel et ses réseaux ne soient pas au courant ?
- Quels sont les objectifs de Louis Dreyfus, mari de Camille, lui-même un des dirigeants du Monde et de l’Obs, les deux médias qui ont assuré le service après-vente de Camille Kouchner ?
- Avec ces démissions en cascade des vieux dirigeants de ces organismes, n’assiste-t-on pas à un changement de génération dans le contrôle de ces réseaux ?
Jean Theme
Sources : Breizh-info.com, 2021
L'histoire d'Imbolc (et de la marmotte!) par Catherine Bentley
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- Catégorie : Fêtes Païennes
Traditions saisonnières et culture dans les Highlands écossais
En tant que (vrais) Highlanders, nous sommes façonnés par de nombreuses choses. Notre histoire, nos traditions et notre culture communes ont, pour le meilleur ou pour le pire, largement contribué à définir qui nous sommes vraiment. À la veille d'Imbolc, lorsque nous regardons derrière nous et que nous considérons les rituels du passé, il est tout à fait naturel de se demander si ces anciennes traditions ont une place dans le monde moderne. Les étudiants en histoire font souvent remarquer qu'ils étudient le passé afin de mieux comprendre le présent. Ainsi, si nous regardons Imbolc, que nous dit-il sur notre situation actuelle ?
Le 1er février, c'est Imbolc
Imbolc, qui tombe le 1er février, est l'une des pierres angulaires du calendrier celtique. Pour les habitants des Highlands, le succès de la nouvelle saison agricole était d'une grande importance. Comme les réserves d'hiver devenaient insuffisantes, les rituels d'Imbolc étaient effectués pour assurer un approvisionnement régulier en nourriture jusqu'à la récolte six mois plus tard. Au fil du temps, l'église a assimilé de nombreuses facettes de cette fête, principalement en raison de la réticence des Highlanders à perdre une partie aussi importante de leur culture et du pragmatisme des églises à adapter des idéologies apparemment contradictoires quand cela leur convenait.
Ainsi, Imbolc devint la Chandeleur et la déesse païenne Bridhe qui lui était associée devint Sainte-Bride, soit la Sainte Epouse (de Bride = la mariée, l’épousée, ndt). Dans les Hébrides extérieures, cependant, les populations locales se sont raccrochées un peu plus à leurs traditions et les coutumes ont évolué pour devenir un hybride spirituel unique, à mi-chemin entre la fête chrétienne moderne qui se tient le premier février et le paganisme traditionnel de nos ancêtres.
Sainte-Bride et la Chandeleur
La Chandeleur elle-même a des origines très alambiquées. Dans ses efforts pour christianiser la divinité païenne populaire de la terre, Bridhe, l'église l'a rebaptisée Sainte Épouse et lui a donné une histoire colorée, où elle a été miraculeusement transportée à Bethléem pour assister à la naissance du Christ. L'église a également emprunté à la Rome antique, où un rite similaire, à cette époque de l'année, honorait la déesse Juno Februata (à l'origine du nom de ce mois) dont les adorateurs, ce jour-là, portaient des bougies allumées pour l'honorer. Dans les régions de langue gaélique d'Écosse en particulier, la déesse Brighid était toujours tenue en haute estime et c'est là que les coutumes et les rituels associés ont mis le plus de temps à disparaître.
Le 31 janvier Óiche Fheil Bhrighide, qui signifie la veille de la fête de Brighid en gaélique, la dernière gerbe de blé de la récolte précédente était habillée en Brighid et emmenée de maison en maison par des jeunes filles. Elles habillaient et décoraient cette effigie avec des coquillages et des cristaux étincelants ainsi qu'avec toutes les petites fleurs et la verdure qui poussaient à cette époque de l'année. Un coquillage ou un cristal très brillant était placé sur son cœur. On l'appelait reul iuil Brighde, l'étoile directrice de Bride. Les jeunes filles, vêtues de blanc avec les cheveux tombés, portaient la mariée en procession, lui chantaient une chanson et visitaient chaque maison. Tout le monde devait la vénérer et lui faire une offrande. Les mères lui donnaient un bannock, du fromage ou un petit pain au beurre. Enfin, elles se rendaient dans une maison pour faire un festin, les hommes étant autorisés à entrer après un certain temps. Une grande partie de la nourriture était conservée et distribuée plus tard aux pauvres.
Le lit de berceau de la mariée
Dans une autre tradition, les femmes âgées de chaque foyer fabriquaient un berceau appelé le lit de la mariée. Elles en faisaient une figure à partir d'une gerbe d'avoine décorée de rubans, de coquillages et de cristaux. La femme se dirigeait vers la porte et appelait doucement en gaélique « le lit de la mariée est prêt » ou « Brighde, entre, ton accueil est vraiment fait ». Ce faisant, ils invoquaient l'esprit de Brighde et elle était vraiment présente dans la figure qu'elles avaient faite. Elles ont ensuite placé Brighde dans le lit avec un bâton droit à côté d'elle (le slachdan Brighde). Puis elles l'ont lissée sur les cendres de l'âtre, la protégeant des courants d'air. Le matin, elles les examinaient avec empressement. Elles étaient très heureuses si elles trouvaient la marque de la baguette de Brighde, mais elles étaient ravies si elles trouvaient sa véritable empreinte de pas, car cela prouvait qu'elle était vraiment avec eux cette nuit-là et qu'elles auraient de la chance tout au long de l'année à venir.
Les croix de St Bride
Une coutume plus courante, qui a survécu dans de nombreuses zones rurales, est le tissage de croix de St Bride à partir de joncs. Ces croix étaient construites la veille au soir et accrochées autour de la maison pour porter chance.
Contrairement à la fête du Samhain, et peut-être en raison d'un festival initialement consacré à une déesse, la plupart des activités rituelles étaient centrées sur les femmes et les filles du village. Il s'agissait également d'une célébration plus personnelle et localisée plutôt que d'une affaire de communauté. Cet aspect a également été repris à l'époque chrétienne, lorsque la fête avait tendance à être célébrée en famille à la maison, par opposition à un acte de culte communautaire à l'église.
Il existe également un lien étroit avec l'huîtrier dont le nom gaélique est gille bridhe, ou serviteur de Bridhe. Dans la tradition ancienne, Bridhe les appelait de sa main et les envoyait guider les marins vers le rivage par mer agitée. Entendre leur appel distinctif pour beaucoup est le signe que le printemps est en route.
Holy Wells (puits sacrés) en Écosse
Les puits sacrés étaient aussi traditionnellement visités ce jour-là, les visiteurs priaient pour la santé en marchant au soleil autour d'eux et laissaient des bouts de tissu trempés dans l'eau sur les arbres voisins. Depuis l'arrivée de l'Église réformée aux Hébrides, il y a peu de puits avec des dédicaces saintes ; cependant, pour les curieux, il en existe encore un à côté d'une chapelle en ruine sur une ferme de Melbost. Noté par l'Ordnance Survey comme Teampull Bhrighid, c'est un lien concret avec les histoires passées. Qui sait avec certitude quel genre de rituels auraient eu lieu en ce jour, ici, il y a des centaines d'années.
À Barra, le jour de la mariée, on tirait au sort les meilleurs iolachan iasgaich ou bancs de pêche. Après l'église et un sermon sur les vertus et les bénédictions de la mariée, le prêtre exhortait la congrégation à éviter les disputes et les querelles concernant la pêche. Après être sortis de l'église, les hommes tiraient au sort les bancs de pêche des années suivantes, juste à la porte de l'église.
Aucune mention d'Imbolc ne serait complète sans une mention de la tradition contemporaine. Les rituels évoluent avec le temps et souvent, lorsque les gens partent à la découverte du monde, ils s’adaptent à de nouveaux foyers et à de nouvelles circonstances. Comme nous l'avons vu avec les colons américains sculptant des citrouilles plutôt que des navets lors de cette autre fête païenne importante qu’est le Samhain ; nous pouvons également faire remonter les origines du « Jour de la marmotte » (Groundhog Day) en Europe. Ce jour-là, chaque année, les yeux de l'Amérique se tournent vers une petite ville de Pennsylvanie popularisée par un film de 1993 intitulé Groundhog Day. Lorsque Punxsutawney Phil sort de son terrier, si le ciel est nuageux, le printemps arrivera tôt mais s'il est ensoleillé, la marmotte verra soi-disant son ombre et se retirera dans sa tanière, et le temps hivernal persistera pendant six semaines encore.
Rituels de purification païens romains
Les origines de cette coutume spécifique sont enregistrées sous le nom de Lupercalia, un rituel romain païen de purification qui avait lieu le 15 février sur l'ancien calendrier romain, lorsqu'un hérisson était chargé de la divination du temps. Ces croyances ont survécu à la christianisation de l'Europe et se sont plutôt rattachées à la Chandeleur en tant que folklore. Les colons européens en Amérique du Nord ont maintenu la tradition païenne, mais avec la marmotte indigène. La tradition, bien qu'elle ne soit plus observée en Écosse, fait l'objet d'un proverbe gaélique :
Thig an nathair as an toll
Là donn Brìde,
Ged robh trì troighean dhen t-sneachd
Air leac an làir.
The serpent will come from the hole
On the brown Day of Bríde,
Though there should be three feet of snow
On the flat surface of the ground.
Le serpent sortira du trou
Le jour brun de Bríde,
Bien qu'il devrait y avoir trois pieds de neige
Sur la surface plane du sol.
C'est une sorte de victoire des anciennes coutumes sur les nouvelles, alors que des millions de personnes savent ce qu'est le « Jour de la marmotte » mais ne connaissent pas la Chandeleur. Mais plus que cela, cela montre l'attrait durable de la tradition et du paganisme. En ces temps incertains où quelques personnes luttent pour donner un sens au monde qui les entoure, le rituel peut donner un sens à la vie. Que vous regardiez le Phil de Punxsutawney en direct sur Internet, que vous allumiez une bougie ou que vous tissiez une croix de St Bride ce soir, vous faites partie de quelque chose de plus grand, de général, c’est plus pertinent que jamais.
Sources : Euro-Synergies
La vraie nature de l’armée rouge : interview de Dominique Venner (1981)
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- Catégorie : HISTOIRE
Forte de ses milliers de chars et d'avions, la plus puissante armée de tous les temps campe aux frontières de l'Europe occidentale. Soixante-trois ans après sa création, alors que la révolution de Lénine et de Trotski jetait les bases de l'État soviétique, l'Armée rouge pèse aujourd'hui de tout son poids sur les destins du monde. Force politique autant que militaire, porteuse du messianisme révolutionnaire qui a bouleversé l'histoire du XXe siècle, l'armée de Toukhatchevski et de Boudienny a fait de l'U.R.S.S. une superpuissance dont certaines nations redoutent les visées hégémoniques. Après plusieurs années de recherches sur cette question Dominique Venner publie aujourd'hui (1981), chez Plon, le premier tome d'une Histoire de l'Armée Rouge qui va de 1917 à 1924. Cet ouvrage propose de nombreuses vues originales et contient des témoignages généralement ignorés du public français. Une fois de plus, l'histoire contribue à éclairer l'actualité la plus immédiate, et c'est dans cet esprit qu'Histoire magazine a demandé à Dominique Venner de présenter à ses lecteurs les réflexions que lui a suggérées l'étude de cette armée d'une nature particulière.
Histoire magazine : Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à vous intéresser plus particulièrement à l'histoire de l'Armée rouge ?
Dominique Venner : S'il existe un nombre considérable d'ouvrages traitant de la révolution d'Octobre, très peu d'auteurs ou d'historiens français, si l'on excepte Marina Grey et Jean Bourdier, se sont penchés sur l'étude de la guerre civile, qui fut pourtant essentielle pour la genèse de l'État soviétique né des émeutes d'Octobre. De nombreux témoignages, notamment ceux de Français qui furent les témoins de ces événements, ont été longtemps négligés. La naissance d'un ordre nouveau au sortir d'une époque de décomposition chaotique est un phénomène particulièrement intéressant à étudier et l'époque dite du « communisme de guerre » est à cet égard exemplaire. Je pense enfin que l'Histoire détermine largement le présent que nous vivons. L'Armée rouge représente aujourd'hui une puissance formidable, installée à quelques centaines de kilomètres de nos frontières.
Cela inquiète quelque peu, surtout depuis quatre ou cinq ans. On se rend compte que les espoirs de « détente » n'étaient pas compris de la même manière de part et d'autre du rideau de fer. Pour évaluer la menace et mesurer ce qu'elle représente, il faut savoir tirer les leçons de l'Histoire.
Alors que la Wehrmacht commençait sérieusement à inquiéter l'Europe de la fin des années 30, Jacques Benoist-Méchin a écrit une Histoire de l'Armée allemande qui demeure aujourd'hui la meilleure étude sur la question. Je me suis efforcé de faire comprendre ce qui, dans l'histoire tumultueuse de la naissance de l'Armée rouge, pouvait déterminer sa réalité actuelle.
H. M. : On peut se demander pourquoi l'armée tsariste, le fameux « rouleau compresseur » évoqué par la presse française de 1914, n'est pas intervenue pour empêcher le triomphe de la révolution de Février 1917?
D. V. : II faut rappeler à quel point le tsar Nicolas II avait vu son prestige entamé par les conditions lamentables dans lesquelles la guerre était conduite. L'impuissance, la gabegie, la corruption régnaient partout alors que le peuple endurait, du fait de la guerre, au front comme à l'arrière, les pires souffrances. L'omnipotence scandaleuse de Raspoutine avait dressé contre la famille impériale une bonne partie de la noblesse, qui constituait naguère le soutien le plus ferme du régime. A l'intérieur même de l'Armée, et aux plus hauts échelons, il existait un complot pour contraindre le tsar à l'abdication. Il semble qu'il ait trouvé sa source, si on en croit l'historien Grégoire Aranson, dans les cercles maçonniques militaires, attachés à l'idée d'une monarchie constitutionnelle et hostiles à l'éventualité d'avoir à tirer sur le peuple. Les généraux Alexeiev et Krymov animaient ce « complot », dont la mise en œuvre fut devancée par les émeutes de Février. Un député de la Douma, Goutchkov, assura la liaison avec les militaires libéraux, et Nicolas II, non seulement ne put compter, en février 1917, sur un quelconque soutien de l'Armée, mais fut, au contraire, poussé à l'abdication. Certains des généraux impliqués dans cette affaire rejoindront d'ailleurs le camp de la contre-révolution quelques mois plus tard, effrayés par ce qu'ils avaient contribué à déclencher.
H. M. : Quel fut le rôle de Trotski dans la genèse de l'Armée rouge ?
D. V. : II fut absolument essentiel. De tous les bolcheviks, Trotski, devenu commissaire à la Guerre au printemps de 1918, était sans doute le plus intelligent de tous et le plus cultivé. Il comprit immédiatement qu'il convenait de reconstituer une véritable armée, avec ses techniciens, sa discipline, son organisation. Les officiers d'activé demeurés dans le camp bolchevik surent le persuader qu'il fallait restaurer l'ordre dans les unités pour en obtenir quoi que ce fût.
C'est lui qui imagine de redonner leur commandement aux officiers de l'ancienne armée en leur adjoignant un commissaire politique. La loyauté des cadres était garantie par le fait qu'on gardait leur famille en otage.
Pour ce qui est de la discipline dans la troupe, le leader du Soviet de Petrograd n'hésita pas, au nom de la légitimité révolutionnaire, à tenir des discours tels que celui-ci : « On ne peut dresser une armée sans répression. On ne peut mener à la mort des masses d'hommes si le commandement ne dispose pas dans son arsenal de la peine de mort. Tant que les méchants singes qui s'appellent des hommes formeront des armées et batailleront, le commandement placera les soldats dans l'éventualité d'une mort possible en avant et d'une mort certaine à l'arrière. »
Prêt à utiliser les compétences des anciens officiers, Trotski dut compter avec l'opposition du « groupe de Tsarytsine », c'est-à-dire Staline, Vorochilov et Boudienny, hommes beaucoup plus simples qui n'avaient pas l'envergure suffisante pour discuter avec les anciens cadres militaires, chose qui ne procurait, en revanche, à Trotski aucun complexe, étant donné son niveau d'éducation et de culture. Staline et les siens souhaitaient créer une armée prolétarienne où il n'y aurait pas eu de place pour les cadres de l'Ancien Régime. Les événements devaient donner entièrement raison à Trotski sur ce point. Doué d'un sens de l'organisation et d'une capacité de travail hors du commun, le tout complété par une hauteur de vues et une rapide compréhension des problèmes stratégiques, il a incontestablement été le Lazare Carnot de la Révolution soviétique.
H. M. : On a souvent évoqué le poids de l'intervention étrangère dans la guerre civile ? Qu'en fut-il réellement ?
D. V. : Son importance a été surestimée. Les Alliés ont tout d'abord sous-estimé la force du mouvement révolutionnaire qui déferlait sur la Russie. Churchill parlait de « cette répugnante singerie du bolchevisme » et tous pensaient que Lénine et les siens seraient rapidement balayés. Les puissances étrangères songèrent donc surtout à la défense de leurs propres intérêts. Les Anglais soutinrent Koltchak et les jeunes États baltes, les Français aidaient plus spécialement la Légion tchèque, les Japonais occupaient la Sibérie orientale en espérant bien s'y maintenir et, dans cet espoir, ils génèrent toute tentative de constitution d'un gouvernement blanc efficace, en apportant leur appui à l'ataman Semenov contre Koltchak.
Les Américains avaient débarqué à Vladivostok parce que les Japonais y étaient eux-mêmes et ils ne comprenaient pas grand-chose à la situation russe, soutenant indistinctement des alliés des « blancs » ou des bolcheviks au nom de l'aide humanitaire. Quand Clemenceau décida en décembre 1918 d'engager un corps expéditionnaire prélevé sur l'armée de Salonique en Ukraine, ce fut un échec total et il fallut évacuer Odessa au moment où commençaient les mutineries de la mer Noire.
C'est avec l'aide française à la Pologne que l'intervention extérieure fut vraiment efficace.
H. M. : Quels furent les échecs de l'Armée rouge ?
D. V. : L'Armée rouge dut mener trois guerres de nature différente : guerre contre les Blancs (ce qui inclut tous les opposants y compris d'extrême gauche), guerre contre les paysans et guerre contre les nationalités. A ces trois niveaux, l'Armée rouge a triomphé, c'est-à-dire a fait triompher par les armes la volonté politique du parti, sauf lorsqu’elle s'est heurtée à un nationalisme suffisamment fort. Si l'épreuve de la guerre a couronné les bolcheviks en Russie, elle leur a été fatale à trois reprises au cours de la même période, en Finlande, dans les pays baltes et en Pologne. Dans ces trois circonstances, le nationalisme affronté par l'Armée rouge s'est révélé supérieur. Cet adversaire est le seul devant lequel, tout au long de son histoire, le communisme conquérant devra reculer. La guerre civile annonce les formes nouvelles de conflits qui connaîtront tous leurs développements au cours du XXe siècle : la rupture avec la guerre de position de 1914-1918, l’intervention massive de la passion idéologique et des armes psychologiques, l'usage scientifique de la terreur, la guerre de partisans et son corollaire, la contre-guérilla... Dans tous les cas, l'Armée rouge sut faire preuve des qualités nécessaires pour s'adapter et finir par l'emporter, au prix d'une brutalité inouïe, qui était à la mesure du chaos dans lequel avait sombré le pays.
H. M. : Quelles sont, selon vous, les principales causes de l'échec des armées blanches face à un pouvoir bolchevik isolé et encore bien mal assuré ?
D. V. : II faut tout d'abord tenir compte de la division des forces contre-révolutionnaires. La Légion tchécoslovaque, patronnée par la France, apparaît hostile à l'amiral Koltchak, qu'on considère comme l'homme des Anglais. Dans le Sud, Denikine, partisan des Alliés, s'oppose à Krasnov, soutenu par l'Allemagne. Quant aux Cosaques et aux Ukrainiens, tout à leurs rêves d'autonomie et d'indépendance, ils ne peuvent s'entendre avec Denikine, qui jure de restaurer l'unité de la Russie dans ses frontières impériales de 1914. Les Blancs disposaient pourtant de sérieux atouts et leur approche entraînait souvent des révoltes chez les paysans excédés par les réquisitions bolcheviques. Mais le commandement des armées blanches était souvent médiocre, surtout pour ce qui concernait celle de Sibérie. Il y avait pléthore d'officiers attachés aux conceptions les plus conventionnelles. La corruption, le trafic des approvisionnements débarqués par les Alliés à Vladivostok étaient des plaies généralisées. Les rivalités des missions alliées aggravaient encore les choses. Le général français Rouquerol a pu parler d'ignorance du métier militaire, de manque de dévouement, de prévarication, d'abus de boisson, de manières brutales à l'égard des hommes... Certains officiers trafiquaient avec les subsistances de leurs troupes, voire avec les armes et les munitions.
Koltchak était d'une honnêteté irréprochable mais ne disposait pas de l'autorité suffisante pour mettre de l'ordre dans tout cela. Les choses allaient beaucoup mieux à l'armée de Denikine mais, une fois obtenus les succès initiaux, celui-ci va commettre une erreur fatale en divisant ses troupes quand il ordonnera la marche sur Moscou. Les troupes disponibles étaient trop peu nombreuses et ne disposaient pas de réserves organisées dans la profondeur. Avec des lignes de communication trop étirées, elles devaient également faire face aux actions des partisans bolcheviks ou des anarchistes de Makhno.
De tous les chefs blancs, Wrangel apparaît comme le plus capable ; malheureusement pour la contre-révolution, il sera trop tard quand il prendra le commandement des forces blanches du Sud.
Il ne faut pas, toutefois, se contenter d'analyser la défaite des Blancs comme le résultat d'un affrontement militaire classique, ce qu'avaient tendance à faire certains observateurs alliés. Il faut replacer cette défaite dans son contexte révolutionnaire. La Russie avait subi, depuis 1917, un cataclysme d'une dimension qu'aucune autre révolution, si radicale et si brutale fût-elle, n'avait enregistré. En quelques mois, ce n'est pas seulement l'État qui s'était effondré, mais encore la totalité du corps social. Ce fut d'abord un déchaînement spontané, provoqué par la guerre moderne et les contraintes imprévues et insupportables qu'elle imposait à la fragile société russe de 1914. La paralysie d'une machine économique saturée et d'un gouvernement incapable avait exacerbé les tensions jusqu'au déferlement qui commença de tout emporter à partir de février 1917 et culmina après octobre.
La Révolution française n'avait rien connu de semblable. Les groupes sociaux avaient été ébranlés et modifiés, sans être détruits. Après la bourrasque jacobine, les profiteurs de la Révolution feront Thermidor et susciteront Bonaparte pour mettre fin à la crise. En Russie, le cyclone révolutionnaire avait tout rasé. En quelques mois, de la fin de 1917 à l'été de 1918, tous les groupes sociaux autres que le prolétariat et la paysannerie avaient été engloutis par une sorte de séisme social, une désintégration soudaine de l'économie et une jacquerie généralisée, aggravée par les appels à la guerre sociale des commissaires du peuple et par leur brutale tentative de collectivisation.
La Russie de 1918 était devenue la « table rase » des chansons révolutionnaires. L'impossible s'était réalisé. Le corps social avait péri de mort violente. Les représentants des élites traditionnelles avaient disparu, liquidés, affamés, réduits à l'état de sous-prolétariat. Deux millions d'entre eux avaient émigré à l'étranger. Dans leurs rêves les plus extravagants, les dirigeants du Parti n'avaient jamais imaginé, tout en le souhaitant, à l'image des nihilistes du XIXe siècle, que le hasard leur ferait le présent d'un tel génocide social, d'une telle réduction de la société à son niveau le plus élémentaire. Aussi n'avaient-ils rien prévu et devaient-ils tout improviser. Dans l'été de 1918, le Parti bolchevik s'est trouvé être le seul principe organisateur et fédérateur de Russie. C'est la chance que lui offrit l'Histoire. Il devait combler le vide qu'il avait contribué à créer, et le défi de la guerre civile accéléra ce processus ; sans cette épreuve, on peut imaginer que le régime bolchevik, naviguant entre le crime et l'utopie, eût été bien incapable de constituer un pouvoir cohérent débouchant sur autre chose que l'impuissance. La moitié des bolcheviks se consacra à l'édification de l'Armée rouge et à la guerre ; le reste jeta les bases de la bureaucratie que le Parti inventa empiriquement pour remplacer le corps social disparu et fonder la nouvelle société socialiste. Les Blancs, confrontés au même problème sur leurs territoires respectifs, se révéleront incapables d'y apporter une réponse. La guerre est toujours le plus impitoyable des juges. Les mêmes épreuves, qui avaient précipité la mort de l'autocratie et des armées blanches, allaient favoriser l'édification de l'État bolchevik, prouvant ainsi par un remarquable exemple de darwinisme social, son aptitude à vivre,
H. M. : Vous privilégiez donc l'explication politique de préférence aux facteurs militaires ?
D.V. : Faute d'avoir tiré leur justification d'un État, même virtuel, les armées blanches étaient vouées à l'échec. L'Armée est une part essentielle de l'État, mais elle n'est pas l'État. La fonction souveraine contient implicitement la fonction militaire, mais l'inverse n'est pas vrai. En Russie, la fonction souveraine fut vacante de février à octobre 1917. Les bolcheviks en devinrent les dépositaires inconscients, dès lors qu'ils entreprirent d'assumer effectivement le pouvoir. Rapidement et non sans mal, la fonction militaire se reconstitua à leur profit. En revanche, jamais les armées blanches, malgré leur courage, leur patriotisme et la qualité personnelle de tel ou tel de leurs chefs, ne sont parvenues à créer un État. En dehors des Finlandais, seul Wrangel s'y efforcera en Crimée, mais il était déjà trop tard. Cette défaillance avait été clairement perçue par le maréchal Foch qui déclarait en 1919 : « Les armées n'existent pas par elles-mêmes. Il faut qu'il y ait derrière elles un gouvernement, une législation, un pays organisé. Mieux vaut avoir un gouvernement sans armée qu'une armée sans gouvernement. »
Par un extraordinaire paradoxe, sans en avoir aucune conscience, dans leur effort surhumain de guerre et d'organisation, Lénine et les bolcheviks agirent en restaurateurs de l'Etat russe. Ils le firent au nom d'une idéologie étrangère à l'État et avec des moyens odieux. Mais, sans le vouloir, sans doute sauvaient-ils ainsi la Russie d'un anéantissement et d'un partage qu'ils avaient eux-mêmes contribué à déchaîner.
Portés par une ambition contraire aux résultats, ils allaient devenir les rassembleurs de l'ancien Empire. Cela devait coûter cher au peuple russe. Le démographe soviétique Maksudov estime à vingt-sept millions et demi de victimes le bilan de l'holocauste bolchevik (en excluant, bien sûr, les pertes dues à la Seconde Guerre mondiale et en ne retenant que les morts de la guerre civile, des famines, de la dékoulakisation des années 30, du Goulag, des grands procès staliniens...)
Nous touchons ici à l'ambiguïté profonde du rôle historique assumé par le Parti bolchevik et l'Armée rouge : reconstitution de l'État et de l'Empire, et, en même temps, bourreaux du peuple russe, destructeurs de sa substance même et de sa spécificité spirituelle.
H. M. : On a souvent présenté l'Armée rouge comme l'héritière du nationalisme russe. Que pensez-vous de cette interprétation ?
D. V. : La série de hasards qui, à la fin de 1917, porta Lénine et ses partisans à la tête du plus vaste pays de la Terre eut pour conséquence de faire coïncider l'espace géographique de la révolution avec celui de la nation russe, et les bolcheviks identifièrent la défense des frontières à la révolution, dans la mesure où la guerre civile et les luttes qui les opposèrent aux Finlandais et aux Polonais constituaient des menaces périphériques. Les Occidentaux interprétèrent un peu rapidement cette ambivalence russe et soviétique comme un retour au nationalisme et à l'expansionnisme russes traditionnels. C'est ainsi que, pour le général de Gaulle, l'Union soviétique n'était que l'héritière de la « Russie ». Il est vrai que les peuples et les nations sont souvent plus durables que les religions et les idéologies importées, mais la Russie a été victime d'un véritable génocide, doublé d'une entreprise systématique de dénaturation culturelle. Lorsque Staline fit alliance en 1941 avec le nationalisme russe, c'était avec l'intention non pas de renier la révolution, mais de la sauver. Ses successeurs continuent d'entretenir l'équivoque sur la signification du mot « patrie ». La patrie qu'ils invoquent (la patrie des « travailleurs ») est purement idéologique, sans racines nationales. Mais pour mobiliser l'émotivité des masses, ils sont contraints de l'assimiler à la vraie patrie, à la patrie russe de toujours.
Beaucoup ont cru retrouver dans les Lettres du marquis de Custine une Russie qui fût l'ancêtre direct de notre actuelle U.R.S.S. Malheureusement, l'explication du soviétisme par le passé russe résiste peu à l'examen. Les Khmers rouges relèvent-ils du Cambodge éternel comme les bolcheviks de la Russie éternelle ? Il est facile d'observer que la nature du communisme au pouvoir est identique de par le monde entier. La part de l'éternelle Russie dans le système soviétique relève de ce qui n'est pas spécifique du totalitarisme. L'autorité de l'État, l'absence de procédure parlementaire, le goût du secret dans les affaires publiques ne constituent pas les traits distinctifs du régime communiste. Ce qui distingue celui-ci sans équivoque, c'est, d'une part le pouvoir totalitaire d'une idéocratie destructrice de la culture nationale ; d'autre part, l'élimination et le remplacement du corps social par une bureaucratie universelle tirant sa justification de l'idéologie. L'impossible adéquation de l'idéologie et du réel se traduit par la négation de la réalité. Les faits ont tort s'ils ne se plient pas à l'utopie.
La réalité est donc brisée par la force, ce qui entraîne le massacre de catégories sociales rebelles (paysans baptisés « koulaks » pour la circonstance, ou « bourgeois »), la liquidation des nationalités rétives, l'institution du Goulag, le traitement des opposants en asiles psychiatriques, l'asservissement de la pensée à une vérité qui est le privilège du parti assimilé à une caste sacerdotale. Rien de cela n'existait à l'époque de l'autocratie russe. Ce régime autoritaire mais nullement totalitaire laissait s'exprimer les opposants dans la presse et dans les universités pour autant qu'ils n'eussent pas manié bombes et revolvers.
Le caractère idéocratique, Alain Besançon l’a parfaitement montré, du pouvoir soviétique est un obstacle insurmontable pour une évolution en profondeur vers une « russification ». Il faudrait abolir l'idéologie, et ce serait une révolution. Sans doute ne peut-on totalement exclure une telle hypothèse et — pourquoi pas ? — à la suite d'événements exceptionnels, une révolution venue de l'intérieur même du régime ou de l'Armée. En attendant, les hommes du Kremlin ne sont pas des Russes, mais des Soviétiques.
H. M. : Le fait que l'Armée rouge soit une armée « politique » a-t-il des conséquences sur la nature de la stratégie soviétique ?
D. V. : C'est tout à fait évident. Le marxisme a exercé une influence directe sur la doctrine militaire soviétique et pas seulement au niveau des interférences politiques. La prédilection pour l'offensive traduit une mentalité sous-tendue par l'idée de lutte qui domine la vision bolchevique du monde. Marx et Engels ont cherché à asseoir l'utopie révolutionnaire et socialiste sur une œuvre scientifique et à codifier la révolution comme une guerre psychologique totale, menée contre l'ordre social existant. Ils sont ainsi parvenus, par-delà leur mort, à doter des légions d'activistes d'un sentiment subjectif de certitudes qui n'est pas étranger au résultat historique considérable de la révolution bolchevique. La pensée marxiste est avant tout une pensée stratégique, élaborée dans une intention polémique pour écraser l'adversaire, sous l'action conjuguée de la science et du prolétariat jouant un rôle de classe d'assaut. Marx et Engels ont appliqué à la réflexion politique un mode de pensée militaire. Ils sont à la source de ce trait spécifiquement soviétique d'une réflexion stratégique employée systématiquement dans le domaine politique. Les bolcheviks ont ajouté à cet héritage ce qu'ils avaient en propre : un fanatisme de secte, une tradition de la conspiration, le mépris des conventions et de la morale « bourgeoises » et une prédilection pour la violence, héritée de la tradition révolutionnaire russe du, XIXe siècle. Ils se sont forgé une vision militaire des relations internationales, qui, à leurs yeux, relèvent de la guerre. Le conflit entre le « socialisme » et le « capitalisme » peut connaître des phases de détente, mais il ne peut s'écarter de l'impératif final : « Détruire ou être détruit ». Formés à cette école, les dirigeants soviétiques sont avant tout des stratèges. Médiocres économistes, administrateurs défaillants, ils se révèlent en revanche de première force en politique étrangère, lieu privilégié de la lutte contre le capitalisme. Les satisfactions intenses qu'ils tirent de la guerre politique internationale leur font oublier leurs déboires internes.
Quand ils regardent la carte du monde, leurs vassaux plies à leurs volontés, leurs alliés et leurs otages asservis à leurs manœuvres, leurs adversaires en difficulté, quand ils contemplent l'énorme accumulation de puissance de la plus formidable armée que le monde ait jamais connue, comment n'éprouveraient-ils pas les voluptés de l'orgueil ? La puissance est une ivresse. La plus forte que l'homme ait jamais goûtée. Ils en savourent quotidiennement les délices.
Les hommes du Kremlin sont convaincus que l'avenir du monde dépend non pas du niveau de vie à Moscou ou à New York, mais de la puissance des armements. Ils ne croient pas que la force des armes compte moins que la productivité. Ils ont même tendance à penser le contraire et à vouloir compenser l'infériorité de leur économie par la supériorité de leur armée. On est tenté de suivre Raymond Aron quand il craint qu'« un pays qui préfère les canons au beurre aussi résolument doit bien, à l'occasion, encaisser les dividendes de ses énormes dépenses d'armement ».
Interview recueillie par Philippe Conrad
Sources : Histoire Magazine N°18 – 1981.
Padrig Montauzier : « Dans le mouvement breton, certains ont cru bon de privilégier l’idéologie à la cause nationale » (Interview)
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Nous vous proposons aujourd’hui un entretien exclusif avec Padrig Montauzier, acteur majeur du mouvement breton depuis plusieurs décennies et aujourd’hui rédacteur en chef de la revue nationaliste War Raok. Un militant de longue date qui fait sienne la citation suivante :
« D’un bout à l’autre de l’Europe, des peuples luttent pour leur liberté. De l’un à l’autre, les buts et les moyens varient, mais l’impulsion initiale est la même. Cette lutte des peuples a concerné, ou concernera, tous les peuples européens sous tutelle coloniale. Aujourd’hui particulièrement sensible chez tel ou tel, elle exprime une constante de l’histoire globale de notre continent ».
Entretien avec un combattant de la Bretagne libre.
Breizh-info.com : Comment pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Padrig Montauzier : J’ai été sensibilisé très tôt à la politique et cela en raison de mon environnement familial. A 16 ans j’adhère au PCF ou plutôt aux Jeunesses communistes. C’est également le début des activités du mouvement clandestin breton F.L.B (Front de Libération de la Bretagne) et les premiers attentats. Vive interrogation de ma part, mais le « détonateur » fut les toutes premières émissions en langue bretonne à la télévision régionale. On s’approche également de mai 68. Les positions du PCF, pour un jeune de 18 ans, m’apparaissent quelque peu dépassées mais c’est l’arrestation et la détention d’un grand nombre de militants du F.L.B qui vont me fâcher définitivement avec les dirigeants communistes français et quitter ce parti. Je commence alors multiples recherches sur la Bretagne et tout naturellement sur son histoire, histoire d’un pays, d’une Nation qui fut indépendante et souveraine pendant plus de 10 siècles. C’est le grand déclic. De lectures en lectures, j’adhère en 1972 au parti nationaliste Strollad Ar Vro (le parti de la patrie). Bien qu’ayant, encore à cette époque conservé des idées de gauche, j’adhère à ce parti marqué plutôt à droite. Pourquoi ? Tout simplement les analyses défendues notamment par Yann Fouéré m’apparaissent d’un bon sens et d’une logique totale. Le mouvement clandestin continuait ses attentats contre les symboles de la France coloniale… Le gouvernement français, quant à lui, reste sourd aux revendications des partis et mouvements politiques bretons légaux… Ce qui devait arriver arriva !
C’est le grand pas en avant et mon entrée dans le camp des soldats de l’ombre. Pendant plusieurs années je prends la responsabilité de plusieurs commandos (kevrennoù en breton) en Ille et Vilaine, une partie des Côtes d’Armor et du Morbihan, et enfin la partie « France » ponctuellement. Je suis, de droit, membre du Kuzul Meur (Grand Conseil) du F.L.B/A.R.B (Front de Libération de la Bretagne/Armée Républicaine ou Révolutionnaire Bretonne) composé de quelques personnes où se décidait les actions militaires mais également la ligne politique du mouvement clandestin.
En juin 1978, je suis arrêté, mis en garde à vue pendant 6 jours, puis transféré dans une geôle parisienne. C’est le début d’une longue détention, d’une mise à l’isolement par rapport aux autres camarades détenus, isolement qui durera 11 mois.
Premier procès : condamnation à 15 années de réclusion criminelle pour l’attentat contre le château de Versailles.
Second procès plusieurs mois plus tard pour une série de près de 30 attentats : condamnation à 15 autres années de réclusion criminelle.
Libération l’été 1981 suite à une amnistie après l’élection de Mitterrand.
Quelques mois plus tard création du parti nationaliste POBL (Parti pour l’Organisation de la Bretagne) avec entre autre Yann Fouéré et la responsabilité de secrétaire national. Je deviendrai par la suite un des Présidents de ce parti.
Années 2000, scission au sein du POBL (pour des raisons politiques) et création d’ADSAV (la relève, la renaissance). Je prends la tête de ce parti et en assume la présidence pendant de nombreuses années puis laisse tout naturellement la place à des camarades plus jeunes et les assure de toute ma confiance pour le combat d’une Bretagne indépendante dans une Europe des peuples. Je décide alors de me consacrer exclusivement à la revue War Raok et à son développement et j’en deviens le directeur de publication.
Voilà, brièvement résumé mon parcours politique, tout en vous précisant qu’il n’est certainement pas terminé. (Je ne vous ai pas parlé d’un bref et éphémère passage dans un fantomatique et folklorique Parti Communiste Breton).
Breizh-info.com : Padrig Montauzier, comment se porte la revue nationaliste bretonne War Raok que vous animez fidèlement et régulièrement depuis tant d’années ?
Padrig Montauzier : Vous n’êtes pas sans connaître la situation critique de la presse en général. Concernant une revue dissidente comme War Raok, je peux affirmer que le créneau choisi, créneau qui s’inscrit dans une démarche bretonne à la fois nationaliste et indépendantiste, peut effectivement être un handicap. Certes ce choix n’est certainement pas le plus aisé, mais c’est un choix politique réfléchi. Ainsi le lecteur peut s’informer et mieux comprendre ce que renferment les mots nationalisme et indépendance. Trop d’erreurs volontaires diffusées par les opposants à toute émancipation du peuple breton sont ainsi corrigées. Nous devons non seulement le dire, l’écrire, mais également l’expliquer avec des mots justes, simples et sans excès. C’est un des rôles primordiaux de la revue, un rôle d’éducation. Citez-moi une revue bretonne qui ose traiter correctement et mettre un sens réel et véritable à cette lutte de libération nationale, lutte émancipatrice… Aucune revue n’ose affronter les foudres du « terrorisme intellectuel » ambiant. Attention à l’idéologie unique revendiquée par certains qui veulent enfermer la pensée dans un espace carcéral, assujettir le peuple breton et lui imposer un despotisme à travers une logique totalitaire. C’est un choix difficile en effet, mais je l’assume et toute l’équipe de la revue a su faire front face à cette censure, véritable limitation arbitraire et doctrinale de la liberté d’expression. Il existe en effet une censure permanente, une véritable police de la pensée unique, une désinformation « pacificatrice des esprits ». Il ne faut plus penser personnellement, mais seulement dans les catégories de la « conscience collective » ou de la popularité de masse. Ce sont des dangers réels. Nos sociétés occidentales commencent à pratiquer la « démocratie populaire » que je croyais vaincue depuis une décennie en Union soviétique et dans les Pays de l’Est sous dictature communiste. Si je suis partisan d’une pensée forte, ayant pour objectif la marche en avant, je me méfie de la volonté angélique d’oublier les offenses faites aux autres, ou d’un esprit justicier à sens unique. War Raok respecte les opinions de chacun mais demande en retour un respect mutuel.
La qualité et le sérieux sont les deux principaux atouts de la revue. Nous avons progressivement déstabilisé nos détracteurs. Je n’ai jamais souhaité non plus être encensé ou flatté par des esprits chagrins, mesquins… Restons debout face aux adeptes de la pensée unique, du consensus mou, et autres petits esprits. Le fait d’exister, et de progresser, depuis 21 années est quand même un gage de sérieux et je pense que la revue va continuer à incarner la résistance de cette pensée bretonne sans hésiter à bousculer la théorie du sens de l’histoire officielle. Je refuse que la revue subisse la loi de ceux qui se targuent de vertu et de droit mais veulent remettre en place les tribunaux révolutionnaires pour les mal-pensants.
Pour conclure, je dirai qu’il suffit d’ouvrir un peu les yeux pour comprendre la source des maux qui gangrènent aujourd’hui la nation bretonne et toutes les autres nations européennes. Incarnons avec notre plume la résistance de cette pensée bretonne.
War Raok doit être le véritable outil de démocratisation et de libération des esprits du formatage de l’idéologie unique, d’émancipation des intelligences… en prenant bien soin de passer au crible toute vérité officielle.
War Raok est bien le porte-drapeau du nationalisme breton et de l’indépendance de la Bretagne, la voix de la nation bretonne. Voilà pourquoi l’existence d’une telle revue est indispensable à l’éveil du peuple breton.
Breizh-info.com : vous avez été, depuis plusieurs décennies maintenant, de toutes les luttes pour la Bretagne libre, payant même votre engagement d’années de prison. Qu’est-ce qui vous a poussé à ne jamais rien lâcher malgré les coups ?
Padrig Montauzier :Il est exact que mon parcours politique, pour cette Bretagne qui me tient tant à cœur et qui parfois m’obsède, se solde par plus de 50 années de militantisme et que malgré certaines périodes difficiles, je ne regrette rien et si cela était à refaire, je le referais sans hésitation… mais en prenant soin de ne pas recommencer certaines petites erreurs. Lorsque l’on a comme moi la Bretagne dans la peau, il est très difficile de baisser les bras à la moindre tempête. C’est peut être mon éducation, mon environnement familial qui m’ont permis de rester toujours debout et de ne jamais courber l’échine ! Les coups il faut savoir les recevoir, les accepter… mais également savoir les rendre.
Breizh-info.com : quel regard portez-vous sur l’évolution de la Bretagne ces dernières décennies ?
Padrig Montauzier : La Bretagne, comme l’ensemble de l’Europe, se trouve confrontée depuis plusieurs années maintenant à des problèmes nouveaux, dont l’un de ces problèmes est lié directement aux flux migratoires nouvellement apparus et qui constituent, par le fait d’une immigration extra-européenne massive et incontrôlée, une grave menace pour tous les peuples européens et à leur homogénéité ethnique.
Si les déplacements de populations ont de tous temps marqué l’histoire, ce que nous connaissons aujourd’hui, s’apparente plus à une véritable et nouvelle « colonisation » de peuplement de gens en quête d’une subsistance, d’une nouvelle terre d’accueil, c’est-à-dire d’implantation.
Un tel dérèglement du paysage ethnique pose des questions, questions cruciales que les gouvernements actuels et l’Union Européenne refusent à résoudre et, par laxisme ou idéologie, facilitent même ces mouvements migratoires quelles qu’en soient les conséquences.
Concernant la Bretagne, il est évident que si elle doit être et restée une terre hospitalière, elle ne doit pas devenir un conglomérat de ghettos ethniquement séparés, véritable danger entraînant inéluctablement la dépersonnalisation et le déracinement du peuple breton, de culture celtique et européenne.
Si j’insiste sur ce problème d’immigration, c’est que je considère qu’il devient une des principales menaces pour l’existence même du peuple breton. Il n’est pas le seul et je ne fais surtout pas l’impasse sur les méfaits de la colonisation française qui maintient mon peuple sous tutelle, le prive de ses droits les plus élémentaires et de toute vie nationale.
Pour conclure, je dirai que les problèmes liés à l’immigration extra-européenne en Bretagne et en Europe appellent une solution idéologique favorable à la cause des peuples. Il faut refuser le mondialisme et mettre fin à son projet de métissage des peuples et des cultures.
Au même titre que je refuse l’exode des Bretons, je refuse l’exode immigrationniste dans le monde.
Le défi, notre défi de nationaliste et indépendantiste breton, c’est une civilisation bâtie sur un socle ethnique vigoureux.
Breizh-info.com : le mouvement Breton, l’Emsav (Mouvement breton), n’a jamais réussi à percer politiquement lourdement en Bretagne. Qu’est-ce qui explique cet échec ?
Padrig Montauzier : Voilà une question primordiale dans ce combat que mènent, avec une grande sincérité, hommes et femmes de Bretagne pour l’émancipation du peuple breton. Malheureusement, malgré une conscience bretonne bien réelle et affirmée, le mouvement breton a bien du mal à percer politiquement.
A cela plusieurs raisons. Tout d’abord il ne faut jamais oublier que la France est en Europe le pays le plus rétrograde, le plus colonialiste et impérialiste. Cette première raison fait que toute expression dissidente remettant en cause les agissements de l’État français est systématiquement étouffée. C’est le visage réel du pays des « Droits de l’homme » ! Il est donc difficile pour le mouvement breton de jouer dans la même cour que les partis français omniprésents dans les médias et exempts de toute censure.
La seconde raison est que, dans le mouvement breton, certains ont cru bon de privilégier l’idéologie à la cause nationale. Ces mêmes personnes ont également donné la priorité à des alliances contre nature, avec bien souvent nos pires ennemis ! Ces personnes travaillent-elles pour la Bretagne ? Devons-nous les considérer comme faisant partie de l’Emsav ? Je réponds sans ambiguïté NON. Ils se proclament de toute façon anti-nationalistes et se sont de tous temps distinguer en dénonçant, voire calomniant, les patriotes du mouvement clandestin F L B (Front de Libération de la Bretagne) lourdement condamnés par la justice française. Ils sont les idiots utiles, les valets dociles de l’État français… de braves régionalistes de gauche. A noter néanmoins qu’ils n’ont jamais réussi à intéresser, malgré leurs compromissions, le peuple breton. En fait, il faut voir dans ce triste comportement l’attitude du Breton colonisé ayant adopté la mentalité, la réflexion du maître. Une sombre soumission !
Le reste de l’Emsav fait de son mieux avec, à une certaine période (les années 70), de bons scores électoraux.
Pour terminer, je voudrais préciser que l’on peut être de droite, de gauche, du centre et des extrêmes, mais être nationalistes bretons. C’est ainsi que l’on pourra mettre sur pied un efficace parti ou mouvement national breton qui sera à même de faire trembler l’État colonial français. Nous convaincrons en adoptant un comportement, en proposant des choix clairs, en un mot en étant à l’écoute de notre peuple. Voilà le rôle de l’Emsav, être capable d’assumer le destin de la nation bretonne en refusant tout discours insipide, fade et dilué qui donnera, certes, une bonne image mais ne provoquera aucune sympathie et fera très certainement fuir les bonnes volontés. L’Emsav doit s’affirmer pour ce qu’il est en prenant toutefois bien soin de refuser tout activisme groupusculaire et irresponsable, tout excès d’actes, qui ouvrent la porte à toutes les provocations.
Enfin, l’Emsav doit refuser de tricher avec le peuple breton et répondre à une exigence d’honneur.
La lutte amène l’espoir et l’espoir intensifie la lutte… le combat progresse et l’ennemi recule, puis un jour, enfin, on mérite la victoire ! Voilà mon message d’espérance.
Breizh-info.com : quel conseil donneriez-vous aux jeunes nationalistes bretons du 21ème siècle ? Quelles sont les luttes qui, selon vous, doivent être leurs priorités ?
Padrig Montauzier : Je pense que l’avenir du mouvement national breton passe par une relève jeune et déterminée. Nos jeunes militants doivent prendre connaissance du passé, de l’histoire, du vécu des anciens militants car cela ne peut leur être que bénéfique, mais surtout ils ne doivent pas s’enfermer dans un passé romantique… c’est l’avenir qui est primordiale.
Nos jeunes militants devront faire le choix de certaines valeurs, valeurs fondamentales seules capables de rassembler et de sauver le peuple breton et l’aider à se redresser. Il est évident que le réveil d’un peuple passe par l’entretien et la promotion de certaines qualités éthiques, spirituelles qui constituent l’essence du peuple, sa part la plus haute. Toutefois l’appel à la redécouverte et à la défense du patrimoine ethnique ne suffit pas pour entraîner le renouveau politique.
La jeune génération devra convaincre en adoptant un comportement, en proposant des choix de société, en prouvant qu’elle est capable, avec un mouvement fort et structuré, d’assumer le destin d’un peuple et d’une nation.
« A temps de guerre, valeurs de combat ! ». Le peuple breton a besoin d’un système de valeurs qui puisse transformer le crépuscule présent en une aurore nouvelle.
Propos recueillis par YV
Sources : Breizh-info.com
Les Runes et la Tradition primordiale – Paul-Georges Sansonetti
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Désignant l’écriture des anciens Germains, le mot rune signifie « secret », « mystère », termes directement évocateurs d’ésotérisme et d’initiation Si, dans leur ensemble, les universitaires concèdent qu’il existe un usage religieux ou magique des runes, il n’entre pas dans leur conception du sacré que cette écriture fasse référence à ce qui, constituant sans doute la plus grande énigme de l’Histoire, appartient aux profondeurs de l’âme européenne.
S’écartant de la théorie officielle affirmant que les runes furent créées au premier siècle de notre ère à partir de lettres alpines ou nordétrusques, le travail du professeur Paul-Georges Sansonetti propose un tout autre regard sur ces caractères présentant la singularité de privilégier les formes angulaires, comme pour transcrire une géométrie sacrée formatrice des structures mentales d’un être originel en résonance avec l’univers. Conséquemment à cela, le décryptage du système runique apporterait la preuve de l’existence de ce que l’on nomme, depuis René Guénon, la Tradition primordiale, source même des divers domaines initiatiques.
18 € Format: 12,5 x 19cm – 316 pages
A commander ici : https://editions-ace.com/produit/les-runes-et-la-tradition-primordiale-paul-georges-sansonetti/
Atlas Wandervogel
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- Catégorie : Livres
L’aventure des mouvements de jeunesse en photos. Cet ouvrage, comporte 94 illustrations, en noir et blanc pleine page, et retrace les randonnées à travers l’Allemagne de jeunes Allemands, filles et garçons, entre 1919 et 1929.
Un beau travail de la part des Amis de la Culture Européenne !
24 €
Ouvrage trilingue : français, allemand, espagnol
Format : A4 – 21×29,7cm; 112 pages, impression sur papier glacé et signet
A commander ici : https://editions-ace.com/produit/atlas-wandervogel/
Imbolc et la fête de l'Ours
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- Catégorie : PAGANISME
Catalogne du Nord : La fête de l’ours, une survivance païenne restée intacte
Nombreuses sont les fêtes païennes qui ont été récupérées, faute de mieux, par la religion chrétienne lors de son implantation. Cette dernière s’est heurtée à l’univers mental et spirituel des européens de jadis dont le style de vie était rythmé par le cycle des saisons. Des fragments des anciennes pratiques nous sont parvenus par le biais de ces syncrétismes et rares sont les fêtes qui sont restées intactes. C’est le cas de la fête de l’ours en Catalogne du Nord qui se déroule en février.
La fête de l’ours, quelles correspondances ? Imbolc, le 1er février, est chez les Celtes une fête d’ouverture vers la lumière. Un mois après la période sacrée du solstice d’hiver on constate déjà l’allongement des jours. Le nom d’Imbolc est lié à l’allaitement des agneaux nouveaux-nés, en correspondance avec la montée du lait des brebis et le réveil des végétaux. Le soleil annonce son retour, c’est donc l’arrivée prochaine du printemps qui est célébrée, aussi bien chez les Celtes que chez les Germains. Le 1er février est également le jour de Brigit, déesse mère, bienfaitrice et protectrice, notamment des troupeaux. Un texte irlandais du Xe siècle décrit Brigit comme la fille du grand dieu Dagda. Citons également pour la même période la fête romaine des Lupercales célébrée le 15 février, en l’honneur de Lupercus, dieu protecteur des troupeaux, assimilé à Pan1.
Dimension symbolique de la fête de l’ours Les fêtes en Catalogne du Nord sont nombreuses, goigs dels ous (cantiques des œufs, fête qui se déroule à Pâques, à mettre en relation avec Ostara), les focs de la Sant Joan (les feux de la Saint Jean, à mettre en relation avec le solstice d’été), etc... son folklore est aussi riche que varié, le choix ici, comme le titre de l’article l’indique, va se porter sur une des plus anciennes des fêtes, la fête de l’ours. Les fêtes traditionnelles, généralement religieuses, pagano-chrétiennes, agraires ou historiques, ont la particularité et l’avantage d’être cycliques. L’action s’inscrit dans le temps à date fixe, demande une préparation et par conséquent une immersion dans le monde de la tradition. Ce qui permet le maintien d’un lien intergénérationnel et une catalanisation constante des esprits, le sentiment d’appartenance à la communauté villageoise, provinciale ou nationale est permanent. La fête de l’ours puise ses origines dans les rites païens de fécondité, la lutte de la vie ( renaissance printanière) contre la mort hivernale. Elle est présente à Céret, Prats de Mollo et Saint Laurent de Cerdans. Généralement elle a lieu entre janvier et février, à noter un rapprochement avec la fête du carnaval. La fête du carnaval s’inscrit dans la logique de l’antique fête païenne d’Imbolc (ancien nom celte, ère pré-chrétienne) où il fallait célébrer la défaite de l’hiver face au printemps par des réjouissances quelque peu débridées d’où la forme ancienne qui consistait à simuler une chasse, le gibier, personnifiant l’hiver mis à mort. Les villageois représentant le camp de l’hiver devaient être affublés de peaux de bêtes et de caparaçons de paille2. En Vallespir l’image de l’hiver est personnifiée par l’ours. De nos jours cette fête est toujours d’actualité et bénéficie d’un large succès. Le déroulement de la fête peut sembler, pour les visiteurs tranquilles, un peu brutal. Les hommes du village, des chasseurs, partent réveiller ce fameux ours, endormi dans sa grotte. Il est incarné généralement par un ou plusieurs participants, de préférence robustes, vêtus comme dans les temps anciens d’une peau de bête, la figure et les mains enduites de suie, détail important lors des attaques. Une fois réveillé notre faux plantigrade se rue sur tout le monde, sans distinction, ou presque, puis les enduit de cette fameuse suie, les femmes généralement par ce geste sont considérées comme fécondées. La fête est généralement accompagnée par des musiques traditionnelles, une chanson revient souvent, c’est évidemment celle de l’ours. Musique, cris, poursuites dans les rues, bruits de bâtons qui s’entrechoquent, pétards et autres instruments dédiés au chaos sonore mettent le village dans une ambiance d’émeute ! La légende est contée en catalan, heureusement car le rituel conserve donc tout son sens. Bien évidemment les villageois sont les grands vainqueurs de ce combat. L’ours est tondu avec une hache en place publique, et comme par magie il redevient un homme, le printemps, la vie en définitif a eu raison de la noirceur de l’hiver3.
Pour conclure : Outre le fait de chasser l’hiver qui affame, le rituel de la fête de l’ours selon Robert Bosch évoque une seconde hypothèse complémentaire4 : « Il symbolise le printemps, la renaissance de la nature et des êtres. De plus, l’ours permet aux villageois d’enrayer le problème de la consanguinité qui menace la conservation de l’ethnie. Les dimensions symboliques de l’ours suffisent au maintien des communautés villageoises vallespiriennes qui n’ont besoin de personne d’autre pour subsister ! »
Llorenç Perrié Albanell
A suivre sur Ronde Païenne des Quatre saisons :
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1 Vial, Pierre, Fêtes païennes des quatre saisons, Les Éditions de la forêt, Saint-Jean-des-Vignes, 2008.
2Ibib.
3Perrié Albanell, Llorenç, Nationalismes irlandais et catalans, convergences, similitudes et différences, Les Éditions de la forêt, Forcalquier, 2014,
4Pagès, Magalie, Culture populaire et résistance culturelle régionale, Paris, L’Harmattan, 2010.
Ils veulent reprogrammer les cerveaux des partisans de Trump !
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- Catégorie : POLITIQUE
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