La démocratie génocidaire, par Bruno Guigue
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Chercheur en philosophie politique et analyste des relations internationales, Bruno Guigue rappelle la nature belliciste des Etats-Unis en se référant à l'ultime discours du vice-président américain Mike Pence à l'académie militaire de West Point.
S’exprimant devant les diplômés de l’académie militaire de West Point, le vice-président américain Mike Pence vient de leur annoncer qu’ils iraient bientôt se battre «contre les terroristes en Afghanistan et en Irak», bien sûr, mais aussi «contre la Corée du Nord qui continue de menacer la paix», «contre la Chine qui défie notre présence dans la région» et «contre la Russie agressive qui cherche à redéfinir les frontières par la force». Autrement dit, Mike Pence parle comme si les Etats souverains cités dans son propos avaient quelque chose de commun avec les organisations criminelles que Washington affirme combattre sans répit depuis les attentats du 11 septembre 2001. Amalgame stupéfiant, menace militaire à peine voilée, arrogance d’un Etat qui se croit dépositaire à vie d’un imperium planétaire, cette déclaration cumule les travers symboliques de l’idéologie yankee appliquée au reste du monde.
Mais puisque la «nation exceptionnelle» veut en découdre avec tous ceux qui lui déplaisent, il serait beaucoup plus simple qu’elle indique contre qui elle n’envisage aucune action militaire, on gagnerait du temps. Le monde n’est-il pas à sa disposition, objet passif de ses initiatives salvatrices et de ses élans purificateurs ? Dispensatrice d’une justice immanente taillée à sa mesure, la nation au «destin manifeste» ne fixe aucune limite physique à son aura bienfaisante. L’extraterritorialité est sa seconde nature. Et pour atteindre ses objectifs, elle pratique sans vergogne une rhétorique de l’inversion accusatoire qui atteint aujourd’hui, contre l’Iran, des sommets inégalés. Etranglé par un embargo auquel Washington veut convertir la terre entière, cerné par une trentaine de bases militaires américaines, menacé par le déploiement d’une armada aéronavale à proximité de ses côtes, ce pays qui n’a jamais envahi ses voisins est accusé de «s’approcher dangereusement» des forces de l’Oncle Sam. On croit rêver.
Cette propagande surréaliste faisant partie du soft power de l’empire, il n’est pas étonnant qu’elle soit relayée par les médias dominants. Dans un autre registre, la presse occidentale multiplie les condamnations indignées et les mises en garde comminatoires envers la Chine à l’occasion du trentième anniversaire du drame de Tiananmen (1989). Pour le quotidien Le Monde, ce déchaînement de «violence inouïe» a révélé le visage totalitaire du régime post-maoïste. Mais cette presse férue des droits de l’homme devrait compléter le tableau pour édifier ses lecteurs. Les millions de victimes des guerres occidentales, en effet, ont démontré la supériorité morale de la démocratie et attesté l’universalité de son message salvateur. Enfin débarrassé de son rival soviétique, l’Occident triomphant s’en est donné à cœur joie. Il a multiplié les frappes chirurgicales à des fins humanitaires, les «changements de régime» pour le triomphe du Bien, les embargos sur les médicaments pour former la jeunesse et les «plans d’ajustement structurel» destinés à mettre au travail les fainéants des contrées tropicales.
Le triomphe planétaire de la démocratie libérale, combien de morts au juste ? Quelques millions, mais c’est sans importance : la lutte contre le totalitarisme était à ce prix. Pour Madeleine Albright, icône des droits de l’homme et secrétaire d’État de l’administration Clinton, les 500 000 enfants irakiens tués à petit feu par l’embargo ne comptent pas : « le prix à payer en valait la peine » («the price worth it»). Victimes insignifiantes, passées par pertes et profits, de mesure nulle devant l’immensité des bienfaits prodigués par la démocratie d’importation. En 2019, elle a publié un livre dans lequel elle dénonce le «fascisme» qui menace l’Europe et les Etats-Unis. Mais qu’on ne compte pas sur cette belle âme pour s’émouvoir des conséquences de la politique américaine. L’économiste Jeffrey Sachs a récemment révélé les résultats d’une étude consacrée aux effets de l’embargo américain contre le Venezuela. 40 000 morts depuis 2017, tel est le bilan. Pour la plupart, des enfants privés de traitements trop coûteux ou de médicaments désormais inaccessibles. Mais ce n’est pas du «fascisme», bien sûr. C’est le châtiment mérité des ignominies commises par les chavistes, coupables d’avoir nationalisé le pétrole et endigué la pauvreté. C’est le «prix à payer» pour restaurer les «droits de l’homme» dans un pays où le parti au pouvoir, pourtant victorieux aux élections, est accusé d’installer une affreuse dictature.
La coïncidence est frappante entre la promotion de la démocratie occidentale et le massacre de masse qui en est l’application pratique. Le scénario est toujours le même : on commence avec la déclaration des droits de l’homme et on finit avec les B 52. Or ce tropisme de la politique étrangère des Etats-Unis – et de leurs alliés - est une conséquence directe de leur libéralisme. Cet aspect de l’histoire des idées est peu connu, mais la doctrine libérale a parfaitement assimilé l’idée que pour garantir la liberté des uns, il fallait s’assurer de la soumission des autres. Père fondateur des Etats-Unis, un libéral comme Benjamin Franklin, par exemple, était opposé à l’installation de réseaux d’assainissement dans les quartiers pauvres, car elle risquait, en améliorant leurs conditions de vie, de rendre les ouvriers moins coopératifs. En somme, il faut bien affamer les pauvres si l’on veut les soumettre, et il faut bien les soumettre si l’on veut les faire travailler pour les riches. A l’échelle internationale, la puissance économique dominante applique exactement la même politique : l’embargo qui élimine les faibles contraindra les survivants, d’une manière ou d’une autre, à servir leurs nouveaux maîtres. Sinon, il reste encore les B 52 et les missiles de croisière.
Ce n’est pas un hasard si la démocratie américaine, ce modèle diffusé dans tous les foyers du village planétaire par Coca-Cola, a été fondée par des planteurs esclavagistes et génocidaires. Il y avait 9 millions d’Amérindiens en Amérique du Nord en 1800. Un siècle plus tard, ils étaient 300 000. Comme dirait Alexis de Tocqueville, «La démocratie en Amérique» est passée par là, avec ses couvertures empoisonnées et ses mitrailleuses Gatling. Les sauvages emplumés du Nouveau Monde préfiguraient les enfants irakiens dans le rôle de cette humanité surnuméraire dont on se déleste, sans remords, si les circonstances l’exigent. D’un siècle à l’autre, les Américains ont donc transposé à l’échelle du monde leur modèle endogène. En 1946, le théoricien de la guerre froide et apôtre du containment anticommuniste George Kennan écrivait aux dirigeants de son pays que leur tâche séculaire serait de perpétuer l’énorme privilège octroyé par les hasards de l’histoire aux Etats-Unis d’Amérique : posséder 50% de la richesse pour 6% à peine de la population mondiale. Les autres nations seront jalouses, elles voudront une plus grosse part du gâteau, et il faudra les en empêcher. Bref, la «nation exceptionnelle» n’a pas l’intention de partager les bénéfices.
Une caractéristique majeure de l’esprit américain a favorisé cette transposition de la «démocratie américaine» à l’échelle du monde. C’est la conviction de l’élection divine, l’identification au Nouvel Israël, bref le mythe de la «destinée manifeste». Tout ce qui vient de la nation élue de Dieu appartient derechef au camp du Bien, y compris les bombes incendiaires. Cette mythologie est le puissant ressort de la bonne conscience yankee, celle qui fait vitrifier des populations entières sans le moindre état d’âme, comme le général Curtis LeMay, chef de l’aviation américaine, se vantant d’avoir grillé au napalm 20% de la population nord-coréenne. Les USA ont réalisé une conjonction inédite entre une puissance matérielle sans précédent et une religion ethnique inspirée de l’Ancien Testament. Mais cette puissance a été surclassée en 2014 lorsque le PIB chinois, en parité de pouvoir d’achat, a dépassé celui des Etats-Unis. Et il n’est pas sûr que l’Ancien Testament suffise à perpétuer une domination qui s’effrite inexorablement.
La racaille immigrée agresse en toute impunité
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Belle réussite de la fête de la famille 2019 de la bannière du lyonnais !
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Sous un soleil invaincu éclatant, la bannière du lyonnais a organisé sa 5ème fête de la famille ce dimanche 26 mai avec encore plus de participants dont de nombreux enfants !
Le thème de cette année fut axé autour du tir (à l'arc et à la carabine à plomb).
Un atelier création de savon et de parfum naturels fut également proposé aux enfants.
Le camarade Johan a eu l'amabilité de faire un atelier création flèches dont chaque participant repartie avec la sienne.
Nous tenons tout particulièrement à remercier la bannière Nord Ardèche pour la gestion parfaite de l'atelier tir à l'arc (adultes et enfants) et aux 3 camarades qui ont encadré de la même manière l'atelier tir à carabine à plomb. Tous les participants furent ravis et certains avaient du mal à quitter les activités.
Le tour de poney annuel a toujours son succès.
Les Dieux nous encouragent à recommencer l'année prochaine pour de nouvelles aventures !
Terre et peuple, bannière du lyonnais.
Scandale HALAL / CASHER : Les dessous de l'abattage rituel !
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L'Effet C'Est Moi - Retourner Au Pays
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«Le bilan de la vente d’Alstom est catastrophique pour l’emploi et pour notre souveraineté»
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Merci Macron, ministre de l'économie à l'époque !
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN -Ancien cadre dirigeant d’Alstom, Frédéric Pierucci a passé plus de deux ans dans des prisons de haute sécurité américaines au moment où General Electric rachetait la branche Énergie du groupe français. Dans un entretien fleuve, il éclaire l’actualité de son histoire et explique les raisons qui ont conduit à la récente annonce d’une suppression de 1050 emplois sur le site de General Electric à Belfort.
Par Etienne Campion.
Publié le 04/06/2019 à 11:22, mis à jour le 05/06/2019 à 15:
Frédéric Pierucci est un ancien cadre dirigeant d’Alstom. Sa vie a basculé en avril 2013 lorsqu’il fut arrêté à New York par le FBI, afin que la justice américaine puisse faire pression sur Patrick Kron, le PDG d’Alstom, pour qu’il cède le fleuron français à son concurrent américain General Electric. Il relate cette affaire dans «Le piège américain, l’otage de la plus grande entreprise de déstabilisation économique témoigne» (JC Lattès, 2019)
FIGAROVOX.- General Electric France a annoncé ce 28 mai la suppression de 1050 emplois sur le site de Belfort, l’ancien site d’Alstom spécialisé dans les turbines à gaz, alors même que le groupe avait formulé la promesse de créer 1000 emplois en rachetant Alstom énergie en 2014, une transaction rocambolesque dont vous avez été l’un des acteurs et sur laquelle nous reviendrons. Quelle analyse faites-vous de cette annonce?
Frédéric PIERUCCI.- Il faut d’abord comprendre comment est structuré le site de Belfort, qui comporte plusieurs entités de production. L’entité concernée par la suppression des 1050 emplois est celle des turbines à gaz, qui a été vendue par Alstom à General Electric en 1999. Il ne s’agit donc pas de la branche Énergie vendue en 2014 à ce même General Electric dans les conditions que l’on connaît depuis...
La décision de suppression de ces 1050 postes participe d’une nécessité d’adapter les capacités de production au marché, ce que tout industriel doit bien évidemment faire, surtout dans une industrie cyclique. Cette nécessité d’adaptation de ses capacités de production par General Electric n’est pas en soi-même choquant, ce qui l’est cependant est le manque d’anticipation, le cynisme et la tromperie mis en place autour d’une opération que tout le monde savait inéluctable. Pour bien comprendre tout cela, il faut analyser la bérézina industrielle qu’a été en 2014 le démantèlement du groupe Alstom avec la complicité de l’État français et de certains hauts dirigeants politiques de l’époque qui, au lieu de préserver ce fleuron industriel de la prédation de General Electric, ont préféré céder aux pressions américaines en vendant un des piliers de notre indépendance énergétique que la France avait mis un demi-siècle à construire et qui suscitait l’envie de beaucoup de nos concurrents étrangers.
Pour General Electric, le but était d’acheter la compétence d’Alstom, sans quoi elle risquait une crise plus grave encore.
Pour résumer, en 2014, General Electric était le leader mondial incontesté dans les turbines à gaz alors qu’Alstom Énergie l’était dans le nucléaire, l’hydraulique et le charbon. Pour General Electric, le but était d’acheter la compétence d’Alstom dans ces domaines, anticipant la chute du marché des turbines à gaz. Sans cette acquisition d’Alstom Energie en 2014, la situation de General Electric serait encore bien plus grave car elle aurait subi, sans rééquilibrage possible sur d’autres activités - notamment le nucléaire - la profonde crise du gaz actuelle. C’était un enjeu de survie.
Car, depuis, le marché mondial des turbines à gaz s’est effondré. La situation actuelle à Belfort n’est donc nullement due à une mauvaise décision de General Electric d’acheter Alstom Énergie comme certains voudraient le faire croire. Sans ce rachat, la situation de General Electric serait encore pire car, par exemple, sur le site de Belfort, l’activité nucléaire héritée, elle, du rachat de 2014, se porte plutôt bien, et c’est elle principalement qui assure une pérennité au site.
Le sujet est quelque peu technique, mais, pour aller à l’essentiel: le marché des turbines à gaz est divisé en deux: celui du 50 Hz (75% du marché mondial), et celui du 60 Hz (25%). Historiquement, l’usine américaine de General Electric fabriquait uniquement des turbines 60 Hz, et Belfort des turbines 50 Hz. Mais à la fin des années 2000, l’entreprise a connu un pic de commandes de turbines à gaz, et General Electric en a alors profité pour transférer une partie de la production (et donc du savoir faire) des turbines 50Hz de Belfort aux États-Unis. Pour faire face à l’effondrement du marché des turbines à gaz depuis 2013, General Electric a déjà supprimé l’année dernière presque un tiers de ses effectifs dans son usine de Greenville en Caroline du Sud ainsi que sur d’autres sites européens en Allemagne et en Suisse. L’usine de Belfort avait pu éviter cette première vague de restructuration grâce à l’accord négocié en 2014 par l’ancien ministre Arnaud Montebourg lors du rachat d’Alstom Énergie par General Electric et qui «sanctuarisait» le site français, pendant trois ans, jusqu’au 31 décembre 2018.
Dès lors, plus rien n’empêche General Electric France de passer à la deuxième étape de cette restructuration de ses capacités de production de turbines à gaz: supprimer un grand nombre d’emplois sur son site de Belfort. Il était donc évident pour tous les spécialistes du secteur et les dirigeants du groupe que le plan social adviendrait. Le point d’interrogation était d’en connaître l’ampleur. J’avais d’ailleurs déjà alerté par écrit sur ce point des début janvier 2019 le cabinet du ministre de l’Économie dans une lettre demandant le support de l’État pour racheter à General Electric la partie nucléaire du groupe.
Avant cette suppression de 1050 emplois, la promesse d’en créer autant était-elle selon vous tenable?
On ne vend pas une entreprise aussi stratégique qu’Alstom contre une promesse de créer 1000 emplois qui n’engage que celui qui y croit. Quatre ans après, on feint de se réveiller avec la gueule de bois car non seulement ces 1000 emplois n’ont bien sûr pas été créés, mais plus de 1000 vont disparaître. Entre-temps, un savoir-faire unique dans des technologies de pointe comme celle des turbines Arabelle qui équipent toutes nos centrales nucléaires est passé dans les mains de General Electric.
Cet entêtement à essayer de défendre l’indéfendable et à tenter vainement de masquer l’erreur stratégique de la vente de 2014 empêche l’exécutif d’analyser objectivement la situation actuelle.
L’amende de 50 millions d’euros infligée par l’État français à General Electric pour ne pas avoir tenu la promesse de créer ces 1000 emplois est une dérisoire goutte d’eau, certainement d’ailleurs provisionnée par General Electric, à côté des 12,35 milliards d’euros du prix de la vente. Très vite, nous réaliserons que nous avons été bernés. Dès octobre 2017, General Electric annonce la suppression de 350 postes sur un total de 800 sur le site de Grenoble, spécialisé dans les turbines pour les centrales hydroélectriques. Puis en juin 2018, General Electric annonce finalement qu’il ne tiendra pas sa promesse de 1000 emplois créés. Libéré de ses obligations sociales à partir de fin 2018, General Electric met en place dès début 2019 un plan de départs volontaires visant environ 280 emplois au sein de la division nucléaire (encore appelée «Alstom Power Systems») via un programme de rupture conventionnelle collective (RCC) et un «plan senior». Puis vient maintenant ce nouveau plan social visant 1050 suppressions de postes.
Le bilan global est donc catastrophique pour l’industrie française, pour l’emploi et pour notre souveraineté industrielle dans le domaine stratégique qu’est la production d’électricité nucléaire. Que dans ce contexte prévisible, de hauts représentants de l’État osent encore prétendre que l’opération de vente d’Alstom Energie à General Electric était une bonne opération est non seulement scandaleux mais démontre d’un jusqu’au-boutisme indécent dans la tentative de justifier les erreurs passées. Cet entêtement à essayer de défendre l’indéfendable et à tenter vainement de masquer l’erreur stratégique de la vente de 2014 empêche l’exécutif d’analyser sereinement et objectivement la situation actuelle, et retarde toute tentative de reconstruction pourtant plus que nécessaire de nos capacités industrielles dans ce domaine.
Pour ce qui reste de l’industrie française dans la production d’électricité, il y a donc deux urgences. Une urgence sociale: le secteur des turbines à gaz avec ces emplois en jeu à Belfort. Et une urgence stratégique: le secteur des turbines vapeur pour les centrales nucléaires, les fameuses turbines «Arabelle» produites aussi sur le site de Belfort. Ce dernier secteur, bien que faisant l’objet d’un plan de départs volontaires depuis le début de cette année, se porte plutôt bien. Ce secteur du nucléaire, pour lequel je suis en train de monter un tour de table afin d’essayer de le racheter à General Electric, englobe la partie la plus stratégique des actifs vendus en 2014, à savoir la maintenance de tous les turbo-alternateurs équipant nos 58 centrales nucléaires (produisant 75% de l’électricité consommée en France), la fabrication des turbines «Arabelle» et l’ingénierie des îlots conventionnels pour les nouvelles centrales nucléaires.
Hugh Bailey, nommé Directeur général de General Electric France le 22 avril, était conseiller pour les affaires industrielles d’Emmanuel Macron au ministère de l’Économie .
Alstom avait acquis un avantage technologique très important sur ces principaux concurrents qu’étaient Siemens ou Hitachi dans ce domaine. Non seulement les turbines «Arabelle» vont équiper les futures centrales nucléaires utilisant les réacteurs français de Framatome (ex-Areva) comme celles développées en Angleterre à Hinckley Point par EDF, mais aussi les futures centrales basées sur la technologie de réacteurs VVR russes, grâce à une joint-venture avec Rosatom. Cet élément est essentiel pour permettre à la France de continuer à pouvoir proposer à l’exportation des centrales nucléaires complètes basées sur une technologie française, sans avoir à demander l’aval de Washington...
Que le secteur soit pérenne n’enlève rien au fait que nous n’en soyons plus propriétaire et qu’il constitue une urgence stratégique pour la souveraineté de notre industrie nucléaire.
En résumé, ce qui sauve partiellement le site de General Electric à Belfort, c’est sa partie nucléaire héritée d’Alstom en 2014, qui reste très compétitive sur le marché. Il s’y trouve une technologie de pointe qu’on nous enviait alors que nous n’étions pas en position dominante sur le marché des turbines à gaz. Donc la fable qui nous a été vendue en 2014 comme quoi Alstom Énergie était trop petit, numéro trois et en retard, était mensongère: General Electric serait aujourd’hui encore plus faible qu’Alstom Energie étant donné son orientation à l’époque, quasi mono-produit sur le marché des turbines à gaz ou ils étaient certes leader, mais qui s’est complètement effondré depuis!
Cédric Perrin et Michel Zumkeller, sénateur et député du Territoire de Belfort, comme certains observateurs, suggèrent que le gouvernement a pu s’entendre avec General Electric France pour annoncer le plan social après les élections européennes...
Il faut arrêter de prendre les Français et plus particulièrement les employés de Belfort pour des idiots. Cela paraît évident à toute personne qui suit ce dossier. Hugh Bailey, nommé Directeur général de General Electric France le 22 avril, était conseiller pour les affaires industrielles d’Emmanuel Macron au ministère de l’Économie lorsque ce dernier a piloté la vente de la branche Énergie d’Alstom à General Electric. On rejoue l’histoire du pompier pyromane.
C’est donc un secret de polichinelle, et il est normal que les commentateurs se posent cette question. Hugh Bailey, Directeur général depuis un mois, semble être aussi arrivé pour contrôler la communication relative au plan de départ. Par ailleurs, nombreux sont ceux qui ont su se recaser à différents postes haut placés après le rachat d’Alstom par General Electric, en venant notamment du secteur public.
Dès que je refuse de jouer la taupe pour la justice américaine, on refuse ma libération sous caution, le lendemain. Libération sous caution qui avait été accordée à Bernard Madoff ou O. J. Simpson…
Je pourrais vous faire la liste, mais elle est très longue. Je vous renvoie pour cela à l’excellent documentaire «Guerre Fantôme » qui décrit le scandale d’État qu’a été la vente d’Alstom à General Electric.
Est-il possible de sanctionner General Electric pour ces suppressions d’emplois?
General Electric a payé les 50 millions d’euros d’amende pour ne pas avoir respecté les 1000 embauches… Ils ne payeront rien pour 1000 suppressions d’emplois. Ce n’était pas dans l’accord initial.
Venons-en à votre histoire, que vous racontez dans le livre «Le piège américain», pour mieux comprendre la situation actuelle. Cadre dirigeant d’Alstom, vous avez été arrêté le 14 avril 2013 en arrivant à New-York par le FBI sur l’ordre du ministère de la Justice américain (Department of Justice-DOJ) ...
On m’arrête à mon arrivée à JFK en avril 2013, avant de me passer les chaînes aux pieds et aux mains, comme un détenu du grand banditisme. Dès les premières minutes de mon entretien, le procureur m’informe qu’Alstom est sous enquête depuis trois ans pour enfreinte à la loi américaine sur la lutte contre la corruption (Foreign Corrupt Practice Act-FCPA) , que l’entreprise ne coopère pas et qu’ils ont perdue patience. Pourquoi moi?
Je suis arrêté car je suis proche de Patrick Kron, PDG d’Alstom. Mais surtout pour une autre raison: j’avais été nommé pour diriger la division chaudière d’Alstom et la stratégie publique était de créer une joint-venture à 50/50 en mariant la division que je dirigeais avec celle de notre grand concurrent chinois «Shanghai Electric». Et en tant que patron d’Alstom chaudières, j’ai piloté le transfert du siège à Singapour et avais été nommé pour diriger l’alliance future. Sauf que ce rapprochement avec les Chinois n’a pas du tout plu à notre grand concurrent américain General Electric qui convoitait Alstom depuis des lustres. Voilà pour l’évènement déclencheur.
J’arrive en août 2012 à Singapour, en novembre 2012 je suis mis en examen, sans que je le sache. Car le DOJ avait peur que, connaissant ma mise en examen, je me réfugie en France et lui échappe. Ils ont donc attendu que j’arrive aux États Unis pour m’arrêter, et je suis tombé dans la gueule du loup un 14 avril 2013.
S’ensuit un scénario de film…
Dès que je refuse de jouer la taupe pour la justice américaine, on refuse ma libération sous caution, le lendemain. Libération sous caution qui avait été accordée à Bernard Madoff ou O. J. Simpson… C’est de l’intimidation pure: une magistrate refuse ma libération sous caution, les Marshals me mettent des chaînes aux pieds et aux mains et me transfèrent dans un fourgon blindé vers une des pires prisons de haute sécurité américaine, Wyatt dans le Rhodes Island. Nous sommes en avril 2013…
L’accusation des Américains porte sur des faits de corruption qui remontent à 2003 et 2004 en Indonésie, dont vous assumez la connaissance rapidement…
Sur ce contrat, Alstom avait embauché deux consultants. Je connaissais leurs existences car en tant que directeur commercial je devais intégrer leurs coûts dans ma feuille de prix. C’était une pratique courante de faire appel à des consultants pour obtenir des contrats chez Alstom. Et c’était une pratique courante qu’une partie de la rémunération des consultants termine certainement en versement de pot-de-vin. Mais je n’étais ni en charge de la sélection des consultants, ni de leur approbation. Chaque contrat de consultant devait être approuvé au plus haut niveau de l’entreprise: il fallait treize signatures pour approuver n’importe quel contrat.
Une magistrate refuse ma libération sous caution, les Marshals me mettent des chaînes aux pieds et aux mains et me transfèrent dans un fourgon blindé vers une des pires prisons de haute sécurité .
Il s’agissait là, selon vous, de faire pression sur Patrick Kron, PDG d’Alstom…
Dès que j’ai été arrêté s’est institué un conflit entre l’employeur, Alstom et Patrick Kron, et l’employé, moi, qui essayais de faire valoir que je n’étais qu’un maillon non décisionnaire dans la chaîne et que j’avais suivi scrupuleusement tous les processus. À ma décharge existait aussi un rapport d’audit commandité par Alstom à un cabinet d’avocats sur le projet en question, qui me blanchissait. J’ai demandé en vain à Alstom une copie de ce rapport, on ne me l’a jamais donné.
Alstom ne m’a d’ailleurs jamais communiqué aucun document pour m’aider, comme par exemple les e-mails internes, les chartes d’organisation, les documents signés par d’autres prouvant que les processus internes avaient été suivis, etc. Ils savaient très bien qu’en m’aidant, cela impliquerait d’autres personnes jusqu’au plus haut niveau de l’entreprise qu’ils voulaient bien sûr protéger. J’étais littéralement dépourvu de toute aide.
Mais à partir du moment où je suis arrêté et emprisonné, Patrick Kron comprend qu’il doit coopérer, car il est le prochain sur la liste à risquer de finir dans les prisons de haute sécurité américaines à côté de psychopathes et autres tueurs à gage. Donc, d’un statut de non-coopération avec le département de la Justice américain, il est passé à un statut de complète coopération avec ce même département. Je suis dès lors passé pour pertes et profits aux yeux d’Alstom. Patrick Kron comprend dès lors que la seule solution pour lui de s’en sortir personnellement est simple: vendre Alstom à General Electric. Et il prend contact avec eux via son fidèle lieutenant, Grégoire Poux-Guillaume, dès l’été 2013.
Avez-vous eu des nouvelles de Patrick Kron depuis votre libération?
Je n’ai eu aucun contact avec lui mais je suppose que tout va très bien pour lui. Il a quitté l’entreprise avec un bonus de 4 millions d’euros et une retraite chapeau de 10 millions d’euros, est à la tête du fond de private equity «Truffle Capital»…
Arnaud Montebourg, au moins, a compris ce qu’il se passait, en faisant le lien entre l’affaire judiciaire déclenchée aux États-Unis contre Alstom et le rachat d’Alstom par General Electric.
Il est aussi membre des conseils d’administration de Lafarge et de Sanofi. Je rappelle qu’il a, au nom d’Alstom S.A. qu’il dirigeait depuis 2003, plaidé coupable en décembre 2014, d’avoir payé 75 millions de dollars de pots-de-vin pour gagner 4 milliards de contrats et engranger 296 millions de profits, la très grande majorité de ces pots-de-vin ayant été payés pendant son mandat de PDG. À ma connaissance, aucune enquête n’a été ouverte contre lui en France malgré ce plaider-coupable. Tant mieux pour lui, je ne souhaite vraiment à personne ce qui m’est arrivé. Mais je rappelle tout de même, qu’en France, le Parquet national financer a ouvert une enquête pour des costumes…
Mais l’État français a tout de même tenté de résister...
Il n’y a pratiquement pas eu d’opposition, seul Arnaud Montebourg est monté au créneau tout en restant impuissant. Reste que, lui au moins, a compris ce qu’il se passait, en faisant le lien entre l’affaire judiciaire déclenchée aux États-Unis contre Alstom et le rachat d’Alstom par General Electric. Je lui accorde beaucoup de crédit là-dessus. Nous sommes un an après mon incarcération, en avril 2014, quand les Américains continuent à me détenir pour faire pression sur Alstom et s’assurer que la vente se conclue.
Ce n’est donc qu’après une année passée en prison que vous avez compris que votre incarcération était liée au rachat d’Alstom par General Electric?
Oui. Alors que mon avocat avait négocié avec le procureur du DOJ ma sortie de prison au bout de 6 mois (donc en octobre 2013) en échange de mon plaider-coupable, les autorités américaines ne m’ont pas libéré. Si on ne m’a pas laissé sortir, c’est parce que dans mon dos commençaient les négociations avec General Electric et il fallait me garder pour maintenir la pression sur Patrick Kron jusqu’à ce que le marché se conclue. Pendant très longtemps je n’ai pas compris pourquoi j’étais encore en prison.
Le gouvernement américain a par exemple injecté 139 milliards de dollars dans General Electric en 2008 pour sauver l’entreprise de la crise des subprimes.
Puis je découvre de la télévision de ma cellule ce qu’il se passe: Bloomberg annonce le 24 avril 2014 que General Electric va racheter Alstom… Cela fait un peu plus d’un an que je suis en prison.
Puis le 19 décembre 2014, une assemblée générale des actionnaires se tient à Paris: les actionnaires votent pour la vente d’Alstom à General Electric, tandis que le même jour aux États-Unis est signé le plaider-coupable d’Alstom. Des deux côtés, tout est synchronisé, le DOJ signe le plaider-coupable d’Alstom juste après le vote des actionnaires approuvant la vente de 70% d’Alstom à General Electric...
Quel fut le rôle d’Emmanuel Macron dans la vente?
Mon principal constat est que le gouvernement français a complètement manqué de vision stratégique et industrielle en 2014. Le rôle d’Emmanuel Macron est ambigu. D’un côté, Emmanuel Macron déclarera devant la commission des affaires économique de l’Assemblée Nationale le 11 mars 2015, en réponse à une question du député Daniel Fasquelle: «À titre personnel, en effet, j’étais moi-même persuadé du lien de cause à effet entre cette enquête (celle du DOJ) et la décision de M. Kron, mais nous n’avons aucune preuve… Je ne dirai pas que ma conviction intime ne rejoint pas la vôtre sur certaines de vos interrogations».
D’un autre côté, un an plus tôt, au printemps 2014, en plein débat national sur le sujet et alors qu’il était secrétaire général adjoint de la présidence, il s’était opposé à Arnaud Montebourg et avait plaidé clairement pour la non-intervention de l’État français dans la vente en expliquant que «nous ne sommes pas légitimes pour intervenir, nous ne sommes pas dans une économie dirigée, on n’est pas au Venezuela». Je rappelle que le gouvernement américain, que l’on peut difficilement accuser d’être vénézuélien, a par exemple injecté 139 milliards de dollars dans General Electric en 2008 pour sauver l’entreprise de la crise des subprimes. Sans cette intervention massive, c’est peut-être Alstom (ou un autre concurrent) qui aurait racheté General Electric. Maintenant, en tant que président de la République, Emmanuel Macron est bien obligé d’intervenir sur le sujet des licenciements massifs à Belfort comme l’a démontré la horde de communicants se penchant sur le malade depuis quelques jours.
La finale de la Coupe du monde, vous l’avez vue dans un bar ou sur votre canapé, je l’ai vue dans le fond d’une prison américaine avec des criminels du monde entier.
Quelles sont les preuves de cette collusion entre la direction d’Alstom de l’époque, donc Patrick Kron, General Electric et le DOJ, aboutissant à cette affaire que l’on connaît?
Les preuves sont dans mon livre et n’ont d’ailleurs pas été remises en cause depuis sa sortie en janvier. L’une d’elles porte par exemple sur le prix de vente. En juin 2014, General Electric sort de sa poche un argument massue pour faire basculer la décision en sa faveur, contre l’option de rachat par Siemens. General Electric et Alstom expliquent que le premier prendra en charge la future amende du second au titre des poursuites enclenchées par le DOJ contre Alstom pour enfreinte au FCPA (Foreign Corrupt Practices Act). À l’époque, le montant de l’amende est inconnu puisqu’il ne sera révélé que six mois plus tard, soit fin décembre 2014. Des estimations allant jusqu’à 1.5 milliards de dollars circulent dans les journaux. Mais quel patron peut obtenir de son conseil d’administration de signer un tel chèque en blanc sans connaître le montant de l’amende, qui pouvait varier de plusieurs centaines de millions d’euros? Pour en connaître ne serait-ce qu’une estimation, il fallait bien sûr participer aux négociations entre Alstom et le DOJ , ce que General Electric finira par reconnaître en février 2015. Malgré cela, Jeffrey Immelt, le patron de General Electric dit qu’il paiera...
Ils étaient donc de mèche avec le département de la justice pour prendre un tel engagement. Siemens, le groupe allemand, était au contraire lui déjà passé sous les fourches caudines de la justice américaine au titre du FCPA, en ayant payé 800 millions de dollars d’amende en 2008. Cet épisode avait d’ailleurs valu à son ex-CEO emblématique Heinrich Von Pierer, de devoir dédommager Siemens à hauteur de 5 millions d’euros. Autre pays, autres mœurs… General Electric savait donc très bien que Siemens ne pourrait pas s’aligner sur leur offre en reprenant le passif d’Alstom sur ce point.
Mais ce qui est le plus choquant tient au fait que payer l’amende de quelqu’un d’autre est de toute façon illégal, à moins bien sûr de racheter l’intégralité de l’entreprise, ce qui n’était ici pas le cas. Mais le département de la justice ne dit rien en juin 2014, alors que cette déclaration conjointe de General Electric et d’Alstom pour écarter Siemens était publique. General Electric remporte donc la mise en juin 2014 et la même semaine, le DOJ me libère. Ce qui devait ensuite arriver, arriva! Six mois après, en décembre 2014 lors de l’assemble générale des actionnaires, Patrick Kron finit par annoncer qu’il s’est trompé en juin 2014 et que la justice américaine l’a informé que General Electric ne peut pas régler l’amende, finalement fixée à 772 millions de dollars, pour le compte d’Alstom. Le tour est joué! Et pour boire le calice jusqu’à la lie, au lieu d’ajuster le prix d’achat du montant de l’amende, celui-ci reste le même que celui négocié en juin (il sera ajusté pour d’autres raisons)! Les actionnaires d’Alstom paient donc cette amende deux fois!
La justice veut faire un exemple : je suis condamné à 30 mois de prison. Je dois donc retourner en prison pour environ un an.
En utilisant un autre mécanisme avec la complicité du DOJ, décrit dans mon livre, General Electric obligera P. Kron et le gouvernement français (Emmanuel Macron en l’occurrence) à aller défendre eux-mêmes devant la Commission européenne la vente d’une entreprise française stratégique par une entreprise américaine…Chapeau bas!
Pendant ce temps, vous êtes en cellule. D’abord 14 mois d’avril 2013 à juin 2014…
Sauf que je ne suis pas jugé: technique classique pour que je ne parle pas. Normalement, d’après la façon dont fonctionne le système judiciaire américain, j’aurai dû connaître ma sentence trois mois après avoir plaidé coupable, soit au plus tard en Octobre 2013. Or le DOJ n’a pas voulu clore mon dossier pendant plus de quatre ans, de juillet 2013 à septembre 2017. C’est même moi qui ai dû demander à être jugé.
Ayant effectué 14 mois de prison au lieu des six négociés par mon avocat, celui-ci m’avait convaincu que le prononcé final de ma peine ne serait qu’une formalité et que je serai donc condamné aux 14 mois déjà effectués. Mais en septembre 2017, la juge, que je vois pour la première fois en quatre ans et demi de procédure, constate que je suis la première personne jugée pour enfreinte au FCPA (Foreign Corrupt Practices Act) dans l’État du Connecticut depuis que la loi existe, soit 1977. La justice veut faire un exemple: je suis condamné à 30 mois de prison. Je dois donc retourner en prison pour environ un an.
Votre premier pénitencier était celui de Wyatt, à Rhodes Island, d’avril 2013 à juin 2014.
Une prison de haute sécurité, avec des criminels de carrière, des tueurs à gage, des braqueurs de banques, quelques cols blancs et autres petits dealers. J’occupe rapidement un dortoir de 54 personnes. Le «Pod A», un dortoir aux conditions de vie et d’hygiène terribles, avant d’être transféré quatre mois plus tard dans un quartier de haute sécurité. Dans une cellule de deux: je ne peux même pas sortir dans une cour pendant 9 mois...
Vous rencontrez un certain «Jacky» dans cette prison?
Jacky, le dernier membre vivant de la French Connection, qui parle un peu français pour avoir passé quatre ans en prison chez nous bien qu’étant americano-italien, demande à ce que je sois près de lui. Il parlait français et m’a aidé. C’était quelqu’un d’extrêmement intelligent: il a fait 36 ans de prison et connaissait donc la loi sur le bout des doigts. Il m’a appris comment le système américain marchait, je n’y connaissais rien et mon avocat ne m’en disait rien. Il m’a appris énormément de choses et m’a intégré dans la prison.
J’ai dû me faire intégrer, mais en restant précautionneux, car il y a beaucoup de taupes potentielles à l’intérieur, ce qui aurait pu me porter préjudice s’ils parlaient au département de la justice
Cela fonctionne par ethnie: il y a les blancs, les noirs, les hispaniques… et j’ai intégré le clan des blancs. Ce qui fut très appréciable pour mon intégration. Un de mes nouveaux «amis de circonstance», «Jimmy le Grec», était aussi une énorme pointure du trafic de drogue, extrêmement connu sur la côte Est des États-Unis… Un personnage haut en couleur: sa femme, qui résidait dans la même prison que nous, a écrit la série «Orange is the new black».
Il y avait beaucoup de bagarres en prison, mais aussi des suicides, des viols ou des tentatives de meurtre. Beaucoup de gens savent qu’ils ne sortiront pas… D’un autre côté il y a aussi beaucoup de solidarité, d’entraide et de partage.
J’étais dans le clan des blancs mais j’ai eu beaucoup d’amis noirs et mexicains, on se parlait et s’entraidait. En réalité, les deux grands camps, c’étaient les matons, d’un côté, les prisonniers de l’autre…
Comment les autres prisonniers vous voyaient-ils?
Au début j’ai dû me faire intégrer, mais en restant précautionneux, car il y a beaucoup de taupes potentielles à l’intérieur, ce qui aurait pu me porter préjudice s’ils parlaient au département de la justice pour abaisser leurs peines. Il fallait être sur ses gardes tout le temps. Mais j’ai dû en tout cas dire assez rapidement pourquoi j’étais là et surtout que je n’y étais pas pour pédophilie. J’ai réussi à passer au travers des gouttes de la violence, en restant sur mes gardes en permanence, même si j’ai été pris à partie quelques fois.
Je sors ensuite de prison en juin 2014, contre une caution de 1,5 million de dollars mise en place grâce à deux amis américains qui ont accepté de mettre leur maison en caution. En septembre 2014, je rentre en France et je monte rapidement Ikarian, mon cabinet de conseil en compliance. En effet, pendant ces 14 mois, j’ai étudié en détail pour me défendre toute la jurisprudence sur le Foreign Corrupt Practices Act. Je prends alors mon bâton de pèlerin pour sensibiliser sur ces sujets notamment les députés français afin de faire évoluer la loi anticorruption française et protéger ainsi mieux les entreprises françaises des prédations américaines.
Avec un groupe d’amis, nous organisons par exemple le 26 novembre 2015 à l’Assemble nationale un colloque intitulé «Après Alstom, à qui le tour?», au cours duquel je ne peux malheureusement pas paraître publiquement car je ne suis pas encore jugé.
Le lendemain de l’envoi du manuscrit à notre éditeur, mon co-auteur Matthieu Aron se fait cambrioler chez lui : on prend son ordinateur qui contenait le manuscrit…
Puis après trois ans de liberté, je retourne en octobre 2017 pour un an en prison, cette fois, en Pennsylvanie: de nouveau dortoir de 72 personnes (censé en héberger au maximum 49), conditions similaires, mais des détenus tous étrangers.
Je demande tout de suite à bénéficier de l’accord bilatéral entre la France et les États-Unis de transfèrement de prisonnier afin de pouvoir effectuer ma peine en France. Bien que je remplisse tous les critères, le DOJ refuse mon transfèrement. Car au même moment, une commission d’enquête parlementaire sur le rachat d’Alstom par General Electric s’ouvre à Paris et le DOJ ne souhaite pas me voir auditionné par nos députés. Le président de la commission, le député Olivier Marleix ainsi que la vice-présidente Natalia Pouzyreff, font néanmoins le trajet de Paris à la Pennsylvanie pour m’auditionner en prison, prenant le prétexte d’une visite consulaire.
À quelle date quittez-vous le système carcéral?
Le DOJ finit par accepter mon transfèrement quand l’enquête fut finie. La finale de la Coupe du monde, vous l’avez vue dans un bar ou sur votre canapé, je l’ai vue dans le fond d’une prison américaine avec des criminels du monde entier. Mais je sais que la sortie est proche: c’est toujours plus facile lorsque l’on sait qu’on va sortir. Quand je suis transféré en France, en septembre 2018, je passe quelques jours à la prison de Villepinte avant d’être remis en liberté.
Quand avez-vous écrit votre livre «Le piège américain»?
Dès le premier jour d’incarcération, j’ai commencé à écrire. Ensuite j’occupais mes journées à écrire et à lire, en faisant comme si j’allais au travail dès 8 heures du matin. J’ai eu l’obsession de comprendre la jurisprudence et ce qui m’arrivait. Si on analyse cette jurisprudence on voit très bien que le FCPA est avant tout une arme de guerre économique. J’écris plus de 2000 pages qui seront ensuite condensées en 400. C’est pour cela que je le publie rapidement après ma sortie.
Nous finissons d’écrire le livre avec Matthieu Aron un vendredi de novembre 2018 et nous envoyons le manuscrit le soir à notre éditeur JC Lattes. Le lendemain, Matthieu Aron se fait cambrioler chez lui: on prend son ordinateur qui contenait le manuscrit… Certains voulaient manifestement savoir ce qu’il y avait dans le livre avant qu’il ne sorte.
«La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment. Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. C’est une guerre inconnue, une guerre permanente, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort.». François Mitterrand lui-même avait cerné les enjeux du problème.
Réunissons un tour de table d’investisseurs afin de faire une proposition de rachat à General Electric.
À l’heure actuelle, quelles sont vos préconisations pour le site de Belfort et l’avenir d’Alstom?
L’important est aujourd’hui de savoir ce que nous ferons pour faire face aux deux urgences que j’ai citées plus haut: l’urgence sociale à Belfort sur les turbines à gaz et l’urgence stratégique sur le nucléaire pour recouvrer notre souveraineté industrielle dans ce domaine. Ces deux sujets méritent que les partis politiques enterrent la hache de guerre et se concertent pour apporter aux Français des solutions pérennes. C’est en tout cas, le sens de ma démarche, complètement apolitique, de monter un tour de table afin de racheter à General Electric l’activité nucléaire. Suite aux annonces de son nouveau PDG Larry Culp, tous les spécialistes savent que General Electric, qui fait face à un mur de dette, a décidé de reconcentrer son activité «Power» en priorité sur ses produits historiques que sont les turbines à gaz. L’activité «Vapeur» où se logent les activités nucléaires, est donc en train d’être préparée pour être vendue. Le gouvernement français détient une «golden share» dans cette activité nucléaire (GEAST), lui permettant d’avoir son mot à dire sur un éventuel repreneur. Au lieu d’attendre, soyons pour une fois proactif en réunissant un tour de table d’investisseurs afin de faire une proposition de rachat à General Electric. C’est le sens de ma démarche depuis bientôt six mois que je travaille sur ce projet avec une équipe de professionnels connaissant parfaitement le métier et étant à même de reprendre avec les équipes existantes, cette activité au demeurant profitable. Je ne désespère pas de rallier le gouvernement français à cette cause. Peut-être que l’actualité, malheureusement dramatique à Belfort, aidera enfin à cette prise de conscience et à l’action.
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