Arnold Schwarzenegger contre les nationalistes blancs (vidéo)
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… « à l'autre bout de la bibliothèque»... par François Brigneau
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— Elles étaient épatantes, vos nouvelles », dit Henri Béraud.
Je rougis jusqu'aux oreilles et bredouillai qu'il était trop indulgent. J'avais vingt-cinq ans. J'étais un concentré de timidité bretonne, et peu entraîné aux compliments. Dans ma famille, ils étaient aussi rares que l'argent de poche. Il aurait fallu être Balzac en culottes courtes pour arracher mon père à son journal. Et encore n'aurait-il pu s'empêcher de critiquer la longueur des descriptions et l'usage de l'écriture phonétique dans les discours du baron de Nucingen.
— Epatantes, répéta Béraud. Vous m'avez beaucoup amusé. Je vous en remercie. C'est tellement rare. »
C'était trop. Je fondais. Je défaillais. Je gonflais du cou comme un rouge-gorge. On m'aurait annoncé ma libération immédiate que je n'eus pas éprouvé ce plaisir capiteux. Car nous étions en prison.
Je ne devrais peut-être pas l'avouer, malgré la prescription. Ça jette toujours un froid, je l'ai remarqué. Quand je dis : « Ma cellule faisait face à celle de Laval. Je le voyais, le matin, les chaînes aux pieds, vêtu de bure, il ressemblait à un parachutiste auvergnat », il y a toujours un silence, un moment de gêne.
Trente-cinq ans après, ma mémoire, si capricieuse et fantasque, n'a rien oublié de ces jours. Ni un bruit, ni une odeur, ni un détail.
En apprenant que le «Prix des Intellectuels Indépendants » était allé à M. Jean Butin pour son livre sur Béraud, tout a resurgi, luisant, précis, net comme un sous-marin qui émerge.
J'ai revu cet après-midi d'octobre 44. Le soleil, encore haut derrière la verrière d'ouest, étale sa lumière sur le ciment de la 1re division de Fresnes : je suis avec Robert Brasillach, entre les rails où roulent les chariots du pénitencier, dans une file de taulards qui espère la distribution de je ne sais quels colis.
Il m'a présenté à deux messieurs. Un vieux jeune homme en veste de tweed, milord dandy, fringant, nerveux, sautillant, avec un nez en trompette, un fume-cigarette et un nœud papillon à pois : Georges Suarez.
Dans quelques jours il ouvrira au fort de Montrouge le long cortège des fusillés de la Libération. Mais pour l'instant le destin paraît attendre, immobile. Rien ne semble encore écrit. Suarez ne sait pas que le piège s'est déjà refermé sur lui.
Au printemps, il était en reportage à Lisbonne, ville admirable, et doublement, car Salazar l'avait maintenue aux frontières de la guerre. Le regard brillant, les mains lestes, Suarez raconte son voyage dans le temps. Un passeport pour la paix, et voici les magasins de l'abondance, comme autrefois, offrant en vente libre, sans ticket, des étoffes, des cuirs, des bijoux, les victuailles les plus recherchées, les joyaux d'un trésor qui a disparu dans les fumées de la débâcle et le naufrage de notre jeunesse.
A deux jours de train, ça existe encore, la nuit sans alerte, la nuit scintillante, palpitante de tous ses feux, parée de toutes ses lumières, allumée comme pour une fête, et qui ignore le lourd grondement des «forteresses » volant dans les ténèbres. Suarez a pourtant quitté ce paradis aux couleurs du passé. Par coquetterie, insouciance, panache, il est revenu. Malgré les conseils de ses proches, il n'a pas supporté que l'orage se passât sans lui. « Je n'ai pas quitté mon pays en 40. Pourquoi le quitterais-je en 44? »
Au reste, que risque-t-il? On lui doit le meilleur ouvrage paru sur Clemenceau ; une colossale vie de Briand en six volumes, une douzaine de livres d'analyses, de réflexions, de portraits, dont quelques-uns en collaboration avec son ami fraternel, Joseph Kessel, qui doit être à Londres. Que peut-on lui reprocher?
Il a bien dirigé pendant deux ans un quotidien collaborationniste : «Aujourd'hui». Et après? Au pire, cela mérite un blâme. Et seulement si les juges sont partisans. La preuve qu'il n'y a rien contre lui, c'est que son instruction a été expédiée en deux heures.
Etrange aveuglement chez un observateur aussi subtil de la politique française, de ses traîtrises et de ses fureurs. Trois semaines plus tard, douze fusils, tirant en salve, allaient balayer ses illusions.
Le second personnage est tout différent. Il est massif et lourd, tassé, la tête dans les épaules et les poings dans les poches du veston. Dans un visage affaissé et assez mou, le menton demeure puissant. Je suis surtout retenu par les yeux, de beaux yeux sombres, dessinés dans le goût italien, qui vivent et brillent sous d'épaisses paupières.
Quand Brasillach a dit : « Henri Béraud », mon cœur s'est arrêté. On peut difficilement imaginer aujourd’hui ce que ce nom représentait à l'époque. Je cherche, sans trouver à qui le comparer. Béraud, c'était le plus connu des journalistes de son temps, le meilleur reporter au long cours, devant Kessel, déjà cité, Albert Londres, ou Helsey ; celui qui, dès 1924, avait amené la France au pays des Soviets, dont il disait, contre l'opinion répandue : « Si l'on me demandait : — Cela durera-t-il? je dirais : cela durera. »
Béraud, c'était le pamphlétaire et polémiste qui pétrissait le plus vaste public dans le chaudron des années 30. Bernanos lui est supérieur, à mon avis du moins, car je ne mets rien au-dessus de La grande peur des bien-pensants, ce chef-d'œuvre. Mais Bernanos appartient à un monde disparu, dont l'odeur était l'encens, et la fleur, le lys ; l'ancienne France rêvée par Drumont et Péguy, avec ses fileuses et ses lavandières, ses artisans, ses paysans d'angélus, son ciel couleur de tourterelle quand Jeanne apparaît, aux créneaux des remparts rosés d'Orléans, pour y faire flotter ses bannières ; autant de mots de passe qui ne font plus passer grand-monde, de signes de pistes qui ne conduisent que dans les cimetières, autour de tombes désertées.
Béraud est d'une autre paroisse, plus cossue, mieux fréquentée, à la mode des idées nouvelles. Son odeur est celle du pain chaud, sa fleur le coquelicot, piqué dans la moisson. Il se veut républicain d'une République imaginaire, à la Hugo, avec ses braves gens et ses fiers lurons, francs buveurs, têtes chaudes, regards droits, cœurs purs, aussi ardents à la tâche qu'aux jupons, et toujours prêts aux labours du pavé quand le ciel de la Bastille commence à rougeoyer.
Béraud, qui a le verbe haut et sonore, la période éloquente et charnue, exalte le peuple qui en vingt siècles fit la France républicaine.
Plébéien, fier de l'être, Béraud parle d'une France vue du peuple d'autrefois, forte, généreuse, gaillarde dans ses sabots, n'ayant froid ni aux yeux, ni au cœur, et qui se flatte de ne craindre personne, sans cesser pour autant de manifester une méfiance générale et absolue. Elle salue le château, mais se méfie des nobles ; elle fait baptiser le gamin, mais se méfie du « parti prêtre » ; elle crie « Vive l'Armée ! », mais se méfie des militaires ; elle est prête à mourir pour le droit de vote, mais se méfie de ceux qu'elle élit aux Parlements ; elle ne met rien au-dessus du travail, mais se méfie autant des patrons que des syndicalistes de profession ; elle respecte la richesse, et pratique l'épargne en tenant ses écus serrés dans son bas de laine, mais se méfie des riches dont elle aspire à être ; elle chante « L'Internationale », mais se méfie de l'étranger, « celui qui emmène nos filles et emporte notre blé » (c'est Béraud qui l'écrit dans La gerbe d'or, le premier livre de ses souvenirs).
Car il n'est pas que journaliste complet, ce diable d'homme, «flâneur salarié » comme il disait, interviewer écouté des rois, des princes, des révolutionnaires et des chefs de l'entre-deux-guerres, échotier, critique, gazetier à façon, parlant de tout, sans vergogne, avec le même talent, de la verve, du mouvement, des mots chauds ; il n'est pas que l'un des ténors du pamphlet moderne, dont la voix résonne encore aux oreilles de ceux qui lirent Le fusilleur, il est aussi un romancier considérable, dans la veine des grands conteurs français.
Comme cela arrive parfois, le Goncourt lui fut décerné, en 1922, pour son livre le moins réussi, Le martyre de l'obèse, une fantaisie à la fois bâclée et laborieuse. Mais il y a les autres, tous les autres, que j'ai découverts dans la bibliothèque paternelle, sur le rayon peu garni des romans : Le vitriol de lune, Les bois du templier pendu, Les lurons de Sabolas, Ciel de suie, des livres d'histoires écrits au présent sans qu'on cesse jamais de ressentir le frémissement et la magie du passé.
Tel était l'éminent personnage qui me félicitait de deux nouvelles en langue parlée qu'avait publiées «Révolution nationale». La première s'intitulait «Moi-Mézigue de la Mouff». Elle parut le 6 juin 1944.
C'est une date de première ligne, modèle 1515 ou 1789.
J'avais transformé le petit marchand de journaux de la rue des Patriarches en poste d'observation. Dès onze heures la débâcle se dessinait. Rien ne devait plus l'arrêter : pas un n'eut un regard pour le journal ou ils pouvaient lire, dès la première page, mon nom en lettres grosses comme ça. Cet événement, capital pour moi, était submergé par un autre, qui n'était pas sans importance non plus, du côté de Sainte-Mère-Eglise et même ailleurs.
Comme j'avais lu Kipling (« Si tu peux... », etc.) J’acceptai mon infortune avec une dignité si émouvante qu'elle eût mérité la relation d'un témoin. Mais j'étais seul, ce qui valait mieux.
Chez Félix, l'Auverpin, spécialité des vins d'Anjou, je me refis une santé et rafistolai un moral qui partait en breloques sous la façade.
L'Histoire me renvoyait à la case départ. J'avais raté ma vie. C'était ce que je croyais. C'était ce que j'avais cru jusqu'à cette fin d'après-midi, à Fresnes-lès-Rungis.
Et brusquement, là, sous la verrière, Béraud, à moi, il m'avait dit... j'éclatais, et montai quatre à quatre au troisième, où j'occupais la cellule 348 avec un séminariste et Jo, le boucher belge, un catcheur poids mi-lourd, qui faisait de la dépression le mardi, lorsque Mme Jo s'était dispensée de visite. Alors, il tournait comme un ours en cage, de plus en plus vite, tapant de son poing fermé dans sa main gauche ouverte et insultant sa femme en flamand, ponctuant d'énormes « godfordom » des mots que nous ne comprenions pas, le séminariste ni moi, mais que nous devinions néanmoins des plus désobligeants pour Mme Jo, dont la vertu n'était peut-être pas ce qu'un pauvre prisonnier, belge de surcroît, aurait souhaité qu'elle fût.
Le verbe ne le calmant pas, le boucher des Flandres se jetait alors rituellement sur le châlit dont il festonnait les barreaux de fer comme s'ils eussent été de feuillages ou de pampres. Au final des courses, il tombait sur le parquet les membres tordus, convulsionnaire, délirant, la bave aux lèvres, les yeux jouxtés aux falaises du nez dans une loucherie horrible.
Le séminariste et moi n'étions pas aussi dégagés que nous nous appliquions à l'afficher. Je devais me reprendre à plusieurs fois pour arriver au terme du « Plus beau de tous les tangos du monde », un air initiatique que je m'efforçais de siffloter.
Le boucher belge aurait eu largement le temps de nous faire le coup du lapin, suivi de la manchette de la mort, avant que ne se pointe le maton de garde réveillé par nos râles. Je gardais donc, à portée de main, sous la paillasse, une cuillère aiguisée comme un tranche-lard.
Les souvenirs ressemblent à la laine des vieilles chaussettes : une maille se défait, on tire, et ça ne s'arrête plus, ce qui aggrave ma tendance aux parenthèses, digressions et histoires.
Revenons donc à Fresnes, cellule 348, vue imprenable sur la Croix-de-Berny. La fermeture et l’extinction des feux avaient eu lieu depuis longtemps. Je ne dormais pas. Le catcheur ne me gênait pas, qui sur ma droite ronflait avec puissance et conviction, ni le séminariste, au rythme plus imprévu. Réchappais même au manège d'idées pénibles qui d'ordinaire m'entraînait. Je me sentais moins accablé par l'image des miens, sans argent, sans défense, dans la ville.
Presque chaque nuit ramenait le chagrin tenu caché durant le jour. Alors, le sommeil refusait de « prendre », comme on dit d'une sauce qui file. Au dernier moment, je renaissais à la conscience de nos malheurs. J'écoutais la prison, le pas des rondes, le cri d'un homme qu'on emmenait au mitard, le murmure bourdonné des condamnés, et quand montait le bruit clair d'une chaîne sur le ciment, c'est qu'ils avaient voté la mort.
Les heures passaient. Je devenais de pierre, dur et glacé, immobile, et dans le froid qui gagnait, la seule sensation de chaleur était, sous les paupières, celle des larmes retenues.
Ce soir-là, miracle, les ténèbres s'éclairaient. Mon avenir se dessinait, harmonieux et poudré comme un jardin à la française.
Petit Breton sans relations, je n'avais plus de soucis à me faire. Avec des parrains comme Brasillach et Béraud, je n'aurais que l'embarras du choix des éditeurs, exception faite peut-être de Gallimard : « Gide, c'est un Rousseau congelé », avait écrit Béraud dans La croisade des longues figures, son pamphlet anti-NRF. Toutes les portes allaient s'ouvrir. On ne verrait plus que moi chez « Lipp », « Aux Deux Magots ». Bientôt, l'Ouest-Eclair et La dépêche de Brest porteraient mon renom jusqu'à la pointe de la Cornouaille, mon pays bien-aimé.
Au marché, sur le port, le dos au mur abrité du noroît, à «La Taverne», chez Léon, j'entendais déjà le chœur des voix croisées qui disaient :
— Vous avez vu ? C'était sur le journal. Le fils de Manu. Le petit-fils d'Ambroise-le-senneur, celui qui donnait des noms de fleurs à ses bateaux ! Des livres qu'il écrit maintenant, et à Paris en plus !... Sûr, au jour d'aujourd'hui, avec la struction qu'on donne dans les écoles et partout, c'est moins calé qu'autrefois. Mais quand même, faut qu'il en avait là-dedans. A le voir, on n'aurait pas cru, un écervelé que c'était. Il y avait juste le foteballe et les canots qui l'intéressaient. Comme quoi il faut jamais dire, hein !... »
Délicieuse perspective. Pour un Breton, la gloire ne compte qu'au village» Brasillach et Béraud me l'offraient. Il ne restait plus que le plus facile, écrire. Ils feraient le reste, et les mouettes du Porzou iraient dire mon nom aux remparts de la ville.
Sous ma couverture de coton, je rayonnais. J'avais tort. Deux mois plus tard, le 29 décembre 1944, Henri Béraud était condamné à mort. Pourtant, il n'avait jamais été collaborationniste» Le général De Gaulle lui-même en convint (Un autre De Gaulle, par Claude Mauriac).
Henri Béraud fut gracié, puis enterré vivant à la centrale de Poissy, enfin au bagne de l'île de Ré. Auparavant, il avait passé Quinze jours avec la mort, c'est le titre d'un de ses derniers récits, qui commence ainsi :« Ce qui va suivre fut écrit à la prison de Fresnes, le jour de l’An 1945, dans une cellule de condamné à mort... Ma sérénité est profonde, égale à mon innocence... Condamné dans des conditions juridiques sans précédent, je ne proteste ni contre mon sort, ni contre les étrangetés de la procédure. L’Histoire se chargera... Jamais, ni à l’instruction, ni à l’audience, il n'a été posé une seule question sur des faits relatifs à une connivence quelconque, un contact direct, si minime fût-il, avec l’ennemi. Ni le réquisitoire du gouvernement ni les dépositions des témoins n’y firent la moindre allusion... Tous ceux qui me connaissent savent quelle aversion je nourrissais à l’égard de l’occupant. Je ne me suis jamais caché d'être anti-collaborationniste autant que j’étais anglophobe. J’ai montré, prouvé tout cela. En vain. Une délibération de trois minutes a fait litière de mes explications les plus claires. On voulait ma mort. On voulait me déshonorer. Au fond de ma prison, j’élève vers mes confrères le cri suprême d’une conscience révoltée. Libre écrivain, j’ai écrit, selon ma nature, ce que je croyais juste et vrai... Qu’une injustice révolutionnaire me frappe pour avoir combattu ses doctrines, soit ! Ayant lutté seul, la poitrine découverte, je suis vaincu et me tiens prêt à subir les conséquences de ma défaite. Mais vous, écrivains, qui représentez les droits de l’ esprit, admettez-vous que la rancune politique s’exaspère jusqu’à confondre le patriotisme exalté avec la trahison consentie ?... Vous tous qui me connaissez, iriez-vous laisser ternir mon œuvre et mon nom? Ne vous dresserez-vous pas, selon les traditions de notre état, contre une aussi criante injustice?... Amis, je vous confie mon destin, mon honneur et ma mémoire. »
Béraud ne fut pas entendu. Au bagne de l’ile de Ré, il avait le droit d'écrire. Le journaliste Pierre Malo, qui s’y trouvait également, le décrit ainsi : « Je le vois encore, assis à sa table, à l’autre bout delà bibliothèque, attaquant sa tâche nocturne. Rien n'a pu I’arracher à ses chères habitudes d'antan. Dormant une partie du jour, il se met au travail dès que tombe la nuit, à la lueur d’une petite lampe, dont les rayons embrasent le cadre d’argent où sourit le visage de sa femme. Je le vois de dos. Il semble arcbouté contre sa table. On dirait qu’il va la pousser comme on pousse une charrue. Il a le dos du paysan courbé sur la terre nourricière. Massif et puissant, il s'avancera ainsi pas à pas, traçant un sillon après l’autre, jusqu’à l’aube. Béraud, le laboureur du soir, prépare la moisson dans l’ombre » (Pierre Malo : Je sors du bagne).
A quoi il faut ajouter ceci, qui n'est pas sans importance : cette moisson ne mûrira jamais. Jean Butin le révèle dans son livre : « Tout ce papier qu’il noircit, c'est dans la corbeille à cet usage qu'on le retrouve le jour levé. Il peut écrire ; il ne doit rien garder. Le ministre de la Justice, alerté par des ragots de presse, donna l’ordre de s’emparer des manuscrits. Même à terre, cet homme terrible faisait encore peur aux plus puissants... »
Les écrivains français ne bougèrent pas. Au contraire. C’était le temps du CNE (Comité national des écrivains), dont l’organe : Les lettres françaises, appartenait au parti communiste.
Les justiciers du CNE (Georges Duhamel, François Mauriac, Paul Valéry, Alexandre Arnoux, Louis Aragon, Claude Aveline, Julien Benda, Jean Cassou, Claude Morgan, André Malraux, Paul Eluard, Charles Vildrac, et tant d’autres) avaient écrit et publié durant l’Occupation, à Paris, avec I’imprimatur de la « Propagandastajfel ». Certains l’avaient même remerciée, tel François Mauriac, dont la dédicace fameuse au lieutenant Heller fut divulguée.
La liberté retrouvée, ils n'eurent qu’une obsession : remplir les prisons de leurs confrères, qui étaient également leurs concurrents sur le marché (restreint) du papier. Un nombre assez considérable d’écrivains qui ne l’étaient pas moins furent donc déclarés interdits d’édition par le CNE.
La plupart d’entre eux ne souffrirent guère de l’ostracisme, tant était fabriqué l’opprobre sur lequel on le fondait. Soit qu’ils aient battu leur coulpe et donné des garanties ; soit (le plus souvent) que leur talent et la qualité de leurs travaux les aient mis hors d'atteinte, on n'a pu les étouffer longtemps. Portée par les Poèmes de Fresnes, la voix de Robert Brasillach ne s’est jamais tue. Depuis vingt ans, le disque où Pierre Fresnay les dit connaît le même succès. Céline paraît dans la Pléiade. Mme Desanti, stalinienne de l’époque dorée, raconte Drieu. Gallimard a publié Les deux étendards, le chef-d’œuvre de Lucien Rebatet. Paul Morand est entré à l’Académie. Maurras demeure un des maîtres du siècle. En revanche, Béraud a disparu.
Avait disparu, devrai-je dire, puisque M. Butin lui consacre un livre important et indispensable, et qu'une petite maison d’édition provinciale entreprend de le rééditer. Désormais, Mme Germaine Béraud pourra s'éteindre en paix. Le souhait que son mari lui avait crié dans la salle d’audience, après le verdict, va se trouver exaucé. Il lui avait dit : « Défends ma mémoire, défends mon œuvre. » Voilà qui commence à être fait.
Henri Béraud : sa longue marche, de la Gerbe d'Or au pain noir », par Jean Butin. Edition Horvarth,
Sources : Le Spectacle du Monde – Avril 1981
Pendant plus de 30 ans, les autorités berlinoises ont confié des enfants à des pédophiles
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A partir des années 1970, à Berlin, la garde d'enfants sans-abri a été confiée – avec la bénédiction des autorités – à des pédophiles. Un rapport montre l'implication d'universitaires respectés et d'hommes politiques dans le réseau.
Il est des victimes pour lesquelles l'on ne s'indigne pas, ou si peu. Peut-être parce que l'horreur de ce qui leur est arrivé est trop grande que, par un mécanisme de défense, on préfère ne pas la voir. Parce que la regarder en face bouleverserait sans l'ombre d'un doute la vision du monde dans lequel nous vivons.
Les victimes du «projet Kentler» sont de celles-là. A partir des années 1970 en Allemagne, dans la foulée de la révolution sexuelle, le professeur de psychologie Helmut Kentler (1928-2008) a mis en place ce qu'il considérait comme une «expérience». Il a fait placer des enfants sans-abri de Berlin-Ouest sous la garde de pédophiles, avec pour hypothèse que ces hommes seraient des parents particulièrement aimants. Et que leur pédophilie in fine aurait des «conséquences positives» sur le développement des enfants.
Durant sa carrière, Helmut Kentler, qui occupait un poste important au centre de recherche pédagogique de Berlin, était une personnalité reconnue du monde de la psychologie, faisant part régulièrement de son expertise dans des rapports au Sénat de Berlin. Il a par ailleurs écrit un ouvrage – devenu un best-seller – sur la «libération sexuelle», dont l'une des thèses défend les rapports sexuels entre adultes et enfants, les présentant comme inoffensifs.
Bénédiction des autorités
près les témoignages de plusieurs victimes, des chercheurs de l'université de Hildesheim ont mené sur le sujet une vaste étude dont ils viennent de publier les résultats. Elle a notamment permis d'établir que le programme d'Helmut Kentler a perduré plus de 30 ans durant, avec la bénédiction des autorités berlinoises. Les services de protection de l'enfance de Berlin aussi bien que le Sénat ont non seulement fermé les yeux sur ces activités, mais les ont même approuvées. Comble du cynisme, certains des parents d'accueil bénéficiaient d'une aide sociale pour leur activité.
Cette enquête démontre donc qu'il existait un «réseau» entre les établissements d'enseignement, le bureau de la protection de la jeunesse et le Sénat de Berlin, dans lequel la pédophilie était «acceptée, soutenue, défendue», selon le même rapport. A titre d'exemple, le rapport explique comment un certain Fritz H., dont le casier judiciaire était lourd de cas de maltraitance d'enfants, a pu violer au moins neuf enfants qui lui avaient été confiés dans le cadre de ce programme. En dépit de signes avant-coureurs particulièrement inquiétants, les responsables de la protection de la jeunesse de Berlin l'ont systématiquement choisi comme parent d'accueil, lui confiant des enfants âgés pour certains de six ou sept ans.
Le profil des parents d'accueil fait par ailleurs froid dans le dos, plusieurs d'entre eux étant des universitaires respectés. Des responsables de l'Institut Max Planck, de l'Université libre de Berlin et de la célèbre école Odenwald de Hesse, en Allemagne de l'Ouest (qui a été au centre d'un scandale pédophile majeur il y a quelques années), étaient ainsi partie prenante au réseau. Des hommes politiques sont également cités dans le rapport comme ayant eu «une main» dans l'affaire : trois anciens sénateurs sociaux-démocrates (SPD), Carl-Heinz Evers, Kurt Neubauer, et Kurt Exner.
"Ils ne voulaient qu'aucun nom ne soit cité. Et ils ont atteint leur objectif. Ils ont défendu le système"
Voilà qui explique sûrement la réticence des autorités, et particulièrement du Sénat berlinois, à faire toute la lumière sur cette affaire dont l'ampleur véritable est à l'heure actuelle inconnue puisqu'on ignore le nombre de victimes. «Au sous-sol du bâtiment administratif de l'éducation, il y a environ 1 000 dossiers qui n'ont pas pu être traités», a incidemment fait savoir Wolfgang Schröer, membre de l'équipe de recherche à Hildesheim lors de la présentation du rapport.
Les révélations de cette étude ont été qualifiées de «choquantes et horribles» par la sénatrice de Berlin à la jeunesse et à l'enfance, Sandra Scheeres (SPD), qui a assuré que le gouvernement allait entamer des «discussions sur des compensations financières» pour les victimes, même si le délai de prescription est dépassé pour certains de ces crimes. Elle s'est cependant gardée de faire tout commentaire sur les 1 000 documents évoqués par Wolfgang Schröer, ou encore sur l'implication présumée de membres de son parti politique dans le réseau.
Pour Marco et Sven, deux victimes du «programme» qui poursuivent en justice le gouvernement berlinois, les promesses du Sénat viennent trop tard et sont bien trop peu. Cités par Deutsche Welle, ils notent qu'un homme présumé clé du réseau, l'ancien responsable d'un bureau d'aide à la jeunesse, est toujours en vie. Pourtant, il n'y a jamais eu d'enquête : «Ils ne voulaient qu'aucun nom ne soit cité. Et ils ont atteint leur objectif. Ils ont défendu le système.»
RT France 19 juin 2020
I-Média n°296 – Les médias complices de la haine anti-policiers ?
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BON ET JOYEUX SOLSTICE 2020 A TOUS NOS AMI(E)S
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JOYEUX SOLSTICE A TOUS LES MEMBRES
DE NOTRE COMMUNAUTE ET A TOUS NOS AMI(E)S !
QUE LES DIEUX VEILLENT SUR VOUS
EN CES TEMPS SOMBRES ET QUE LA LUMIERE REVIENNE !
Pour saluer Jean Raspail, par Pierre Vial
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- Catégorie : LES EVEILLEURS DE PEUPLES
Chapeau bas et épée levée, je salue Jean Raspail. C’était un homme. Un vrai. Appartenant donc à une race en train de disparaître, devant l’invasion des pygmées et de la racaille en tous genres. Lucide, il disait « Les carottes sont cuites ».
Lire Jean Raspail, c’est retrouver la voix de nos Anciens. Avons-nous su être leurs dignes héritiers ? Pour quelques uns d’entre nous, je crois que oui. Mais, au-delà de ce cercle d’initiés, on ne peut voir que lâcheté, bêtise, démission. Est-ce la fin d’une race ? Après tout, les dieux en ont peut-être décidé ainsi.
Pierre Vial
Un théoricien sans passion, le Comte de Gobineau
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Une réédition qui sera pour beaucoup une révélation surprenante (Poche Club).
La lecture du préambule au plus célèbre ouvrage d'Arthur de GOBINEAU, aujourd'hui possible, sera pour le plus grand nombre, une révélation surprenante.
C'est que « l’essai sur l'Inégalité des Races humaines » appartient à cette catégorie de livres qui ont fait école, suscité les plus âpres, les plus violentes controverses passionnées, voire passionnelles et que, tout compte fait, fort peu de personnes ont lu. N'en est-il pas ainsi pour Marx dans une certaine mesure et l'exégèse ne remporte-t-elle pas largement sur le texte?
Le fait est certain pour GOBINEAU, aussi faut-il se féliciter que le texte essentiel soit aujourd'hui facilement accessible. Le texte essentiel puisqu'il s'agit de « l’Introduction à l'Essai sur l'Inégalité des races humaines » loyale déclaration d'intentions, déjà fortement motivée, ou bien encore « véritable ouverture d'opéra » comme l'écrit l'éditeur dans sa préface, précédant cinq volumes consacrés aux développements des thèmes qui sont : le caractère mortel de toute civilisation, la permanence des caractères raciaux et l'accord de ceux-ci avec les formes de gouvernement, même imposées, l'importance toute secondaire dans les processus de décadence des mauvais gouvernements, du relâchement des mœurs et autres raisons généralement produites, mais la constatation de la cause première dans la « dégénération », c'est-à-dire un mélange de sang, le rôle enfin du rameau aryen, le plus inventif de la race blanche que Gobineau nomme la race « Ariane » et l'intervention décisive desdits « Arians » dans l'avènement de toute civilisation.
Sans doute, et nous ne l'ignorons pas, l'ethnologie et l'anthropologie sont des sciences qui ont largement progressé depuis les années de composition de « l'Essai » (1848-1852), mais si Gobineau, dans l'avant-propos à la seconde édition de son livre, pouvait écrire qu'il n'y avait pas changé une ligne « non pas que dans l'intervalle des travaux considérables n'aient déterminé bien des progrès de détails » sans pour autant ébranler « aucune des vérités » qu'il avait émises, il nous semble qu'à très peu près il pourrait encore souscrire à ce jugement, tant il y a de prudence et de réserve dans les constatations de l'auteur.
Sans doute serait-il aujourd'hui catégorique sur la multiplicité des origines de l'espèce humaine, encore qu'il n'ait guère dissimulé son point de vue, mais les précautions dont il use lorsqu'il aborde, tout à fait incidemment l'origine même de l'homme, finalement n'ont pas autrement d'importance, puisque les seules périodes qu'il considère pour sa démonstration sont strictement mesurées par l'apparition de l'Histoire.
Ce sont les civilisations elles-mêmes qui sont l'objet de son propos et les conditions de leur apparition, de leur épanouissement et de leur déclin.
Il faut ici encore remarquer que Gobineau, dans cette préface, met en cause l'idéologie dominante de son siècle et du siècle précédent, le progressisme et la doctrine égalitaire aussi fermement qu'il prend ses distances avec le Darwinisme et les affirmations des congrès préhistoriques.
Alors au milieu des incohérences les plus fantasques, on ouvre tout à coup, dans tous les coins du globe terrestre, des trous, des caves, des cavernes de l'aspect le plus sauvage, et «: on en fait sortir des amoncellements épouvantables de crânes et de tibias fossiles, de détritus comestibles, d'écaillés d'huîtres et d'ossements de tous les animaux possibles et impossibles, taillés, gravés, éraflés, polis et non polis, de haches, de têtes de flèches, d'outils sans noms ; et le tout s'écroulant sur les imaginations troublées, aux fanfares retentissantes d'une pédanterie sans pareille, les ahurit d'une « manière si irrésistible que les adeptes peuvent sans scrupule, « avec sir Hoba Lubbock et M. Evans, héros de ces rudes labeurs, assigner à toutes ces belles choses une antiquité, tantôt de cent mille années, tantôt une autre de cinq cent mille, « et ce sont des différences d'avis dont on ne s'explique pas le « moins du monde le motif. »
Qu'on remplace les milliers d'années par des millions d'années et l'on aura un texte parfaitement lisible aujourd'hui encore ! C'est donc seulement sur le terrain historique que Gobineau se place et son racisme, très pessimiste comme on va le voir et des plus mesurés, est la conséquence d'une série de constatations d'évidences.
La première, la plus inéluctable, semble-t-il, c'est le caractère précaire des civilisations. Gobineau est aussi un français cartésien et s'il reconnaît que « nulle civilisation ne s'éteint sans que Dieu le veuille » et que « toutes les sociétés sont coupables », il n'en veut pas moins savoir par quelles voies et moyens, sociétés et civilisations disparaissent.
« Les Spartiates n'ont vécu et gagné l'admiration que par les effets d'une législation de bandits. Les Phéniciens ont-ils dû leur perte à la corruption qui les rongeait et qu'ils allaient semant partout ? Non, tout au contraire, c'est cette corruption qui a été l'instrument principal de leur puissance et de leur gloire ; depuis le jour où, sur les rivages des îles grecques (1) ils allaient, trafiquants fripons, hôtes scélérats, séduisant les femmes pour en faire marchandise, et volant çà et là les denrées qu'ils couraient vendre, leur réputation fut, à coup sûr, bien et justement flétrissante ; ils n'en ont pas moins grandi et tenu dans les annales du monde un rang dont leur rapacité et leur mauvaise foi n'ont nullement contribué à les faire descendre.
« Loin de découvrir dans les sociétés jeunes une supériorité de morale, je ne doute pas que les nations en vieillissant, et par conséquent en approchant de leur chute, ne présentent aux yeux du censeur un état beaucoup plus satisfaisant. Les usages s'adoucissent, les hommes s'accordent davantage, chacun trouve à vivre plus aisément, les droits réciproques ont eu le temps de mieux se définir et comprendre ; si bien que les théories sur le juste et l'injuste ont acquis peu à peu un plus haut degré de délicatesse. »
De même il « établira sans difficulté que le fanatisme, le luxe, les mauvaises mœurs et l'irréligion n'amènent pas nécessairement la chute des sociétés », les civilisations anciennes en fournissent des témoignages assez probants, non plus même que les mérites ou les tares des gouvernements.
Toutes ces causes secondaires ne sont pas suffisantes pour justifier l'effondrement des sociétés tant « qu'un principe destructif né d'elles-mêmes » n'intervient pas. C'est-à-dire aussi longtemps que les éléments de ces sociétés ne sont pas dégénérés.
Et l'homme dégénéré est un produit différent, au point de vue ethnique, du héros des grandes époques.
De poser alors la grande question :
« Y a-t-il entre les races humaines des différences de valeur intrinsèque réellement sérieuses, et ces différences sont-elles possibles à apprécier ?».
Et d'invoquer le témoignage des tribus les plus primitives qui ne sont pas parvenues à s'élever, en s'incorporant leurs voisins, à l'échelon de peuplade, ou qui y « croupissent, sans passer à l'état de nation, c'est-à-dire en prenant « non seulement les habitants mais le sol avec eux. »
Et, ce sera une surprise pour beaucoup, c'est dans les croisements qui s'opéreront plus ou moins facilement que Gobineau trouvera la cause des transformations et au contraire dans la répugnance instinctive aux mélanges dont l'auteur cite de nombreux exemples, celle de la stagnation. Conquérants et conquis ce sont les deux termes de l'histoire des nations, et d'illustrer son propos en ces termes :
« Je ne sais si le lecteur y a déjà pensé, mais, dans le tableau que je trace, et qui n'est autre, à certains égards, que celui présenté par les Hindous, les Egyptiens, les Perses, les Macédoniens, deux faits me paraissent bien saillants. Le premier, c'est qu'une nation, sans force et sans puissance, se trouve tout à coup, par le fait d'être tombée aux mains de maîtres vigoureux, appelée au partage d'une nouvelle et meilleure destinée ainsi qu'il arriva aux Saxons de l'Angleterre, lorsque les Normands les eurent soumis ; la seconde, c'est qu'un peuple d'élite, un peuple souverain, armé, comme tel, d'une propension marquée à se mêler à un autre sang, se trouve désormais en contact intime avec une race dont l'infériorité n'est pas seulement démontrée par la défaite, mais encore par le défaut des qualités visibles chez les vainqueurs. Voilà donc, à dater précisément du jour où la conquête est accomplie et où la fusion commence, une modification sensible dans la constitution du sang des maîtres. Si la nouveauté devait s'arrêter là, on se trouverait, au bout d'un laps de temps d'autant plus considérable que les nations superposées auraient été originairement plus nombreuses, avoir en face une race nouvelle, moins puissante, à coup sûr, que le meilleur de ses ancêtres, forte encore cependant, et faisant preuve de qualités spéciales résultant du mélange même et inconnues aux deux familles génératrices. Mais il n'en va pas ainsi d'ordinaire, et l'alliage n'est pas longtemps borné à la double race nationale seulement.
« L'empire que je viens d'imaginer est puissant : il agit sur ses voisins. Je suppose de nouvelles conquêtes ; c'est encore un nouveau sang qui, chaque fois, vient se mêler au courant. Désormais, à mesure que la nation grandit, soit par les armes, soit par les traités, son caractère ethnique s'altère de plus en plus. Elle est riche, commerçante, civilisée ; les besoins et les plaisirs des autres peuples trouvent chez elle, dans ses capitales, dans ses grandes villes, dans ses ports, d'amples satisfactions, et les mille attraits qu'elle possède fixent au milieu d'elle le séjour de nombreux étrangers. Peu de temps se passe, et une distinction de castes peut, à bon droit, succéder à la distinction primitive par nations. »
Mais les conquêtes sans fusion ne modifient nullement le peuple conquis et Gobineau avec un siècle d'avance sur l'événement avait bel et bien prévu que l'Inde reprendrait « la plénitude de sa personnalité politique ». D'où cette loi ainsi exprimée :
« Le hasard des conquêtes ne saurait trancher la vie d'un peuple. Tout au plus, il en suspend pour un temps les manifestations, et en quelque sorte, les honneurs extérieurs. Tant que le sang de ce peuple et ses institutions conservent encore, dans une mesure - suffisante, l'empreinte de la race initiatrice, ce peuple existe ; et, soit qu'il ait affaire, comme les Chinois, à des conquérants qui ne sont que matériellement plus énergiques que lui ; soit, comme les Hindous, qu'il soutienne une lutte de patience, bien autrement ardue, contre une nation en tous points supérieure, telle qu'on voit les Anglais, son avenir certain doit le consoler ; il sera libre un jour. Au contraire, ce peuple, comme les Grecs, comme les Romains du Bas-Empire, a-t-il absolument épuisé son principe ethnique et les conséquences qui en découlaient, le moment de sa défaite sera celui de sa mort : il a usé les temps que le ciel lui avait d'avance concédés, car il a complètement changé de race, donc de nature, et par conséquent il est dégénéré. »
Le siècle de Gobineau n'avait pas manqué d'expliquer les différences ethniques par les conditions du climat à quoi il rétorque :
« Malgré le vent, la pluie, le froid, le chaud, la stérilité, la plantureuse abondance, partout le monde a vu fleurir tour à tour, et sur les mêmes sols, la barbarie et la civilisation. Le fellah abruti se calcine au même soleil qui brûlait le puissant prêtre de Memphis ; le savant professeur de Berlin enseigne sous le même ciel inclément qui vit jadis les misères du sauvage finnois. »
Les inégalités ethniques ne sont pas, par ailleurs, le fait des institutions et l'on peut dire, au contraire, que les institutions d'un peuple sont toujours une création de sa race, même lorsqu'elles leur sont imposées.
La persistance des mœurs sauvages en Armorique, « au 17e les massacres de naufragés et l'exercice du droit de bris subsistaient dans toutes les paroisses maritimes où le sang kymrique s'était conservé pur ».
Les colonisations contemporaines, en Orient, en Afrique du Nord, montrent assez que « les nations les plus éclairées ne parviennent pas à donner à des peuples conquis les institutions antipathiques à leur nature. »
Si la civilisation n'est pas commandée par la nature du sol, du climat, Gobineau constate aussi que le Christianisme, par essence, puisqu'il est œcuménique, ne saurait constituer une civilisation, à l'opposé du judaïsme et du paganisme dont les dieux étaient propres à chaque peuple.
« Depuis dix-huit cents ans qu'existé l'Eglise, elle a converti bien des nations, et chez toutes elle a laissé régner, sans l'attaquer jamais, l'état politique qu'elle avait trouvé. Son début, vis-à-vis du monde antique, fut de protester qu'elle ne voulait toucher en rien à la forme extérieure de la société. On lui a même reproché, à l'occasion, un excès de tolérance à cet égard. J'en veux pour preuve l'affaire des jésuites dans la question des cérémonies chinoises. Ce qu'on ne voit pas, c'est qu'elle ait jamais fourni au monde un type unique de civilisation auquel elle ait prétendu que ses croyants dussent se rattacher. Elle s'accommode de tout, même de la hutte la plus grossière, et là où il se rencontre un sauvage assez stupide pour ne pas vouloir comprendre l'utilité d'un abri, il se trouve également un missionnaire assez dévoué pour s'asseoir à côté de lui sur la roche dure, et ne penser qu'à faire pénétrer dans son âme les notions essentielles du salut. Le christianisme n'est donc pas civilisateur comme nous l'entendons d'ordinaire ; il peut donc être adopté par les races les plus diverses sans heurter leurs aptitudes spéciales, ni leur demander rien qui dépasse la limite de leurs facultés.
Je viens de dire plus haut qu'il élevait l'âme par la sublimité de ses dogmes, et qu'il agrandissait l'esprit par leur subtilité. Oui, dans la mesure où l'âme et l'esprit auxquels il s'adresse sont susceptibles de s'élever et de s'agrandir. Sa mission n'est pas de répandre le don du génie ni de fournir des idées à qui en manque. Ni le génie ni les idées ne sont nécessaires pour le salut. Le christianisme a déclaré, au contraire, qu'il préférait aux forts les petits et les humbles. »
La constatation de l'inégalité des races n'empêche nullement d'ailleurs Gobineau de reconnaître une différence absolue entre « la plus grossière variété, le sous-genre le plus misérable de notre espèce » et certaines espèces de singes.
Mais, d'autre part, les aptitudes que peuvent montrer certains noirs, à l'école des blancs, ne prouvent rien d'autre qu'une disposition plus ou moins grande à l'imitation.
« L'imitation n'indique pas nécessairement une rupture sérieuse avec les tendances héréditaires, et l'on n'est vraiment entré dans le sein d'une civilisation que lorsqu'on se trouve en état d'y progresser soi-même, par soi-même et sans guide. »
En fait il constate que les états de civilisations proprement originales ne sont pas comparables. Un siècle après Gobineau l'accélération de l'histoire ne confirme-t-elle pas le propos ?
Mais si, jusqu'à présent, au tiers de son introduction le mot Civilisation a été souvent employé, il n'a pas encore été explicité dans l'acception que lui donne son auteur. Négligeons la discussion ouverte avec Guizot qui la tenait pour un « fait », alors que Gobineau nous dit qu'il s'agit bien « d'une série d’enchaînement de faits » d'où résultent « un état », « un milieu » dont il précisera les caractères, en distinguant soigneusement, comme le fait Guillaume de Humbolt que Gobineau prisait fort, les particularités de cet état et le perfectionnement de grandes .individualités, « Différence telle que les civilisations étrangères à la nôtre ont pu, de toute évidence, posséder des hommes très supérieurs sur certains rapports à ceux que nous admirons le plus : la civilisation brahmanique, par exemple. »
Tribus, peuplades, peuples, civilisations elles-mêmes, se trouveront finalement classés en deux catégories selon qu'ils sont plus ou moins aptes à l'action ou à la contemplation, les types les plus représentatifs de ces deux civilisations étant à ses yeux la civilisation chinoise (ancienne) pour l'action et la civilisation hindoue pour la contemplation, qu'il désignera encore en civilisation mâle et civilisation femelle, les deux types étant évidemment toujours mêlés plus ou moins. L'endocrinologie moderne n'a-t-elle pas montré que les éléments masculins et féminins coexistaient aussi dans les deux sexes.
Gobineau tempère d'ailleurs la rigueur de sa doctrine :
« On remarquera, en outre, qu'aux différentes époques de la vie d'un peuple et dans une stricte dépendance avec les inévitables mélanges du sang, l'oscillation devient plus forte entre les deux principes, et il arrive que l'un l'emporte alternativement sur l'autre. Les faits qui résultent de cette mobilité sont, très importants, et modifient d'une manière sensible le caractère d'une civilisation en agissant sur sa stabilité. »
Et les civilisations naissent de l'accord entre les régimes politiques et sociaux et la nature des peuples, elles se transforment :
« Avec les mélanges de sang, viennent les modifications dans les idées nationales ; avec ces modifications, un malaise qui exige des changements corrélatifs dans l'édifice. Quelquefois ces changements amènent des progrès véritables, et surtout à l'aurore des sociétés où le principe constitutif est, en généra!, absolu, rigoureux, par suite de la prédominance trop complète d'une seule race. Ensuite, quand les variations se multiplient au gré de multiples hétérogènes et sans convictions communes, l'intérêt général n'a plus toujours à s'applaudir des transformations. Toutefois, aussi longtemps que le groupe aggloméré subsiste sous la direction des impressions premières, il ne cesse pas de poursuivre, à travers l'idée du mieux-être qui l'emporte, une chimère de stabilité. »
La civilisation quelle qu'elle soit sera finalement : « un état de stabilité relative, où des multitudes s'efforcent de chercher pacifiquement la satisfaction de leurs besoins, et raffinent leur intelligence et leurs mœurs. » La plus haute civilisation contemplative sera pour Gobineau l'Hindoue et du type actif la chinoise.
Quant à l'Europe :
« Les vainqueurs du Ve siècle apportèrent en Europe un esprit de la même catégorie que celle de l'esprit chinois, mais bien autrement doué. On le vit armé, dans une plus grande mesure, de facultés féminines. Il réalisa un plus heureux accord des deux mobiles. Partout où domina cette branche de peuples, les tendances utilitaires, ennoblies, sont méconnaissables. En Angleterre, dans l'Amérique du Nord, en Hollande, en Hanovre, ces dispositions dominent les autres instincts nationaux. Il en est de même en Belgique, et encore dans le nord de la France, où tout ce qui est d'application positive a constamment trouvé des facilités merveilleuses à se faire comprendre. A mesure qu'on avance vers le sud, ces prédispositions s'affaiblissent. Ce n'est pas à l'action plus vive du soleil qu'il faut l'attribuer, car certes les Catalans, les Pièmontais habitent des régions plus chaudes que les Provençaux et les habitants du bas Languedoc ; c'est à l'influence du sang. »
« La série des races féminines ou féminisées tient la plus grande place sur le globe ; cette observation s'applique à l'Europe en particulier. Qu'on en excepte la famille teutonique et une partie des Slaves, on ne trouve, dans notre partie du monde, que des groupes faiblement pourvus du sens utilitaire, et qui, ayant déjà Joué leur rôle dans les époques antérieures, ne pourraient plus le recommencer. Les masses, nuancées dans leurs variétés, présentent, du Gaulois au Celtibérien, du Celtibérien au mélange sans nom des nations italiennes et romanes, une échelle descendante non pas quant à toutes les aptitudes mâles, du moins quant aux principales. »
D'autre part, la civilisation n'atteint qu'une minorité dans chaque peuple. En France, il admettait que 10 millions sur 36 y participaient et que ces 26 millions, la paysannerie dans son ensemble, y sont hostiles.
Est-elle supérieure à celles qui ont précédée ? Oui et non, répondra l'auteur. Oui, parce qu'issue de l’élément germanique, elle n'a pas détruit et s'est approprié à peu près tout, non, car précisément elle n'excelle en rien. Ni dans les arts, ni dans le raffinement des mœurs ; dans notre passé même : « ce qu'on appelle bien-être n'appartenait comparativement qu'à peu de monde. Je le crois : mais, s'il faut admettre, fait incontestable, Que l'élégance des mœurs élève autant l'esprit des multitudes spectatrices qu'elle ennoblit inexistence des individus favorisés, et qu'elle répand sur tout le pays dans lequel elle s'exerce un vernis de grandeur et de beauté, devenue le patrimoine commun, notre civilisation, essentiellement mesquine dans ses manifestations extérieures, n'est pas comparable à ses rivales ».
Après avoir ainsi constaté, avec modestie, on le voit, la supériorité de la civilisation blanche, Gobineau va faire l'inventaire, avec les moyens de son temps, des caractères propres à chaque race et il est évident que l'anthropologie moderne et l'ethnologie ont cheminé depuis, il reviendra aux constatations d'évidence, à la permanence des traits raciaux, quelles que soient les transplantations, à l'exclusion de tout croisement, et l'anarchie ethnique d'une bonne part de l'Europe, dans les grandes villes et dans les ports, l'inégalité intellectuelle des races, exception faite encore des individualités, pour porter finalement jugement sur notre civilisation :
« Attendons pour nous vanter, que nos pays, qui depuis le commencement de la civilisation moderne ne sont pas encore restés cinquante ans sans massacres, puissent se glorifier, comme l'Italie romaine, de deux siècles de paix, qui n'ont d'ailleurs, hélas ! rien prouvé pour l'avenir !
« La perfectibilité humaine n'est donc pas démontrée par l'état de notre civilisation. L'homme a pu apprendre certaines choses, il en a oublié beaucoup d'autres. Il n'a pas ajouté un sens à ses sens, un membre à ses membres, une faculté à son âme. Il n'a fait que tourner d'un autre côté du cercle qui lui est dévolu, et la comparaison de ses destinées à celles de nombreuses familles d'oiseaux et d'insectes n'est pas même propre à inspirer toujours des pensées bien consolantes sur son bonheur d'ici-bas. »
Le comte de Gobineau était certes un pessimiste, mais un siècle après lui il faut bien constater que les problèmes qu'il citait — notamment celui de la faim — sont encore posés aujourd'hui et que si les progrès dans les domaines de la science sont patents, il n'avait pas tort de douter du pouvoir civilisateur de l'Imprimerie et pouvons-nous lui reprocher de dire que c'est bien à tort que toutes les civilisations qui nous ont précédés ont cru à leur immortalité ?
Au demeurant ses conclusions sont sans complaisance et d'une rare objectivité :
« A la multitude de toutes ces races métisses si bigarrées qui composent désormais l'humanité entière, il n'y a pas à assigner d'autres bornes que la possibilité effrayante de combinaisons des nombres. »
C'est sans doute à partir de cette constatation qu'on put prétendre d'abord arrêter le processus de décadence, ensuite restaurer de belles races.
Y parviendra-t-on ? A terme nous sommes évidemment condamnés, mais quand on se contente, comme Gobineau, de vivre dans l'Histoire, quelques millénaires de plus ou de moins ne sont pas rien !
Si l'on veut en tout cas éviter de dire trop de sottises en parlant d'un si brûlant problème que le racisme — et qu'il est urgent de résoudre humainement — il convient de lire ce livre.
J.M. AYMOT
Note :
(1) Odyssée XV.
Sources : Introduction à « l'Essai sur l'Inégalité des Races humaines » Poche-Club.
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