LE MONOTHÉISME PAR A. DANIELOU
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L'illusion monothéiste est l’une des caractéristiques des religions du Kali Yuga. Les techniques et les rites qui nous permettent de prendre conscience de la présence des êtres subtils doivent tenir compte de la totalité de l'être humain et de sa place dans le cosmos. Le principe du monde est indéfinissable, mais toute existence implique la multiplicité. Le Principe est au-delà de la manifestation, au-delà du nombre, au-delà de l'unité, au-delà du créé. « II n'est saisissable ni par l'œil, ni par la parole, ni par les autres sens, ni par l'ascèse ou les pratiques rituelles. » (Mundaka Upanishad, 111,1,8.)
Le divin est défini, dans la philosophie shivaïte, comme « ce en quoi les contraires coexistent ». Nous trouvons la même définition chez Héraclite. « L'union des contraires » (coincidentia oppositarum) était pour Nicolas de Cusa la définition la moins imparfaite de Dieu.
L'homme, faisant partie du créé, ne peut concevoir ou connaître que les aspects multiples de la divinité. Le monothéisme est une aberration du point de vue de l'expérience spirituelle. Issu d'une conception cosmologique qui aboutit à l'idée d'une cause première, ou d'ailleurs d'un dualisme premier, le monothéisme ne saurait s'appliquer à la réalité de l'expérience religieuse. On ne saurait communiquer avec la cause première de l'univers, au-delà des galaxies, pour recevoir des instructions personnelles d'ordre pratique. Une telle simplification fait partie de ce que les Hindous appellent « la métaphysique des imbéciles » (anadhikâri védânta).
Métaphysiquement, le nombre « 1 » n'existe pas, si ce n'est pour représenter un partiel ou une somme, car rien n'existe que par rapport à quelque chose d'autre. L'origine du monde ne peut être attribuée qu'à l'opposition de deux principes contraires et à la relation qui les unit. Le premier des nombres est donc le nombre « 3 », représenté dans la cosmologie hindoue par une trinité dont la signature se retrouve dans tous les aspects du créé, mais dont les principes composants ne sauraient être perceptibles ou concevables que dans leurs manifestations multiples. Les puissances subtiles que nous pouvons appeler des dieux ou des esprits, dont nous pouvons percevoir la présence, qui peuvent concerner le monde des vivants, sont innombrables comme les formes mêmes de la matière et de la vie auxquelles elles président.
Le principe lui-même ne peut être personnifié. « Seul, l'adepte (dhirah), par la connaissance supérieure, arrive à concevoir la présence en toutes choses de ce qui ne peut être perçu ni appréhendé, qui est sans attaches ni caractéristiques, qui n'a ni yeux, ni oreilles, ni mains, ni pieds, qui est éternel, multiforme, omniprésent, infiniment subtil et immuable, la matrice des êtres. » (Mundaka Upanishad, I, I, 6.)
La simplification monothéiste semble issue d'une conception religieuse de nomades, née chez des peuples qui cherchent à s'affirmer, à justifier leur occupation de territoires et leurs conquêtes. Le dieu est imaginé à l'image de l'homme. Il est réduit au rôle d'un guide qui accompagne la tribu dans ses migrations, donne des instructions personnelles à son chef. Il ne s'intéresse qu'à l'homme et, parmi les hommes, qu'au groupe « des élus ». Il devient une excuse facile à la conquête, au génocide, à la destruction de l'ordre naturel, comme nous pouvons l'observer tout au long de l'histoire. A l'origine, il n'exclut pas les dieux des autres tribus, « les faux dieux », mais uniquement pour les opposer, les détruire, et imposer sa domination et celle de « son peuple ». Nous pouvons suivre ce passage du polythéisme à l'exclusivisme, puis au monothéisme dans l'évolution de la religion du peuple hébreu.
Tout homme peut arriver par des pratiques extatiques à entrer en contact avec le monde mystérieux des esprits, monde dont la nature reste toujours indéfinissable et incertaine. Ce sont les soi-disant « prophètes », qui prétendent communiquer directement avec un dieu personnel et unique, édictant des règles de conduite qui ne sont en fait que des conventions sociales et n'ont rien à voir avec la religion ou le domaine spirituel, qui ont été les principaux artisans des déviations du monde moderne. Le monothéisme est contraire à l'expérience religieuse des hommes ; il n'est pas un développement naturel, mais une simplification imposée. La notion d'un dieu, qui, ayant créé le monde, attendrait quelques millions d'années pour enseigner aux hommes, avec un retard difficilement excusable, la voie du salut, est évidemment une absurdité.
Les religions monothéistes ont toujours pour point de départ la pensée, l'enseignement d'un homme, qu'il se dise ou non le messager, l'interprète d'une puissance transcendante qu'il appelle dieu. Ces religions s'expriment en dogmes, en règles concernant la vie de l'homme. Elles deviennent inévitablement politiques et forment une base idéale pour les ambitions expansionnistes de la cité. Parmi elles, le Judaïsme, le Bouddhisme, le Christianisme et l'Islam sont théistes, le Jaïnisme et le Marxisme sont athées.
Adopté par le Judaïsme — qui ne fut pas monothéiste à l'origine —, le concept du « dieu unique » à figure humaine est en grande partie responsable du rôle néfaste des religions ultérieures. Moïse, influencé probablement par les idées du pharaon Akhaténon, fit croire au peuple juif en l'existence d'un chef de tribu qu'il appelait le « dieu unique » et duquel il prétendit recevoir des instructions. Mohammed devait plus tard se comporter de même. Ces imposteurs sont à la source de la perversion religieuse du monde sémitique et judéo-chrétien. Ce « dieu », dont tant d'autres après eux ont prétendu interpréter les intentions jusque dans les domaines les plus relatifs, a servi de prétexte et d'excuse à la domination du monde par divers groupes d’« élus » et à un orgueilleux isolement de l'homme par rapport à l'œuvre divine.
L'impertinence et l'orgueil avec lesquels les « croyants » attribuent à « dieu » leurs préjugés sociaux, alimentaires, sexuels, qui d'ailleurs varient d'une région à l'autre, seraient comiques s'ils n'aboutissaient pas inévitablement à des formes de tyrannie, de caractère purement temporel. L'obligation de se conformer à des croyances et des modes d'action arbitraires est un moyen d'avilir et d'asservir la personnalité de l'individu, dont toutes les tyrannies, religieuses ou politiques, de droite ou de gauche, ne savent que trop bien se servir.
LE PROBLÈME CHRÉTIEN
II faut distinguer le Christianisme des autres religions monothéistes, car, bien qu'il soit devenu un exemple typique des religions de la cité, il n'est pas certain qu'il représente l'enseignement réel du Christ lui-même dont il se réclame. Le message de Jésus s'oppose à celui de Moïse et, plus tard, de Mohammed. Il semble avoir été un message de libération et de révolte contre un Judaïsme devenu monothéiste, desséché, ritualiste, puritain, pharisien, inhumain. Sous sa forme romaine, le Christianisme s'opposa d'abord à la religion officielle de l'Empire comme il s'était opposé au Judaïsme officiel, à la religion d'État. Nous ne savons pas grand-chose des sources de l'enseignement de Jésus, de son initiation, de son séjour « dans le désert » vers l'Orient. Le mythe chrétien apparaît très lié aux mythes dionysiaques. Jésus, comme Skanda ou Dionysos, est fils du Père, de Zeus. Il n'a point d'épouse. Seule la déesse mère trouve place auprès de lui. Il est entouré de ses fidèles, de ses bhaktas qui sont des gens du peuple, des pêcheurs. Son enseignement s'adresse aux humbles, aux marginaux. Il accueille les prostituées, les persécutés. Son rite est un sacrifice. C'est dans la tradition orphique que la passion et la résurrection de Dionysos occupent une place centrale. C'est à travers l'Orphisme que nombre de « miracles » de Dionysos furent attribués à Jésus. Divers aspects de la légende du Dionysos orphique se retrouvent dans la vie de Jésus. Le parallèle est évident entre la mort et la résurrection du dieu et celle du Christ.
Les mythes et les symboles liés à la naissance de Jésus — son baptême, son entourage, son entrée à Jérusalem sur un âne, la Cène (rite du banquet et du sacrifice), la Passion, la mort, la résurrection, les dates et la nature des fêtes, le pouvoir de guérir, de changer l'eau en vin — évoquent inévitablement des précédents dionysiaques.
Il semblerait donc que l'initiation de Jésus ait été une initiation orphique ou dionysiaque, et non pas essénienne comme on l’a parfois suggéré. Son message, qui représente une tentative de retour à la tolérance, à un respect de l'œuvre du Père Créateur, fut totalement dénaturé après la mort de Jésus. Le Christianisme ultérieur en est, en effet, exactement l'opposé, avec son impérialisme religieux, son rôle politique, ses guerres, ses massacres, ses tortures, ses bûchers, ses persécutions des hérétiques, sa négation du plaisir, de la sexualité, de toutes les formes d'expérience de la joie divine. Cela n'est pas apparent à ses débuts. Les Chrétiens furent accusés de sacrifices sanglants, de rites érotiques et orgiastiques. Il est difficile de savoir sur quoi ces accusations étaient fondées. Elles seront répétées en ce qui concerne les organisations de caractère mystique, initiatique, plus ou moins secrètes, qui cherchèrent à perpétuer le Christianisme originel. De telles sectes tendent toujours à reparaître dans le monde chrétien, même si, séparées de leur tradition originelle, il s'agit le plus souvent de tentatives naïves, aisément exploitées et perverties.
Nous retrouvons le symbolisme trinitaire hindou à la base de la Trinité chrétienne. Le Père, du fait même qu'il a un Fils, représente le principe générateur, Shiva, le Phallus. Le Fils est le protecteur qui s'incarne dans le monde pour le sauver comme Vishnou et ses avatâras. Le Saint-Esprit, « qui procède du Père et du Fils », est l'étincelle qui unit les deux pôles. Il est appelé Brahmâ, l'Immensité. Le Fils, comme Vishnou, est l'équivalent de Shakti, le principe féminin, la Déesse. Il est donc d'une certaine façon androgyne. Son culte se mélange à celui de la Vierge Mère. Les efforts de l'Église pour dissimuler ses sources ont abouti à l'oubli de la signification du mythe chrétien et conduit à des interprétations matérialistes pseudo-historiques dépourvues de tout sens universel.
Le Polythéisme reste toutefois sous-jacent dans le monde chrétien où l’on remplace simplement les noms des anciennes divinités par des noms de saints. Comme le Bouddhisme du Mahâyâna, le Christianisme a assimilé de nombreux rites, symboles et pratiques des anciens cultes auxquels il se substitua. Il n'existe pratiquement aucun sanctuaire chrétien qui soit dédié à « Dieu ». Tous sont sous l'égide de la Vierge Mère ou d'innombrables divinités appelées des saints. Dans un milieu polythéiste, le Christianisme se fond aisément dans la religion traditionnelle, comme on peut l'observer par exemple dans la religion de l'Inde populaire où l'on invoque tantôt la Vierge, tantôt la déesse Kâli, où se confondent le culte de Skanda ou de Krishna-enfant et celui de l'enfant Jésus, où l'esprit (bhûta), qui prend possession des participants au cours des cérémonies de danse extatique, prend le nom d'un saint chrétien quelconque.
Le Christianisme n'est devenu une religion importante qu'à partir du moment où il servit d'instrument à la puissance impériale de Rome. Longtemps, le Dionysisme et ses variantes lui disputèrent la primauté. N'oublions pas que les Dionysiaques de Nonnos datent du Ve siècle de notre ère. C'est à partir du IVe siècle que Constantin décida d'utiliser l'Église comme moyen d'unification de l'Empire. L'histoire religieuse du monde et l'évolution du Christianisme lui-même auraient été tout autres si ce choix politique n'était pas tombé sur cette foi nouvelle.
Le Christianisme devint un instrument de conquête et de domination du monde comme le Bouddhisme l'avait été pour les empereurs indiens. Cette forme d'action s'est perpétuée jusqu'à nos jours, permettant d'éliminer les cultes et les dieux autochtones de l'Europe et du Moyen-Orient, et plus tard d'étendre cette action au monde entier, privant les peuples de leurs dieux, donc de leur force, de leur personnalité, les réduisant à un état de dépendance morale et rituelle, prélude de leur complète annexion et assimilation. L'Amérique « latine » en est un exemple récent. L'Islam, puis le Marxisme ont aujourd'hui pris la relève.
Les missionnaires chrétiens, souvent mandatés par des gouvernements athées, comme ce fut le cas pour la France — qui par ailleurs, sous la IIIe République, avait banni les congrégations religieuses —, ont été l'élément le plus puissant de la dépersonnalisation des peuples conquis et de leur asservissement au conquérant. L'excuse religieuse permit l'extermination des éléments réfractaires qui restaient attachés à leur culture, à leurs traditions, à leurs dieux. Le Christianisme ultérieur, « religion typique du Kali Yuga » (J. Evok, Le Yoga tantrique, p. 19), est à peu près l'antithèse de ce que nous savons des enseignements du Christ. Il représente essentiellement la religion de la cité, de caractère social et moraliste. « Si nous séparons l'Évangile de l'Église, celui-ci devient fou », écrivait Jean Daniélou dans son dernier livre, montrant à quel point l'Église s'est éloignée du message de Jésus, qu'elle ignore et rejette en fait.
L'Islam a utilisé le même monothéisme primaire et le même puritanisme agressif comme moyens de conquête et de domination. Dans l'Inde, soumise à la domination islamique, puis chrétienne, le Sikhisme d'inspiration musulmane, puis l'Arya Samâj de Dayânanda Sarasvati et le Brahmo Samâj de Dévendranâth Tagore (père du poète), et enfin le Gandhisme avec ses tendances monothéistes, son puritanisme, sa sentimentalité, inspirée des missionnaires chrétiens, sont des manifestations récentes de ces mêmes tentatives d'adaptation de la religion traditionnelle en se conformant aux préjugés sociaux des conquérants afin soi-disant de mieux pouvoir les combattre. Cela toutefois devait aboutir à des tragédies culturelles et humaines. Le culte marxiste, qui tend aujourd'hui à se substituer au Christianisme, ne s'intéresse qu'à l'homme social et empêche son épanouissement individuel. Il représente l'aboutissement de cette tendance. Il est l'antithèse absolue du Shivaïsme et du Dionysisme.
Le message de Jésus est-il récupérable ? Ce n'est pas impossible. Il faudrait pour cela un retour à un Évangile moins sélectif et la redécouverte de tout ce que l'Église a soigneusement caché et détruit de ses sources et de son histoire, y compris les textes évangéliques soi-disant apocryphes dont certains sont plus anciens que les Évangiles reconnus par l'Église. Cela permettrait de revenir à ce que l’enseignement du Christ a pu être en réalité, c'est-à-dire une adaptation pour un monde et une époque particulière de la grande tradition humaine et spirituelle, dont le Shivaïsme et le Dionysisme représentent l'héritage. Le Christianisme originel ne s'est complètement séparé de ses sources que tard. Il a longtemps abrité des sectes initiatiques et mystiques continuant les pratiques dionysiaques. Il n'est pas absolument exclu qu'il puisse retrouver son sens primordial. Dépouillée des fausses valeurs dont, depuis saint Paul, on a entouré son enseignement, la personne du Christ peut éventuellement être réincorporée dans la tradition shivaïte-dionysiaque. Cela évidemment ne peut se faire qu'en dehors de ceux qui osent prétendre être les représentants de « Dieu » sur la terre et les interprètes exclusifs de « Sa » volonté. Une religion véritable ne peut être fondée que sur un humble respect de l'œuvre divine et de son mystère. Il est étrange que ce soit aujourd'hui la science athée, dans son effort pour comprendre sans préjugé la nature du monde et de l'homme, qui soit moins éloignée d'une religion véritable que le dogmatisme aberrant des Chrétiens.
« On dit que l'Occident moderne est chrétien, mais c'est là une erreur. L'esprit moderne est anti-chrétien parce qu'il est essentiellement anti-religieux... L'Occident a été chrétien au Moyen Age, mais ne l'est plus. » (René Guenon, La Crise du monde moderne, p. 111-112.) C'est en effet à partir des environs de l'an 1000 qu'apparaît l'idée que l'homme est capable de dominer le monde, de rectifier la création, de donner en quelque sorte un coup de main à Dieu. Cela représente une transformation profonde dans l'attitude du monde chrétien. C'est donc en dehors des églises que le Christianisme pourrait redevenir, en se rattachant à ses sources, une religion véritable, c'est-à-dire universelle, religion de l'homme tout entier, de l'homme qui retrouve sa place dans le monde naturel et rétablit ses rapports avec le monde des esprits, de la nature et des dieux. Le dernier à le comprendre dans le monde chrétien fut saint François d'Assise. Une religion est en principe une méthode, une manière de se rapprocher du divin.
Une religion vraie ne peut pas être exclusive, ne peut pas prétendre détenir la seule vérité, car la réalité divine a de multiples aspects, et les voies qui mènent au divin sont innombrables.
Alain DANIELOU
Sources : A. Daniélou – Shiva et Dionysos – Editions FAYARD 1979.
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L’agonie du vieux sud par Dominique Venner
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Dans un de ses romans, William Faulkner dit de son héroïne qu'elle faisait partie de ces femmes du Sud qui, lorsqu'elles virent le général Sherman apparaître à l'écran dans le film Autant en emporte le vent, se levèrent et, soixante-quinze ans après la fin de la guerre de Sécession, quittèrent la salle... Cette attitude en révèle plus que bien des discours sur ce que fut, dans la mémoire du Sud, la marche de Sherman à travers la Géorgie. Dominique Venner, auteur d'un excellent ouvrage sur cette question, Le Blanc Soleil des vaincus (éditions de la Table ronde), nous explique que le général n'hésita jamais devant la « guerre totale », détruisant les habitations, brûlant les récoltes et massacrant le bétail.
Sherman s'est avancé vers Atlanta avec 100 000 hommes et 254 canons. En face, le général Joseph Johnston, Old Joe, n'en dispose que de 61 000, loqueteux et affamés.
Johnston se battra comme un lion rusé, le dos à la ligne de chemin de fer qui mène à Atlanta. Son infériorité ne lui permet pas d'attaquer, mais, dans la défensive, il est redoutable. Sherman le constate à ses dépens. Aussi le nordiste déborde-t-il constamment les positions sudistes, tandis que Johnston se reforme aussitôt afin d'occuper une nouvelle position avant l'arrivée de son adversaire. Ces combats ressemblent étrangement à ceux qui ont opposé Lee et Grant du Wildernen à Cold Harbour. Cette retraite pugnace est effectuée de main de maître, avec des hommes harassés qui marchent et se battent le ventre creux. En cinq batailles, Johnston a infligé à son adversaire des pertes cinq fois supérieures aux siennes : 45 000 contre 10 000. A ce rythme, il pourra bientôt livrer bataille avec des chances de vaincre.
Atlanta va payer
C'est à ce moment qu'il est destitué. Jefferson Davis est affolé par cette retraite constante dont il ne comprend ni le sens ni la portée. Mais l'inimitié des deux hommes n'est pas étrangère à cette décision catastrophique. En remplacement de Johnston, le président désigne le général Hood, le plus jeune des commandants d'armée, qui s'est fait une réputation de grande combativité. Malheureusement, il est moins avisé que brave.
Mal accueilli par une armée fidèle à son ancien chef, Hood commet immédiatement la faute que Johnston a évitée. Le 29 août 1864, il attaque en situation d'infériorité et se fait battre. La bataille dure deux jours. Le 1er septembre, Hood est contraint d'abandonner Atlanta en brûlant ses dépôts.
Sherman a gagné. Atlanta va payer. Il donne l'ordre à la population d'évacuer la ville. Toute la population sans exception. Les vieux, les malades, les blessés, comme les enfants et les femmes. Beaucoup mourront.
Le 3 septembre, Sherman a télégraphié à Washington : « Atlanta est à nous. »
Cette nouvelle est saluée dans le Nord par une explosion de joie populaire. Lincoln ordonne des prières d'action de grâce. Grant, lui-même, profite de la victoire de son second. Le 9 septembre, il rend publique une lettre qui justifie sa tactique : « Les rebelles ont maintenant leur dernier homme sous les armes. Un homme perdu par eux ne peut être remplacé. Ils ont également dépouillé le berceau et la tombe pour rassembler leur armée actuelle. Outre ce qu'ils perdent dans les escarmouches et les batailles, ils perdent, par suite de la désertion ou d'autres causes, au moins un régiment par jour. Avec cette saignée, la fin n'est pas loin, si seulement nous voulons rester fidèles à nous-mêmes. » Pendant que Lincoln exploite à son profit le retournement de l'opinion, Sherman prépare son nouveau bond en avant. Son objectif est de marcher vers l'est jusqu'à la mer, d'atteindre Savannah, puis de remonter vers le nord pour prendre Richmond à revers. Le plan de destruction du Sud conçu en 1861 se réalise point par point.
Géorgie, terre brûlée
Cette marche à la mer, marche de terreur et de destruction à travers la Géorgie, ne se heurtera à aucun obstacle. Sur l'ordre de Jefferson Davis, le général Hood abandonne Sherman à lui-même, car on ne peut imaginer l'opération audacieuse que ce dernier prépare. Hood poussera donc vers le Tennessee afin de menacer d'invasion les États du Nord-Ouest. Ce plan n'est pas dépourvu d'habileté et il jettera une grande alarme à Washington. Mais l'armée de Hood est faible, épuisée et démoralisée. Le 15 septembre, elle sera défaite près de Nashville dans le Tennessee.
Sherman est libre de ses mouvements. Le seul homme qu'il puisse craindre, Forrest, est engagé dans le Mississippi. Cette marche à la mer, dont l'intérêt proprement militaire est faible, aura des conséquences politiques capitales. Les ravages effroyables que les colonnes nordistes accumuleront systématiquement, frapperont de terreur la population du Sud.
Le 16 novembre 1864, Sherman brûle Atlanta. La marche de 300 miles commence sous de bons auspices. L'armée avance comme un gigantesque râteau de 60 miles de large. Les troupes marchent de 7 heures à midi, puis elles s'installent, c'est-à-dire qu'elles pillent. L'ordre spécial de marche a prévu : « L'armée s'approvisionnera sur le pays ». Par prudence, Sherman se fait suivre d'un convoi de ravitaillement de 2500 chariots. Mais les vivres qu'ils transportent ne seront pas utilisés. La riche Géorgie y pourvoit.
Les récits des habitants se ressembleront tous dans leur horreur. Toutes les armées qui pillent perdent leur discipline. C'est une loi inévitable. L'armée de Sherman y échappe d'autant moins que les « remplaçants » qui la composent comptent nombre de droits communs, sans parler des contingents noirs, avides d'humilier leurs anciens maîtres.
Les femmes de la Géorgie affrontent cette épreuve avec un courage et une dignité qui en imposent aux pillards eux-mêmes. Si l'on détruit pour le plaisir, et ce plaisir est toujours grand, si l'on vole l'argenterie, les bijoux, les tableaux, les bibelots, si l'on met le feu à ce que l'on ne peut emporter, les cas de viols et de meurtres sont rares.
Un rebelle n'a aucun droit, pas même de vivre
Après le passage de cette force de destruction, il ne subsiste qu'un désert. Les habitants ont perdu tous leurs moyens d'existence. Les champs sont dévastés, les arbres abattus, le bétail emmené ou tué. Souvent les plantations et les fermes sont incendiées. Il ne subsiste que des cheminées noircies brandies contre le ciel. Les voies ferrées sont démantelées et les rails tordus au feu.
Le 24 décembre 1864, Sherman entre dans Savannah, qui est pillé. Il repartira le 1er février avec 60 000 hommes, avec l'intention de rejoindre Grant devant Richmond. Son itinéraire passera par la Caroline du Sud, berceau de la sécession.
Alors la haine et la vengeance ne connaissent plus de limites. Sherman a proclamé qu'« un rebelle n'a aucun droit, pas même de vivre, sinon avec notre permission ». Avant d'entrer dans Columbia, la capitale de l'État, il écrit : « L'armée tout entière brûle d'un insatiable désir de tirer vengeance de la Caroline du Sud et je tremble presque en pensant au sort qui l'attend, mais je crois qu'elle mérite tout ce qui lui est réservé. »
Ce qui s'est passé en Géorgie n'est rien en comparaison de ce que va souffrir la Caroline du Sud.
Une immense fumée et la lueur rouge de l'incendie annoncent l'arrivée des Yankees. Le 17 février, Sherman entre à Columbia. Le soir même la ville est en flammes. Les soldats ivres pillent les maisons et molestent les habitants avant de fuir. Les plus bas instincts, encouragés par l'impunité, l'envie et la vengeance, se déchaînent.
Le lendemain, Sherman fait détruire tous les bâtiments publics qui ont résisté à l'incendie.
Le port de Charleston, que les nordistes n'avaient jamais pu prendre, Charleston où fut tiré le premier coup de canon de la guerre, est mis à sac. Les destructions dans cette ville de très vieille culture seront irréparables.
En Caroline du Nord, une armée improvisée se forme sous le commandement de Joseph Johnston, pour tenter de barrer la route à ces furieux.
Lee's Misérables
Depuis la réélection de Lincoln, le général Lee ne nourrit plus d'illusion sur le sort du combat. Il sait que la partie est perdue. Il fait part de cette conviction au président Davis, parce que tel est son devoir. Pour ses hommes et ses subordonnés, il reste le symbole de l'espérance. Son devoir de soldat est de combattre jusqu'à l'épuisement complet de ses forces. Il n'est pas dans sa nature de s'y soustraire. Pourtant, cet épuisement définitif est proche. L'hiver devant Richmond est une torture atroce. Depuis la dévastation de la vallée de la Shenandoah par Sheridan, les dernières sources de ravitaillement sont taries. La famine, la vraie famine, celle dont on meurt, frappe la capitale et ses défenseurs. Le général Lee n'accepte pas d'autre régime que celui de ses hommes. Il reçoit un jour un invité à sa table. L'unique morceau de viande est si petit que personne n'ose se servir. Il distribue autour de lui les vêtements chauds que lui font parvenir les habitants.
Les soldats qui ont lu le roman de Victor Hugo, Les Misérables, en font un jeu de mots et se baptisent eux-mêmes les Lee's Misérables, les misérables de Lee. Ils s'efforcent de rire de leur détresse. « Dans cette armée, disent-ils, un trou dans la culotte indique un capitaine. Deux trous un lieutenant et quand tout le fond est parti c'est que le propriétaire du pantalon est un soldat. »
Les nordistes accuseront plus tard le Sud d'avoir martyrisé leurs prisonniers, notamment au camp d'Andersonville, en les faisant lentement mourir de faim. De fait, ces prisonniers meurent lentement de faim. Comme les soldats de Lee. Ils reçoivent la même ration !
Une seule condition
Le 6 février 1865, le Congrès confédéré décide de nommer le général Lee au commandement en chef des armées du Sud.
Cette mesure tardive ne peut avoir aucune portée pratique, les armées n'existant plus.
A l'aube du 25 mars 1865, les sudistes tentent de faire une percée dans les lignes nordistes, en avant de Richmond. La première partie de l'opération réussit, mais les hommes sont si affaiblis qu'ils s'effondrent sur le sol et ne peuvent poursuivre l'assaut
Lincoln et Grant veulent en finir. Le samedi 1er avril, les nordistes lancent une attaque générale. En face, il n'y a plus que des fantômes. La première ligne est enfoncée. Le lendemain, Lee reconstitue ses défenses, mais leur rupture est une question d'heures. Il télégraphie à Richmond pour que le gouvernement se prépare à évacuer la capitale.
Le président Davis assiste au service religieux de l'église Saint-Paul lorsque le message de Lee lui est remis. Il quitte aussitôt son banc et sort avec dignité, sans trahir son émotion. A 23 heures, un train spécial emporte les membres du gouvernement vers Danville.
Dans la nuit, le général Ewell, qui protège encore la ville, reçoit l'ordre de se retirer. Richmond brûle. Les premiers nordistes entrent à l'aube dans la capitale jusqu'alors inviolée.
Au même moment, Lee abandonne Petersburg, après avoir détruit ses dépôts de munitions. Les quelques troupes qui lui restent n'ont pas mangé depuis trente-six heures. En haillons, avec, de-ci de-là, sur un membre, un linge ensanglanté, les soldats avancent encore. Le général veut rejoindre les montagnes à l'ouest de Lynchburg.
Le 7 avril 1865, Grant lui fait parvenir une note lui demandant d'effectuer sa reddition pour éviter des combats désormais inutiles.
Lee fait demander à l'adversaire ses conditions. Le lendemain, Grant répond : « La paix étant le premier de mes désirs, je n'insiste que sur une seule condition. Que les hommes qui auront capitulé ne pourront plus porter à nouveau les armes contre l'Union jusqu'à ce qu'ils aient été régulièrement échangés. »
Pour obtenir les conditions les plus favorables, Lee simule l'intention de poursuivre le combat, mais il accepte de rencontrer Grant.
Le 9 avril, ayant revêtu un uniforme neuf, ceint le sabre offert par la ville de Richmond, monté sur Traveler et suivi de son état-major, Lee se dirige vers les lignes fédérales. Il assumera lui-même l'épreuve de la reddition, bien qu'il eût « préféré mille morts ».
L'entrevue a lieu au hameau d'Appomattox Court House, dans la maison du major Mac Lean, où Grant attend son adversaire.
Le contraste est frappant entre les deux hommes. Face au général Lee, impeccablement sanglé dans son uniforme gris, Grant fait piètre figure dans sa tenue de troupe.
« Général, nous sommes-nous rendus ? »
L'accueil de Grant est déférent. Il s'efforce de rendre l'instant moins pénible. Il évoque des souvenirs communs de la guerre du Mexique. Après quelques instants, Lee doit lui rappeler la raison de leur rencontre. Il demande que ses hommes puissent emmener les mules et les chevaux pour reprendre les travaux des champs. Grant acquiesce. L'acte de reddition est rédigé et signé.
Au moment de remonter sur Traveler, le général Lee pose la tête sur l'encolure de son vieux compagnon. Il reste ainsi plusieurs secondes, prostré. D'un violent effort, il se reprend. Une fois en selle, il salue Grant, qui s'incline.
Lee s'éloigne vers ses lignes.
En le voyant, ses hommes l'acclament comme ils le font quand il passe dans leurs rangs, mais à voir ses traits bouleversés leurs cris s'étranglent. Ils hésitent pendant qu'il continue sa route. Puis, d'un mouvement spontané, ils s'élancent vers lui.
— Général, nous sommes-nous rendus ?
La question le gifle en pleine face. Il essaie d'avancer mais ils l'entourent, leurs visages faméliques et leurs regards en délire tendus vers lui. Il doit s'arrêter. Les mots lui sont une torture :
— Soldats, nous avons combattu ensemble et j'ai fait ce que j'ai pu pour vous. Vous serez tous relâchés sur parole et vous pourrez rentrer chez vous.
Il veut encore parler, mais il ne peut articuler qu'un difficile : « Au revoir, au revoir... »
Des larmes coulent sur ses joues hâlées, tandis qu'il s'éloigne sans voir où mènent les pas de son cheval.
D. Venner
Sources : Histoire Magazine – N°22 1981.
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- Catégorie : GENETIQUE
Les adjonctions successives qui constituent le progrès de la civilisation, aussi bien dans l’ordre technique que dans l’ordre spirituel, n'agissent-elles pas, à la longue, sur la substance même de l’homme? Quelque chose de l’acquis ne devient-il pas inné? L'hérédité sociale ne se transforme-t-elle pas en hérédité organique? Certes, nul n'a jamais pensé que ce genre de transmission s'accomplît selon des modes bien précis, et que. même après des millénaires de civilisation, les « petits d'homme » dussent venir au monde avec une science et une morale infuses ; mais on a pu présumer que les humains, à force d'avoir appris et compris, devenaient plus aptes à apprendre et à comprendre, qu'à force d'avoir redouté et respecté les règles sociales ils devenaient plus susceptibles de leur obéir. Ainsi, sans que le contenu de la civilisation s'inscrivît dans le patrimoine de l'espèce, elle s'y inscrirait par une modification des habitudes et des instincts qui rendrait la matière humaine en quelque sorte plus éducable, plus ductile, plus civilisable.
S'il y a du vrai en cela, s'il est réel que le milieu social créé par l’homme retentisse sur l'animal humain, le prépare dans l'intimité de sa substance, si la coutume, pour peu que ce soit, devient nature, alors tous les espoirs sont permis quant à l'évolution spirituelle de notre espèce. De siècle en siècle, l’homme naîtra mieux adapté à la société, et, ses qualités natives se haussant de génération en génération, il progressera indéfiniment dans le sens même que réclament les nécessités collectives. Mais la science nous enlève, là-dessus, tout espoir. Le biologique ignore le culturel. De tout ce que l’homme a appris, éprouvé, ressenti au long des siècles, rien ne s'est déposé dans son organisme, rien n'a passé dans sa bête. Rien du passé humain n'a imprégné ses moelles. Tout ce qu'il s'est ajouté lui est resté externe et superficiel. Il ne s'est pas, d'âge en âge, organiquement spiritualisé. L'humanité, éternelle novice, ne mûrit pas dans sa chair. Chaque génération doit refaire tout l'apprentissage. Et si, demain, la civilisation entière était détruite, l'homme aurait tout à recommencer, il repartirait du même point d'où il est parti voilà quelque cent ou deux cent mille ans. Toute son œuvre, tout son labeur, toute sa souffrance passée lui compteraient de rien, ils ne lui conféreraient aucune avance.
Là gît la grande différence des civilisations humaines avec les civilisations animales. De jeunes fourmis isolées de la fourmilière refont d'emblée une fourmilière parfaite. Mais de jeunes humains séparés de l'humanité ne pourraient reprendre qu'à sa base l'édification de la cité humaine. (…)
(…) Il tient à l'essence même de la civilisation humaine de contrarier toujours davantage, tant par les pouvoirs de la science que par l'esprit de fraternité, le jeu sans merci de la sélection naturelle. Toujours la médecine préservera plus d'existences chancelantes ; toujours la vie humaine, et de qualité si médiocre qu'elle soit, sera plus estimée, plus défendue, plus garantie. Il y a là un fait humain, et non moins naturel que celui de la sélection. Mais précisément parce que l'homme ne peut pas, parce que l'homme ne veut pas s'écarter de la voie qu'il s'est choisie, ne doit-il pas prendre conscience du péril où l'expose son attitude singulière, afin de prévenir, avec l'aide de sa raison, les revanches de l'inhumaine nature? C'est ce que pensent les eugénistes, qui rêvent de substituer à la rude sélection automatique d'autrefois une sélection artificielle, volontaire, qui, celle-là, porterait, non pas sur le corps, mais sur les germes. Les moins hardis de ces novateurs se contenteraient d'interdire la reproduction aux mal nés afin d'épargner à d'autres le mal naître ; mais certains vont jusqu'à souhaiter que le renouvellement de l'espèce soit confié aux individus exceptionnellement doués du point de vue physique ou moral. Au dire de ces enthousiastes, l'humanité s'élèverait ainsi en quelques siècles à un niveau tel que les derniers de ses représentants égaleraient les plus rares génies de notre époque. N'est-ce pas trahir nos descendants que de bouder à cette ascension génétique ? L'humanité a droit aux meilleurs gènes possibles. Les lui refuser, c'est s'opposer peut-être à la naissance de l'homme qui vaincra le cancer, qui libérera l'énergie intra-atomique, qui trouvera le secret d'une organisation sociale plus clémente. C'est prolonger à plaisir la souffrance et le désordre. Quoi ! cette nature humaine trop réfractaire, que ne peuvent changer ni la politique ni la morale, cette nature humaine dont les imperfections font obstacle à la réalisation de tout grand rêve généreux, cette nature humaine qu'on invoque, hélas ! à juste titre, chaque fois qu'on prétend décourager l'idéalisme, — la biologie nous donne les moyens de l'ennoblir à notre gré, et nous n'en userions pas !
Tous les biologistes, je pense, s'accorderont à admettre que, si l'humanité veut son progrès génétique, elle doit recourir à une implacable sélection positive. Mais, ce progrès, doit-elle le vouloir, quand il lui faut payer de ce prix? Consentira-elle jamais à utiliser comme étalons les plus précieux de ses représentants? Et l'espoir même d'enfanter une race de surhommes lui fera-t-il admettre d'en user avec soi comme elle en use avec son cheptel? (…)
(…) Ce sera la mission de l'humanité future que de trouver un compromis acceptable entre un « biologisme » trop brutal et une idéologie trop négligente des destinées de l'espèce.
Jean ROSTAND
Sources : Pensées d'un biologiste, (p. 30-34, 40-45, Editions STOCK).
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