Par Pierre-Antoine Plaquevent. Auteur de « Soros et la société ouverte, métapolitique du globalisme » aux éditions « cultures et racines ».
Au vu de la tension croissante entre USA et Chine/Russie, la toile bruisse de rumeurs de guerre et beaucoup se posent légitimement la question de savoir si une guerre mondiale ouverte pourrait suivre la séquence du Covid commencée fin 2019. Tenter de répondre à cette question nécessite d’aborder cette problématique complexe sous trois aspects principaux : politique, géopolitique et stratégique. Trois niveaux d’analyse qui peuvent permettre de sonder quelles sont les ruptures en cours susceptibles ou non d’entraîner une fracturation de l’ordre mondial et ainsi conduire à une guerre ouverte entre les faces occidentale et orientale de la gouvernance mondiale.
I – Sur la forme politique de l’ordre mondial actuel
Pour qu’ait lieu une guerre mondiale, il faudrait que se produise une fracture systémique au sein de la gouvernance globale. Cette gouvernance constitue un ordre mondial doté de divers niveaux d’intégration et d’interaction qui varient selon la capacité d’influence et de puissance des acteurs de différents types qui la constituent.
Parmi ces acteurs on trouve principalement :
Ces derniers, issus de la continuité et de la légitimité historique, constituent théoriquement le cadre normatif et même symbolique du système contemporain des relations internationales. Dans l’esprit des populations, ils continuent toujours d’incarner la souveraineté et la légitimité politique ; dans les faits, ils sont absorbés par les instances supra ou para-étatiques et en deviennent toujours plus subsidiaires.
Comme le Covid-19 est venu le rappeler aux peuples, les États apparaissent toujours plus dépendants d’instances de prises de décision qui échappent au regard du grand public ou que ce dernier peine à discerner. Dans le langage de la gouvernance mondiale, s’interroger sur les instances réelles de prise de décision relève du « complotisme ».
Dans les faits, l’ensemble de ces institutions non élues para ou supra-étatiques, se chargent de fixer les grands objectifs stratégiques de la gouvernance mondiale : lutte contre le réchauffement climatique, intégration cosmopolitique, planification écologique mondiale, planification sanitaire planétaire, décarbonation de l’industrie, décroissance démographique, imposition de l’agenda gender/LGBTI etc. Ces institutions et leurs bailleurs de fonds privés (type Gates, Rockefeller, Soros etc.) ont à cœur de développer le « multilatéralisme inclusif » et le juridisme institutionnel afin de réduire toujours plus le champ d’action des États et leur capacité de décision autonome.
Première rupture : quel léviathan pour freiner la stasis globale ?
Nous pensons qu’une première rupture interne à l’ordre mondial actuel tient justement au rôle que la gouvernance mondiale assigne aux États et jusqu’où ces derniers sont prêts à être absorbés en son sein. Car, à mesure que les États-nations abandonnent, transfèrent ou diluent leurs prérogatives régaliennes vers les institutions macro-régionales (type UE) ou mondiale de la gouvernance globale, ces États abandonnent aussi en retour leur monopole de la violence légitime[1]. Ils voient dès lors cette violence se répandre en retour au sein des sociétés dont ils ont théoriquement la charge et la responsabilité.
À mesure que progresse l’intégration cosmopolitique promue par les instances et les décideurs de la gouvernance globale, dans le même temps, l’ordre politique international se dilue toujours plus en une forme de guerre civile mondialisée à sa base, au niveau des États-nations menacées d’éclatement. Le Léviathan stato-national ne remplit plus son rôle de frein à la guerre latente de tous contre tous et les tendances centrifuges s’accélèrent alors en son sein jusqu’à atteindre une situation critique proche de la rupture[2]. Les sociétaires ne se sentant plus protégés de la mondialisation par l’État à qui ils ont délégué la légitimité et la souveraineté politique, chacun se sent alors libre de rompre le contrat social et rentre de manière plus ou moins consciente en sédition avec l’État central devenu dès lors une menace à éviter au lieu d’un protecteur.
Une forme d’« unité et scission »[3] de l’ordre géopolitique mondial apparait et tend à s’universaliser : convergence des États à leur sommet en direction de l’intégration cosmopolitique, fracturation et émiettement à leur base. C’est au niveau de la base des sociétés occidentales que les transformations de l’ordre mondial en cours exercent les pressions les plus violentes et les plus difficiles à supporter. C’est selon nous aussi pour freiner cette tendance à la parcellisation et à la fragmentation que quasiment TOUS les États (sauf rares exceptions type Suède ou Belarus[4]) ont appliqués avec zèle les mesures sanitaires d’exception depuis un an. Dans un contexte de rétraction globale de l’économie mondialisée, ces mesures sont venues geler la plupart des antagonismes sociaux en cours dans le monde avant l’irruption du Covid-19. On citera entre autres : les Gilets jaunes en France, les nombreux mouvements de contestation en Amérique latine courant 2019[5], les soulèvements de masse à Hong-Kong face à la Chine, l’opposition civique croissante contre Erdogan à Istanbul etc. Avec des niveaux d’intensité différents et affectant indistinctement des régimes libéraux ou illibéraux, la contagion d’une contestation politique internationale fut freinée l’an dernier par les mesures sanitaires planétaires d’exception et tous les régimes politiques fragilisés par des tensions internes ont accueillis avec soulagement cette mi-temps politique bienvenue. Un couvercle sanitaire mondial a ainsi été déposé sur le feu des révoltes en cours mais pour combien de temps ?
Cette stasis mondialisée rampante peut déboucher à terme sur une rupture plus profonde au sein du système des relations internationales. Rupture entre la gouvernance globale et les États qui refuseraient de poursuivre le processus de délitement de leur souveraineté et de leur légitimité. Une dilution de l’ordre stato-national qui génère un appauvrissement de la population et subséquemment une montée du chaos social qui menace physiquement le personnel politique des gouvernements des États-nations. Un personnel politique en première ligne face à la colère populaire comme l’a montré la sainte colère des Gilets jaunes en France ou plus récemment l’attaque du Capitole aux USA.
Ce processus de transfert des fonctions essentielles des États-nations vers des instances politiques et juridiques supranationales constitue la tendance politique axiale de notre époque ; c’est elle qui est la cause première de la plupart des problématiques politiques contemporaines. Avec l’élection de Trump en 2016, ce processus de dilution accélérée des États (ou de leurs restes) commença de se gripper sérieusement en Occident. Les États-Unis n’acceptant pas de subir à la suite de l’Europe une égalisation économique en cours avec le troisième pilier géoéconomique de la gouvernance mondiale : la Chine. Toute la présidence de Trump fut ainsi marquée par ce clivage entre une gouvernance mondiale en crise et un État américain qui en avait été jusqu’ici le fer de lance et le bras armé tant que cette gouvernance globale allait de pair avec un leadership géoéconomique mondial favorable aux États-Unis.
C’est ce programme de révision interne de la gouvernance mondiale par l’administration Trump qu’avait exposé le précédent secrétaire d’État américain, Michael R. Pompeo en 2018 lors d’une allocution prononcée au sein du German Marshall Fund of the United States, allocution dans laquelle M. Pompeo exposait les grands axes de la politique étrangère de l’administration Trump et appelait à aider les USA à construire un « nouvel ordre libéral »[6] afin de « Rétablir le rôle de l’État-nation dans l’ordre libéral international »[7].
Suite à la séquence politique de 2020 (Covid + opération Black Lives Matter + fraude électorale) qui a conduit au vol de l’élection américaine, la menace d’une Amérique en rupture avec la gouvernance mondiale est actuellement écartée. Dès lors cette friction entre gouvernance mondiale et États qui refusent de concéder plus de leur souveraineté ressurgit face à la Chine et à la Russie. Deux États complètement intégrés aux institutions internationales et à l’ordre mondial mais qui posent un problème structurel à la gouvernance globale de par le rôle central que continue d’y jouer l’État en tant que stratège et organisateur principal du développement politique et économique du pays.
C’est autour de ce rôle stratégique central de l’État que la ligne de tension entre la face occidentale et orientale de la gouvernance mondiale va se durcir toujours plus.
Alors que la Chine est très influente au sein des institutions internationales, elle n’entend pas soumettre son État-parti à ces institutions internationales qu’elle utilise par ailleurs pour démultiplier son influence et sans lesquelles elle n’aurait pas pu atteindre ce niveau actuel de puissance et d’influence. En témoignent les difficultés récurrentes que rencontrent les scientifiques de l’OMS chargés d’enquêter en Chine sur les origines du Covid-19. La Chine exerçant un rôle politique prépondérant au sein de l’OMS [8].
Comme au XXème siècle face à l’Union Soviétique, si l’idéal internationaliste du libéralisme cosmopolitique est théoriquement le même que celui du Parti communiste chinois, la ligne de confrontation entre ces deux systèmes se manifeste essentiellement autour du rôle que doit jouer l’État national au sein de la gouvernance mondiale. Pour les libéraux-globalistes, l’État-nation doit être subsidiaire des instances globales et d’un possible futur gouvernement mondial en gestation. Pour les tenants d’une forme de stato-globalisme nationalisé, l’État, bien qu’intégré au sein des institutions internationales, reste au centre de toutes les perspectives stratégiques de développement et demeure l’instance souveraine ultime détentrice du monopole de la décision politique.
L’enjeu principal de la tension actuelle entre Occident / Eurasie (Chine-Russie) au sein de la gouvernance mondiale nous semble relever de cette friction entre deux niveaux différents de souveraineté et de légitimité politique au sein de l’ordre international : Léviathan stato-national continental vs Léviathan mondial post-national.
Il s’agit en dernière instance de définir quelle sera la forme et le rôle que devra prendre et assumer le Léviathan au XXIème siècle : sera-t-il essentiellement national, continental, mondial ? Hybride ? Une question que presse la stasis globalisée qui ronge l’ordre international contemporain.
II – Sur la forme géoéconomique de l’ordre mondial contemporain
Pour décrire l’ordre mondial sur lequel s’exerce cette gouvernance mondiale polymorphe que nous avons précédemment décrit, on pourrait ici employer les catégories forgées par l’économiste marxiste Immanuel Wallerstein en les adaptant. Ce dernier décrit un système géoéconomique planétaire réparti en trois grandes zones :
L’intégration politique renforcée de la gouvernance mondiale vient brouiller toujours plus cette représentation quelque peu schématique (comme toute représentation). Par exemple des poches toujours plus larges de la zone émergente voire même de la zone périphérique se retrouvent au cœur de la zone centrale et inversement.
Malgré tout, cette division du monde décrit d’une manière assez fonctionnelle la répartition géo-économique mondiale actuelle.
La zone centrale rentre en contact avec la zone émergente et la zone périphérique au niveau de l’Amérique centrale, de l’Europe Orientale, de l’Afrique du Nord, du Moyen-Orient, de l’Asie du Sud-Est. Autant de territoires où se déroulent certaines des « crises » les plus sanglantes de notre temps.
Au niveau de la géographie politique, la masse continentale nord-américaine constitue la masse principale de la zone centrale et l’Union européenne son prolongement sur les côtes Ouest de l’Eurasie.
Les deux cœurs stratégiques de la sphère occidentale que sont le Royaume Uni et les USA ont toujours conçu et compris l’Europe et l’Eurasie comme une continuité d’empires continentaux et de puissances géopolitiques essentiellement terrestres, rivales de sa puissance maritime internationalisée.
Seconde rupture : l’intégration économique du « rimland » eurasiatique
Les stratèges impériaux anglo-américains ont toujours considéré l’Eurasie comme un tout, un continuum géopolitique qu’il faut appréhender dans son ensemble (Europe + Asie dans leur intégralité) afin de pouvoir le maitriser.
Leur plus grande crainte a toujours été qu’une puissance d’Eurasie ne devienne assez forte et influente pour réussir à relier et unifier entre eux les territoires économiquement les plus avancés et les plus dynamiques d’Eurasie. Territoires riches qui sont pour la plupart situés sur les zones côtières de la masse continentale eurasiatique. Unifier et intégrer économiquement cette zone que l’un des pères de la géopolitique américaine, Nicholas J. Spykman (1893-1943), désignait sous le nom de Rimland (ou « inner crescent, croissant intérieur eurasiatique) : vaste ceinture littorale bi-continentale composée de l’Europe de l’Ouest, du Moyen-Orient, et de l’Extrême-Orient. Pour Spykman, la clef de voute du contrôle du système-monde passe par le contrôle du Rimland.
Influencé par les travaux du géographe britannique Halford J. Mackinder, Spykman reprendra la géographie politique proposé par Mackinder mais déplacera la clef de voute du contrôle de l’Eurasie du Heartland vers le Rimland, sur les côtes riches de l’ « île du monde » eurasiatique : « Spykman nuance le grandiose schéma d’opposition terre-mer induit par la centralité géohistorique du Heartland de Mackinder, et préfère souligner le danger qu’une unification des rimlands peut représenter pour les États-Unis : géostratégiquement “encerclés”, ces derniers se retrouveraient confrontés à un Titan combinant force terrestre et maritime, capable de projeter sa puissance par-delà les océans Atlantique ou Pacifique. À terme, prévient Spykman, Washington ne pourrait que perdre un tel face-à-face, si celui-ci devait dégénérer en conflit. En conséquence, le fil rouge de la politique de sécurité américaine se déduit de lui-même : combattre résolument toute tentative d’hégémonie dans les territoires correspondant à ce que l’on pourrait qualifier d’Eurasie “utile”. » [10]
On connait la célèbre formule de Mackinder qui affirmait en son temps que : « Qui contrôle l’Europe de l’Est domine le Heartland ; qui domine le Heartland domine l’Île mondiale ; qui domine l’Île mondiale domine le monde. » [11]
Spykman reprendra cette formule et la modifiera ainsi : « Qui contrôle le rimland gouverne l’Eurasie. Qui gouverne l’Eurasie contrôle les destinées du monde. »[12], marquant ainsi la centralité des bandes côtières eurasiatiques en tant que territoires stratégiques pour le contrôle et la stabilité (du point de vue américain) de l’ordre mondial.
Le Rimland eurasiatique chez Spykman – source : https://www.councilpacificaffairs.org/news-media/ou-lon-ressort-spykman/L
l’encerclement de l’Eurasie – source de l’auteur tiré de Americas Strategy In World Politics, Nicholas John Spykman, 1942
Spykman soulignera aussi avec force la nécessité stratégique vitale pour les États-Unis de s’impliquer en Eurasie afin d’éviter l’encerclement par les puissances dynamiques du Rimland eurasiatique : « Les États-Unis doivent admettre, une nouvelle fois et de manière définitive, que la constellation de puissances en Europe et en Asie est une perpétuelle source de préoccupation, que ce soit en temps de guerre ou de paix. »[13]
Animé d’un idéalisme cosmopolitique qui affirme la nécessité pour les puissances « libérales » de savoir employer le réalisme politique et stratégique, Nicholas Spykman identifiait en outre les bases de la puissance d’un État autour de dix éléments stratégiques clefs :
« Selon Spykman, les éléments qui font la puissance d’un État sont :
1) La superficie du territoire
2) La nature des frontières
3) Le volume de la population
4) L’absence ou la présence de matières premières
5) Le développement économique ou technologique
6) La force financière
7) L’homogénéité ethnique
8) Le degré d’intégration sociale
9) La stabilité politique
10) L’esprit national » [14]
Caractéristiques que la Chine possède précisément toujours plus à mesure qu’elles s’étiolent en Occident.
Zbigniew Brzezinski (1928-2017) qui fut l’un des plus influents stratèges de la puissance américaine de la fin du XXème siècle[15], reprendra et développera l’idée de la centralité de l’enjeu eurasiatique dont il fera un axe de ses vues dans son célèbre traité de géostratégie Le Grand Échiquier, paru en 1997. Le grand échiquier c’est précisément l’Eurasie, là où se joue le destin et la forme de l’ordre mondial. Territoire stratégique qui recèle les principales ressources de la planète et dont le contrôle s’avère fondamental pour les États-Unis :
« (…) La façon dont les États-Unis « gèrent » l’Eurasie est d’une importance cruciale. Le plus grand continent à la surface du globe en est aussi l’axe géopolitique. Toute puissance qui le contrôle, contrôle par là même deux des trois régions les plus développées et les plus productives. (…) On dénombre environ 75 % de la population mondiale en Eurasie, ainsi que la plus grande partie des richesses physiques, sous forme d’entreprises ou de gisements de matières premières. L’addition des produits nationaux bruts du continent compte pour quelque 60 % du total mondial. Les trois quarts des ressources énergétiques connues y sont concentrées. Là aussi se sont développé la plupart des États politiquement dynamiques et capables d’initiatives. Derrière les États-Unis, les six économies les plus prospères et les six plus gros budgets de la défense s’y trouvent, ainsi que tous les pays détenteurs de l’arme nucléaire (les « officiels » comme les « présumés », à une exception près dans chaque cas). Parmi les États qui aspirent à détenir une hégémonie régionale et à exercer une influence planétaire, les deux plus peuplés sont situés, en Eurasie. Tous les rivaux politiques ou économiques des Etats-Unis aussi. Leur puissance cumulée dépasse de loin celle de l’Amérique. Heureusement pour cette dernière. Le continent est trop vaste pour réaliser son unité politique. » [16]
À l’époque où il écrivait ces lignes, la Russie était marquée par une instabilité structurelle et la Chine n’était pas encore devenue la puissance économique actuelle mais Brzezinski anticipait déjà la manière dont cette dernière risquait à terme de bouleverser l’ordre géopolitique établi :
« (…) Aujourd’hui, c’est une puissance extérieure qui prévaut en Eurasie. Et sa primauté globale dépend étroitement de sa capacité à conserver cette position. À l’évidence, cette situation n’aura qu’un temps. Mais de sa durée et de son issue dépendent non seulement le bien-être des États-Unis, mais aussi plus généralement la paix dans le monde.
(…) Un scénario présenterait un grand danger potentiel : la naissance d’une grande coalition entre la Chine, la Russie et peut-être l’Iran (…). Similaire par son envergure et sa portée au bloc sino-soviétique, elle serait cette fois dirigée par la Chine. Afin d’éviter cette éventualité, aujourd’hui peu probable, les États-Unis devront déployer toute leur habileté géostratégique sur une bonne partie du périmètre de l’Eurasie, et au moins, à l’ouest, à l’est et au sud. » [17]
Désormais première puissance économique mondiale [18] devant les États-Unis, la Chine peut parvenir à stabiliser l’échiquier eurasiatique et tenter de sanctuariser ses positions acquises au sein du périlleux système international actuel.
Or, l’intégration économique du rimland eurasiatique de la Chine à l’Europe fait partie des objectifs stratégiques de la Chine pour le XXIème siècle au travers des fameuses « nouvelles routes de la soie ».
Le « bloc » sino-soviétique de l’époque de la fin de la guerre froide et ses trois fronts stratégiques. A l’époque le système socialiste sous ses formes concurrentes russe et chinoise occupait la majeure partie de la masse eurasiatique, contenant le système capitaliste sur une partie du rimland eurasiatique. Une alliance russo-chinoise contemporaine sous les traits d’un capitalisme dirigé high-tech sino-russe représente un vrai défi d’intégration pour l’ordre mondial. Source : Le grand échiquier, Zbigniew Brzezinski, 1997
Le projet OBOR et l’intégration économique continentale
Officiellement dénommé « One Belt, One Road » (OBOR) ou aussi BRI (Belt and Road Initiative), le projet des nouvelles routes de la soie a pour ambition de s’étendre du Pacifique jusqu’à la mer Baltique et inclut 64 pays asiatiques, moyen-orientaux, africains et européens[19]. Doté d’un budget de 800 à 1 000 milliards de dollars[20] (cinq à six fois le budget du plan Marshall), ce projet pourrait permettre à la Chine de réaliser le grand objectif stratégique du Parti communiste chinois : l’intégration économique du continent eurasiatique et d’une partie de l’Afrique à l’horizon 2049, date anniversaire de la fondation de la République Populaire de Chine. Une intégration économique qui déplacerait le centre des affaires mondiales de l’Occident vers l’Eurasie mais une Eurasie pilotée par la Chine et non par l’Europe ou la Russie.
C’est autour du projet chinois BRI (Belt and Road Initiative) que se manifeste toujours plus la ligne de tension principale au sein de la gouvernance mondiale.
Tension qui pourrait conduire à terme à :
Cela de l’aveu même de certains stratèges influents de la gouvernance mondiale tels qu’Henry Kissinger, George Soros ou Klaus Schwab. Ces derniers diffèrent par ailleurs entre eux quant à l’attitude que doit adopter la gouvernance mondiale face à la montée de la Chine. Pour Soros elle doit être empêchée, pour Kissinger elle doit être contenue et pour Schwab elle doit être appuyée et encadrée. L’un des acteurs privés les plus influents au sein de la gouvernance mondiale, Bill Gates, a quant à lui déjà semé des graines de son empire philanthropique en Chine au travers du China Global Philanthropy Institute auquel il a versé 10 millions de dollars depuis sa création en 2015 [21].
La croissance de la Chine au sein de la gouvernance mondiale se déploient ainsi simultanément sous la forme de l’intégration et de la tension. Du point de vue de l’État chinois, des frictions (au sens que Clausewitz donne à ce terme) se manifestent et viennent freiner l’ascension de la Chine au sein du système-monde.
La Chine qui poursuit des objectifs de contrôle cyberpolitique et biopolitique total de sa population, ne représente pas une alternative de fond face aux tendances totalitaires vers lesquelles évolue actuellement le globalisme politique. Mais la politique d’intégration économique de l’Eurasie et de l’Afrique poursuivie actuellement par la Chine au travers du réseau BRI (Belt and Road Initiative) représente une forme de globalisme économique qui vient concurrencer les intérêts des puissances majeures déjà installées en tête de la gouvernance mondiale.
Cette intégration économique accélérée de l’Eurasie portée par la Chine ainsi que le rôle joué par l’État chinois comme centre d’orientation et de protection des intérêts stratégiques vitaux chinois, nous semblent constituer les deux causes majeures de la tension actuelle entre la Chine et les puissances installées qui dominent encore la forme actuelle de la gouvernance mondiale.
Si dans l’esprit des architectes de la gouvernance mondiale favorables à la Chine comme Klaus Schwab[22], l’Occident et l’Orient géopolitique mondial doivent à terme se rejoindre et se compléter, la pierre d’achoppement sur laquelle vient buter l’idéal cosmocratique nous apparaît être ici le rôle que le système politique chinois assigne à l’État, à l’armée et au Parti communiste qui les contrôle. Rôle que la gouvernance mondiale dans sa version occidentale entend faire jouer aux multinationales et au secteur privé.
Au stade actuel de son évolution, le globalisme économique planétarisée rencontre un concurrent structurel qui prend la forme du capitalisme dirigé chinois et russe.
III – Guerre civile mondiale et guerre hors limites
Evoquer la question d’une possible guerre ouverte entre les puissances eurasiatiques russe et chinoise et la sphère occidentale ne peut se faire sans interroger la nature même que revêt la guerre à notre époque.
Peu de temps après la parution du Grand échiquier de Zbigniew Brzezinski, paraissait un livre de stratégie intitulé La Guerre hors limites. Co-écrit par les stratégistes militaires chinois Qiao Liang et Wang Xiangsui[23], cet ouvrage essentiel interrogeait la nature et les mutations de la conflictualité contemporaine. Pour les auteurs, les moyens employés pour mener les guerres contemporaines débordent désormais les limites assignées au phénomène guerrier par l’analyse polémologique traditionnelle. Un phénomène que les deux auteurs commentaient ainsi en 1999 :
« Quand se fera jour la tendance en faveur du recul, consenti avec joie, face à l’emploi de la force armée pour résoudre les conflits, la guerre renaîtra sous une autre forme et dans une autre arène pour devenir un instrument d’une énorme puissance entre les mains de tous ceux qui entretiennent le désir de dominer d’autres pays ou régions. En ce sens, c’est une raison pour nous d’affirmer que l’attaque financière de George Soros contre l’Asie orientale, l’attaque terroriste d’Oussama Ben Laden contre l’ambassade américaine, l’attaque au gaz du métro de Tokyo par les disciples de la secte Aum, et le chaos causé par Morris Jr. et ses pareils sur Internet, où le degré de destruction n’est en rien inférieure à celui d’une guerre, représentent une demi-guerre, une quasi-guerre et une sous-guerre, c’est-à-dire, la forme embryonnaire d’un nouveau type de guerre. » [24]
Une analyse qui nous aide à identifier une tendance qui n’a fait que se renforcer depuis la rédaction de La guerre hors limites. Le refus, voire l’impossibilité, d’employer la force armée directe entre puissances nucléaires rivales ainsi que la nécessité de respecter une narration « démocratique » pour les belligérants, conduisent à des mutations inédites des moyens polémologiques mais surtout dissolvent les limites entre la guerre et la paix, entre le temps de la guerre et celui de la paix, entre la sphère civile et la sphère militaire. Dès lors les guerres entre puissances se font désormais avant tout par des moyens de subversion furtifs et dissimulés qui instrumentalisent des secteurs de la société autrefois épargnés ou moins mobilisés lors des situations de conflit. On citera ici entre autres exemples : les mobilisations des sociétés civiles au travers des « révolutions colorés » et des mouvements type Black Lives Matter[25], les mobilisations des populations en difficulté économique employées comme « arme de migration de masse »[26], les questions sanitaires (le Covid comme moyen de transformation politique et social[27]) etc. Et quand les conflits nécessitent l’emploi de la force armée directe, les moyens employés sont alors ceux de la guerre de partisans du type des « brigades internationales » islamistes employées en Syrie contre l’État syrien par l’ensemble des forces régionales et mondiales qui souhaitaient sa chute.
Le conflit syrien nous offre un cas emblématique, voire archétypal de la nouvelle norme polémologique contemporaine : une guerre qui n’a jamais été déclarée ; menée par des puissances employant principalement des supplétifs étrangers ; troupes mercenaires ou idéologiquement motivées présentées au monde par les mass-médias dominants comme des dissidents du régime en place ; un État légitime présenté comme l’agresseur et son dirigeant comme un criminel contre l’humanité par les ONG sorosiennes du type Human Rights Watch, organisations qui exercent elles-mêmes une action d’influence centrale auprès des institutions internationales.
La répartition des rôles entre les grandes puissances occidentales et eurasiatiques fut aussi très significative durant toute l’évolution du conflit syrien. Des puissances qui sont intervenues dans le conflit selon leurs intérêts régionaux respectifs sans jamais aller jusqu’à la rupture et conservant toujours le lien diplomatique et politique nécessaire malgré les opérations militaires et les accrochages en cours sur le terrain.
Le cas syrien mais aussi l’ensemble des crises récentes qui ne « dérapent » jamais vers la guerre ouverte entre les grandes puissances qui y sont impliquées, semblent nous indiquer que les affrontements contemporains devraient plutôt être perçus comme des luttes internes au sein d’un ordre mondial intégré mais un ordre travaillé par des contradictions internes et qui cherchent à parvenir à une forme plus aboutie, plutôt qu’aux prolégomènes d’une rupture complète en son sein.
Au-delà des discours et des accrochages indirects, dans les faits tous les acteurs majeurs du choc contemporain des puissances semblent être d’accord sur une norme commune : la gouvernance globale est inéluctable mais chacun cherche logiquement à l’orienter stratégiquement dans le sens des intérêts.
Ainsi, comme nous l’écrivions il y a deux ans lors du dernier forum géopolitique de Chisinau : « À mesure que la société ouverte dissout l’ordre normal des relations internationales en le parasitant de l’intérieur via les instances supra-étatiques et transnationales, s’installe alors une forme de guerre civile universelle dont les flammes ne cessent d’éclairer l’actualité. En témoignent les conflits contemporains qui sont de moins en moins des guerres inter-étatiques déclarées mais des conflits asymétriques et hybrides où s’affrontent les « partisans » et les pirates d’une société liquide universelle au sein de théâtres des opérations toujours plus flous, brutaux et non conventionnels. Dans l’esprit mondialiste, ces guerres sont les prolégomènes et le processus nécessaires vers une fin prochaine des antagonismes internationaux. »[28]
Ce qui est à craindre, selon nous, relève plutôt du durcissement en cours de la gouvernance globale vers une forme de dictature planétaire qui chercherait ainsi à freiner les tendances centrifuges trop nombreuses en son sein. Dévoiement totalitaire en cours depuis plusieurs années et qui a franchi une étape décisive à la faveur des mesures sanitaires mondiales :
« À mesure que progresse le cosmopolitisme et son millénarisme anti-étatique[29], progresse de concert la guerre civile mondiale. Pour freiner cette tendance inéluctable et de manière similaire au communisme des origines, l’idéal d’une fin de l’Etat et d’une parousie post-politique aboutira de fait au retour d’un arbitraire plus violent que ce qu’aucun Etat n’aura jamais infligé à ses citoyens dans l’Histoire. Si les Etats-nations sont défaits, émergera alors un Léviathan mondial d’une brutalité inédite et sans frein. »[30]
Une tendance qui va là encore renforcer la concurrence entre la gouvernance mondiale et les léviathans continentaux russe et chinois. Gouvernance mondiale qui use des méthodes de contrôle politique indirecte sous prétexte sanitaire (biopolitique) pour accroître ses prérogatives là les États-nations lui sont subordonnés (principalement la sphère occidentale : UE, USA, Israël etc). Les léviathans continentaux russe et chinois continuent quant à eux d’exercer, voire de renforcer leur monopole étatique, y compris en imitant à leur échelle les normes biopolitiques en cours et en les adaptant. Léviathans continentaux qui seuls possèdent la masse, la puissance et pour l’instant la population nécessaire, pour tenter de garder leur monopole de souveraineté politique et leur intégrité territoriale (toujours menacée sur leurs bords ou leur étranger proche : Xinjiang, Ukraine etc) au sein de la gouvernance mondiale.
À ce titre il est intéressant de rappeler ici une intervention de l’actuel Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, durant la cérémonie de l’Assemblée générale marquant le soixante-quinzième anniversaire des Nations Unies, le 21 septembre 2020. A. Guterres y a exposé que le monde « n’a pas besoin d’un gouvernement mondial mais bien d’une gouvernance mondiale améliorée maintenant que la COVID-19 a mis à nu ses fragilités »[31]. Comme pour faire taire les suspicions en la matière après une année d’autoritarisme politico-sanitaire mondial, l’actuel secrétaire des Nations unies (et ancien président de l’Internationale socialiste[32]) a tenu à préciser que :
« Personne ne souhaite de gouvernement mondial – mais nous devons œuvrer de concert pour améliorer la gouvernance mondiale. Dans un monde interconnecté, nous avons besoin d’un multilatéralisme en réseau, dans lequel la famille des Nations Unies, les institutions financières internationales, les organisations régionales, les blocs commerciaux et d’autres collaborent plus étroitement et plus efficacement. (…) Un multilatéralisme qui soit inclusif et s’appuie sur la société civile, les villes, les entreprises, les collectivités et, de plus en plus, sur la jeunesse. » [33]
On voit ici précisément exposée la dilution progressive de la souveraineté des États que nous avons déjà évoquée sous couvert de l’habituel « multilatéralisme inclusif ». Un multilatéralisme qui fut justement le thème principal de l’intervention du président chinois Xi Jinping au cours de son intervention lors de l’édition virtuelle de l’agenda du Forum économique mondial (FEM) qui se tenait en janvier dernier, peu avant l’éclatement de la crise au Myanmar. Intitulé : « Que le flambeau du multilatéralisme éclaire la marche en avant de l’humanité », le discours de Xi Jinping fut qualifié d’historique par le président du FEM, Klaus Schwab, qui salua le multilatéralisme chinois et la poursuite par la Chine des grands objectifs stratégiques de la gouvernance mondiale : lutte contre le réchauffement climatique, intégration cosmopolitique, décarbonation de l’industrie etc [34].
Le plus grand danger pour l’ordre mondial actuel semble ainsi plutôt relever de l’implosion et de la démolition contrôlée des sociétés que de leur explosion comme au XXème siècle.
Guerre hors-limites et guerre nucléaire ouverte
Pour qu’une rupture systémique se produise actuellement au sein de la gouvernance mondiale et vienne ruiner tous les efforts successifs entrepris depuis des décennies vers l’intégration cosmopolitique, il faudrait que les intérêts stratégiques ou économiques vitaux de l’un des acteurs géoéconomiques principaux de cette gouvernance se trouvent directement menacés. Il faudrait que les incendies perpétuellement allumés sur les lignes de rupture de la tectonique géopolitique contemporaine entre Eurasie et Occident, de l’Ukraine à la Birmanie, en viennent à menacer les centres stratégiques des puissances chinoises et russes et plus seulement leur périphérie. Il faudrait que l’une des puissances principales qui forment l’architecture de l’ordre mondial actuel se décide à rompre cet état de guerre civile mondiale froide perpétuelle et se lance dans un aventurisme guerrier aux conséquences difficilement calculable en termes de coût humain et matériel.
Il faudrait que l’emploi des vecteurs indirects propres à la guerre hors limites contemporaines que nous avons déjà évoqués, s’avèrent incapables de maintenir les intérêts vitaux des acteurs principaux de la gouvernance mondiale et que le statu quo stratégique actuel entre puissances dominantes en vienne alors à être brisé.
Un statu quo qui semble pour l’instant privilégier la pression exercée vers le bas, sur les populations, que vers le haut, c’est-à-dire entre les États et les sommets stratégiques de la gouvernance globale.
Pour autant, un scénario de rupture régionale qui pourrait dégénérer n’est pas à écarter ainsi que le rappelaient les membres du Centre de Réflexion Interarmées (CRI). Ces derniers dénonçaient en juin dernier, l’actuelle stratégie nucléaire US-OTAN qui constitue pour eux un danger pour l’Europe et « un concept qui marque un retour à la guerre froide »[35]. Ils s’alarmaient aussi d’une possible normalisation de l’emploi de l’arme nucléaire de théâtre (ou tactique) dans la doctrine nucléaire américaine contemporaine[36]. Arme nucléaire tactique qui pourrait être employée sur un théâtre d’opération d’Europe orientale face à la Russie.
L’emploi d’armes nucléaires tactiques de théâtre qui aboutiraient par escalade à l’emploi d’armes nucléaires anti-cités est une hypothèse de travail qui a conduit des chercheurs de l’université de Princeton à simuler un conflit entre USA et Russie, conflit qui dégênerait en une guerre nucléaire totale. Un scénario qui aboutirait d’après cette simulation à environ 90 millions de morts, principalement sur le territoire européen. Une projection qui apparaît manquer de rigueur pour certains analystes : l’agresseur étant bien entendu la Russie et surtout les réactions des puissances nucléaires européennes que sont la Grande-Bretagne et la France n’étant pas vraiment prises en considération. Pour autant il est significatif que de telles recherches soient menées sur la base d’éléments dont certains semblent assez réalistes [37].
Une autre hypothèse de rupture pouvant conduire à un embrasement de l’ordre mondial reste celle d’un acteur géopolitique « irrationnel » qui viendrait bousculer les rapports de force et les équilibres précaires existants. C’est une possibilité que nous avons déjà évoquée à propos d’Israël dans notre livre Soros et la société ouverte. Il s’agit de l’option « Samson » que se réserverait une partie de l’appareil militaire et politique israélien :
« Samson est ce héros hébreu connu pour avoir fait s’effondrer sur lui-même et ses assaillants un temple de Philistins, cela au moment où il se sentait acculé par un trop grand nombre d’ennemis. Une idée qui remonterait aux années 60 d’après le journaliste américain Seymour Hersh, auteur en 1991 d’un livre sur l’histoire de l’arme atomique israélienne : « The Samson Option: Israel’s Nuclear Arsenal and American Foreign Policy ». L’historien militaire Martin Levi Van Creveld évoquera a son tour cette « doctrine » militaire de dernier recours :
« Nous possédons plusieurs centaines d’ogives atomiques et de missiles et pouvons les lancer sur des cibles dans toutes les directions, peut-être même contre Rome. La plupart des capitales européennes sont des cibles pour notre force aérienne. Permettez-moi de citer le général Moshe Dayan : “Israël doit être comme un chien fou, trop dangereux pour être embêté” Je considère tout cela comme désespéré à ce stade. Nous devrons essayer d’empêcher les choses d’en arriver là, si cela est possible. Nos forces armées, cependant, ne sont pas la trentième force au monde mais plutôt la deuxième ou la troisième. Nous avons la capacité de faire tomber le monde avec nous. Et je peux vous assurer que cela arrivera avant qu’Israël ne disparaisse » [38]
Une option militaire qui peut apparaître tellement extrême qu’elle semble en devenir irréaliste, mais qui s’inscrit en fait dans le temps long des représentations bibliques, comme en témoigne cette vision du prophète Zacharie : « Voici la plaie dont l’éternel frappera tous les peuples qui auront combattu contre Jérusalem : leur chair tombera en pourriture tandis qu’ils seront sur leurs pieds, leurs yeux tomberont en pourriture dans leurs orbites, et leur langue tombera en pourriture dans leur bouche. » [39]
Comme nous l’avons régulièrement exposé, nous pensons que les acteurs de la puissance sont en dernière analyse guidés même de manière inconsciente par des représentations et des conceptions politiques qui découlent généralement de concepts et de notions religieuses sécularisées. C’est le domaine de la théopolitique qu’a longuement étudié en son temps Carl Schmitt [40].
En définitive, la forme que prendra l’ordre mondial dépendra aussi des idéologies et visions du monde qui sous-tendent les prises de décision des acteurs géopolitiques qui le forment. En dernière instance et comme toujours dans l’Histoire, ce sera la responsabilité humaine qui devra trancher et déterminer la forme future de cet ordre mondial actuellement en gestation. Et comme disait Karl Marx : « les hommes font l’Histoire, mais ils ne savent pas l’Histoire qu’ils font ».
Pierre-Antoine Plaquevent – avril 2021
Sources : strategika.fr
Notes :
[1] Cf. la notion de Max Weber : Monopol legitimer physischer Gewaltsamkeit
[2] Cf. Thomas Hobbes, Le Leviathan, chapitre XXX : De la fonction du Représentant souverain, 1651.
« La fonction du souverain, qu’il soit monarque ou une assemblée, consiste dans la fin pour laquelle le pouvoir souverain lui a été confié, à savoir procurer au peuple la sécurité, fonction à laquelle il est obligé par la loi de nature, et il est obligé d’en rendre compte à Dieu, l’auteur de cette loi, et à personne d’autre. » Voir aussi : L’abolition de l’État de droit et la renaissance de la violence politique – Youssef Hindi
https://strategika.fr/2021/04/12/labolition-de-letat-de-droit-et-la-renaissance-de-la-violence-politique/
[3] Cf. Soros et la société ouverte : métapolitique du globalisme (édition augmentée), Pierre-Antoine Plaquevent, éditions Culture et Racines, 2020 https://www.cultureetracines.com/essais/5-soros-et-la-societe-ouverte-metapolitique-du-globalisme.html
[4] Rappelons que d’après le président biélorusse Alexandre Lukachenko, la Banque Mondiale aurait proposé au Bélarus un financement 940 millions de dollars si l’État y appliquait le même type de mesures sanitaires et sociales qu’en Europe occidentale : quarantaine, isolement, couvre-feu etc. « Nous ne danserons sur la musique de personne » avait commenté le président biélorusse au sujet de ces révélations. Voir ici : https://www.belta.by/president/view/net-bolshej-tsennosti-chem-suverennaja-i-nezavisimaja-belarus-lukashenko-nikomu-ne-pozvolit-slomat-395381-2020/ ou ici https://www.geopolintel.fr/article2383.html
[5] Amérique latine : où en sont les mouvements de contestation ?
https://www.lefigaro.fr/international/amerique-latine-ou-en-sont-les-mouvements-de-contestation-20191122
Amérique latine : Comment interpréter les mouvements sociaux en cours ?
[6] Rétablir le rôle de l’Etat-nation dans l’ordre libéral international – Allocution du secrétaire d’État Michael R. Pompeo – https://fr.usembassy.gov/fr/retablir-le-role-de-letat-nation-dans-lordre-liberal-international-allocution-du-secretaire-detat-michael-r-pompeo/
[7] idem
[8] Je développe la question de la place de la Chine au sein des institutions internationales dans mon dernier dossier rédigé pour Strategika : Société ouverte vs Chine : le choc des globalismes, Pierre-Antoine Plaquevent, avril 2021, strategika.fr
[9] Pour une théorie du monde multipolaire, Alexandre Douguine
https://www.geopolitica.ru/fr/books/pour-une-theorie-du-monde-multipolaire
[10] Introduction à The Geography of the Peace, de Nicholas Spykman. Une réinterprétation critique, Olivier Zajec, Res Militaris, vol.4, n°1, Winter-Spring/Hiver-Printemps 2014
http://resmilitaris.net/ressources/10186/34/res_militaris_article_zajec_introduction___nicholas_spykman__the_geography_of_the_peace.pdf
[11] Lacoste Yves, « « Le pivot géographique de l’histoire » : une lecture critique », Hérodote, 2012/3-4 (n° 146-147), p. 139-158. https://www.cairn.info/revue-herodote-2012-3-page-139.htm
Le texte original : Mackinder : le pivot géographique de l’histoire (1904) http://egea.overblog.com/pages/Mackinder_le_pivot_geographique_de_lhistoire_1904-481863.html
[12] Idem
[13] Nicholas Spykman, The Geography of the Peace, 1943
[14] Des principes de la géostratégie thalassocratique des États-Unis après 1945 : N. J. Spykman, D. W. Meinig, W. Kirk, Carlo Terracciano, 1999 – Traduction Robert Steuckers, 2005.
http://www.archiveseroe.eu/spykman-a126023748
[15] Il est entre autres le cofondateur en 1973 de la commission Trilatérale avec le multimilliardaire David Rockefeller, organisation qu’il dirigera jusqu’en 1976.
[16] Le grand échiquier, Zbigniew Brzezinski, 1997, Hachette
[17] Idem. Si la doctrine stratégique proposée par Brzezinski semble avoir évolué au fil des ans face à la consolidation des puissances russes et chinoises ; les vues exposées dans Le grand échiquier semblent être celles qui finissent toujours par s’imposer aux différentes administrations présidentielles américaines et relèvent des constantes de la géostratégie anglo-américaine sur le temps long.
Sur les évolutions de la doctrine Brzezinski voir ici : « Étonnantes révisions chez les grands stratégistes américains : quand Brzezinski et Luttwak révisent leurs propres doctrines ! » http://www.archiveseroe.eu/brzezinski-a48359292
[18] « 2020, pour la première fois, la Chine est devenue la première puissance économique mondiale avec 21 334,2 milliards de dollars, devançant les Etats-Unis avec seulement 20 837,3 milliards selon une étude du Figaro publiée le 13/10/2020 (fondée sur les prévisions du FMI). Son ambition est claire : consolider sa position, ce qui est inacceptable pour Washington. »
La guerre informationnelle entre la Chine et les Etats-Unis d’Amérique sur la 5G, Jean Jacques T. SEBGO
La guerre informationnelle entre la Chine et les Etats-Unis d’Amérique sur la 5G
Voir aussi : Que manque-t-il à la Chine pour que sa puissance devienne hégémonique ? Yves Perez, 05/02/2021
https://www.lefigaro.fr/vox/monde/que-manque-t-il-a-la-chine-pour-que-sa-puissance-devienne-hegemonique-20210205
[19] Nous avons développé plus amplement certains objectifs stratégiques de la Chine pour le XXIème siècle autour des nouvelles routes de la soie lors du forum international de Chisinau en Moldavie en 2019 :
Multipolarité et société ouverte : le réalisme géopolitique contre l’utopie cosmopolitique. Pluriversum vs universum, Pierre Antoine Plaquevent − 28 octobre 2019 : https://strategika.fr/2019/12/18/multipolarite-et-societe-ouverte-le-realisme-geopolitique-contre-lutopie-cosmopolitique-pluriversum-vs-universum/
[20] Le budget global de la BRI reste difficile à évaluer compte tenu de l’opacité et du manque de clarté quant aux limites de ce projet : « (…) les frontières de la BRI n’ont pas été fixées, et de nombreux projets y sont associés, si bien que l’initiative est de plus en plus associée à une politique générale du Parti Communiste chinois, voire à une philosophie de développement de la Chine à l’international. La BRI a ainsi été inscrite dans la Constitution du Parti Communiste chinois lors de son 19ème Congrès National en octobre 2017. Le budget même alloué à la BRI est difficile à estimer, la majeure partie des études mentionnant toutefois une fourchette comprise entre 800 et 900 milliards USD de projets actuellement en cours ou à l’étude. » http://www.bsi-economics.org/977-belt-road-initiative-enjeux-chine-partenaires-st
[21] Sur les divergences de stratégies vis-à-vis de la Chine au sein de la gouvernance mondiale et le China Global Philanthropy Institute voir : Société ouverte vs Chine : le choc des globalismes (deuxième partie), Pierre-Antoine Plaquevent, avril 2021, strategika.fr
[22] Idem
[23] Qiao Liang, Wang Xiangsui, La Guerre hors limites, Payot et Rivages, 2003, édition chinoise 1999.
[24] Qiao Liang, Wang Xiangsui, La Guerre hors limites, Payot et Rivages, 2003, édition chinoise 1999.
[25] Black Lives Matter : comment les globalistes manipulent la question raciale, Pierre-Antoine Plaquevent, juillet 2020, strategika.fr – https://strategika.fr/2020/07/15/dossier-black-lives-matter/
[26] Cf. Soros et la société ouverte : métapolitique du globalisme (édition augmentée), Pierre-Antoine Plaquevent, éditions Culture et Racines, 2020 – https://www.cultureetracines.com/essais/5-soros-et-la-societe-ouverte-metapolitique-du-globalisme.html
[27] COVID-19 : LA GRANDE RÉINITIALISATION, Klaus Schwab et Thierry Malleret, Forum Économique Mondial, 2020
[28] Multipolarité et société ouverte : le réalisme géopolitique contre l’utopie cosmopolitique. Pluriversum vs universum, Pierre Antoine Plaquevent − 28 octobre 2019
https://strategika.fr/2019/12/18/multipolarite-et-societe-ouverte-le-realisme-geopolitique-contre-lutopie-cosmopolitique-pluriversum-vs-universum/
[29] Je développe les sources de cette « mystique de la fin de l’État » qui imprègne les grands dirigeants et hommes d’influence de la gouvernance mondiale dans Soros et la société ouverte : métapolitique du globalisme (édition augmentée), Pierre-Antoine Plaquevent, éditions Culture et Racines, 2020 – https://www.cultureetracines.com/essais/5-soros-et-la-societe-ouverte-metapolitique-du-globalisme.html
[30] Multipolarité et société ouverte : le réalisme géopolitique contre l’utopie cosmopolitique. Pluriversum vs universum, Pierre Antoine Plaquevent − 28 octobre 2019
https://strategika.fr/2019/12/18/multipolarite-et-societe-ouverte-le-realisme-geopolitique-contre-lutopie-cosmopolitique-pluriversum-vs-universum/
[31] « Le monde n’a pas besoin d’un gouvernement mondial mais bien d’une gouvernance mondiale améliorée maintenant que la COVID-19 a mis à nu ses fragilités, souligne M. Guterres »
https://www.un.org/press/fr/2020/sgsm20264.doc.htm
[32] « (…) De 1981 à 1983, M. Guterres a été membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, où il a présidé la Commission des migrations, des réfugiés et de la démographie.
Pendant de nombreuses années, M. Guterres a été un membre actif de l’Internationale socialiste, une alliance mondiale de partis politiques sociodémocrates. Il en a été le vice-président de 1992 à 1999, période à laquelle il a coprésidé le Comité Afrique et, plus tard, le Comité Développement. De 1999 à mi-2005, il a présidé l’Internationale socialiste. » https://www.un.org/sg/fr/content/sg/biography
[33] « Le monde n’a pas besoin d’un gouvernement mondial mais bien d’une gouvernance mondiale améliorée maintenant que la COVID-19 a mis à nu ses fragilités, souligne M. Guterres »
https://www.un.org/press/fr/2020/sgsm20264.doc.htm
[34] Société ouverte vs Chine : le choc des globalismes (deuxième partie), Pierre-Antoine Plaquevent, avril 2021, strategika.fr
[35] Du danger de la stratégie nucléaire US-OTAN pour l’Europe
[36] Idem et aussi :The Joint Chiefs of Staff published, then quickly deleted, its new nuclear doctrine
https://taskandpurpose.com/news/joint-chiefs-of-staff-published-then-deleted-new-nuclear-doctrine/ Nuclear Operations, June 2019 – https://fas.org/irp/doddir/dod/jp3_72.pdf
“Nouvelle Guerre froide”, Conjoncture stratégique et fracture nucléaire est-ouest, Irnerio Seminatore
https://strategika.fr/2020/07/13/nouvelle-guerre-froide-un-echange-nucleaire-est-il-envisageable-en-europe/
[37] Voir entre autres :
Des chercheurs américains ont développé une simulation de guerre nucléaire entre les USA et la Russie
https://fr.sputniknews.com/defense/201909181042116689-des-chercheurs-americains-ont-developpe-une-simulation-de-guerre-nucleaire-entre-les-usa-et-la/
https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/physique-guerre-nucleaire-seraient-consequences-attaque-etats-unis-79020/
L’université de Princeton simule une guerre nucléaire entre Russie et USA : est-ce réaliste ?
https://www.ouest-france.fr/europe/russie/video-l-universite-de-princeton-simule-une-guerre-nucleaire-entre-russie-et-usa-est-ce-realiste-6527329
[38] Soros et la société ouverte : métapolitique du globalisme (édition augmentée), Pierre-Antoine Plaquevent, éditions Culture et Racines, 2020 – https://www.cultureetracines.com/essais/5-soros-et-la-societe-ouverte-metapolitique-du-globalisme.html
[39] Livre de Zacharie – Chapitre 14 – Bible du Chanoine Crampon https://bible.catholique.org/livre-de-zacharie/4942-chapitre-14
[40] Nous évoquons ce qui nous semble être l’approche théopolitique d’un certain cosmopolitisme chinois dans notre dossier : Société ouverte vs Chine : le choc des globalismes (deuxième partie), Pierre-Antoine Plaquevent, avril 2021, strategika.fr
Covid 19 : La Grande Réinitialisation (Forum publishing – Éditions du Forum Économique Mondial – 2020). Les auteurs : Klaus Schwab & Thierry Malleret.
Thierry Malleret est un consultant international qui dirige un service d’analyse prédictive privé destiné aux dirigeants des secteurs publics et privés qui gravitent autour du World Economic Forum. Formé à la Sorbonne et à Oxford (pépinière traditionnelle de l’élite mondialiste anglo-saxonne), ancien du cabinet de Michel Rocard (1er Ministre de mai 1988 à mai 1991 : ce qui ne fait pas de Malleret un « perdreau de l’année »…), ce parcours le rattache à la « seconde gauche » sociale-capitaliste, il réside en Savoie et cultive aussi la pratique de la montagne. Son épouse Mary-Anne, d’origine anglaise, a été durant une dizaine d’années membre du cabinet du Prince Charles. La famille Windsor est, depuis très longtemps il faut le rappeler, l’un des piliers discrets du mondialisme occidental.
Klaus Schwab, 83 ans, d’origine allemande, professeur d’économie, président fondateur du World Economic Forum (W.E.F.) / dit « Forum de Davos » (créé en janvier 1971 sous le nom de Symposium économique européen, puis qui devenu, en 1987, sous l’effet du succès, W.E.F. – Présidence Schwab effective jusqu’en 2017 ; depuis le Président est le norvégien Børge Brende, ancien politicien conservateur et dirigeant de la Croix Rouge). Notons que Klaus Schwab est propriétaire de la marque W.E.F.…
L’objet de Davos est d’œuvrer à la coopération mondiale entre secteurs publics et privés du monde occidental (même si on y voit des entreprises chinoises, comme le chinois Ali Baba ou des acteurs économico-politiques d’autres zones mondiales: en fait, ces présences se justifient par de la veille stratégique : Davos est un endroit où les gens qui comptent doivent être, quel que soit leur avis sur les questions traitées, afin de « prendre la température », pour être à l’affût des grandes tendances du monde occidental).
La naissance du W.E.F. prend place dans une séquence Bilderberg (1954 : comme une instance d’échanges autour de l’Alliance Atlantique pour nourrir des projets stratégiques et politico-économiques), Trilatérale (1973 : destinée à associer au premier groupe les éléments asiatiques raccordés à l’Occident Atlantique) … La transformation en W.E.F. en 1987 se fait à une date symbolique : la fin officielle de la Guerre Froide par victoire du camp occidental. Le W.E.F. est devenu aujourd’hui le « Parlement » de l’oligarchie occidentale, c’est à dire au sens étymologique, l’endroit où l’on parle et échange. Les cercles moteurs de l’Oligarchie occidentale viennent y « tâter le cul des vaches » : voir comment est ressenti le résultat d’un certain nombre de cogitations qu’on y infuse en permanence ; Le W.E.F. est un exercice de Soft Power : rien n’est imposé ou ficelé d’avance, tout nait des conversations entre gens sur la même longueur d’onde … ou pas : avec pour objectif le consensus. On en retire souvent le sentiment que ce qui sort du W.E.F. est un compromis entre diverses factions oligarchiques.
Il est instructif d’aller voir sur le site Internet du W.E.F. (en partie en français) la somme des partenaires classés par ordre alphabétique : il y a du lourd en termes de capitalisation boursière ! Il est intéressant aussi de regarder l’agenda des projets : tout est public mais écrit en langue de coton afin d’être lu avec bienveillance ; il y a donc nécessité de décoder le fond des projets mais rien n’est caché il est important de le souligner : il n’y a pas de complot au sens strict du terme. La Grande Réinitialisation y est expliquée et intégrée publiquement dans un agenda proposé aux états pour des politiques publiques. Il s’agit, avec le W.E.F., de stratégie d’influence à plusieurs niveaux.
Le livre, nous dit Klaus Schwab, a été relu par des membres du W.E.F. (il ne dit pas lesquels) avant publication (début de l’été pour la version anglaise – automne 2020 pour la version française). On peut donc le considérer comme un point de vue officiel du Forum de Davos ou, au moins, comme une synthèse / compromis des réflexions de son premier cercle dès la première période du Covid. La précocité de la rédaction du livre par rapport au début de la crise du Covid est un indice qu’il s’agit bien de réflexions antérieures réutilisées à cette occasion.
L’expression « Great Reset », qui s’inspire du langage informatique (remise d’un système dans ses conditions de démarrage), semble avoir été forgée en 2014 au FMI, dans l’entourage de Christine Lagarde, alors Directrice Générale, devant les conséquences prévisibles des politiques financières accommodantes suite à la crise de 2008. En effet, ces politiques accommodantes consistaient à inonder les grands acteurs économiques et financiers de liquidités créées ex nihilo ce qui, passé le moment aigu d’une crise, fonctionne comme une drogue, les bénéficiaires réclamant sans cesse leur nouvelle « dose », avec le risque à terme d’une dépréciation radicale des monnaies. Dans l’esprit des experts du F.M.I., le « Great Reset » était alors un projet de purger le système financier et de le relancer pour un nouveau départ.
Pour Klaus Schwab et ses collègues, l’ambition va au-delà, puisqu’il s’agit de réinitialiser le système économique dans son ensemble, ainsi que le système politique et le système des expériences et des valeurs sociales. C’est une réinitialisation globale qui est visée.
Le livre « Covid 19, la Grande Réinitialisation » doit se comprendre aussi dans le prolongement d’un précédent livre de K.S. : « La 4ème Révolution Industrielle ».
Une Révolution Industrielle est le résultat de l’addition et de la multiplication réciproque des effets d’une révolution technologique. Il s’agit, de nos jours, de la triple révolution des sciences et technologies numériques, physiques et biologiques débouchant sur l’Intelligence Artificielle, la robotique, le big data et son exploitation ainsi que les biotechnologies… avec, en toile de fond, la perspective transhumaniste : celle-ci est voulue, selon le point de vue des dominants pour ses effets positifs de démultiplication des potentialités humaines, et, visant les dominés, pour faciliter leur « gestion ».
Il faut bien préciser dès maintenant que le contenu du dernier livre de Schwab et Malleret n’est pas lié spécifiquement au surgissement du Covid. Le Covid a été l’occasion de donner un coup d’accélérateur pour des idées et des projets qui étaient déjà là, parce que correspondant depuis un certain nombre d’années à une nécessité (toujours du point de vue des dominants).
Que contient le livre ?
Il est construit en trois parties inégales en taille qui détaillent la Grande Réinitialisation soit à l’échelle mondiale (la plus grosse partie car c’est ce qui intéresse en premier lieu les davosiens), à l’échelle de l’entreprise et à l’échelle individuelle. Je renvoie au livre qui est disponible gratuitement en format PDF sur Internet.
C’est objectivement un livre médiocre… un peu moqué pour cela par les intellectuels de la dissidence (Antipresse, Éléments etc.) qui se demandent comment il peut se faire qu’un tel ouvrage ait reçu le patronage de tant de puissants, tant il contient de « bisounourseries », d’enfilages de banalités, de truismes et d’enfonçages de portes ouvertes. Il prône, entre autres, et tout en prenant ses distances avec les « effets pervers » possibles pour la démocratie, la surveillance généralisée du « parc humain » pour le bien sanitaire de celui-ci. Il semble s’inscrire dans un modèle de socialisme piloté par les grandes entreprises (cf. Fabianisme et Saint-Simonisme) qui seront propriétaires des biens dont les gens ordinaires ne seront que les locataires/usufruitiers (si on ne peut plus faire sa fortune sur la vente/consommation, on pourra la faire sur de la location à vie) : les historiens auront reconnu une forme archéo-futuriste de l’ancien servage : c’est la vieille fascination de l’Oligarchie occidentale pour la manière dont le communisme « tient » sa population qui ressort, fascination relancée par l’expérience des transnationales en Chine communiste. (Cf. sur ce point Flora Montcorbier : « Le Communisme de marché : de l’utopie marxiste à l’utopie mondialiste » (L’Âge d’Homme, 2000)).
À qui s’adresse-t-il ?
Visiblement pas aux intellectuels et universitaires (pour ce que j’ai pu juger du parallèle entre la Peste Noire et le Covid, le niveau d’analyse historique y est très rudimentaire, voire affligeant pour quelqu’un frotté de savoir universitaire) … Il me semble destiné à la classe dirigeante et à celle des cadres supérieurs de l’Occident … ce qui témoigne, par parenthèse, de leur baisse de niveau… C’est un agenda, c’est-à-dire une feuille de route, pour une dernière bataille désespérée visant la maîtrise d’un monde qui échappe à l’Occident, contrairement aux apparences. Cela me paraît plus un point d’aboutissement pour serrer les vis, pas nécessairement un point de départ dynamique, et c’est là qu’il faut faire un retour vers le passé pour mettre les choses en perspective.
D’abord rappel de quelques points qui fondent mon analyse : Je me situe dans la lignée de l’École réaliste des sciences politiques (Pareto, Michels, Negro-Pavón : on peut commencer par ce dernier car il fournit des références pour creuser la question : in « La loi de fer de l’Oligarchie. Pourquoi le gouvernement du Peuple, par le Peuple, pour le Peuple est un leurre », L’Artilleur, 2019) qui fait état de :
- La Loi de Fer de l’Oligarchie combinée à la règle parétienne des 80 / 20 : Quels que soient les temps, les lieux, les peuples : les petits nombres commandent et s’imposent aux grands nombres. Au sens étymologique, c’est le règne de l’Oligarchie. (Pour un développement : voir ma brochure « Pour une boussole métapolitique » EdF, 2019 que l’on peut se procurer auprès de TP, La Licorne- 2, chemin des Monts - 42110 Feurs).
– Ingénierie culturelle, politique et sociale : La gestion – manipulation des grands nombres par les petits a, de tous temps, nécessité des pratiques qu’on appelle, à la suite de Lucien Cerise « ingénierie sociale » (Cf. son ouvrage majeur : « Neuro-pirates. Réflexions sur l’ingénierie sociale », KontreKulture, 2016), mais je préfère, par souci de précision, parler à la fois d’ingénierie culturelle – métapolitique -, d’ingénierie politique – propagande et manipulation - et d’ingénierie sociale quand on travaille spécifiquement sur les représentations des populations. Cette ingénierie est devenue « scientifique » avec le progrès des connaissances psycho-sociales au début du XXème siècle, mais les anciens la pratiquaient instinctivement sans lui donner de nom !
– la notion de système socio-technique : cette notion prend place quand les innovations techniques produisent des changements culturels, sociaux et sociétaux. Elle est liée à la notion de Révolution Industrielle et produit des mutations qui fonctionnent en essaim avec impact sur l’instruction – la culture – et les rôles politiques.
Notre Oligarchie est une Ploutocratie (oligarchie fondée sur la richesse) en formation depuis le XVIIème siècle, avec une accélération de son emprise durant la 1ère Révolution Industrielle. Aujourd’hui le Système oligarchique occidental me semble articulé autour de trois niveaux : la vraie oligarchie des possesseurs de capitaux (elle est la seule à être réellement autonome et se subdivise elle-même en petite, moyenne et grande, voire très grande, selon les niveaux de fortune) – la classe dirigeante : c’est une oligarchie par aspiration (c’est à dire qu’elle côtoie d’assez près la vraie oligarchie pour en partager les références, une partie du genre de vie, de même qu’elle souhaite l’intégrer mais elle est en fait, dépendante pour ses revenus et sa position sociale de la vraie oligarchie. En réalité, c’est la classe des domestiques de rang supérieur, la classe des majordomes dirait-on dans l’ancien monde) – la classe des cadres supérieurs, classe dirigeante par aspiration (C’est la classe qui agit réellement sur le terrain pour traduire en réalisations pratiques les options dirigées par la classe dirigeante. Elle aspire à intégrer celle-ci par son travail et ses capacités mais, comme elle est dans l’entre-deux, elle peut aussi basculer dans le soutien aux classes moyennes et populaires. C’est aujourd’hui un point faible, selon moi, car elle prend de plein fouet les innovations de la 4ème Révolution Industrielle qui peuvent conduire à réduire son nombre).
Les grandes lignes de la constitution de notre monde selon les principes énoncés ci-dessus, en y replaçant toujours le triptyque : éducation – culture – participation politique, sont les suivantes :
- XVIIème – XVIIIème siècles : Émergence d’une ploutocratie marchande et financière dans le monde anglo-saxon protestant, marginalement influencé dans cette période par une oligarchie juive elle-même en voie d’émergence. L’Occident moderne (essentiellement basé sur l’économisme, le libéralisme et l’individualisme etc.) se constitue alors.
- XVIIIème – XIXème siècles : Les siècles de la 1ère Révolution Industrielle : celle-ci est essentiellement axée sur l’ensemble charbon – acier, machine à vapeur et le développement de la mécanisation. On assiste alors à une complexification sociale croissante.
- Dernier tiers XIXème siècle – jusqu’au dernier tiers du XXème siècle : C’est l’époque de la 2ème Révolution Industrielle : Soit l’ensemble, électricité – pétrole – chimie + automobile + Organisation Scientifique du Travail (Taylor et le taylorisme) + chaîne industrielle (Ford) + consommation de masse (permise par la baisse du temps de travail et la hausse des rémunérations) + stimulations économiques (publicité pour stimuler le désir et obsolescence programmée des produits pour obliger au renouvellement) + affirmation de la forme moderne de la ploutocratie (les marchands financiers fusionnent avec les entrepreneurs). Conséquence : Recherche de l’intégration des masses d’où : Démocratisation de l’Instruction/de la Culture /de la représentation politique qui nécessitent une ingénierie culturelle, politique et sociale plus efficace, donc plus scientifique car « il faut que tout change pour que rien ne change ».
- Dernier tiers du XXème siècle : Le temps de la 3ème Révolution Industrielle : électronique – automatisation – informatisation – révolution des transports maritimes et aériens ; Hausse considérable de la productivité + début des problèmes de ressources. On assiste à un basculement du monde sociotechnique : le travail humain s’amoindrit, perd en importance dans le processus d’accumulation du capital et la consommation de masse pèse sur les ressources naturelles faisant apparaître la problématique écologiste + fin du diable soviétique (le soviétisme fut une tentative de soumission de la Russie à l’ordre occidental qui a échappé à ses concepteurs pour devenir un modèle messianique concurrent qui obligeait la Ploutocratie à une certaine retenue : c’est une autre histoire qui interfère ici) : Commence alors le temps des hommes inutiles pour lesquels on n’a plus de gants à prendre.
- 1970 – 2000 : Une évolution en biseau se produit, à la fois l’achèvement du modèle de mondialisation consumériste de masse et le basculement vers le temps des hommes superflus : c’est l’apogée de la croissance tirée par la consommation de masse – qui entraine des problèmes écologiques et l’épuisement des ressources – le jeu financier remplace alors la production comme facteur d’enrichissement des oligarchies (la finance se déconnecte progressivement de l’économie réelle) – fin du communisme – retour de la Chine (celle-ci était la première puissance économique mondiale au XVIIIème siècle et tend à le redevenir) – L’Oligarchie occidentale triomphe mais prend conscience de la fragilité de son modèle à la fois sur le plan écologique et sur celui de l’économie-casino qui est devenue sa drogue.
- 1990 - ? : La 4ème Révolution Industrielle de Klaus Schwab + « Il faut que tout change pour que rien ne change » (saison 2 !) : Il faut à la fois résoudre les problèmes écologiques et économiques occasionnés par les 2ème et 3ème Révolution Industrielle et sauver le mode de vie et le genre de vie de la Ploutocratie en sacrifiant au besoin ceux des hommes inutiles qui, au sens propre, « pompent l’air pur » des oligarques.
- Problème : comment, sinon s’en débarrasser, du moins les neutraliser ou les cantonner ? Si possible en recherchant la servitude volontaire et donc leur assentiment à leur rétrogradation.
- Une des méthodes : Instrumentaliser les vrais problèmes. Par exemple, l’écologie : Le Club de Rome (think tank financé par de très grandes entreprises), produit le rapport Meadows de 1972 ! qui montre les impossibilités d’une croissance indéfinie dans un monde fini. Le constat n’est pas faux mais il débouche sur la décroissance et la sobriété « volontaire » devenant des objectifs… surtout pour les gens ordinaires. La Ploutocratie, bien informée, a perçu avant tout le monde les limites du modèle qui a fondé sa richesse et sa domination et trouvé sa solution écologique… à son profit… avec l’aide des idiots utiles baba-cools qui n’ont pas perçu l’arnaque du verdissement de l’économie consistant surtout à trouver un relai à la traditionnelle domination capitaliste.
- Idée du revenu universel de base, c’est une vieille idée utopiste qu’on fait remonter à Thomas More et qui resurgit dans les milieux ultra-libéraux des années 1970, en particulier chez Milton Friedman. Cela permettrait d’assurer aux « hommes en trop » le minimum vital et social pour désamorcer des velléités de révolte.
- 1995 : Brezinski produit – Conférence de San Francisco – le concept de Tittitaynment : si 80% de la population devient économiquement inutile, comment les entretenir et les tenir au calme ? En combinant revenu minimum et divertissements de masse pour endormir les velléités de révolte. S’est-il alors rendu-compte qu’il retrouvait, sous une forme plus glamour et moderne, le vieux principe romain du « pain et des jeux » ?
- La pastorale de la terreur climatique est enclenchée, 1980 – 1990 : du « trou » dans la couche d’ozone au réchauffement climatique – En 2015, l’émergence du phénomène Greta Thurnberg prend place dans une véritable stratégie marketing : cibler les plus jeunes pour formater les nouvelles générations afin qu’elles acceptent un appauvrissement volontaire pour « sauver la planète », mais pas sauver la qualité de vie des gens ordinaires ! On ne dit pas aux gens, et en particulier aux naïfs lycéens qui cocoonent dans le confort du monde occidental, quelles seront les conséquences pratiques de cet appauvrissement volontaire pour eux-mêmes.
- Quand on lit le livre de Schwab et Malleret, on s’aperçoit en fait que cette problématique « écologique » est au cœur de leurs préoccupations.
- Mais la transition écologique est un processus long, trop long (les changements climatiques sont souvent imperceptibles et peu motivants à court terme et les changements profonds de mentalité sur des générations prennent du temps) quand l’autre urgence est là : depuis la crise financière de 2008, l’Oligarchie sait que, malgré les rustines, le compte à rebours est lancé. Elle joue la survie de sa fortune. Un Great Reset devient urgent. Il faut aussi trouver un relai de croissance du capital (économie verte et circulaire – économie de la location éternelle de produits plus durables - + fin des indépendants pour récupérer leurs revenus et se débarrasser d’une classe peu fiable) afin d’assurer la pérennité du rôle socio-économique de l’Oligarchie occidentale dans un « socialisme » de grandes multinationales, capables de contrôler le « parc humain » (c’est le rôle des GAFAM et compagnie). Je rappelle qu’il y a une frange du socialisme des élites, de sensibilité fabienne dans le monde anglo-saxon et saint-simonienne dans le monde francophone, qui conçoit la mise en place d’une mondialisation socialisante par évolution « naturelle » des grandes entreprises transnationales. À notre époque, celles-ci semblent en outre fascinées par un « modèle chinois » leur semblant conjuguer capitalisme des grands groupes et discipline communiste.
La divine surprise du Covid pour Schwab et Malleret : il s’agit toujours de se servir d’un vrai problème né de la globalisation (Peu importe l’origine exacte du virus, origine naturelle ou accident de laboratoire : on sait depuis 40 ans les risques potentiels d’une épidémie planétaire dans une planète interconnectée comme elle ne l’a jamais été. À l’heure des transports aériens de masse les risques de dissémination virale rapide sont immenses et connus. Nombre de rapports militaires, de services de renseignement et… de romans, de films et de séries de SF ont abordé cette problématique), et de s’en servir pour faire avancer l’agenda de ce qui est une vraie révolution oligarchique pour conserver le pouvoir. Comme le Covid s’est présenté comme un problème objectivement mineur vu son taux réel de létalité, il a fallu lancer une mise en scène terrorisante digne des grandes productions hollywoodiennes.
Cette mise en scène médiatique affolante a suffi pour relancer la pastorale de la terreur sur un point qui touche tout le monde : le risque de sa propre mortalité à court terme est alors utilisé pour modifier rapidement, sous l’effet de la peur, les mentalités et l’organisation du monde occidental, en espérant emporter aussi, par effet d’entrainement, la lutte pour la domination de la planète entière.
En effet l’objectif est à la fois le resserrement du contrôle oligarchique sur l’Occident et le rétablissement de ce même Occident dans sa posture de maître du monde aujourd’hui contestée par l’Eurasie. À l’intérieur du monde occidental, l’objectif est double : contrôler les comportements par la mise en place d’une société de surveillance à motivation sanitaire (donc pour le « bien » des gens) et opérer un transfert de capital des indépendants vers les grands groupes afin de consolider leur position dans la perspective de la relève de la consommation par la gestion locative de l’existant.
C’est, je crois compte tenu de la tendance lourde à l’effritement des facteurs de puissance de l’Occident, l’offensive de la dernière chance car, si cette fois-ci, la ploutocratie rate son coup, vu la manière dont elle a fait monter les enchères, elle pourrait bien se faire remplacer… par une autre oligarchie issue d’autres horizons.
Les freins possibles (mention de ce qui pourrait faire dérailler le projet mais sans me prononcer sur leur réalisation ou leur impact réel) :
- Il y a d’abord un facteur de bon sens. Un projet d’ingénierie sociale et politique résiste rarement aux conditions réelles de sa mise en musique. Le monde humain, surtout si on a la prétention de l’embrasser à l’échelle planétaire, n’est pas un ensemble mécanique ou une pièce d’un jeu vidéo. Comme l’ont souligné de nombreux stratèges du passé : aucun plan ne résiste aux conditions de sa mise en œuvre.
- Pour mémoire, il y a aussi le problème des limites écologiques : la Grande Réinitialisation s’appuie sur une 4ème Révolution Industrielle, beaucoup plus gourmande en énergie et en ressources qu’on ne le croit généralement. Sauf accès facile à des ressources extra-planétaires (mais c’est aussi une question d’énergie) ou sauf baisse drastique et rapide de la population mondiale, de 8 à 1 ou 2 milliards, qui peut être difficile à réaliser (après, comme certains complotistes le font à l’exemple du Dr Mike Yeadon, ancien n°2 de Pfizer, on peut soutenir que l’un des objectifs des thérapies géniques à ARN messager pour lutter contre le Covid est de programmer une dépopulation partielle par stérilisation génétique). En plus, il y a aussi le problème des limites technologiques : Il y a beaucoup de projets en cours sur lesquels on met des sommes considérables, mais rien de dit qu’ils seront tous réalisables, en particulier dans l’optique transhumaniste. Ce ne serait pas la première fois que l’on gaspillerait des sommes colossales dans des impasses. C’est en tout cas un grand point d’interrogation à surveiller.
- La baisse réelle du poids de l’Occident dans le monde, avec un certain effondrement qualitatif de l’Europe et une baisse qualitative tendancielle des USA, ne donne pas à la Ploutocratie tous les atouts de la réussite. En 1945, les U.S.A. à eux seuls faisaient environ 60% du PIB mondial, ils n’en constituent plus qu’un petit cinquième et l’ensemble des pays de l’OCDE (soit les pays du bloc américano-occidental) un peu moins de 50% à eux tous. C’est encore considérable, mais c’est en baisse constante. Objectivement, l’Occident n’est plus ni dans une phase ascendante, ni dans une phase dominante.
- La baisse de la qualité intellectuelle globale en Occident avec répercussion sur les classes dirigeantes : il faut prendre en compte les conséquences du passage de l’instruction aux compétences et de la culture à la communication + l’abêtissante culture de masse dont les rejetons des classes des cadres supérieurs et des classes dominantes ne sont pas à l’abri. Le niveau actuel des élites qui se constate dans la gestion incompétente de la crise Covid (avec ou sans plan préconçu. S’il y a plan, le constat est encore pire…). Par ailleurs, l’Occident a multiplié les plantages plus ou moins discrets de grands projets technologiques ou politiques (pensons par exemple à la « dinde volante », l’extraordinairement coûteux foirage du JSF F35 américain).
- Le hors sol et le hors-peuple de la ploutocratie a des avantages pour elle, mais elle oublie trop que sa puissance s’est constituée de manière localisée et s’est appuyée sur des peuples précis : on ne fragilise pas impunément les bases anthropologiques de sa puissance. Notre ploutocratie en sacrifiant le monde albo-européen n’est-elle pas en train de se tirer une balle dans le pied ?
- On sent un réveil lent mais sûr des peuples qui ne veulent pas mourir en servitude (populisme – souverainisme encouragés par l’effet covid qui a dessillé certains yeux) : l’état actuel de ce réveil est certes insuffisant mais il a considérablement progressé par rapport aux dernières décennies.
- Y aura-t-il une oligarchie émergente dans le monde albo-européen pour en prendre la tête ? C’est la question essentielle par rapport à mon point de vue sur l’inévitabilité du phénomène oligarchique… Aucune réponse à cette question ne peut être faite aujourd’hui.
- Les oligarchies chinoises (mentionnons le conflit Schwab – Soros sur la Chine : Soros s’en inquiète, Schwab la tient pour connectable à l’Occident. À Davos aussi, il peut y avoir des conflits de perception !), russes et indiennes ne sont pas raccord avec les projets occidentalistes : elles n’ont rien contre un Great Reset, mais le leur… D’où les conflits géopolitiques en filigrane et les dérapages toujours possibles à l’ère du nucléaire. Ce qu’on appelle le « piège de Thucydide », quand une puissance déclinante joue son va-tout face à une puissance ascendante, a une réelle pertinence.
- L’islamisme a son propre agenda mondialiste qui ne cadre pas avec celui de Davos et la religion est une force puissante. Entre l’islamisme et Davos, qui se sert de qui ?
En guise de non-conclusion
Allons-nous vers la catastrophe eschatologique espérée par certains de nos milieux pour remettre les choses à l’endroit ? ou vers une démolition contrôlée dans laquelle il y aura des gagnants (oligarchiques) et des perdants (populaires et classes moyennes) ? A-t-on réfléchi au concept de catastrophe partielle ?
Pour résister, faut-il choisir le survivalisme individuel ou de micro-groupes ou bien rechercher une résilience globale nécessairement politique, éventuellement ancrée sur nos nations : une résilience tout à la fois culturelle, politique, et économico-pratique ?
Aujourd’hui, l’Oligarchie occidentale est moins forte de ses propres forces que de la sidération incapacitante qu’elle sait encore utiliser et dont nous sommes trop souvent les victimes consentantes. Surestimer l’ennemi ou rechercher des objectifs inatteignables est parfois une justification à l’impuissance… Il ne tient qu’aux résistants – rebelles de ne plus se laisser sidérer et de retrouver les voies de leurs propres stratégies positives.
Jean-Patrick Arteault
Si l'origine mythologique des runes est assez connue (le Runatàl), les origines historiques du futhark sont une histoire à découvrir dans cette nouvelle vidéo. Une plongée dans une partie de l'histoire européenne méconnue et pourtant décisive.
Le 26 juillet 1943, mis en minorité au Grand Conseil fasciste, Benito Mussoloni avait remis sa démission au roi Victor-Emmanuel III, qui le fit immédiatement arrêter et qui nomma à sa place le maréchal Badoglio qui s'engagea auprès des Allemands à poursuivre la lutte à leurs côtés. Il ne tarda évidemment pas à trahir les Allemands après avoir trahi le Duce, faisant dire à Churchill, qui le méprisait profondément, qu'il était un des plus grands traîtres de l'Histoire. Robert Brasillach, brillant journaliste au journal fasciste Je Suis Partout, avait compris que la guerre était perdue, et qu'il était déraisonnable d'entraîner la jeunesse française dans une aventure sans issue. Il souhaita orienter JSP vers une voie moins politique, plus littéraire, mais ne fut pas suivi par les ultras, tels Lucien Rebatet, Alain Laubreaux et Pierre-Antoine Cousteau (dit PAC), qui tenaient à poursuivre leur politique de collaboration jusqu'au bout. Il quitta l'équipe de Je suis partout en août 1943, tout en restant fidèle à son idéal, et continuera à rédiger, certes moins souvent, des articles politiques dans un certain nombre de journaux de la Collaboration tels Révolution nationale (qui fut fondé par Eugène Deloncle, qui fut le chef de la « Cagoule »), l'Echo de la France et La Chronique de Paris. Une anthologie de ces articles passionnants nous est offerte par les remarquables éditions Pardès qui ont entrepris la réédition de tous les ouvrages de Brasillach, mais aussi de Drieu La Rochelle. Notons qu'une anthologie des articles de Brasillach, parus dans Je suis partout, est prévue dans les prochaines semaines. Nous l'attendons avec gourmandise !
Le fascisme, « notre mal du siècle »
Peter Tame, l'excellent connaisseur de Brasillach, qui a écrit la préface, note que l'attitude de Brasillach envers les Allemands subit une métamorphose sous l'Occupation. Il avait montré, bien avant la guerre, une sympathie pour l'Allemagne nationale-socialiste tout en exprimant une certaine méfiance très maurrassienne mêlée d'amitié, devant les défilés de Nuremberg dont il avait été témoin en 1937. Mais cette amitié se transforma vite en admiration. Il exprima ainsi, lui le pacifiste, dans sa correspondance privée « une admiration objective pour la réussite du débarquement allemand partout à la fois en Norvège ». D'un collaborationnisme de raison, il ne tardera pas à arriver à un « collaborationnisme de cœur » qu'il exprimera dans son premier article paru dans Révolution nationale sous le titre « Naissance d'un sentiment ». On y lit cette déclaration d'amour: « J'aime les Allemands. Je me dis qu'ils sont courageux au-delà encore de ce qu'on savait, je me dis qu'ils sont forts, et surtout je me dis qu'ils sont des nôtre. Nous sommes des copains du même sang ». Cet article, d'une « germanophilie outrée », pèsera lourd sur l'issue de son procès. Brasillach, qui était un homme plus instinctif que doctrinaire, voyait en les Allemands qui connaissaient pourtant d'importants revers en Russie les vecteurs d'un « juste socialisme », une « construction révolutionnaire éloignée de la contagion juive et marxiste » et les libérateurs des paysans russes promis à un bel avenir, les champions du « respect des individualités et des patries ». Une vision quelque peu irénique. Mais Brasillach commettra cette phrase terrible, qui lui sera beaucoup reprochée, et qui sans doute, lui fut fatale: « Qu'on le veuille ou non, nous aurons cohabité ensemble. Les Français de quelque réflexion, durant ces années, auront plus ou moins couché avec l'Allemagne, non sans querelles, et le souvenir leur en restera doux ». L'année 1943 marqua un tournant. Les Allemands avaient été battus à Stalingrad et en Afrique du Nord. L'étau se resserrait. Pour Brasillach, commente Peter Tame, commença « le temps du dégoût », du « désespoir », du « désenchantement de la politiqu ». Le ton qui domine ses derniers articles pour Révolution nationale, alors que les Alliés viennent de débarquer, est celui du regret et de la nostalgie. Il écrit, dans un article paru le 5 février 1944: « Pouvez-vous penser qu'il ne restera pas au cœur de quelques jeunes gens éblouis le souvenir du temps mussolinien, le grand rêve d'une Italie dictant sa loi à la Méditerranée, toute la fable fasciste, avec ses mirages, ses illusions même, ses excès ? » Et de conclure: « Notre mal du siècle, qu'on le veuille ou non, c'est le fascisme ».
Brasillach et la religion
Brasillach n'a quasiment pas, dans ses livres, évoqué la religion. Son article, du 13 octobre 1943, paru dans Révolution nationale, n'en est que plus intéressant. Que dit-il ? Florilège: « L'Eglise a toujours subi la tentation de la théocratie. Il faut dire tout net que c'est là une idée essentiellement juive, l'essentiel même du judaïsme, où politique et religion sont toujours mêlées. L'enseignement de Jésus est, au contraire, un enseignement intérieur, le prêche du royaume qui n'est pas de ce monde ». Le pape Pie XI avait, quelques années plus tôt, consacré six évêques chinois. Commentaire de Brasillach: « Le christianisme est la religion du pain et du vin de vigne, produits méditerranéens. Il va de soi que, devant Dieu, toutes les âmes sont égales, mais cela n'empêche pas de maintenir les distinctions, voire les hiérarchies, dans le gouvernement de ces âmes: on imagine mal un pape nègre ». A propos des six évêques chinois, dont, dit Brasillach, deux sont retournés au culte des ancêtres, Brasillach évoque « le plaisir d'une belle cérémonie, d'une manœuvre anti-raciste ». Et L'auteur de s'en prendre au danger du « compromis moderniste » qui guette l'Eglise dès qu'elle se fourvoie sur le terrain politique. Evoquant le cas de l'Espagne où les curés avaient patronné la République de 1931 avant de se faire massacrer, Brasillach s'en prend à un « clergé trop souvent arriéré » qui « conte fleurette à la démocratie, à l'anglophilie, au parlementarisme, car il a ces vices dans le sang ». Et de conclure: « L'Eglise a versé dans la démagogie, et la démagogie s'est vengée ». Qu'eût dit Brasillach de Vatican II ?
Le national-socialisme contre le national-capitalisme
Brasillach s'en prend, dans un article paru le 23 décembre 1943, peut-être le plus passionnant de l'ouvrage, aux errements de « la cause nationaliste (comme d'ailleurs de la cause religieuse, ajoute-t-il), et à l'alliance indiscutable qu'elle a toujours maintenue avec les puissances de l'argent ». Il affirme que « la réconciliation du socialisme et de la nation est la grande tâche de la Révolution du XXème siècle ». Il critique sévèrement ces « pâles imitations françaises qu'on a pu faire du fascisme » et « la ruée des bourgeois » qui « pour la plupart ne cherchaient que des sections d'assaut et de protection à bon marché », désignant tant l'A.F. que le Faisceau, Solidarité française et même de façon quelque peu inattendue, le P.P.F. de Jacques Doriot, tous ces mouvements ayant été financés, il est vrai, à un moment ou un autre par le grand Capital, avec comme conséquence redoutable que l'on en vint à identifier le « fascisme » avec la « réaction ». Brasillach écrit ces phrases saisissantes et si justes: « On sait bien que (pour la bourgeoisie) la conservation des privilèges de l'argent reste le premier devoir, et la seule besogne sérieuse. De temps à autre, on se permet d'ailleurs quelque diversion, quelque attaque verbale contre cet argent, on chante, redressant le col, quelque chanson révolutionnaire, on tient des propos pour faire frémir les bourgeoises. Mais les bourgeoises aiment frémir, chacun sait ça ». Et Brasillach de s'en prendre à cette bourgeoisie qui sait, « pourvu que le chéri ne parte pas, que le fils ne parte pas, que le gendre ne parte pas, exhorter les autres à partir pour le sacrifice suprême, pour la civilisation en péril ». Brasillach méprise « les adeptes de la seule vraie religion, du seul vrai parti, de la seule vraie politique: le capitalisme ». « Non, nous n'avons pas de rapports avec ces gens-là », dit-il. Et de conclure: « Nous n'avons pas, nous, à aller au peuple, puisque nous sommes du peuple. Nous en sommes tout naturellement par nos soucis, par nos dégoûts, surtout par nos dégoûts ». Pour l'auteur, un ordre nouveau implique la rupture avec « le culte de l'or ». Toute la pensée politique fasciste de Brasillach se trouve en ces quelques phrases...
Le temps des bombardements, des bobardements, du dégoût
Le débarquement anglo-saxon se rapproche. Il est là. Les bombardements tuent les populations et détruisent les plus belles villes de France. Brasillach est amer. Il évoque la « canaillerie humaine » de « ces pauvres benêts qui tremblaient de peur », quatre ans plus tôt, « dans leurs voitures de luxe » espérant l'armistice et qui aujourd'hui « se réjouissent du bruissement des planeurs dans le ciel de Normandie et du fracas des bombes de mille ou deux mille kilos ». « C'est le vainqueur qui écrit l'histoire, chacun sait ça », dit-il, à force de « bourrage de crâne ». La « bassesse humaine traîne avec soi tant de mensonges ». Il y a ces « bobardements » qui racontent que les Allemands venaient subrepticement bombarder les maisons de Caen « épargnées par les Américains » afin de faire croire qu'elles étaient démolies par leurs adversaires. Brasillach constate: « Au passif de toutes les guerres, il faut d'abord inscrire la bêtise. Telle est la nature humaine, dont on ne dit point qu'elle soit belle ». Brasillach évoque ces « civilisations assassinées », les bombardements de Florence, de Sienne, de Nuremberg. Et puis, « le crime immortel du Vieux Marché de Rouen » où « les flammes ont monté du bûcher nouveau dressé autour de la place ancienne », brûlant pour la seconde fois Jeanne d'Arc. Brasillach évoque à plusieurs reprises dans ses articles cet épisode épouvantable, qui l'aura littéralement traumatisé, lui qui admirait tant Jeanne d'Arc. « Mais qui sont ceux qui nous bombardent? », s'interroge l'écrivain dans un article paru dans L'Echo de la France, le 24 mai 1944. Il évoque la littérature américaine qui permet de répondre à cette question, écrivant: « Un peuple se livre par sa littérature ». Se référant notamment à Caldwell et Steinbeck, il évoque une littérature qui « nous dépeint en quelques actes violents les réactions d'êtres prodigieusement élémentaires, de brutes effrayantes intermédiaires entre le singe et le nègre. Des hommes, des femmes qui ne savent ni lire ni écrire, volent, tuent, presque pour rien ». En attendant, ces « brutes », « ces assassins analphabètes », viennent bombarder les merveilles de l'Occident, détruisent « le Campo Santo de Pise, les fresques de Simone Martini à Sienne, le palais de justice de Rouen, les maisons de la Hanse de Hambourg, les pigeons sculptés de Nuremberg ». Brasillach cite ce mot admirable que lui a dit un menuisier d'origine italienne qui déplorait la destruction de Rouen: « Ils ont fait ça par envie. J'ai travaillé chez eux autrefois; j'ai vécu autrefois à Philadelphie. Mais ces gens-là n'ont rien... » Brasillach conclut amèrement cette séquence en évoquant le traitement de l' « arbre sacré des libertés basques » de Guernica, détruit par un bombardement allemand, ce qui suscita une intense émotion, et « le silence, le silence bestial et terrifié qui s'empare du monde devant tant d'autres disparitions plus émouvantes et plus irréparables que la mort d'un arbre ». Il ajoute: « les catholiques étaient émus de l'atteinte possible au paganisme inoffensif d'une coutume locale, mais les catholiques se taisent lorsque la ville de sainte Thérèse est réduite en décombres ».
Robert Brasillach ne se fait guère d'illusions quant au peuple français dont il dit: « Je sais que le peuple français n'a pas le goût de la vérité. Il aime ce qui lui fait plaisir, il accepte ce qui le flatte, à un degré absolument incroyable. On lui exprimerait demain que les habitants de la Lune ont décidé de venir lui rendre la semaine des quatre jeudis et des deux dimanche et le pernod pour Arthur, ils s’en trouveraient quelques-uns pour l'admettre de façon non pas métaphorique mais au pied de la lettre au nom du réalisme bien entendu, et avec le petit sourire malin de celui à qui on n'en fait pas accroire. Aussi ne faut-il pas s'étonner si pour parler à ce peuple on utilise si souvent le mensonge. »
Il restait à Robert Brasillach sept mois à vivre...
Robert Spieler – Rivarol 2021
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Fils de Dany et Pierre VIAL, Didier, nous a quittés brutalement à l’âge de 57 ans.
Homme d’action et soldat de fortune pendant plusieurs années,
Didier est parti pour son dernier voyage avec les Oies Sauvages ...
En ce moment douloureux, nos pensées vont à sa famille.
Didier VIAL, Présent !
A Charleston, le soir, après avoir dégusté un mint julep, un margarita, un hurricane (et plus si affinités) dans les bars du French Market, on peut avoir une pensée pour Rhett Butler, le briseur de blocus, et pour Scarlett O’Hara, toujours présente dans nos cœurs. Et puis, alors qu’il ne fait plus « que » 36° (taux d’humidité : 97 %…), aller déambuler le long des quais, près de la statue à la mémoire des défenseurs confédérés de Charleston. Avec, au loin, comme un fantôme émergeant de la mer, Fort Sumter.
Quand la Caroline du Sud décide – seule et la toute première – de faire sécession, Fort Sumter, à l’entrée du port de Charleston, est occupé par les forces unionistes. Les Nordistes ayant refusé d’évacuer le fort, les forces confédérées décident de passer à l’attaque. Le 12 avril 1861, les canons sudistes de Fort Johnson entrent dans la danse.
Après un bombardement de deux jours, le major Robert Anderson et ses 85 hommes se rendent. Leur vainqueur, le légendaire général Beauregard (descendant d’un combattant vendéen), avait été l’élève d’Anderson à West Point. Le 14 avril, le soldat John S. Bird Jr., des Palmetto Guards, fait flotter le drapeau desdits Palmetto Guards sur le fort.
Jusqu’au 17 février 1865, le fort restera aux mains des Sudistes. Et jusqu’à cette date, Fort Sumter sera soumis à l’un des plus longs sièges de l’histoire moderne, résistant aux bombardements massifs de la marine yankee pendant deux ans (quelque 46 000 obus, des milliers de tonnes de métal…).
Aujourd’hui, on peut débarquer pacifiquement à Fort Sumter. En prenant un bateau soit à Liberty Square sur les quais de Charleston, soit à Patriot Point à Mount Pleasant. Choisir plutôt le départ à Patriot Point, ne serait-ce que parce que le bateau qui vous emmène à Fort Sumter est ancré tout près de l’USS Yorktown, ce porte-avions (surnommé Fighting Lady), qui a été de tous les combats du Pacifique pendant la Seconde Guerre mondiale, d’Iwo Jima à Okinawa.
Ce n’est pas sans émotion que l’on met le pied – dans les pas des soldats de Beauregard – sur la petite île où se tient Fort Sumter, même si les bâtiments (après les bombardements yankees, le fort était une ruine) n’ont plus qu’un lointain rapport avec ceux de l’époque. Là, une plaque commémorative installée en 1929 par les United Daughters of the Confederacy à la mémoire des Sudistes qui tinrent le fort de 1861 à 1865. Là, les ruines du quartier des officiers qui avait trois étages. Ailleurs, les canons, des Mountain Howitzer, qui empêchèrent tout débarquement yankee.
C’est ici que tout a commencé. Charleston et la Caroline du Sud ne l’ont pas oublié. Sur des affiches, des autocollants, des T-shirts, des drapeaux, une tranquille constatation : « Standing alone against Northern agression since 1861 » (« Dressée, seule, contre l’agression nordiste depuis 1861 »). Dans le petit magasin de souvenirs de Fort Sumter, on vend des soldats de plomb. Des Nordistes. Et des Sudistes. Les Nordistes partent au compte-gouttes. Les Sudistes se vendent comme des petits pains. Vae victis ? Pas toujours. La preuve !
Alain Sanders
Présent n° du 12.04.2021
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