Une date, un événement : 19 juillet 711, une leçon à méditer.
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Le 19 juillet 711, à l'issue d'une bataille de sept jours, les troupes du roi wisigoth Roderic (Rodrigue) sont défaites, sur le Rio Guadalete, par les Maures arrivés du Maghreb sous le commandement du Berbère Tariq (qui a laissé son nom au Djebel Tariq-Gibraltar).
Pendant deux siècles le royaume wisigothique s'était avéré le plus brillant des Etats germaniques nés sur les ruines de l'empire romain, dont il avait repris intelligemment à son compte et intégré l'héritage culturel. Mais, au début du VIIIe siècle, ce royaume était fragilisé par une crise profonde. La famine et des épidémies de peste sapaient le moral des populations, tandis que les luttes entre clans nobiliaires rivaux créaient une dangereuse instabilité politique. Le roi Witiza avait voulu, au cours de son règne, apaiser les tensions en indemnisant les aristocrates victimes, au cours du règne précédent, de l'exil ou de la confiscation de leurs biens. Mais à sa mort ses frères, voyant le Senatus (assemblée des plus grands personnages laïcs et ecclésiastiques du royaume) désigner comme nouveau roi le duc de la Bétique, Rodrigue, firent reconnaître comme souverain, par l’aristocratie du nord-est de la Péninsule, leur neveu Agila. L'un des chefs du parti qui soutenait Agila, le comte Julien, prit contact avec les musulmans du Maroc pour leur demander leur appui. Gouverneur de Ceuta, il savait que le chef du Maghreb, Musa ben Nusayr, convoitait l'Espagne depuis longtemps (on est alors au cœur de la période qui marque la seconde vague des conquêtes musulmanes, sous le califat d'al-Walid). Des chroniques des IXe et Xe siècles assurent que Julien voulait se venger du roi Rodrigue, qui aurait déshonoré sa fille...
Dans la nuit du 27 au 28 avril 711, Tariq ben Ziyad, gouverneur de Tanger, fait passer le détroit à une troupe de 7 000 hommes, essentiellement des Berbères (les Arabes ne sont qu'une centaine dans cette première armée d'invasion). Rodrigue, qui combattait dans le Nord une révolte de Basques et de Cantabres, accourt pour faire face aux envahisseurs. Mais, au cours de la bataille décisive, le 19 juillet, il est trahi par les fils de Witiza, qui passent à l'ennemi avec leur clientèle et leur armée d'esclaves. Tué, son corps ne fut pas retrouvé et seuls son cheval blanc et son manteau brodé d'or, symboles de la royauté, tombèrent aux mains des Maures. Il restait à récupérer le trésor royal conservé à Tolède, qui se rendit sans résister (l'archevêque Oppas collabora, ouvertement et immédiatement, avec les musulmans).
Les Maures étendirent en quelques années leur domination sur la plus grande partie de l'Espagne, semant au passage destructions, rapines, meurtres et viols. Mais leur conquête fut facilitée par la collaboration que leur fournit une partie de la population. Pour conserver leurs biens, beaucoup de nobles ont choisi d'être des renégats. Ainsi, contre leur renonciation formelle à toute prétention au trône, les fils de Witiza, Akhila, Ardabast et Olmund ont pu conserver le patrimoine foncier considérable des anciens rois wisigoths. De même leurs partisans ont choisi de profiter de l'occasion pour s'emparer des biens des fidèles de Rodrigue. Le comte Cassius, un hispano-romain qui gouvernait les régions de Borja et de Tarazona, se convertit à l'islam et fut ainsi à l’origine de la lignée des Banu Quasi, qui devaient gouverner pendant plusieurs siècles le bassin de l'Ebre. Quant au comte wisigoth Théodemir, gouverneur de la Murcie, il put conserver son poste en se soumettant aux envahisseurs et en leur payant tribut. Un autre précieux concours fut apporté aux Maures par les communautés juives, qui gardaient une forte rancune à l'égard d'un royaume wisigoth qui avait pris, dans le cadre des conciles de Tolède, des mesures drastiques à leur égard (entre autres, le VIIIe concile, convoqué en 653 par le roi Receswinthe, rappela que le souverain devait défendre la foi catholique contre « la perfidie des juifs», tandis que le XIIe concile, convoqué en 681 par le roi Ervige, déclarait avoir pour but « d'extirper la peste judaïque, qui renaît sans cesse »).
Une fois le royaume wisigoth disparu, son souvenir nourrit dans les esprits de la population européenne de l'Espagne la nostalgie d'un ordre conforme à ses traditions. Mais aussi l'espérance d'une Reconquista qui, partie des bastions d'une résistance tenace basée dans le nord de la péninsule, devait finalement rejeter les Maures en Afrique. Au prix de luttes qui durèrent presque huit siècles...
Pierre VIAL
Sources : Rivarol 30 juillet 2010
F1: GROSJEAN JUGE LE SALAIRE DE LEWIS HAMILTON “INADMISSIBLE”
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Romain Grosjean s'est positionné sur la question des salaires en Formule 1 en prenant l'exemple de Lewis Hamilton. Le pilote français évoque un possible un salary cap.
Le monde de la Formule 1 post-Covid ressemble beaucoup au précédent, avec son lot de controverses et de polémiques, alors que la saison raccourcie par la crise sanitaire n’a même pas encore commencé, pas tout à fait en tout cas. Ce dimanche, c’est le pilote Romain Grosjean qui a fait une sortie qui pourrait faire grincer des dents chez Mercedes, surtout dans la bouche du Britannique Lewis Hamilton, directement visé par la déclaration du Français.
Hamilton, seul au monde
"Personnellement je trouve inadmissible que Lewis Hamilton gagne plus de 40 millions de dollars (35 millions d'euros) par an, et d'autres pilotes 150.000 euros, pour faire le même travail", a tonné Romain Grosjean en qualité de président de l’association des pilotes de Grand Prix de Formule 1 (GPDA), en marge des essais du Grand Prix d’Autriche. Lewis Hamilton gagne 40 millions de dollars par an (plus de 35 millions d’euros) et réclame une augmentation de salaire pour 2021. Alors qu’il est déjà très loin devant les autres pilotes (3e, Ricciardo touche moitié moins d’argent), Hamilton voudrait percevoir un salaire annuel de 44 millions de dollars (39 millions d’euros).
Les risques du salary cap
La requête du sextuple champion du monde britannique n’a pas été très bien accueillie par ses pairs, dont une partie réclame l’instauration d’un salary cap visant à plafonner la masse salariale d’une équipe. "C'est une discussion qui a eu lieu au sein de l'association des pilotes, il y avait des pour et des contres, a renseigné Grosjean. Le problème qui a été posé est que si on impose un salary cap pour les pilotes, on risque de casser la filière du sport automobile. Car quel manager ou constructeur va investir dans un jeune pilote, financer le début de sa carrière si plus tard il ne peut pas récupérer de l'argent en touchant un pourcentage des salaires élevés en F1?"
La racaille immigrée agresse et vole au Parc Astérix (vidéo)
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Un cambrioleur frappe et défèque sur sur sa victime octogénaire et crie "Allah Akbar"
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Un homme de 53 ans a été condamné à 24 mois d'emprisonnement, dont six avec sursis, pour avoir volé, frappé et déféqué sur un homme de 85 ans qu'il venait cambrioler en mai au Croisic. Il a également injurié et menacé de mort les policiers municipaux venus l'interpeller. Il était jugé ce jeudi.
Les faits remontent au 29 mai dernier. En plein après-midi, parce qu'il a vu une fenêtre ouverte et qu'il n'avait pas d'argent, le prévenu entre dans la maison de l'octogénaire au Croisic. Il y dérobe des vêtements, un téléphone et trois couteaux. Il s'en va mais revient car il a oublié ses chaussures. Entre-temps, le retraité a appelé la gendarmerie. L'ancien responsable du cinéma du Croisic essaie alors de coincer le cambrioleur avec son déambulateur, lui attrape le bras. Mais le quinquagénaire le fait chuter.
Le cambrioleur défèque sur sa victime de 85 ans
Le retraité essuie de nombreux coups, notamment à la tête. Des coups que conteste le prévenu sans convaincre le tribunal correctionnel de Saint-Nazaire qui le juge ce jeudi. Puis quand le vieil homme est au sol, il défèque sur lui et lui macule la tête avec ses excréments. "Il a été souillé littéralement" insiste l'avocat de la victime Me Frignat qui estime qu'il "n'a dû son salut qu'à l'arrivée de la police municipale".
Les policiers municipaux menacés de mort
Les agents se font copieusement insulter, menacer de mort et de carnage. A plusieurs reprises, le cambrioleur crie "Allah Akbar, je vais revenir avec une voiture, tout défoncer, faire un carnage". Le prévenu a déjà été condamné à 19 reprises, dont une fois pour assassinat. Et quand le procureur dénonce son "comportement odieux", il préfère se boucher les oreilles.
Le tribunal correctionnel de Saint-Nazaire a condamné le prévenu à 24 mois d'emprisonnement dont six mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant deux ans. Il est maintenu en détention et a interdiction de rencontrer la victime et de se rendre au Croisic à sa sortie de prison.
I-Média n°301 – USA. Émeutes raciales : ce que les médias cachent
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LE SPECTRE DU FASCISME - SAINT-PAULIEN
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« II faut créer une force nouvelle. »
Drieu La Rochelle («Socialisme fasciste» — 1934)
D’abord, qu'est-ce que le fascisme ?
Le Fascisme originel est la doctrine du parti fondé à Milan le 23 mars 1919 par Benito Mussolini, ex-socialiste révolutionnaire, ex-directeur — avec Pietro Nenni — de « l’Avanti ». Il a quitté ce journal pour faire paraître, le 14 novembre 1914, un autre quotidien socialiste : « II Popolo d'Italia ». Au-dessous du titre, on lit :
Qui a du fer a du pain. Blanqui.
La Révolution est une idée qui a trouvé des baïonnettes. Napoléon.
Le premier article de Mussolini, intitulé « Audacia », commence ainsi :
« Je m'adresse à tous ceux que le destin a chargés de faire l'Histoire. » Il s'agit donc de faire l'Histoire. Comment ?
« L'homme n'est ce qu'il est, écrit Mussolini, qu'en fonction du processus spirituel auquel il concourt, dans le groupe familial et social, dans la nation et au sein d'une Histoire à laquelle collaborent toutes les nations. D'où les hautes valeurs de la tradition dans les mémoires, la langue, les mœurs et les lois de la vie sociale. En dehors de l'Histoire, l'homme n'est rien. C'est pourquoi le Fascisme est contraire à toutes les abstractions individualistes à base matérialiste à la mode au XIXème siècle ; c'est pourquoi il est aussi contraire aux utopies et innovations jacobines... Il repousse les conceptions selon lesquelles, à un certain moment de l'Histoire, le genre humain parviendrait à un stade d'organisation définitive. Une telle doctrine est contraire à l'Histoire réelle et à la vie, qui est mouvement incessant et perpétuel devenir. »
Le Fascisme se distingue essentiellement du Capitalisme, du Conservatisme, du Socialisme marxiste et du Communisme soviétique par un contenu spirituel, une progression systématique, et la possibilité d'un renouvellement idéologique constant dans le temps et dans l'espace.
Lorsque l'Italie entre en guerre, Mussolini s'engage. Blessé gravement en 1917, le caporal des bersaglieri revient à Milan et reprend la lutte au « Popolo ». Face à la vague rouge, il fonde les « Fasci di Combattimento ». En novembre 1919, arrive à Moscou une délégation de socialistes italiens qui est reçue par Lénine : « Pourquoi avez-vous laissé partir le camarade Mussolini ? interroge-t-il immédiatement. En Italie, c'est le seul homme capable de faire une révolution. A présent, il est contre nous ».
Mussolini a choisi deux modèles. D'abord le révolutionnaire Blanqui, socialiste national. Condamné à mort par Gambetta, il passa trente-sept années en prison. Et Napoléon. Choix symbolique. Le symbole du faisceau n'est pas moins clair.
Les faisceaux des licteurs — qui précédaient consuls et dictateurs — étaient des fascines de verges liées, d'où émergeait un fer de hache. Mussolini utilisait ainsi un symbole d'union, de « forces liées », directement tiré de l'histoire romaine. Unir était le premier mot d'ordre du parti fasciste. La notion de droite ou de gauche est ici inexistante.
Il est étrange de constater que le Faisceau figure toujours en bonne place dans les armoiries de cette République Française dont on oublie le numéro.
Nos bons « antifascistes » oublient que le socialiste Albert Thomas, secrétaire général du Bureau International du Travail de Genève, reconnaissait que les lois sociales fascistes étaient « les plus hardies d'Europe » : il lui eût été difficile de ne pas le reconnaître. N'oublions pas, non plus, que Toscanini et F.T. Marinetti, fondateur du « Futurisme », étaient colistiers de Benito Mussolini aux élections de Milan, en 1920.
Nous savons qu'au moment de la Marche sur Rome, en 1922, Mussolini hésite : il veut proclamer une République fasciste, ce qu'il fera en 1943 : vingt et un ans trop tard. La Maison de Savoie ne cesse jamais d'être antifasciste. Victor-Emmanuel en 1945 envoie à Staline le Grand Collier de l’Annonciade : le dictateur soviétique devient ainsi cousin du roi ! Le 2 juin, la République italienne est proclamée, grâce aux voix fascistes. En l'occurrence, le Fascisme, c'est la Gauche.
Le 24 janvier 1920, Hitler présente, dans la grande salle d'une brasserie munichoise, le Hofbräuhaus, « le Parti Ouvrier allemand national-socialiste ». La volonté de synthèse est ici plus évidente encore, d'autant que Hitler exige « l'abolition de l'esclavage des intérêts bancaires, la nationalisation des trusts et la participation directe des travailleurs aux bénéfices de leurs entreprises ».
Le putsch national-socialiste qui échoue à Munich en novembre 1923 — exactement le 18 Brumaire - est dirigé contre le Commissaire d'Etat bavarois von Kahr, le général von Seeckt, chef de la Reichswehr, et son adjoint politique von Schleicher, le général von Lossow, soutenus par le prince Rupprecht de Bavière et la hiérarchie de l'Eglise catholique : toute la Droite conservatrice, toute la Réaction. C'est encore un von qui oblige Roehm et ses SA à mettre bas les armes au ministère de la Guerre : Epp.
L'action de Hitler et Mussolini est inexplicable si l'on oublie que l'écroulement de trois empires, celui des Romanov, celui des Hohenzollern et celui des Habsbourg, avait permis au communisme de guerre d'avancer résolument au cœur de l'Europe. En Allemagne, les Spartakistes, les Conseils (Soviets) de Marins, d'Ouvriers et de Soldats avaient pris le pouvoir à Kiel, Brème, Halle, Leipzig, Magdebourg, Essen, Berlin.
L'Armée Rouge avait été arrêtée dans les Pays Baltes par un Corps de Volontaires allemands, le Baltikum, et devant Varsovie, grâce à l'intervention directe de la France et à l'habileté manœuvrière du général Weygand.
Le communiste Kurt Eisner avait proclamé une « République socialiste bavaroise », en plein accord avec un envoyé de Trotsky, Lewien. Un autre communiste, Bêla Kun, de sinistre mémoire, avait pris le pouvoir en Hongrie. L'Europe danubienne était à feu et à sang.
C'est ce qui explique d'abord l'apparition de mouvements de synthèse du national et du social, de la révolution nécessaire et des plus glorieuses traditions. En France, la première association de ce genre fut fondée le 11 novembre 1925 par un dissident de l’Action Française, Georges Valois, qui venait du reste de l'extrême-gauche. C'était le Faisceau, qui disparut pratiquement trois ans plus tard.
Donner à un parti national le nom d'un mouvement étranger constituait une incroyable bévue qui fut souvent commise, et d'abord par le fondateur de l’Union des Fascistes Britanniques, Sir Oswald Mosley, qui du reste reconnut cette erreur dans ses Mémoires. Plus tard, en 1934, un Parti Fasciste suisse, créé par le fils du colonel Fonjallaz, ne connut qu'un succès médiocre ; Christian Message, ancien séminariste, fonda, en 1940, un Parti national-socialiste français, qui n'en eut aucun.
Au contraire, le Parti National Réformateur de Mustapha Kemal permit l'édification de la République Turque, dont le général fut élu président en 1923. De même, la Légion portugaise du Dr. Salazar et la Phalange espagnole jouèrent un rôle de premier plan dans l'édification d'Etats où le national-corporatisme et le national-syndicalisme entreprirent des révolutions qui restent inachevées. La Garde de Fer en Roumanie, Rex de Léon Degrelle en Belgique, les Croix Fléchées en Hongrie furent, avant-guerre, des partis d'opposition, de même que le Parti National-Socialiste hollandais d'Anton Mussert qui, aux élections de 1935, obtint 300.000 voix. Mussert, comme le Dr. Clausen, chef du Parti National-Socialiste danois - qui s'affirmait « chrétien » — et Quisling, plus tard chef du Nasjonal Samling norvégien, se considéraient comme appartenant à l'ethnie germanique. C'est une conception qui coûta très cher aux chefs et aux adhérents de ces mouvements après la défaite du IIIe Reich.
En France, un des principaux dirigeants du Parti Communiste, Jacques Doriot, député-maire de Saint-Denis, avait définitivement rompu avec Moscou en 1934 et fondé, en 1936, le Parti Populaire Français. Le style de ce Mouvement ressemblait assez peu à celui des Ligues qui avaient succédé au Faisceau de Georges Valois : Jeunesses Patriotes, Parti National Populaire, Croix de Feu et Volontaires Nationaux, Solidarité Française, Les Francistes de Coston et Le Francisme de Bucard, etc...
En 1936, au moment de la grande folie du Front Populaire, Doriot avait proposé au Parti Social Français, rassemblement issu des Croix de Feu et présidé par le colonel de La Rocque, de mener une action commune contre le gouvernement de Léon Blum au sein d'un Front de la Liberté. La Rocque, pour des raisons obscures, avait refusé.
Le Front de la Liberté n'en réunit pas moins, avec le PP.F., des amis du légendaire aviateur Jean Mermoz, vice-président du P.S.F. qui disparut mystérieusement dans l'Atlantique sud à la fin de 1936, et le Parti Radical Français d'André Grisoni, Milles-Lacroix et Gaston-Gérard, le Parti Agraire et Paysan Français de Paul Antier, les Comités de Défense paysanne de Dorgères (Haut les Fourches !), le Parti Républicain National et Social de Taittinger, de nombreux éléments de la Fédération Nationale Catholique, l'Action Française, ainsi que des syndicats indépendants et des mouvements de défense de l'armée, comme l'Union Militaire Française. La tactique du Front était retournée contre les marxistes et grâce à de solides noyaux ouvriers, paysans, syndicalistes, une synthèse des forces françaises actives, réelles, se trouvait réalisée.
Avec Doriot, des orateurs fameux : Philippe Henriot, Xavier Vallat, Léon Daudet, Pierre Taittinger, Delest, Dorgères, s'exprimèrent devant de vastes auditoires, à Paris et en province, de 1936 à 1939. Il s'agissait, expliquait Doriot,
1)De juguler le parti de Staline qui, en France, poussait à la guerre, tout en préparant la défaite ;
2) D'empêcher une guerre qui nous ferait tout perdre et rien gagner ;
3) De refaire de la France une grande nation européenne ayant des rapports normaux avec l'Allemagne et l'Italie ;
4) De substituer aux Traités de Versailles, Saint-Germain, Trianon, des accords réalistes, permettant la création d'une véritable Entente européenne ;
5) De créer, avec tous les peuples de notre Empire, de nouveaux rapports moraux, sociaux, économiques, dans le respect absolu de leurs valeurs, croyances, traditions et possibilités réelles. Ces peuples devaient décider très librement de la nature des liens les unissant à la métropole.
Nous reparlerons du P.P.F., toujours désigné comme « essentiellement fasciste ».
Ce n'est pas la Gauche qui chassa du pouvoir en 1935 Juan-Domingo Perón, chef des Descamisados et du Justicialisme, mais la Réaction la plus méprisable. Lorsque Perón reprit le pouvoir en 1973 et rentra d'exil, il n'était plus que l'ombre de lui-même. Agé de 77 ans, déjà gravement malade, il retrouva un pays ruiné, en proie à l'inflation galopante, aux factions et à la terreur. Le Justicialisme est mort avec lui. Il renaîtra, espérons-le, sous une autre forme.
Tous ces Mouvements luttaient à la fois contre le communisme, le socialisme marxiste, les forces de la Réaction, les oligarchies financières et « la puissance coercitive du capitalisme international ».
Au sein de chaque nation, ces mouvements combattaient pour donner un nouveau sens à l'Histoire et c'est bien ce qu'il faut faire aujourd'hui. C'était la première étape d'une union des peuples occidentaux, menacés de mort, contre le bolchevisme, secret allié du capitalisme international.
Chaque nation devait faire son salut à sa manière. Pourtant, lorsqu'on relit les programmes de ces Mouvements, on constate qu'ils préconisaient, dans chaque pays, une révolution intellectuelle, morale, sociale et politique, beaucoup plus profonde que celles qui sont encore proposées par les vieux doctrinaires des IIe, IIIe et IVe internationales. La notion de Droite ou de Gauche est ici dépassée.
Lorsque José Antonio Primo de Rivera, fils de général, donna lecture, le 29 octobre 1933, au théâtre de la Comédie à Madrid, du programme de la Phalange, ce fut, parmi les auditeurs appartenant à la Droite, la stupeur et bientôt l'indignation.
José Antonio déclarait d'abord :
« L'Espagne est une unité de destin dans l'universel ».
Il affirmait ensuite que l'Etat national-syndicaliste protégerait la propriété privée, la propriété familiale, la propriété communale, et qu'il instaurerait la propriété syndicale. D'où création d'une propriété communautaire, en harmonie avec les intérêts de la nation.
Cela supposait, selon José Antonio, trois grandes réformes :
1) Nationalisation des services du crédit,
2) Révision radicale des formes de métayage en vigueur, afin que les grandes propriétés fussent exploitées au juste bénéfice des travailleurs de la terre et au profit de la collectivité
3) Participation réelle du travailleur aux bénéfices et à la plus-value des entreprises industrielles. Le syndicat vertical n'est pas représentatif, mais légalement participatif : c'est lui qui détermine la politique économique du pays.
Un pionnier, une « Vieille chemise » de la Phalange, Fernandez Cuesta, me dit qu'une bonne partie des assistants quitta le théâtre atterrée.
Trois ans plus tard, d'autres invités sortirent du Théâtre municipal de Saint-Denis non moins angoissés. Le P.P.F. de Jacques Doriot y célébrait son premier congrès national et le député-maire de Saint-Denis, élu contre Duclos, avait déclaré :
« Au Capital, sa place, mais rien que sa place,
Au Travail, sa place, mais toute sa place. »
Et encore :
« Entre les communistes et les Deux Cents familles, il y a du monde en France ! »
Enfin — rue de Belleville — en 1937 :
« Messieurs les communistes qui êtes dans la salle, vous savez qu’une fois de plus j'ai publiquement invité le camarade Maurice Thorez à cette réunion. Malheureusement, il n’est pas venu et il ne viendra pas sur cette estrade m'apporter la contradiction. Je vous prie donc de lui répéter ce que je vais vous dire : si vous croyez que le camarade Staline s'intéresse à vos augmentations de salaires, vous vous trompez beaucoup. Je le connais mieux que vous ; vos salaires, il s'en moque, et je vais vous dire ce qui l'intéresse: que nous nous battions à mort contre Hitler, afin qu'il puisse tirer les marrons du feu. »
Qu'ils fussent revêtus de chemises noires, brunes, vertes ou bleues, les hommes — et les femmes - désignés comme « fascistes » étaient tenus en suspicion par la Droite, le Centre, toutes les organisations et institutions du conservatisme social et politique. Le plus souvent, on les considérait comme des « communistes camouflés » et des agitateurs de la pire espèce.
La Droite classique et traditionnelle comprit trop tard le sens du drame. La Droite de l'argent et des « intérêts créés » subventionnait l'extrême-gauche et bientôt décernait aux Bolcheviks des brevets de patriotisme. Nous voulions faire l'Europe. Nous fîmes la guerre.
Tout ce qui constituait l'armature de l'Europe réelle fut sacrifié, fusillé, emprisonné, calomnié, isolé, finalement engagé dans des aventures sans issue et facilement rejeté dans le ghetto d'une Droite caricaturale et besogneuse.
Cependant, aujourd'hui même, la seule solution n'est ni à gauche, ni à droite. Elle est dans la synthèse des deux.
Communistes, marxistes, conservateurs aveugles et sourds, anti-Boches - il y en a toujours - redoutent plus que tout de voir surgir un Mouvement au sein duquel ouvriers, techniciens, patrons, employés, paysans, enseignants, intellectuels, seraient fraternellement unis. C'est pourquoi « le combat antifasciste » reste la base essentielle des propagandistes et agitateurs des diverses formations marxistes. C'est pourquoi tout ce qui contrarie la marche en avant des Marxistes est considéré comme « fasciste ».
Le « spectre qui hante le monde » n'est plus le communisme. C'est le « fascisme ». L'image du bolchevik des années 1925-28, de « l'Homme au couteau entre les dents », a été remplacée par celle du féroce SS - qui était du reste un SD - , gardien des camps de concentration... il y a plus de trente ans !
Peu importe que ces camps aient existé bien avant que Hitler ne prît le pouvoir. D'après Soljénitsyne, Martchenko, le Dr. de Toth, Sakharov, et d'autres témoins, la population des camps de concentration soviétiques peut être actuellement évaluée entre un million et demi et deux millions d'êtres humains. Peu importe que la terreur règne toujours derrière le rideau de fer, que les communistes triomphants massacrent et torturent en Indochine et en Afrique des dizaines de milliers d'innocents. C'est autour de quelques centaines de terroristes et activistes communistes, arrêtés et condamnés en Espagne ou au Chili, que l'on agite « l'opinion mondiale ».
En 1976, il n'y a pas au monde la moindre trace d'un pouvoir fasciste ou national-socialiste. Depuis 1945, il y a eu et il y a toujours d'innombrables dictatures militaires, policières, tribales, etc... Tout porte à croire que ce n'est pas fini. Mais enfin, on a pris l'habitude de désigner comme « fascistes » tous ceux qui gênent les exercices des communistes et autres gauchistes. Nous pouvons lire tous les jours que MM. Giscard, Chirac, Poniatowski, Lecanuet sont « fascistes », et j'ai lu que Jules Moch, Ramadier, Guy Mollet, De Gaulle, Pompidou l'étaient aussi.
Je lis qu'on nous prépare une « France soviétisée ». Elle l'est déjà plus qu'à demi ! La société de production-consommation est sous-soviétisée. Trop peu d'entreprises sont saines. La plupart sont directement menacées de l'intérieur : quatre ou cinq associations, dites syndicales, antagonistes y organisent un combat incessant. Chacune a pour but de défendre les intérêts de ses adhérents, au lieu de veiller à un intérêt commun, qui est bien évidemment celui de l'entreprise. Il n'y a plus de production cohérente possible.
Les splendides réussites économiques italienne et allemande d'avant la guerre ne peuvent être niées. Elles étaient dues à la solidarité populaire ouvriers-techniciens-patrons.
En France, il fallut attendre le 1er Mai 1941 pour qu'un chef d'Etat, enfin convaincu, parce que vaincu, le maréchal Pétain, commençât ainsi un certain discours, à Saint-Etienne :
« Ouvriers, techniciens, patrons... »
Encore était-ce parce qu'on avait pris la peine de lui expliquer le problème.
Aujourd'hui, le chef de l'Etat français veut que « progressent la rationalité et la justice dans le fonctionnement de l'économie mondiale ». Comment atteindre ce but, comment créer « un nouvel ordre économique mondial », alors qu'un sabotage systématique de l'utilisation des matières premières est organisé à la base, dans chaque nation, par une armée étrangère qui campe en Occident : communistes, marxistes et Cie ?
Tous les mouvements que nous avons évoqués ont lutté pour défendre l'entreprise à la base, à la fois contre un insupportable paternalisme et un pseudo-syndicalisme politisé. Avant de descendre dans la rue, c'est sur le Front du Travail que ces partis de synthèse ont livré bataille.
Avec De Gaulle et le mythe de « la participation », certains eurent l'illusion qu'une espèce de fascisme était au pouvoir. Pitoyable illusion que les Hexagonaux ont payée fort cher. Aujourd'hui, ce que l’on voit à la télévision, ce qu'on peut lire dans des journaux qui, le plus souvent, sont des bulletins publicitaires, prouve que la nation est incapable d'un effort collectif pour se sauver. Cependant Mussolini, Mustapha Kemal, Salazar, Antonio, d'autres encore, réussirent à tirer de l'abîme des peuples qui s'abandonnaient. Et maintenant ?
« Gauche, Droite... Ces mots n'ont pas de sens ! » nous disait en 1937 Drieu La Rochelle. De nos jours, la société occidentale telle qu'elle est conçue, telle qu'elle fonctionne, est indéfendable. Quand elle n'est pas criminelle, elle est absurde ou corrompue : seuls des individus de beaucoup de présomption et de peu de capacité prétendent le contraire. Depuis 1945, la fausse intelligence et l'imposture ont partout triomphé. Le nihilisme ne trouve pas devant lui des volontés, mais quelques bonnes volontés, des hommes las avant la bataille. Aucune doctrine hardie, cohérente. Aucune organisation politique, intellectuelle, spirituelle sérieuse. Un simulacre de Religion et l'Armée elle-même, deux fois décimée, ridiculisée par de fausses victoires, sont impuissantes ou complices. Le Bolchevisme va donner le dernier assaut. L'issue du combat ne semble pas douteuse. Lorsque, tout à coup...
SAINT-PAULIEN
Sources : Item « l’ordre » - mars avril 1976
Le futurisme contestataire
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« Une automobile rugissante, qui a l'air de courir sur de la mitraille, est plus belle que la Victoire de Samothrace». Filipo Tommaso Marinetti l'affirme dans un manifeste, publié, le 20 février 1909, dans « Le Figaro».
Pour lancer cette proclamation, qui condamne « l'immobilité pensive» et exalte « le mouvement agressif..., le pas gymnastique, le saut périlleux, la gifle et le coup de poing», le poète italien a choisi Paris. Son pays, estime-t-il, ne convient pas à une telle entreprise.
Choix paradoxal, puisque l'auteur entend bien demeurer essentiellement italien, et donner au « futurisme», dont il expose les principes, un caractère national. Paris est alors la ville accueillante à toutes les créations littéraires et artistiques. Naturalisme, impressionnisme, symbolisme, orphisme, nabisme, fauvisme, cubisme y ont suscité des curiosités inlassables et des débats passionnés.
L'Italie, au contraire, demeure soumise aux disciplines classiques. Dans le Nord, son développement industriel paraît requérir toutes ses énergies.
Marinetti n'est qu'un homme de lettres, mais un an (presque jour pour jour) après son manifeste, cinq peintres italiens qui ont adopté ses principes en publient un à leur tour, Ils se nomment Boccioni, Carra, Russolo, Baila, Severini.
En Italie, cette déclaration de principes fait, selon l'un de ses signataires, « l'effet d'une décharge électrique».
Au mois d'avril suivant, les «cinq» publient un nouveau document : le « Manifeste technique de la peinture futuriste».
La prééminence du dynamique sur le statique y est affirmée. La nouvelle peinture traduira dans son langage « la vie moderne fragmentaire et rapide».
« II faut mépriser toutes les formes d'imitation». Le mouvement et la lumière doivent anéantir la matérialité des corps. Le nu, encore triomphant dans les salons, est déclaré aussi nauséeux en peinture que l'adultère en littérature. Les futuristes exigent sa suppression totale pour dix ans.
L'absolutisme même des allégations futuristes ne facilite pas, en 1910, l'approbation des théories nouvelles par l'opinion italienne. Aussi est-ce à Paris que, grâce à Gino Severini, qui est venu y résider, la première grande exposition futuriste peut avoir lieu. Elle se tient en février 1912 à la galerie Bernheim-Jeune.
Soixante et un ans après cette manifestation historique, c'est encore Paris qui présente, au Musée d'art moderne, une rétrospective de ce mouvement.
Près de quatre-vingt-dix peintures, sculptures et dessins, et de nombreux documents, permettent de mesurer le chemin parcouru depuis la proclamation de ces audaces. Il apparaît aujourd'hui qu'elles ne se sont pas soustraites à une permanence plastique de bon aloi : les peintres futuristes sont d'abord des peintres ; le « faire » italien s'y distingue. C'est en vain qu'ils s'élèvent contre la culture classique. Ils sont conditionnés par un savoir séculaire, qu'ils enrichissent des recherches picturales de leur temps.
Celles-ci leur fournissent les moyens techniques d'exprimer la lumière et le mouvement. Le divisionnisme de Seurat, en particulier, permet la conversion des formes en vibrations lumineuses et en perceptions animées.
Le futurisme, qui doit tant au cubisme, s'oppose ici à lui. Alors que le cubisme, soucieux de constructivité, tente de rétablir un ordre classique par la recomposition synthétique des formes, le futurisme tend à un éclatement, traduisant des « états d'âme plastiques».
En raison même de la liberté et de la souplesse de l'expression verbale, Marinetti apparaît cependant plus affranchi du formalisme traditionnel que ceux qui le suivront picturalement.
Cet Italien si indéfectiblement attaché à son pays est, en outre, de culture cosmopolite. Né à Alexandrie, en Egypte, en 1876, il a accompli à Paris la majeure partie de ses études. Il s'exprime aussi bien en français qu'en italien. Sa tragédie « Le roi Bombance », publiée en 1905, a même été écrite dans notre langue, et n'a été traduite qu'ultérieurement en italien, sous le titre « Re Baldoria». Son œuvre littéraire est alors désordonnée, baroque, voire saugrenue, mais brillante et riche d'inventions. En fait, ce novateur apparemment brouillon est très informé des diverses tendances qui contestent la culture de son temps. Il n'ignore pas les essais « unanimistes» de Jules Romains, dont « L'âme des hommes» a paru en 1904.
Si l'on ne peut lui refuser la paternité d'un mouvement qu'il a eu le mérite de définir et d'animer chaleureusement, on peut considérer que, curieux de littérature française, il a dû connaître les textes précurseurs de ce qui sera le futurisme.
Or il ne les a jamais évoqués. Et en conséquence, le même silence a été observé par ses biographes, et par les historiens du futurisme.
Compte tenu de l'évolution technique, la précellence de l'automobile de course sur la «Victoire de Samothrace» a pourtant des précédents. Dès 1852 (année de l'établissement du Second Empire) Louis de Cormenin blâmait, dans « Les fleurs de la Science», les «poètes à courte vue» qui estimaient incompatibles le machinisme et le lyrisme. La machine, certes, est encore imparfaite, écrivait-il, mais attendez, « et la locomotive sera aussi belle que le quadrige d'Agamemnon ».
En 1853, la «Revue de Paris» entreprenait une campagne en faveur de l'introduction du monde mécanique dans les lettres et dans les arts. Louis Ulbach, Achille Kaufmann se distinguaient dans cette tentative. Kaufmann décrivait habilement, en peintre pourrait-on dire, les sensations visuelles d'un voyageur en chemin de fer. S'adressant aux hommes de lettres, il leur disait : « Si vous ne sentez pas alors le grandiose et la poésie de l'industrie, vous n'avez pas besoin de chercher ailleurs des inspirations, vous n'en trouverez nulle part».
Deux ans plus tard, Maxime Du Camp faisait paraître ses « Chants modernes», dont la préface constituait, plus d'un demi-siècle avant Marinetti, un véritable manifeste futuriste. Du Camp dénonçait l'attachement à un archaïsme gréco-latin. On s'occupe encore, écrivait-il, de la guerre de Troie et des Panathénées, en un siècle « où l'on a découvert des planètes et des mondes, où l'on a trouvé les applications de la vapeur, l'électricité, le gaz, le chloroforme, l'hélice, la photographie, la galvanoplastie...»
Cormenin, Ulbach, Kaufmann, Du Camp avaient d'ailleurs, en Angleterre, un illustre prédécesseur: William Wordsworth, mort en 1850, à quatre-vingts ans. « Les découvertes du chimiste, du botaniste ou du minéralogiste, avait-il dit, seront, pour l'art du poète, des objets aussi convenables que ceux sur lesquels il s'exerce actuellement».
Même un romancier tel que Jules Verne ne dédaignait pas de recourir au vocabulaire scientifique pour ses descriptions poétiques. Ainsi ce lever de soleil : « Le luminaire du jour, semblable à un disque de métal doré par le procédé Ruolz, monta de l'océan comme s'il sortait d'un immense bain voltaïque».
Parmi les artistes disposés à passer de la novation littéraire à la novation plastique, Umberto Boccioni va se révéler l'un des plus résolus. Lorsqu'il fait la connaissance de Marinetti, en 1909, l'année du premier manifeste, il s'est déjà livré à des recherches tendant à soustraire les arts aux disciplines académiques alors en faveur. D'abord séduit par le néo-impressionnisme et le « Modem style», il s'intéresse, dès 1911, au cubisme. Sculpteur autant que peintre, Boccioni publie en 1912 le « Manifeste technique de la sculpture futuriste».
Sa condamnation de l'exploitation du classicisme y est catégorique. Prétendre créer « avec des éléments égyptiens, grecs, ou hérités de Michel-Ange, est aussi absurde, assure-t-il, que de vouloir tirer de l'eau d'une citerne vide au moyen d'un seau défoncé».
Les tableaux actuellement exposés au « Musée national d'art moderne» démontrent l'efficacité de ses recherches quant à l'expression du mouvement. Sans aucune détermination précise des cavaliers et de leurs montures, sa «Charge des lanciers» impose le sentiment vertigineux d'une force convergeant irrésistiblement sur un même point.
D'un tempérament moins doctrinaire que Boccioni, Carlo Carra prétendra avoir découvert la notion picturale du mouvement en se trouvant mêlé à une manifestation populaire. Sa fréquentation des milieux ouvriers, socialistes et anarchistes, contribuera évidemment à de telles découvertes.
Il s'efforce cependant d'aller au-delà de la traduction du mouvement, et d'exprimer aussi les sons et les odeurs, afin d'obtenir une « peinture totale». Ses conceptions en cette matière sont pour le moins originales. « Nous n'exagérons guère, écrit-il en 1913, lorsque nous affirmons que les odeurs peuvent à elles seules déterminer dans notre esprit des arabesques de formes et de couleurs constituant le thème d'un tableau et justifiant sa raison d'être.»
« Les funérailles de l'anarchiste Galli», «Ce que m'a dit le tram», «Poursuite», présentés à Paris, sont des œuvres qui expliquent les aspirations de l'artiste. Carra y renoncera plus tard, après avoir rencontré Chirico, et pratiquera, au sein du groupe « Novecento », la peinture figurative qu'il avait dénoncée en sa jeunesse.
Luigi Russolo n'est pas seulement peintre, il est aussi, et avant tout sans doute, musicien. Aussi ne peut-on pratiquement pas isoler ses recherches plastiques de ses recherches musicales.
— Nous prenons infiniment plus de plaisir, a-t-il dit, à combiner idéalement des bruits de tramways, d'autos, de voitures et de foules criardes qu'à écouter encore, par exemple, l'« Héroïque» ou la « Pastorale».
La machine musicale (« Intonarumori ») que Russolo construisit, avec le peintre Ugo Piatti, n'apparut cependant pas convaincante. Après la guerre, où il fut blessé, son inventeur vint à Paris, où il se livra, lui aussi, à la peinture figurative.
Doyen des signataires des manifestes de 1910, Giacomo Balla aura été essentiellement peintre. Encore qu'il se soit formé à peu près seul, il fait toujours au début du siècle, figure de maître. Il compte parmi ses élèves Boccioni et Severini.
Ses études de la décomposition de la lumière et du mouvement doivent beaucoup au divisionnisme. Mais il se propose de donner à celui-ci un caractère plus général, et d'en faire, en quelque sorte, l'instrument d'une esthétique nouvelle.
Son « Lampadaire» a pour objet principal de « démontrer que le romantique clair de lune est écrasé par la lumière électrique moderne». Ses « interpénétrations» préfigurent les recherches d'abstraction géométrique.
Si Gino Severini est, en France, le plus connu des artistes futuristes italiens, c'est qu'il s'établit très jeune à Paris, où il demeurera pratiquement pendant soixante ans. Compagnon d'Apollinaire, Max Jacob, Modigliani, Picasso, Braque, Delaunay, il épouse en 1913 la fille de Paul Fort.
A ses débuts, la peinture de Seurat exerce sur lui une influence décisive. Mais très tôt il est acquis aux principes du futurisme, qui répond à ses goûts modernistes pour la machine et la vitesse, qui, croit-il, doivent permettre à l'homme de dominer la matière. Il va même jusqu'à s'initier au pilotage aéronautique.
Plusieurs de ses œuvres exposées ont été inspirées par la vie parisienne : « L'autobus», « La danse de l'ours au Moulin-Rouge», « Rythme plastique du 14 juillet», « Danseuse au bal Tabarin». L'artiste a lui-même expliqué le sens du tableau «Nord-Sud» qui figure à l'exposition : « l'idée de la vitesse avec laquelle un corps illuminé traverse des tunnels alternativement sombres et éclairés...».
A ces cinq «grands» du futurisme, il faut ajouter Ardengo Soffici, écrivain autant que peintre, et l'architecte Antonio Sant'Elia, qui, soldat, fut tué en 1916, à vingt-sept ans. Un an plus tôt, Soffici avait déjà abandonné le groupe futuriste, en raison de ses dissentiments avec Marinetti.
La guerre, dont Marinetti magnifie les vertus régénératrices, sera donc fatale au futurisme italien proprement dit. Aux épreuves d'un conflit qui provoque des pertes irréparables, s'ajoutent des outrances de pensée et des intempérances de langage peu faites pour contribuer au crédit de cette école.
Ainsi, dans son « Manifeste futuriste de la luxure», publié en janvier 1913, Valentine de Saint-Point se livre à une apologie déréglée de la guerre. « La luxure, professe cette petite-nièce de Lamartine, est pour les conquérants un tribut qui leur est dû. Après une bataille où des hommes sont morts, il est normal que les victorieux, sélectionnés par la guerre, aillent, en pays conquis, jusqu'au viol pour recréer de la vie».
Sans doute Valentine de Saint-Point n'exprime-t-elle là que des considérations personnelles. C'est d'ailleurs une excentrique (vers la fin d'une carrière agitée, s'étant retirée en Egypte, elle se convertit à l'islamisme).
Pour avoir soutenu les futuristes avec un zèle jugé alors intempestif, Apollinaire, quant à lui, perdra en 1914 sa fonction de critique d'art à « l'Intransigeant» : « Vous vous êtes obstiné, lui écrit son directeur, Léon Bailby, à ne défendre qu'une école, la plus avancée, avec une partialité et une exclusivité qui détonnent dans notre journal indépendant... La liberté qu'on vous a laissée n'impliquait pas dans mon esprit le droit pour vous de méconnaître tout ce qui n'est pas futuriste».
Ce grief apparaît aujourd'hui d'autant plus singulier que Guillaume Apollinaire ne peut être tenu pour un champion inconditionnel des futuristes. S'il a été séduit par leur mouvement, il en a distingué les travers : « Ils se préoccupent avant tout du sujet, écrit-il en 1912. Ils veulent peindre des états d'âme. C'est la peinture la plus dangereuse qui se puisse imaginer...»
Sans le déclarer ouvertement, Apollinaire accorde plus de crédit au cubisme, qu'il comprend d'ailleurs assez mal, qu'au futurisme. Cependant, l'universalité de celui-ci le séduit. L'auteur de « L'hérésiarque» propose de soustraire le futurisme à son italianisme originel, et de « réunir sous ce nom tout l'art moderne», en tenant compte, bien entendu, des particularismes constitutifs.
Cette tentative de fondation d'une «Internationale culturelle» n'est pas sans intérêt, mais elle se trouve aussitôt désavouée par le fondateur du futurisme lui-même : Marinetti. Celui-ci considère que le futurisme ne doit pas se départir de son caractère national.
Sentiment incompréhensible à qui oublierait que le futurisme a été lancé pour « délivrer l'Italie de sa gangrène de professeurs, d'archéologues, de cicérones et d'antiquaires... L'Italie a été trop longtemps le grand marché des brocanteurs. Nous voulons la débarrasser des musées innombrables qui la couvrent d'innombrables cimetières».
En 1910, dans son « Discours futuriste aux Vénitiens», Marinetti se réfère au passé glorieux de la cité des Doges pour flétrir l'avilissement de sa population contemporaine :
« Vous fûtes autrefois d'invincibles guerriers et des artistes de génie, des navigateurs audacieux et de subtils industriels... Avez-vous donc oublié que vous êtes avant tout des Italiens ? Sachez que ce mot, dans la langue de l'Histoire, veut dire : constructeurs de l'Avenir...»
Et, après avoir évoqué les « héros de Lépante», Marinetti conclut en exhortant ses compatriotes à préparer « la grande et forte Venise industrielle et militaire qui doit braver l'insolence autrichienne sur la Mer Adriatique, ce grand lac italien».
Déclaration belliciste qui rappelle que le futurisme n'est pas seulement un mouvement esthétique. Son caractère politique est attesté dès ses premières déterminations. Au neuvième paragraphe de son manifeste de 1909, Marinetti a proclamé : « Nous voulons glorifier la guerre (seule hygiène du monde), le militarisme, le patriotisme, le geste destructeur des anarchistes, les belles idées qui tuent, et le mépris de la femme»,
L'Italie de 1909 ne convient évidemment pas à l'application d'une telle doctrine. A la tête du gouvernement, Giovanni Giolitti pratique une politique de modération. Libéral et opportuniste, peu soucieux d'idéologie, mais attaché aux principes d'une gestion raisonnable des affaires publiques, il entend « donner satisfaction aux intérêts purement individuels et locaux». Il excelle à s'assurer une « clientèle». Salandra, qui lui succède à la veille de la Première Guerre mondiale, poursuit cette politique incolore.
Dans ce climat lénifiant, les futuristes ne paraissent que plus insolites. Depuis le début de l'année 1913, ils disposent cependant d'une revue, « Lacerba», dirigée par Giovanni Papini et Ardengo Soffici. Ce périodique atteint rapidement un tirage d'une vingtaine de milliers d'exemplaires. En raison même de sa dénonciation du régime «bourgeois», il est bien accueilli dans les milieux ouvriers, auxquels le programme futuriste doit pourtant paraître singulier.
En novembre 1914 paraît un nouveau journal «socialiste», qui dénonce l'attentisme du gouvernement et réclame l'intervention de l'Italie dans la guerre. Cet organe, « II popolo d'Italia», a pour animateur Benito Mussolini. En épigraphe, une citation de Napoléon : « La révolution est une idée qui a trouvé des baïonnettes». Son premier éditorial, signé Mussolini, se termine par ces mots : « Mon cri augural est un mot effrayant et fascinant : Guerre! »
A cinq ans de distance» la proclamation de Marinetti se trouve ainsi répétée, amplifiée par la réalité du conflit qui va bouleverser l'Europe.
Lorsque, en mars 1919, Mussolini crée le « Fascio », il reçoit naturellement l'adhésion de Marinetti.
Loin d'être scandaleux, le passage du futurisme au fascisme procède ainsi de la simple logique.
Aux diatribes des futuristes contre l'art académique, la littérature conventionnelle, l'enseignement traditionaliste, tout ce qui témoigne de la mort par sclérose d'une société, répond le chant allègre du Parti: Giovinezza («Jeunesse ») !
L'exposition du futurisme au « Musée d'art moderne» ne s'étend que sur une période de huit ans, de 1909 à 1916 : du premier manifeste de Marinetti à la mort de Boccioni et de Sant'Elia. L'époque du ralliement et celle qui lui a succédé, non seulement en Italie mais dans le monde, sont ainsi délibérément écartées.
Cependant, Marinetti n'est mort qu'en 1944, Russolo en 1947, Balla en 1958, Carra et Severini en 1966. Le futurisme, qui avait en quelque sorte assimilé les découvertes de l'impressionnisme, du pointillisme, du cubisme, devait féconder à son tour d'autres mouvements.
En Italie même, des artistes comme Prampolini, Martini, Depero, Sironi, Morandi, d'autres encore (et avec eux l'architecte Chiattone) ont maintenu, plus ou moins longtemps, la tendance futuriste.
En 1928, encore, le régime fasciste encourageait la « Première exposition d'architecture futuriste».
En Russie, où les novations culturelles occidentales étaient attentivement observées, Larionov, l'inventeur du « rayonnisme», reconnaissait dès 1913 ce qu'il devait au futurisme, au cubisme et à l'orphisme. Malévitch s'était inspiré très tôt, lui aussi, des principes de la nouvelle école italienne,
Gontcharova devait beaucoup à celle-ci, ainsi que l'atteste sa manière de provoquer le sentiment du mouvement par la décomposition des images.
Les œuvres de Mondrian, de Kandinsky, de jozef Peeters se réfèrent implicitement à « la splendeur géométrique et mécanique», et à la «sensibilité numérique» exaltées par Marinetti.
En Allemagne, l'influence du futurisme est sensible dans les œuvres de Meidner, Dix, Richter, Schad, etc.
Aux États-Unis, sur celles de Davies, Kuhn, Cramer, Kantov, Weber.
En Angleterre, le « vorticisme », fondé par Wyndham Lewis dès 1914, procède directement du futurisme. Ezra Pound, qui lui donna son appellation, l'a reconnu dans un propos dont la résonance va bien au-delà du particularisme vorticiste : « L'écrivain italien qui m'intéresse le plus aujourd'hui, et envers lequel je me sens une large dette de gratitude, est Marinetti. Marinetti et le futurisme ont donné un grand élan à toute la littérature européenne. Le mouvement qu'Eliot, Joyce, moi et d'autres avons lancé à Londres n'aurait pas existé sans le futurisme».
Maurice Cottaz
Sources: Le Spectacle du Monde – Novembre 1973
Comprendre l’oligarchie : L'Echo des Canuts n° 14
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A quand les excuses d’Alger pour la traite des esclaves européens ? - B. LUGAN
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13/07/2020 04:48
En ces temps de repentance et d’ethno-masochisme, puisque ceux qu’il est difficile de désigner autrement que par le terme d’ennemis, vu leur comportement à l’égard de la France, s’amusent à jongler avec le contexte historique, alors, faisons de même.
L’Algérie aux abois économiquement, ruinée par les profiteurs du Système qui depuis 1962 se sont méthodiquement engraissés en pillant ses ressources, a donc l’outrecuidance de demander des excuses à la France. Pourquoi pas d’ailleurs, puisque, comme le disait Etienne de la Boétie : « Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux » ?
Des excuses donc pour avoir tracé en Algérie 54 000 kilomètres de routes et pistes (80 000 avec les pistes sahariennes), 31 routes nationales dont près de 9000 kilomètres goudronnés, construit 4300 km de voies ferrées, 4 ports équipés aux normes internationales, 23 ports aménagés (dont 10 accessibles aux grands cargos et dont 5 qui pouvaient être desservis par des paquebots), 34 phares maritimes, une douzaine d’aérodromes principaux, des centaines d’ouvrages d’art (ponts, tunnels, viaducs, barrages etc.), des milliers de bâtiments administratifs, de casernes, de bâtiments officiels, 31 centrales hydroélectriques ou thermiques, une centaine d’industries importantes dans les secteurs de la construction, de la métallurgie, de la cimenterie etc., des milliers d’écoles, d’instituts de formations, de lycées, d’universités avec 800 000 enfants scolarisés dans 17 000 classes (soit autant d’instituteurs, dont deux-tiers de Français), un hôpital universitaire de 2000 lits à Alger, trois grands hôpitaux de chefs-lieux à Alger, Oran et Constantine, 14 hôpitaux spécialisés et 112 hôpitaux polyvalents, soit le chiffre exceptionnel d’un lit pour 300 habitants. Sans parler d’une agriculture florissante laissée en jachère après l’indépendance, à telle enseigne qu’aujourd’hui l’Algérie doit importer du concentré de tomates, des pois chiches et jusqu’à la semoule pour le couscous…
Or, tout ce que la France légua à l’Algérie en 1962 fut construit à partir du néant, dans un pays qui n’avait jamais existé et dont même le nom lui fut donné par le colonisateur… Tout avait été payé par les impôts des Français. En 1959, toutes dépenses confondues, l’Algérie engloutissait ainsi 20% du budget de l’Etat français, soit davantage que les budgets additionnés de l’Education nationale, des Travaux publics, des Transports, de la Reconstruction et du Logement, de l’Industrie et du Commerce ! (Voir à ce sujet mon livre Algérie l’Histoire à l’endroit).
L’Algérie a exigé, et sur ce point comment ne pas être d’accord avec elle, que la France lui restitue les cranes de combattants vaincus par l’armée française lors de la conquête. Mais alors, quid des restes des dizaines de milliers d’esclaves européens dont des milliers de Français enlevés en mer ou par des razzia littorales, morts en Algérie et enterrés dans la banlieue d’Alger dans ce qui, avant la conquête était désigné comme le cimetière des chrétiens ? C’est en effet par dizaines de milliers que des hommes, des femmes et des enfants européens furent pris en mer ou enlevés à terre par les pirates barbaresques. De 1689 à 1697, Marseille perdit ainsi 260 navires ou barques de pêche et plusieurs milliers de marins et de passagers, tous ayant été réduits en esclavage. En 1718, la comtesse du Bourk, ses enfants et ses domestiques qui avaient embarqué à Sète pour rejoindre via Barcelone son mari ambassadeur en Espagne furent capturés en mer. La petite Marie-Anne du Bourk alors âgée de 9 ans, fut rachetée en 1720.
Grâce aux rapports des pères des Ordres religieux dits de « rédemption des captifs », qu’il s’agisse de l’Ordre des Trinitaires fondé par Jean de Matha et Félix de Valois, ou des Pères de la Merci, les Mercédaires, un ordre religieux fondé par Pierre Nolasque, nous connaissons les noms de milliers d’esclaves rachetés, ainsi que leurs villes ou villages d’origine, cependant que, faute de moyens, des dizaines de milliers d’autres ne le furent pas et moururent dans les chaînes.
En 1643, le Père Lucien Héraut, prêtre de l’Ordre de la Trinité et Rédemption des Captifs, rentra en France avec 50 malheureux Français qu’il venait de racheter aux esclavagistes algérois. Faute de moyens, la mort dans l’âme, il avait laissé derrière lui plusieurs milliers d’autres Français, sans compter les milliers d’esclaves appartenant aux autres nations européennes enlevés en mer ou sur le littoral.
Dans une lettre d’une grande puissance de témoignage adressée à Anne d’Autriche, Reine-Régente du royaume de France, le père Héraut se fit l’interprète des captifs, s’adressant à la reine en leur nom, afin de lui demander une aide financière pour les racheter. Une lettre qui devrait clore les prétentions et les exigences d’excuses des descendants des esclavagistes algérois : « Larmes et clameurs des Chrestiens françois de nation, captifs en la ville d’Alger en Barbarie, adressées à la reine régente, par le R. P. Lucien Heraut, Religieux de l’Ordre de la Trinité et Rédemption des Captifs, 1643.
« (…) ainsi qu’il arrive ordinairement aux vassaux de vostre Majesté, qui croupissent miserablement dans l’horrible esclavage (…) cette mesme necessité addresse aux pieds de sa clemence et Royalle bonté, les larmes et soupirs de plus de deux milles François de nation Esclaves en la seule ville d’Alger en Barbarie, à l’endroit desquels s’exerce les plus grandes cruautés que l’esprit humain puisse excogiter, et les seuls esprits infernaux inventer.
Ce n’est pas, Madame, une simple exaggeration (…) de ceux, qui par malheur sont tombés dans les griffes de ces Monstres Affricains, et qui ont ressenty, comme nous, leur infernalle cruauté, pendant le long sejour d’une dure captivité, les rigueurs de laquelle nous experimentons de jour en jour par des nouveaux tourments: la faim, le soif, le froid, le fer, et les gibets (…) mais il est certain que les Turcs et Barbares encherissent aujourd’hui par-dessus tout cela, inventans journellement de nouveaux tourments, contre ceux qu’ils veulent miserablement prostituer, notamment à l’endroit de la jeunesse, captive de l’un et l’autre sexe, afin de la corrompre à porter à des pechés si horribles et infames, qu’ils n’ont point de nom, et qui ne se commettent que parmys ces monstres et furies infernales et ceux qui résistent à leurs brutales passions, sont écorchez et dechirez à coup de bastons, les pendants tous nuds à un plancher par les pieds, leur arrachant les ongles des doigts, brullant la plante des pieds avec des flambeaux ardents, en sorte que bien souvent ils meurent en ce tourment. Aux autres plus agés ils font porter des chaisne de plus de cent livres de poids, lesquelles ils traisnent miserablement partout où ils sont contrains d’aller, et apres tout cela si l’on vient à manquer au moindre coup de siflet ou au moindre signal qu’ils font, pour executer leurs commandements, nous sommes pour l’ordinaire bastonnez sur la plante des pieds, qui est une peine intollerable, et si grande, qu’il y en a bien souvent qui en meurent, et lors qu’ils ont condamné une personne à six cent coups de bastons, s’il vient à mourir auparavant que ce nombre soit achevé, ils ne laissent pas de continuer ce qui reste sur le corps mort.
Les empalements son ordinaires, et le crucifiment se pratique encore parmy ces maudits barbares, en cette sorte ils attachent le pauvre patient sur une manière d’echelle, et lui clouent les deux pieds, et les deux mains à icelle, puis après ils dressent ladite Eschelle contre une muraille en quelque place publique, où aux portes et entrées des villes (…) et demeurent aussi quelque fois trois ou quatre jours à languir sans qu’il soit permis à aucun de leur donner soulagement.
D’autres sont écorchez tous vifs, et quantitez de bruslez à petit feu, specialement ceux qui blasphement ou mesprisent leur faux Prophete Mahomet, et à la moindre accusation et sans autre forme de procez, sont trainez à ce rigoureux supplice, et là attachez tout nuds avec une chaine à un poteau, et un feu lent tout autour rangé en rond, de vingt-cinq pieds ou environ de diametre, afin de faire rostir à loisir, et cependant leur servir de passe-temps, d’autres sont accrochez aux tours ou portes des villes, à des pointes de fer, où bien souvent ils languissent fort long temps.
Nous voions souvent de nos compatriots mourir de faim entre quatre murailles, et dans des trous qu’ils font en terre, où ils les mettent tout vif, et perissent ainsi miserablement. Depuis peu s’est pratiqué un genre de tourment nouveau à l’endroit d’un jeune homme de l’Archevesché de Rouen pour le contraindre a quitter Dieu et nostre saincte Religion, pour laquelle il fut enchaisné avec un cheval dans la campagne, l’espace de vingt-cinq jours, à la merci du froid et du chaud et quantitez d’autres incommoditez, lesquelles ne pouvant plus supporter fit banqueroute à notre saincte loy.
Mille pareilles cruautez font apostasier bien souvent les plus courageux, et mesme les plus doctes et sçavants : ainsi qu’il arriva au commencement de cette presente année en la personne d’un Père Jacobin d’Espagne, lequel retenu Captif, et ne pouvant supporter tant de miseres, fit profession de la loy de Mahomet, en laquelle il demeura environ six mois, pendant lesquels (…) il avoit scandalisez plus de trente mille Chrestiens esclaves de toutes nations (…) il se resolu à estre brullé tout vif, qui est le supplice ordinaire de ceux qui renoncent à Mahomet (…)en suite deqoy il fut jetté en une prison obscure et infame (…) Le Bascha le fit conduire au supplice(…) il fut rosty à petit feu un peu hors de la ville près le Cimitiere des Chrestiens.
Nous n’aurions jamais fait, et nous serions trop importuns envers votre Majesté, de raconter icy toute les miseres et calamitez que nous souffrons : il suffit de dire que nous sommes icy traittez comme de pauvres bestes, vendus et revendus aux places publiques à la volonté de ces inhumains, lesquels puis apres nous traittent comme des chiens, prodiguans nostre vie, et nous l’ostans, lors que bon leur semble (…).
Tout cecy, Madame, est plus que suffisant pour émouvoir la tendresse de vos affections royales envers vos pauvres subjets captifs desquels les douleurs sont sans nombre, et la mort continuelle dans l’ennuy d’une si douleureuse vie (…), et perdre l’ame apres le corps, le salut apres la liberté, sous l’impatience de la charge si pesante de tant d’oppressions, qui s’exercent journellement en nos personnes, sans aucune consideration de sexe ny de condition, de vieil ou du jeune, du fort ou du foible : au contraire celuy qui paroist delicat, est reputé pour riche, et par consequent plus mal traitté, afin de l’obliger à une rançon excessive, par lui ou par les siens (…) nous implorons sans cesse, jettant continuellement des soupirs au Ciel afin d’impetrer les graces favorables pour la conservation de vostre Majesté, et de nostre Roy son cher fils, destiné de Dieu pour subjuguer cette nation autant perfide que cruelle, au grand souhait de tous les Catholiques, notamment de ceux qui languissent dans ce miserable enfer d’Alger, une partie desquels ont signé cette requeste en qualité, Madame, de vos tres humbles, tres obeyssants, tres fidels serviteurs et vassaux les plus miserables de la terre, desquels les noms suivent selon les Dioceses et Provinces de votre Royaume. »
Le numéro du mois de septembre de l’Afrique Réelle sera un numéro spécial consacré à la repentance et à l’esclavage et, le 1er septembre, je publierai un livre intitulé Esclavage, l’histoire à l’endroit, une arme de réfutation de la doxa culpabilisatrice. Les lecteurs de ce blog et les abonnés à la revue seront informés dès sa parution.
Plus d’informations sur le blog de Bernard Lugan
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