PAGANISME ET RUSTICITÉ : un gros problème, une étude de mots.
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Les étapes de la diffusion du christianisme à travers le monde romain sont restées imprécises ; l'attitude des diverses classes sociales, des différents peuples de l'Empire nous est souvent inconnue. Une opinion généralement accréditée voit dans l'emploi du terme paganus, pour désigner les non-chrétiens, la preuve d'une plus grande résistance à l'Évangile dans les milieux ruraux. Une opposition Ville-Campagne se profilerait ainsi au cours des quatre premiers siècles de l'expansion chrétienne ; la nouvelle doctrine aurait profité d'antagonismes écologiques indépendants des structures politiques et sociales : agglomérations urbaines d'une part, riches et pauvres fraternellement unis en Christ ; monde des champs et des bois d'autre part, grands propriétaires, colons et esclaves, restés fidèles à la religion romaine et au culte impérial. Le fait ne semble pas impossible ; citadins et ruraux ont fréquemment des intérêts opposés, des conceptions morales différentes et la mobilité des foules urbaines, leur émotivité, contrastent partout avec la stabilité, le conservatisme des villages et des hameaux.
Cette identification du paganisme primitif avec la rusticité a cependant été maintes fois combattue ; l'emploi de paganus, qui est en définitive la clef du problème, fut alors expliqué d'une façon ingénieuse, mais peu convaincante. L'examen des faits historiques, joint à quelques considérations philologiques, m'a conduit sur le chemin du doute et finalement offert une explication.
Le meilleur défenseur de la théorie classique, M. Zeiller (1), a reconnu que le paganisme était encore très vivace dans les villes, notamment parmi l'aristocratie, aux IVe et Ve siècles ; nous avons également des preuves nombreuses de christianisations rurales précoces, voire, dans certaines régions, antérieures à l'évangélisation urbaine. J'ajouterai, à l'appui, des faits bien connus. En Gaule, par exemple, les chrétiens semblent avoir évité les villes closes, pour se grouper, à Clermont, Tours, Paris et Sens, dans un faubourg hors les murs, souvent appelé vicus christianorum.
A Rome même, l'existence très ancienne de basiliques suburbaines n'est pas toujours la conséquence de la dévotion à la tombe d'un martyr, dans le quartier des cimetières ; elles perpétuent souvent le souvenir d'assemblées à demi clandestines dans la maison de simples particuliers — dont le nom a servi plus tard à titrer abusivement les églises édifiées sur cet emplacement (2). Au début du IVe siècle seulement, dans bien des cas, les capitales des civitates ouvrirent leurs portes aux chrétiens ; cette conquête fut non pas la première étape, mais bien la dernière, sur le chemin de la victoire. C'est ainsi qu'à Paris la cathédrale quitta le vicus, pour venir s'établir intra muros, seulement lorsque les dieux antiques eurent été chassés de l'île sainte et que l'Autel des Nautes eut été abattu.
Les ruraux, sans doute, restèrent longtemps enclins à pratiquer des coutumes païennes ou plutôt à mêler à leur christianisme des cultes et des superstitions locales que saint Martin n'a pas toujours réussi à extirper totalement, puisque nous les constatons encore aujourd'hui (3). Les philosophes (4) épicuriens ou stoïciens opposèrent en tout cas une résistance bien plus acharnée aux prédicateurs de l'Évangile ; l'accueil reçu par saint Paul à l'Aréopage fut si peu chaleureux qu'Isidore de Séville et Cassiodore verraient là l'origine de paganus. L'aristocratie ne mit guère un plus grand enthousiasme à adopter une religion égalitaire rompant avec les traditions romaines. N'oublions pas enfin que les premiers emplois certains de paganus au sens religieux de non-chrétien, datent au plus tard du milieu du IVe siècle, alors qu'il est encore difficile de parler d'un Empire chrétien, que les chefs de l'État ont une politique religieuse hésitante, et que le paganisme n'est nullement relégué au fond des campagnes (5).
Les néophytes se recrutent d'abord parmi les humbles et les déshérités. L'Islam a converti aux Indes les parias, les sans-castes rejetés par l’Hindouisme, mais l'aristocratie des brahmanes ne s'est pas laissé entamer ; les missionnaires catholiques en Chine s'adressent plus efficacement aux coolies qu'aux mandarins ; en Palestine, les petites gens des villes et des champs fournirent au Christ ses premiers disciples, tandis que les Pharisiens et les Sadducéens, issus des milieux bourgeois et nobiliaires, le faisaient condamner. Si nous cherchons en Gaule un climat vraiment favorable à l'Évangile, quittons les cités, et, sans aller dans les hameaux perdus au fond des bois, arrêtons-nous au bord des routes, dans les vici, parmi les artisans, les boutiquiers et les colporteurs, à Nanterre, à Charenton, à Corbeil, à Ermont, à Saint-Denis ; les témoignages écrits et les légendes concernant les premiers temps du christianisme y sont plus nombreux qu'à Paris et souvent d'une date antérieure.
Peut-on, dans ces conditions, opposer à la fin du IIIe siècle le chrétien urbain au païen rural? Encore faudrait-il savoir si les antagonismes entre la population des cités et les habitants des districts voisins pouvaient justifier un pareil divorce cultuel? La campagne n'était d'ailleurs pas, à cette époque, le domaine exclusif d'une paysannerie ignorante et attardée ; les riches propriétaires, les seniores, résidaient dans leurs villae, et les cités, fréquemment troublées par les guerres et les révolutions, n'avaient pas une supériorité culturelle et intellectuelle, inconnue même sous le Haut-Empire (6).
Pendant les trois premiers siècles de l'ère chrétienne, un autre terme, gentilis, désignait couramment les adeptes des cultes païens. Il qualifiait également, depuis longtemps, les peuples étrangers à la loi de Moïse. Non-chrétien, mais aussi et d'abord non-juif, gentilis n'est d'ailleurs que la simple traduction de l'hébreu goy (7).(…)
(…) La signification de paganus, avant sa confiscation par le vocabulaire religieux, doit nous apporter la solution, nous permettre d'écarter définitivement les autres explications, et de prouver qu'il faut voir là « un terme synonyme de gentilis ». M. Piganiol semble avoir été le premier, en 1947 (8), à formuler cette idée ; il m'est agréable de la développer ici, dans l'espoir que cette étude clôturera le débat qui depuis le XVIe siècle divise les historiens.
Que paganus soit un dérivé de pagus, voilà qui n'a plus besoin d'être démontré. Mais le sens exact de pagus a peut-être été négligé ?
Étymologiquement, pagus désigne la borne fichée en terre, de pangere (9), enfoncer (Praemiaque ingeniis pagos et compila circum — Thesidae posuere (Vg. G2, 382). — Le mot signifie ensuite le territoire délimité par les bornes, le district ; ce n'est donc nullement par définition une circonscription rurale ; un pagus n'est rural que lorsqu'il est celui d'un vicus, d'une bourgade, mais dans ce cas il s'applique à des champs, à des prés et à des bois, exploités certes, mais précisément par la population du vicus et par conséquent inhabités.
Ce pagus sans pagani, ce pagus de vicus, est d'ailleurs plus rare que le pagus désignant habituellement le territoire d'une fraction de civitas, de gens, de natio. Les exemples les plus connus concernent la Gaule, dont les nombreux peuples, civitates, étaient subdivisés en plusieurs pagi (Parisii, pagus Senonum, les Parisii, fraction des Sénons, etc.) — II est évident que dans ce cas les divers pagi de la civitas renferment non seulement les champs, mais aussi les bourgades et les villes et que l'un d'entre eux contient forcément la plus grande agglomération, le caput civitatis. Département, arrondissement ou canton, le pagus ne renferme aucunement la notion de rusticité et les pagani peuvent être aussi bien urbains que campagnards, habiter les vici routiers (10) ou les villae agricoles. Aujourd'hui même, les noms de nos départements peuvent s'opposer parfois à d'autres toponymes, indiquant leur centre urbain : Paris et la Seine, Toulouse et la Haute-Garonne, etc..., il n'empêche que Paris et Toulouse sont parties intégrantes de la Seine et de la Haute-Garonne. Civitas et gens, plus encore que natio, furent néanmoins exclusivement employés, au début de l'Empire, pour désigner les peuples et les nations diverses, à l'intérieur comme à l'extérieur de l’orbis romanus. Malgré leur étymologie différente (11), les deux termes sont pratiquement interchangeables : Apud Aeduos, civitas opulentior — Augustodunum, caput gentis (Aeduorum), écrit Tacite (Annales, III, 43).
Au Bas-Empire, civitas se restreint au sens de caput civitatis, de «cité», pour des raisons controversées, mais sans doute plus simples que celles qu'on invoque généralement. Ne dit-on pas, en effet, couramment, le canton pour le chef-lieu de canton, le département pour le chef-lieu du département, etc... et n'avons-nous pas des exemples fréquents de la partie prise pour le tout ? A la même époque, gens continue d'être utilisé dans son acception large et courante de peuple, tribu, nation, gent, avec toutefois une nuance morale et humaine qui lui fait qualifier davantage des ensembles ethniques considérés sous leur aspect intellectuel ou éthique, plutôt que des nations au sens actuel du mot : des peuples au milieu de leur territoire national. Gentilis reste plus près encore du sens initial, et qualifie généralement les individus de bonne naissance, les « gentilshommes ».
La place était donc libre pour l'emploi d'un nouveau terme ; c'est alors que pagus fait son apparition partout où, jadis, civitas et gens étaient seuls usités.
Dans la région de Paris, par exemple, bien avant la création des pagi du haut moyen âge qui perpétuèrent, mais en les fractionnant, le territoire des civitates gallo-romaines, pagus est employé concurremment avec civitas et dans un sens identique. Le pagus parisiacus coïncide exactement avec la civitas Parisiorum et non avec le seul Parisis ; il comprend également ce qui sera plus tard Brie et Hurepoix. Butionem, in pago parisiaco (666), dit la Vie de saint Wandrille. Il s'agit de Buisson, près de Marcoussis, dans le futur pagus herupensis ; d'autres exemples, nombreux, peuvent être trouvés à Rueil, Douvres, Bussy et Draveil qui n'appartinrent jamais au Parisis.
L'abandon général de civitas au profit de pagus, au début du moyen âge, ne doit d'ailleurs pas être expliqué par la disparition du territoire des civitates, fractionnées en divers pagi, car dans bien des cas ce fractionnement n'eut pas lieu et la civitas dans sa totalité devint un pagus ; cet abandon consacre seulement un fait linguistique et l'apparition du mot « cité », au sens médiéval puis moderne. Cependant que gens et civitas étaient peu à peu vidées de leur contenu sémantique au profit de pagus, en langage profane, une évolution parallèle du vocabulaire religieux remplaçait gentilis par paganus. La chose semble claire, l'odeur de la glèbe n'est pas plus familière aux pagani de saint Augustin qu'aux gentiles de saint Jérôme ; ils ont hérité les uns comme les autres des conceptions polythéistes que les Prophètes d'Israël combattaient chez les goyim de Canaan.
A l'époque romane, pagus est lui-même évincé par son adjectif substantivé pagensis qui avait d'abord occupé la place rendue libre par la spécialisation religieuse de paganus. L'interchangeabilité des suffixes -ensis et -anus est un nouvel argument en notre faveur, puisque pagensis prolonge simplement pagus avec l'intégralité de sa large utilisation.
Pagensis survit en français, en provençal (12), en italien et en espagnol sous les formes pays, pais, paese et pais qui n'ont jamais contenu la moindre trace de rusticité. En français, comme dans les autres langues latines, pays est un terme très imprécis qui peut désigner un territoire national (la France, notre pays) — plus souvent une petite région historique, héritière d'un pagus médiéval (pays chartrain, pays messin) (13) — parfois même, dans le langage familier, d'humbles villages ; il s'agit dans ce cas du centre habité plutôt que du ban communal : aller au pays, le pays est loin de la gare, etc... Dans ces derniers exemples, pays est la traduction exacte de vicus et s'est vidé complètement du sens original qui faisait, au début de la latinité, opposer parfois le pagus à son vicus, le ban au pays. Toutefois le sens le plus usuel est bien d'indiquer un lieu quelconque, habité ou désert, ville ou hameau avec des nuances infinies dont la plus connue fera de pays le lieu de naissance, la petite patrie : moun pais, Toulouso. Mais enfin, dira-t-on, pays contient pourtant une notion de rusticité, puisque son dérivé, paysan, est pratiquement synonyme de cultivateur, de terrien : c'est bien là en effet le cœur du débat et le grand argument de l'explication classique. Or, sous ses diverses formes, paisenc, paisant, paisan, qui apparaissent dès le XIIe siècle, paysan signifie simplement « habitant du pays » ; Littré cite des exemples qui vont du XVIe au XIXe siècle où paysannerie et paysanterie ont la même acception. Deux nuances peuvent être devinées :
Le paysan est opposé au noble, il personnifie le Tiers-État en face des ordres privilégiés, comme dans la Rome primitive plebs et patricii. Veut-on des exemples? «N'avait au pays si os, ne bachelier, ne paisant, qui osast au jaiant combattre» (Brut) — Pourquoi voult estre un paisant à un noble homme ressemblant? » (É. Deschamps). — Le paysan est également opposé à l'étranger : « A la longue, n'est nulle des grandes (nations) dont le pays à la fin ne demeure aux paisans » (Commynes).
Il nous faut donc traduire, dans les deux premiers exemples, par « homme du peuple », tandis que « national » ou « indigène » correspond au dernier passage.
Rus, rusticus et urbs, urbanus peuvent bien indiquer parfois une opposition ville-campagne ; la latinité s'est attachée davantage à, préciser le vocabulaire caractérisant les contrastes sociaux et politiques, qu'à définir la limite mouvante séparant le monde urbain du monde rural (14).
Le vilain, villanus, qui habite le grand domaine rural, la villa, est sans doute un terrien, mais surtout un homme du commun, soumis au senior, au dominus de la villa. Colonus, servus ou litus, opposés à ingenuilis, seigneur et vilain, serf et franc, voilà ce qui intéresse chacun, au cours du premier millénaire de notre ère. Bourgeois ne désigne pas tous les habitants du bourg, seulement son aristocratie commerçante et artisanale ; le citain n'est plus le citoyen, ce n'est pas davantage le citadin, la cité n'est que la ville soumise à l'autorité de l'évêque. De même on distinguera ceux des bocages et ceux des plaines, et au village, laboureurs, vignerons, bordiers, brassiers, encore aujourd'hui, parce que ces nuances correspondent à une réalité économique ou sociale. Notre mot « campagne », plus picard que français, était d'abord l'étendue sans arbres, nue comme le campus où les soldats de Rome préparaient la conquête du monde ! La meilleure preuve de la désaffection des peuples anciens et médiévaux à l'égard d'un problème essentiellement contemporain est obtenue par le rapprochement de tous ces termes d'une même famille sémantique et qui désignent aujourd'hui des réalités différentes : vicus et villa, village et ville (15).
Le paganus, l'homme du pays, l'homme du peuple, l'indigène, devait obligatoirement être oublié lorsque les chrétiens eurent adopté le mot pour remplacer gentilis et pour traduire un hébraïsme assez peu facile à faire pénétrer en grec et en latin. Le sens même cessa d'être perçu et les hypothèses étymologiques essayèrent d'abord de trouver dans le langage profane une origine exprimant le mépris (16) où sombrait finalement le paganisme.
Un païen n'avait jamais pu être qu'un être ignare, le mot lui-même n'avait jamais désigné que la plèbe des campagnes. Et cependant, nombreux sont les textes lumineux à ce sujet !
Une première réaction, au XVIe siècle, avait fait abandonner l'étymologie paganus : rustre, sauvage, barbare — au profit de paganus : paysan, cultivateur. Une seconde devait, plus récemment voir, dans paganus, le civil, en face du miles Christi (17). J'ai tenu à reprendre les exemples invoqués par les tenants de ces trois positions et à montrer qu'il est impossible de voir autre chose en eux que l'idée courante, nuancée par le contexte, d'habitant du pays, que ce pays soit, suivant les cas, un hameau, une contrée sauvage, une ville importante ou même la capitale de l'Empire romain.
Pour saint Augustin, le sens initial de païen est encore clair, ce n'est qu'un synonyme vulgaire de « gentil » : infidelium, quos vel gentiles, vd jam vulgo usitato nomine paganos appellare consuevimus (Epistolae, Pair, lat., XXXIII, p. 791).
Les écrivains chrétiens postérieurs se perdent déjà en hypothèses, mais ils essayent tous de donner au terme méprisé une étymologie justifiant ce mépris ; ils s'adressent même au grec : Nemo nescit paganos a villa dictos : quia pagos graece, villa dicitur latine (Cassiodore, Expositio in Cantica canti-corum, VII, 2). — Ou bien : Pagani ex pagis Atheniensium dicti ubi exorti sunt. Ibi enim in locis agrestibus et pagis gentiles lucos idolaque statuerunt (Isidore de Séville, Etymologiae, VIII, 10) (18).
Le dernier auteur est d'ailleurs obligé d'ajouter, à, pagus le qualificatif agrestis pour donner un sens à son explication : preuve que pagus seul était impropre à, exprimer cette idée. Prudence et Orose, sans chercher si loin, usent du même artifice : Sint haec barbaricis gentilia numina pagis (Peri-stephanon, 449) — Qui... ex locorum agrestium conpitis et pagis pagani vocantur (Historiae, 9) (19).
Estimant à juste titre insuffisants les exemples précités, tout en continuant à, partager, avec quelques nuances, des idées analogues, les historiens ont appelé à leur aide les textes de la littérature profane, en général antérieurs au christianisme, et où paganus montre facilement sa signification habituelle. Ils ont voulu y trouver un parfum de terroir, examinons-les à notre tour :
1° Abducunt pagani... vinctos in Tullianum (Apulée, Métamorphoses, IX). — Les pagani sont ici les forces de la police montée, manipulus armati, poursuivant les charlatans qui avaient dérobé un calice d'or dans le temple de la Bonne Déesse de la ville voisine. Traduisons donc : «les gens du pays ».
2° Lex pagana in plerisque Italiae praediis (Pline, Hist., XXVIII). — Loi paysanne certes, mais plutôt coutume locale, enjoignant, dans de nombreux domaines ruraux italiens, de ne pas tourner les fuseaux en marchant, sous peine de malheur pour la moisson.
3° Nullum est in hac urbe conlegium, nulli pagani aut montani (quoniam plebei quoque urbanae majores nostri conventicula et quasi concilia quaedam esse voluerunt) qui non amplissime, non modo de soluté mea, sed etiam de dignitate decreverint (Cicéron, Pro domo, 74). — Faut-il traduire : « les habitants des bourgs ou des hauts quartiers de la ville », ou bien : « les habitants des quartiers de la périphérie ou ceux du Septimontium » ? Il ne s'agit en tout cas que des habitants de l’urbs, sans les faubourgs, continentia, à l'exclusion de la banlieue, territorium (20). Si les pagani avaient été les gens des faubourgs, pourquoi Cicéron les citerait-il en premier lieu? Les montani sont vraisemblablement les habitants de la ville aux sept collines, montes, c'est une appellation familière, et qui désigne sous la plume de Cicéron, un peu ironiquement, les indigènes de la capitale et spécialement la plèbe (21), les gens du cru ; les pagani ne sont pas autre chose, les gens du pays, les romains du peuple, qui, dans leurs réunions, votent des motions en faveur de Cicéron. Pagani ne s'oppose pas à montani, le second terme ne fait que renforcer le premier ; Pompeius Festus écrivant montani paganive les présente comme synonymes ; il faut traduire : il n'y a pas à Rome un seul homme du pays, un seul habitant des collines....
4° Paganum Medulis jubeo salvere Theonem (Ausone, Epistolae, IV, 2). — Nous retrouvons ici la même nuance un peu familière ; Théo est qualifié de paganus parce qu'il habite une hutte de roseaux, non point comme tous les paysans, mais comme les habitants du pays, du Médoc, où il s'est retiré. Théo, l'indigène, le « native ».
5° Usque in Tectosagos paganaque nomina Belcas (Ausone, Urbes nobiles, 297). —- Les Volques ont conservé leurs noms nationaux, celtiques, ils n'ont pas adapté l'onomastique latine, la campagne n'a rien à voir avec la question.
6° Ipse semi-paganus — Ad sacra vatum carmen adfero nostrum (Perse, Satirae, Prologus). — La traduction habituelle, « profane », ne s'explique que par la restriction amenée par semi ; Perse est, selon lui, un médiocre poète, il est seulement à moitié du pays des Muses, il n'est pas complètement de la partie. La qualité de paysan ou même de civil importe peu et Nemethy avait raison d'écrire : Persius se semipaganum dicit, quia se totum pago poetarum adnumerare non audet, et également : Pagani dicuntur qui ejusdem pagi sunt.
Opposer les païens aux soldats du Christ, et trouver dans les textes des exemples où les pagani sont les civils en face des militaires, est un essai tenté fréquemment ; il est intéressant, et M. Zeiller lui-même a reconnu que dans certains cas une traduction semblable était justifiée. J'ai également repris la plupart des exemples, et, là aussi, l'interprétation proposée ci-dessus m'a paru préférable.
1° Aditum dédit militi vel pagano ad investigandum fugit in praedia senatorum vol paganorum (Ulpien, Dig., XI, 4). — Paganus s'oppose d'abord à miles, puis à senator ; dans les deux cas, l'habitant du pays, le simple particulier, est visé ; « civil » est impropre, car les sénateurs sont aussi des civils.
2° Pars dassicorum mixta paganis (Tacite, Hist., II, 14). — Curieux civils qui sont aussi habiles à la fronde que les marins romains ; il faut encore traduire : « les gens du pays », « les indigènes ».
3° Ipsi pagani favore municipali et futurae potentiae spe juvare parte adnitebantur (Tacite, Hist., 43). — M. Zeiller traduit : la population civile elle-même, par zèle pour un compatriote ; ce dernier terme indique que, là aussi, les « gens du pays » sont seuls mis en cause.
4° Obvius eis fuit cum XXX millibus paganorum dux Poenorum Hanno (Justin, Hist. Univ., XXII). — Voilà un texte qui a bien embarrassé les traducteurs ; M. Zeiller juge peu vraisemblable, à, juste titre, une troupe de 30 000 civils ou de 30 000 paysans ; il écrit à ce sujet : « Paganorum doit être une faute pour Poenorum, qui aurait été répété à tort ou à raison. » II s'agit plus simplement d'une troupe de 30 000 soldats « indigènes », recrutés par Hannon parmi les « gens du pays ».
5° Veterani et pagani consistentes apud Rapidum murum a fundamentis lapide quadrato exstruxerunt, pecunia et sumpta omni suo, id est veteranorum et paganorum intra eumdem murum inhabitantium (Corpus, VII, 20 834) (22). — Les vétérans, anciens légionnaires démobilisés et envoyés comme colons en Afrique, sont aussi des civils ; ils ne diffèrent des indigènes qui les entourent que par leur titre de citoyens romains ; les pagani sont ici également les gens du pays, élevant avec les vétérans ces mûri paganicenses que les populations de l'Empire édifiaient un peu partout à leurs frais pour se protéger des brigands rendus hardis par la carence de l'État.
Tous ces exemples nous montrent que si les pagani sont parfois des ruraux ou des civils, ils constituent avant tout la population ordinaire d'un endroit donné, et ne sauraient par conséquent être considérés comme identiques aux rustici ou aux togati (23) mentionnés par ailleurs. Il est donc normal, dans ces conditions, que le vocabulaire chrétien ait été peu à peu amené à user du terme paganus à la place du plus littéraire gentilis.
Le sens péjoratif de paganus est donc uniquement imputable à son utilisation par les chrétiens, il a rapidement fait oublier l'étymologie véritable du mot et donné naissance à des hypothèses non confirmées. Il faut chercher ailleurs des indices qui permettent de suivre la diffusion de l'Évangile à travers le monde antique ; cette diffusion a dû s'opérer de façon fort diverse selon les régions et c'est dans l'histoire et l'archéologie de chaque province que nous pourrons trouver quelques lueurs à ce sujet. Il n'est en tout cas nullement prouvé que les doctrines chrétiennes reçurent un accueil plus favorable dans les villes et les bourgs qu'au milieu des masses rurales de l’orbis romanus ; les rustici dans leur ensemble furent peut-être d'aussi bons prosélytes que les urbani — et les pagani opposèrent sans doute une résistance aussi grande dans les villes que dans les campagnes. Le paganisme ne s'identifie pas avec la rusticité ; l'emploi du terme est simplement imputable aux origines hébraïques du vocabulaire chrétien.
MICHEL ROBLIN
Notes :
1. Jacques ZEILLER, Paganus, étude de terminologie historique, Paris, 1917 (thèse compl. pour le doctorat es lettres, Paris). -— Le présent article est le développement d'une communication faite en 1950 aux Antiquaires de France, en présence de Jacques Zeiller. L'intérêt que ce maître a bien voulu prendre à mon modeste essai m'a incité à poursuivre mes recherches. Qu'il trouve également ici un remerciement pour l'usage que j'ai fait, abondant, de références et d'exemples allégués dans son étude.
2. René VIELLIARD, Recherches sur les origines de la Rome chrétienne, Paris, 1941.
3. Les superstitions de nos campagnards, en plein XXe siècle, n'empêchent pas l'existence de leur foi chrétienne moins abstraite peut-être et moins théologique que celle des citadins. Les ruraux de l'Empire romain mêlèrent peut-être plus longtemps des souvenirs mythologiques aux leçons de l'Évangile, même si leur conversion était ancienne, antérieure même à celle des villes qui adoptèrent sans doute une foi plus épurée. Mais tout cela nous conduit aux Ve et VIe siècles, alors que le terme paganus était employé depuis deux siècles.
4. L'École de Philosophie d'Athènes sera fermée seulement en 529.
5. Épitaphe de Catane (300-330), Commentaire de Marius Victorinus (t 361), Rescrit de Valentinien Ier (370) : le terme était donc employé à la fin du IIIe siècle.
5. Édit de Milan (313),- mort de Julien, dernier empereur païen (363), retrait de la statue de la Victoire du Sénat et derniers jeux olympiques (394). En ce IVe siècle finissant, les succès de saint Martin eussent-ils été aussi considérables s'il s'était adressé aux foules de Constantinople, de Rome, de Carthage et d'Alexandrie (émeutes païennes de 391)? En réalité, le paganisme rural offrait peut-être moins de résistance que le paganisme urbain. Ce dernier semble être « tombé » comme un fruit mûr, lorsque tout l'Empire fut devenu chrétien. La fin du paganisme nous est plus inconnue que les débuts du christianisme.
6. Les plus grands écrivains latins sont nés et ont souvent vécu de longues années dans d'obscures bourgades : Salluste à Amiterne, Varron à Réate, Virgile à Andes, Horace à Venouse, Ovide à Sulmone, Juvénal à Aquinum. Les urbains comme Tite-Live (Padoue), Sénèque et Lucain (Cordoue), les deux Pline (Corne) n'ont peut-être pas fourni aux lettres antiques une contribution plus grande que les ruraux. Sans doute la ville avec ses mécènes a-t-elle toujours finalement attiré à elle les beaux esprits, elle ne les a pas toujours produits : remarque valable pour d'autres temps et d'autres pays. — II faudrait d'ailleurs pouvoir prouver l'attrait de l'Évangile sur les milieux cultivés antiques, à l'esprit façonné depuis des siècles par une conception toute différente de la morale et du monde.
7. Bien qu'étymologiquement goy désigne un peuple quelconque et aussi l'un de ses membres (gens et gentilis), le terme se restreint pratiquement aux peuples étrangers à la loi de Moïse. Le peuple des Douze Tribus est alors désigné par le substantif Am qui continue cependant à être pris dans une acception générale.
8. André PIGANIOL, L'Empire chrétien, 1947, p. 382.
9. Pangere, « fixer » et « ficher ». Pagus désigne, au concret, la borne fichée ; pax et pactus, à l'abstrait, la convention qui fixe les accords.
10. Ces vici qui furent souvent le noyau des chrétientés provinciales.
11. Gens, de génère, « engendrer », désigne surtout le clan, à l'origine purement patricien, dont tous les membres se considèrent comme les descendants d'un ancêtre commun. Le mot finit par être pris souvent dans le sens restreint de familia, « famille » ou, au contraire, dans le sens général de « tribu », « nation », « peuple ». — Civitas désigne à l'origine l'ensemble des hommes libres, cives, des « citoyens », puis les droits afférents à cette communauté et finalement le territoire lui appartenant.
12. En provençal cévenol, une forme locale, pagès, désigne le propriétaire, en opposition à la masse des journaliers et des paysans sans terre.
13. Les noms de la plupart de nos provinces sont issus d'anciens adjectifs qualifiant les pagi : Pagus Lemovicinus, Limousin ; Pagus Andecavus, Anjou ; Pagus Aurelianensis, Orléanais ; Pagus Gratianopolitanus, Graisivaudan ; etc... L'adjectif a été peu à peu substantivé, mais son genre, le masculin, reste garant de son origine.
14. Pour l'habitant de la grande ville, la bourgade est déjà la campagne ; pour le fermier ou le cultivateur du hameau, du village, le plus modeste chef-lieu de canton prend valeur de ville. De même dans l'Antiquité, le vicus est peut-être une ville pour le servus de la villa voisine, il est sûrement la campagne pour les habitants de l’urbs, capitale de la civitas. Et que dire de pays comme l'Italie, où les paysans, les cultivateurs, habitent souvent dans des villes !
15. La racine indo-européenne de toute cette famille désigne simplement un groupe de maisons. L'origine de urbs est douteuse, les rapprochements avec orbis, « cercle » (d'où enceinte?) ou avec urvum, « manche de charrue » (d'où sillon de l'enceinte?) ont semblé peu probants à MM. Ernout et Meillet, qui pensent à un emprunt à une langue non indo-européenne. Les civilisations urbaines se sont développées en effet en Orient et sur les bords de la Méditerranée avant les invasions aryennes. Rus est au contraire bien latin, mais ne désigne à l'origine que l'espace libre ; il s'oppose autant à domus qu'à vicus ou qu'à urbs !
16. Évolution semblable chez les juifs. Goy a fini par être inséparable de notions qui lui étaient au début totalement étrangères. Aujourd'hui même, en judéo-allemand (yidich), l'adjectif goisch signifie couramment « grossier », « de mauvais goût », « de mauvaise qualité ». Le terme hébraïque est d'ailleurs passé sans être traduit dans tous les dialectes juifs de la Diaspora, et il est probable qu'à Rome les Juifs parlant latin n'employaient pas gentilis. Ce dernier terme était aussi resté beaucoup trop près de son sens étymologique pour être pris en mauvaise part et l'on comprend que les chrétiens aient vite senti le besoin de distinguer les individus de noble naissance, les gentilshommes, des païens méprisés.
17. Th. ZAHN, Paganus (dans Neue Kirchliche Ztschr., 1889, p. 18-44), et B. ALTANER, Paganus (Ztschr. Kirchen Geschichte, 1939) ont exposé les arguments de cette théorie. J. ZEILLER avait répondu au premier en 1917 dans l'ouvrage déjà cité, il a répondu au second en 1940 (C. R. Académie des Inscript., p. 526).
18. Il y a bien un substantif grec qui se rattache d'ailleurs comme pagus à une même racine indo-européenne signifiant « fixer ». Mais l'évolution sémantique grecque a suivi d'autres détours
19. Il est dommage que les Latins n'aient pas vu dans la « borne » (pagus est pris ici dans son sens étymologique) le symbole de l'entêtement et de l'incompréhension : les pagani auraient été considérés par Orose comme les individus bornés !
20. Aucun rapport entre les pagani de Cicéron et les pagi des quatre tribus primitives de Servius Tullius, annexes des vici intra-muros. Ces pagi furent bientôt transformés en tribus rusticae, au fur et à mesure de l'accroissement du domaine de Rome à travers l'Italie ; on en comptait trente et un à l'époque de Cicéron, et le qualificatif rusticae n'indique rien d'autre que leur situation à l'extérieur du pomoerium de Rome, puisqu'elles comprenaient toutes les villes italiennes pourvues de la civitas romana. Ces pagani aut montani habitent au contraire les vici intra-muros, ils composent les quatre tribus urbanae.
21. On retrouve ce sens chez Pompeius Festus : Minervam pagani pro sapienta ponebant (« Minerve incarnait la sagesse chez les gens du peuple ») — et Empanda, dea paganorum («Empanda, divinité populaire»).
22. Cette inscription m'a été signalée par M. W. Seston ; il incline à voir dans les pagani des civils ; ils le sont évidemment, mais pas plus que les vétérans, la différence entre les deux est d'ordre juridique et politique.
23. Togatus, revêtu de la toga, vêtement du citoyen sans armes (togae dotes, cédant arma togae, etc...) correspond seul à notre « civil ». Civilis qualifie tout ce qui se rapporte au civis, au « citoyen », et n'est « civil » qu'en terme juridique pour s'opposer à « naturel », naturalis.
Sources : ANNALES – Avril, Juin 1953 – Librairie Armand Colin.
HISTOIRE DE LA MUSIQUE par Lucien Rebatet
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- Catégorie : CULTURE ENRACINEE
Pour la première fois, une histoire de la musique commence 60 000 ans avant J.-C., à l'époque de la flûte aurignacienne, et se termine aujourd'hui même, sur le mugissement synthétique (« foule, friture de radio, orage ? ») que répandent « à des niveaux assourdissants d'intensité » les haut-parleurs du compositeur grec Xenakis.
Mais peut-on vraiment la considérer comme terminée, cette nouvelle histoire de l'art musical, quand son auteur, Lucien Rebatet, plonge au plus profond de fascinants et inquiétants « lendemains qui chantent », en brossant pour conclure le portrait de quatre musiciens qu'il tient parmi les plus «avancés » de notre temps : Pierre Boulez, Stockhausen, Luciano Bario, Jean Barraqué? Ils ont multiplié et dépassé l'aventure « sérielle », se sont dressés « contre la dégradation publicitaire des entreprises de massification musicale » et cultivent, dans leurs chaudrons harmoniques, « le goût du rare et de la recherche ».
Prenant ainsi parti pour l'avenir, Lucien Rebatet s'est engagé dans la forme la plus « militante », la plus contestée, la plus aiguë de la sensibilité musicale contemporaine. Une sensibilité ouverte au déferlement diluvien et quotidien de « l'édition musicale vivante », comme l'appelait Vuillermoz.
La radio, les microsillons, l'assaut, devenu planétaire, des récitals, concerts et festivals, nous condamnent à épouser une époque musicale que Rebatet tient pour « la plus attachante qui soit ».
Est-ce un paradoxe ? « Non, écrit-il, car cette époque est celle d'un syncrétisme qui réconcilie Brahms et Wagner, Verdi et Schoenberg, interroge tous les continents, redécouvre son bien dans les archives de vingt siècles, en même temps qu'elle voit s'affirmer l'une des révolutions les plus ambitieuses et les plus radicales qui aient secoué l'art des sons. »
Le moins qu'elle puisse exiger, n'est-ce pas une histoire de la musique qui explicite et entérine ses récentes découvertes, réponde à ses curiosités nouvelles, à son goût tout neuf?
Belle occasion de pourfendre la routine et de tourner en dérision « les agenouillements naïfs ». Mais plus encore de rebâtir l'édifice, de l'éclairer, de le charpenter à neuf et de le repeindre, quand il est besoin, à force d'arguments « vécus ».
Telle est, précisément, l'originalité majeure de ce traité de près de sept cents pages, qui se lit d'un trait, comme la relation d'une expérience personnelle. Une expérience deux fois vécue.
L'auteur n'a pas seulement puisé aux comptes rendus de concerts, aux critiques de récitals et spectacles lyriques nationaux et internationaux (Bayreuth, Glyndebourne, etc.) qu'il a accumulés depuis l'âge de vingt-cinq ans. Il s'est astreint, depuis trois ans, à écouter, réécouter, analyser, graver dans sa mémoire des centaines d'enregistrements des plus grands chefs d'orchestre, instrumentistes et chanteurs d'aujourd'hui, pour recouper ce qu'il avait appris en audition directe, et reconstituer une histoire que l'on peut tenir pour directe et exemplaire de l'art musical.
Grâce aux microsillons modernes, les styles comparés d'un Backhaus, d'un Gieseking, d'un Yves Nat, d'un Wilhelm Kempff, exécutant par exemple la suite des «Sonates» de Beethoven, s'opposent et se complètent pour entraîner l'auditeur, au-delà des interprétations pédagogiques et unilatérales dont ces œuvres sont d'ordinaire victimes, jusqu'à leurs replis spirituels les plus secrets, on peut dire jusqu'à leur essence.
L'«Histoire de la musique» de Rebatet est aussi celle de l'intelligence, du savoir, du goût musical de notre époque.
Le musicien compare, analyse et juge; mais c'est le romancier qui tient la plume. Un romancier que, pour notre part, nous rangeons volontiers avec les Marcel Aymé, Louis-Ferdinand Céline, Raymond Abellio, parmi les écrivains de cette seconde moitié du demi-siècle qui ont élargi, renouvelé, dépassé le genre.
A quoi le reconnaissons-nous ? A ce style si fortement marqué de rationalisme national et de verve de terroir, dauphinoise et lyonnaise, qu'on ne saurait comparer à aucune autre façon d'écrire.
Aussi sommes-nous redevables à cette histoire de la musique de « tableaux » utiles, bariolés, grouillants de vie; celui du XVIIe siècle bolonais et napolitain, par exemple, le siècle des castrats adulés et enrichis qui tenaient lieu de « prime donne », et des théâtres lyriques qui poussaient dans les grandes villes d'Italie comme autant de salles de cinéma, car les opéras d'alors « étaient les films d'aujourd'hui » et faisaient une prodigieuse consommation de « remakes ».
S'agit-il du portrait des compositeurs ? Il est étroitement enlacé au « portrait » de leur œuvre, ce qui nous vaut, entre vingt exemples, la vision inattendue de ce grave doctrinaire de l'harmonie : Jean-Philippe Rameau, dépeint comme un Bourguignon haut en couleurs, doté d'une grande « carcasse décharnée », à voix rauque et bougonne, mais sachant se dérider, se « déboutonner » devant quelque table de son pays bien garnie.
Et voici les réputations historiques hardiment retaillées et réajustées aux dimensions qu'appellent les mérites exacts du bénéficiaire : celle de Palestrina, par exemple, quelque peu entachée d'académisme; celle d'Erik Satie, fabriquée par le snobisme et la facétie mondaine. Voici, en l'honneur d'un Purcell, d'un Schutz ou d'un Manier et de dix autres maîtres du passé, les couplets volontiers vibrants, mais strictement motivés, de la réhabilitation. Avec les pages incisives, mordantes, pittoresques, voire picaresques, qui ne manquent jamais, toutefois, de préfacer, d'enrober ou de conclure l'attentive définition musicologique, la rigoureuse analyse d'un style, alternent les chapitres émus, souvent saisissants, où l'auteur évoque, comme dans une sorte de reportage, la lutte des déshérités du succès contre la pauvreté, la maladie, l'incompréhension du monde, et leurs propres passions. Ce sont les plus grands. Ils s'appellent Mozart, Beethoven, Berlioz, Wagner, Debussy, Moussorgsky.
Quel est le thème ? Celui de l'évolution à caractère « progressif » de la musique, autrement dit celui de son développement technique et esthétique, tel qu'il va s'amplifiant et s'intensifiant, siècle par siècle, année par année, compositeur par compositeur, du Moyen Age jusqu'à nos jours, au grand désespoir des défenseurs « évolués » du « sauvagisme » sonore et de « l'art brut » musical.
Aucune histoire de la musique n'a, certes, oublié d'invoquer les différentes étapes de ce « développement ». Mais l'art de Rebatet est d'avoir articulé les trouvailles successives, à rythme désordonné, des grands inspirés de la musique, en mode de « fondu enchaîné », pour employer un langage qui lui est familier, de les avoir définies par des formules décisives, et d'avoir unifié la démarche, ou, comme il dit, «dégagé la ligne de faîte» de l'évolution musicale. Monodie du plain-chant, équivalant à l'égalité et à l'anonymat de la prière; polyphonie glorieuse du Moyen Age français; récitatif de l'opéra italien ; création italienne du répertoire instrumental, y compris l'invention de la symphonie ; construction, par plans architecturaux majestueux, de l'oratorio cher à Haendel ; puissance de l'organisation contrapunctique et sacrée qui s'épanouit sous les doigts de Bach, cet «ordinateur » qui brasse toutes les formes et interfère tous les langages ; humanisme de Mozart qui sait transformer en dessin mélodique mordant, et plein de sens, le lieu commun italien; mouvement dramatique ininterrompu de Weber ; paroles transfigurées par Schubert en poème musical; piano qui devient sous les doigts de Schuman le partenaire d'un chant, qui précède, prolonge et dépasse le sens des mots; génie wagnérien qui remet tout en question, rompt les digues du langage musical, déverse dans le chant l'emportement symphonique beethovénien ; « mélodie de timbres » de « ParsifaI », reprise en mode de subtil impressionnisme par Debussy, qui préfigure dans ses «Jeux » les libérations rythmiques et harmoniques d'aujourd'hui ; fastueuse polytonalité des «conversations en musique » que Richard Strauss substitue à l'arioso wagnérien; révolution orientale et folklorique de Stravinsky, et « expressionnisme » de Schoenberg, Alban Berg, Webern, «sciant les barreaux des fonctions tonales », et ouvrant aux combinaisons de l'harmonie et du contrepoint un champ illimité. Aucun historien de la musique n'a défini avec plus d'aisance, d'ingéniosité et d'énergie que Lucien Rebatet la nature et la fonction de ces révolutions.
On conçoit qu'emporté par la logique du sujet, le fougueux historiographe de cet art séculaire considère que la musique d'aujourd'hui constitue le terme naturel du « développement » dont il vient de faire revivre le piquant et dramatique romancero. On conçoit qu'il en prophétise le super-développement et le succès. Avec courage, comme on peut le voir, mais non pas sans inquiétude, pour ne pas dire sans angoisse.
Georges HILAIRE
Sources : Le Spectacle du Monde – juin 1969
I-Média n°305 – L’offensive anti-blanc se poursuit
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Les fabricants ont manqué des signes distinctifs de la race supérieure : F. NIETZSCHE
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Les soldats et leurs chefs ont encore des rapports bien supérieurs à ceux des ouvriers et des patrons. Provisoirement du moins, toute civilisation à base militaire se trouve bien au-dessus de tout ce que l’on appelle civilisation industrielle : cette dernière, dans son état actuel, est la forme d'existence la plus basse qu'il y ait eu jusqu'à présent. Ce sont simplement les lois de la nécessité qui sont ici en vigueur : on veut vivre et l'on est forcé de se vendre, mais on méprise celui qui exploite cette nécessité et qui s'achète, le travailleur.
Il est singulier que la soumission à des personnes puissantes, qui inspirent la crainte et même la terreur, à des tyrans et des chefs d'armées est d'un effet beaucoup moins pénible que la soumission à des personnes inconnues et sans intérêt, comme le sont toutes les illustrations de l'industrie. Dans le patron, l'ouvrier ne voit généralement qu'un homme rusé et exploiteur, un chien qui spécule sur toutes les misères et dont le nom, l'allure, les mœurs, la réputation lui sont tout à fait indifférents. Les fabricants et les grands entrepreneurs du commerce ont probablement beaucoup trop manqué, jusqu'à présent, de toutes ces formes et de ces signes distinctifs de la race supérieure, qui sont nécessaires pour rendre des personnes intéressantes ; s'ils avaient dans leur regard et dans leur geste la distinction de la noblesse héréditaire, il n'existerait peut-être pas de socialisme des masses.
Car, au fond, les masses sont prêtes à l'esclavage sous toutes ses formes, pourvu que celui qui est au-dessus d'eux affirme sans cesse sa supériorité, qu'il légitime le fait qu'il est né pour commander — par la noblesse de la forme ! L'homme le plus vulgaire sent que la noblesse ne s'improvise pas, et qu'il lui faut honorer en elle le fruit de longues périodes, — mais l'absence de formes supérieures et la fameuse vulgarité des fabricants, avec leurs mains rouges et grasses, éveillent en l'homme vulgaire la pensée que ce n'est que le hasard et la chance qui ont élevé ici l'un au-dessus de l'autre : eh bien ! décide-t-il à part lui, essayons une fois, nous, du hasard et de la chance. Jetons les dés ! — et le socialisme commence.
F. Nietzsche - Le Gai Savoir, Trad. de Henri Albert – Ed. MERCURE DE FRANCE.
Frédéric II de Hohenstaufen, l'empereur « antéchrist» par Pierre VIAL
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«Le monde fut trompé par trois imposteurs : Moïse, Jésus et Mahomet.»: Frédéric II
«Le soleil du monde s'est couché qui luisait sur les peuples». Ainsi Manfred apprit-il à son frère Conrad la mort de leur père, Frédéric II de Hohenstaufen.
Empereur d'Allemagne grandi sous la lumière de Sicile, roi de Jérusalem excommunié, ami des arts et administrateur de génie, ce souverain est l'une des figures les plus attachantes du Moyen Age. En lui se nouent toutes les contradictions de son temps et l'annonce, encore vague, des siècles chatoyants de la Renaissance.
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Dans les veines de l'empereur Frédéric coule un sang prestigieux,- celui de ses deux grands-pères dont il porte les prénoms, Frédéric et Roger. Le grand-père Frédéric, c'est Frédéric Barberousse, l'empereur allemand dont la mort héroïque est digne des plus belles pages de la chevalerie — il fut emporté par les eaux tumultueuses du fleuve Salef alors qu'il conduisait ses troupes à la reconquête de la Terre sainte. Le grand-père Roger, lui, est le fondateur du royaume normand de Sicile, et ses exploits ont fait trembler pendant trente ans la papauté, Byzance et l'Islam. Hohenstaufen et Hauteville : Frédéric, par les deux lignées de ses ascendants, personnifie le vieux rêve impérial d'une puissance européenne étalée de la Baltique à la Méditerranée.
Allemand par son père, l'empereur Henri VI, normand par sa mère, l'impératrice Constance, Frédéric naît dans une bourgade proche de l'Adriatique, lesi, dans la marche d'Ancône.
Couronné roi d'Allemagne à deux ans — son père a voulu prendre cette précaution, pour assurer la continuité de la dynastie - Frédéric monte sur le trône de Sicile à quatre ans.
Avant de disparaître à son tour, quelques mois plus tard, la reine Constance confie au pape Innocent III la tutelle de Frédéric - et par là même le royaume de Sicile.
C'est une belle carte dans le jeu d'un pape qui plus qu'aucun de ses prédécesseurs entend développer et faire passer dans les faits au maximum les principes théocratiques (c'est-à-dire l'affirmation de la supériorité du pouvoir spirituel, représenté par le pape, sur le pouvoir temporel, représenté par l'empereur). Depuis le XIe siècle, une longue lutte, tantôt sourde, tantôt déclarée, a opposé la papauté et l'empire. Frédéric Barberousse a failli imposer la suprématie impériale, mais la papauté a réussi à dresser contre lui nombre de villes italiennes et à contenir ainsi ses ambitions. Il ne faut plus, jamais, qu'un empereur germanique puisse, en contrôlant l'Allemagne et l'Italie, tenir en respect le pouvoir du successeur de Saint-Pierre. En confiant le petit-fils de Barberousse au chancelier pontifical Gautier de Palearia, le pape Innocent III pense bien exercer à la lettre son droit de tutelle et couper suffisamment les ailes de l'aiglon pour qu'il ne puisse jamais prendre son envol.
L'enfance de Frédéric se passe dans un climat d'intrigues. Autour de lui, des clans se disputent l'influence. Il durcit son cœur. Son corps aussi, car il a déjà cette passion de la chasse, des oiseaux de proie qui ne le quittera jamais. Il s'initie, dans le même temps, aux jeux de l'esprit et manifeste une soif de savoir qui étonne et réjouit ses maîtres. Il a, pour ce faire, la chance de vivre dans un milieu privilégié.
Frédéric restera toute sa vie profondément attaché à la douceur de vivre et à la sensualité de la Sicile. D'où les accusations de débauche portées contre lui par ses ennemis.
En 1208, à quatorze ans, il atteint sa majorité légale.
Quelques mois plus tard, le pape Innocent III décide de le marier. L'épouse sera Constance d'Aragon, veuve du roi de Hongrie et de dix ans plus âgée que Frédéric. Le choix du pape est clair : en unissant maison d'Aragon et maison de Sicile il compte bien constituer à son profit une coalition dont le poids en Méditerranée sera décisif contre l'Islam.
Plus que de sa nouvelle épouse Frédéric se soucie d'imposer son autorité dans son royaume. Ce garçon à peine sorti de l'adolescence va manifester très vite les qualités d'un grand souverain. Il publie sans tarder un édit ordonnant à tous les propriétaires terriens de soumettre tous leurs titres de propriété à la curie royale aux fins d'examen. C'était, d'un trait de plume, mettre en question les pouvoirs de la féodalité, acquis au détriment de l'autorité royale. Les plus puissants barons s'étant révoltés, leurs châteaux sont assiégés, pris et rasés, les rebelles jetés en prison. Les musulmans, quant à eux, sont avertis qu'ils conserveront le droit de vivre selon leurs usages et croyances sur le sol sicilien à condition de manifester une fidélité sans faille au souverain. Puis, pour compléter l'affirmation de son pouvoir, Frédéric renvoie à leurs chères études les «conseillers» que le pape avait placés près de lui depuis son enfance, et tout spécialement le chancelier Gautier de Palearia.
I
Deux empereurs pour un empire
Innocent III va-t-il supporter cette émancipation ? Oui, car il a besoin de Frédéric. Le Welf Otton de Brunswick, qui a solennellement promis, avant d'être couronné empereur, de respecter scrupuleusement les droits, tous les droits, du Saint-Siège, s'est dépêché d'oublier ses promesses sitôt couronné. Il entend étendre sa puissance sur la Sicile, en l'enlevant à Frédéric. C'est la renaissance d'une menace contre laquelle la papauté a toujours lutté : le même homme maître de l'Italie du Nord et de l'Italie du Sud prendra dans une tenaille les Etats pontificaux.
Alors que Frédéric a déjà fait armer une galère pour s'embarquer et quitter avec les siens la Sicile dès qu'Otton approchera — le jeune roi n'a pas les moyens militaires de faire face —, il apprend que l'agresseur fait demi-tour, remonte vers le nord, regagne l'Allemagne. En vieux routier, Innocent III a retourné contre Otton le poids de l'institution impériale. Le pape a en effet fait savoir en Allemagne qu'il ne considérait plus Otton comme l'empereur légitime, qu'il l'avait d'ailleurs excommunie et qu'il convenait de le remplacer par Frédéric. Travaillée par la propagande pontificale, la Diète a élu empereur Frédéric.
Voilà affrontés deux candidats à l'empire : mieux, deux empereurs. C'est le type de situation qu'affectionne la papauté : elle peut, en jouant les arbitres, imposer au vu et au su de tous cette suprématie qu'elle revendique sur les choses de la terre comme sur celles du ciel. Mais Frédéric doit encore conquérir cet Empire que vient de lui donner le génie de l'intrigue d'Innocent III. Otton, rentré en Allemagne, n'est pas décidé à céder la place. Il faut aller le déloger.
Sans armée, sans argent pour en lever une, Frédéric II se met en route. Il n'a pour lui que la certitude, inébranlable, d'incarner la majesté impériale, d'être le légitime successeur du grand Barberousse et d'avoir par conséquent pour mission sacrée de restaurer, dans toute sa grandeur, l'empire. Ayant échappé de justesse aux embuscades des Milanais — irréconciliables ennemis des Hohenstaufen — Frédéric II passe en Suisse, où il trouve l'appui armé de puissants ecclésiastiques, l'évêque de Coire, l'abbé de Saint-Gall. Le voilà à la tête d'un embryon d'armée. La ville de Constance, où Otton, accouru avec une forte armée, compte bivouaquer, se donne en fait à Frédéric II.
Otton joue sa dernière carte en juillet 1214, en s'alliant aux Anglais contre la France. Au soir de la bataille de Bouvines, la partie est définitivement perdue pour lui.
Il a abandonné sur le champ de bataille les insignes impériaux et un aigle d'or, que Philippe Auguste fait porter à Frédéric II. Celui-ci peut, un an plus tard, se faire couronner solennellement à Aix-la-Chapelle, selon l'antique cérémonial.
I
Le vieux rêve romain
Frédéric se sent infiniment plus à son aise dans son royaume de Sicile qu'en Allemagne. Par goût personnel, sans doute. Mais aussi, peut-être, parce que la Sicile, par sa position, peut devenir l’épicentre géopolitique d'un empire méditerranéen. Frédéric, qui se remarie en 1225, après la mort de Constance, avec la fille du roi de Jérusalem Jean de Brienne, est probablement hanté par le vieux rêve romain : les aigles impériales régnant d'un bord à l'autre de la Méditerranée. Mais — contrairement à ce qu'ont pu croire certains auteurs — Frédéric II n'a rien d'un utopiste. Il sait bien que, depuis la renaissance de l'empire, sous Otton Ier (962), celui qui porte la couronne impériale est condamné à partager ses soins entre les deux pôles de son domaine, l'Allemagne et l'Italie. Perpétuel écartèlement, qui oblige chaque empereur à un va-et-vient sans cesse recommencé, sous peine de voir l'anarchie se développer dans l'un ou l'autre pays. Frédéric fait taire ses préférences, et s'impose de rester plusieurs années sur le sol allemand.
Pour y faire régner sa paix et son ordre, l'empereur applique deux séries de mesures. Les unes, répressives, matent ou éliminent les seigneurs pillards qui défiaient ostensiblement l'autorité publique. Les autres organisent ce que l'on a pu appeler, à juste titre, une «révolution aristocratique». Il s'agit, en effet, de reconnaître pleinement la volonté d'indépendance des grands féodaux, laïcs ou ecclésiastiques. Ces derniers ont toujours constitué une force de soutien décisive, en face des prétentions pontificales. Frédéric leur accorde des privilèges tels — celui de battre monnaie, par exemple, est révélateur — que l'image politique de l'Allemagne qui en résulte est celle d'une confédération dont les différentes composantes ont leur vie propre, le seul lien véritablement fédérateur étant la personne de l'empereur.
Lorsqu'il revient en Italie, c'est pour recevoir du pape Honorius III - Innocent III est mort en 1216 — les insignes impériaux, à Rome. Cette cérémonie romaine, tradition indispensable pour que la dignité impériale soit reconnue pleine et entière, est chargée d'un symbolisme puissant : coiffé de la mitre d'abord, de la couronne ensuite, tenant dans ses mains le sceptre d'or massif, le globe et l'épée, l'empereur apparait à ses peuples — quoi qu'en dise l'Église — pour ce qu'il est : l'héritier de la tradition franque de la monarchie sacrée, le détenteur de cette «vertu magique, préchrétienne» qui vient du plus profond du paganisme germanique.
I
La petite croix de laine rouge
Le même jour le cardinal d'Ostie vient mettre sur la poitrine de Frédéric II une petite croix de laine rouge : rappel de la promesse faite en 1215, à Aix-la-Chapelle, de partir pour la croisade. Frédéric, à vrai dire, est peu pressé de se mettre en route. Il demande d'abord de reporter son départ jusqu'en 1221. Mais, en 1221, les Sarrasins bougent en Sicile. On reporte donc le départ en croisade pour l'année suivante. Mais la reine Constance meurt. On partira donc en 1225. En 1225, puis 1226, de nouveaux soucis accablent l'empereur : les Lombards intriguent de nouveau. L'embarquement, c'est juré, aura lieu en 1227. Honorius III disparaît avant d'avoir vu partir l'empereur.
Le successeur d'Honorius, Grégoire IX, n'est pas homme à supporter longtemps les tergiversations. Frédéric s'embarque, certes, mais en pleine mer son navire fait demi-tour : une épidémie frappe ses troupes, lui-même est malade. Sans hésitation, Grégoire IX frappe l'empereur du décret d'excommunication, délie ses sujets de leur serment d'obéissance, interdit désormais qu'ait lieu la croisade.
l’excommunié à Jérusalem
C'est donc un empereur excommunié qui quitte Brindisi le 28 juin 1228, à la tête de quarante galères voguant vers la Terre sainte. Curieuse croisade en vérité. Frédéric fait savoir au sultan Malek al-Kamil - avec lequel il est en relation épistolaire depuis plusieurs années — qu'il souhaite une solution négociée. Les deux souverains, au grand dépit des fanatiques et intégristes tant musulmans que chrétiens, trouvent un terrain d'accord. Une trêve de dix ans est conclue, les Lieux saints sont cédés aux chrétiens, trois mosquées restant consacrées au culte musulman à Jérusalem. L'empereur excommunié réussit donc, par la diplomatie, là où ont échoué quarante ans de conflit armé. Cela malgré l'opposition du clergé chrétien, qui refuse de célébrer l'entrée de Frédéric à Jérusalem. L'empereur, en un geste qui en dit long, se couronne lui-même roi de Jérusalem. Il prend plaisir, lui qui se sent étranger à tout fanatisme et à tout sectarisme religieux, à converser très librement avec des lettrés musulmans, aussi détachés que lui des passions partisanes. Ce refus de l'intolérance monothéiste ne lui sera jamais pardonné.
De retour en Italie, l'empereur peut se donner tout entier à l'œuvre qui compte pour lui en priorité : créer un État digne de ce nom, baigné et animé d'une culture héritée de l'Antiquité.
Le premier devoir du monarque est d'être un justicier.
Frédéric fait établir un recueil de lois clair et rationnel, les Constitutions de Melfi, qui auront une renommée égale à celle du Code justinien.
Législateur, Frédéric est aussi un administrateur. L'introduction de nouvelles cultures (henné, indigo), les monopoles d'État du sel, du fer, des colorants, de la soie, du chanvre, la mise au point d'une administration financière stricte et efficace fournissent à l'empereur les moyens d'une grande politique. Expert lui-même en matière d'agriculture scientifique, Frédéric intervient personnellement pour encourager certaines initiatives.
La vision romaine de l'Empire qui guide Frédéric II est marquée, symboliquement, par les titres que lui donnent les documents officiels : (Frédéric empereur, César romain toujours auguste, roi d'Italie, de Sicile, de Jérusalem et d'Arles, heureux vainqueur et triomphateur). Même symbolisme sur les augustales, pièces d'or que Frédéric fait frapper et où l'avers porte son effigie en empereur romain couronné de rayons de soleil, le revers l'aigle impériale romaine.
I
Une atmosphère de propreté des plus païennes
Constructeur, il fait édifier des châteaux forts dont les aménagements intérieurs font d'aimables résidences, comme ce Castel del Monte, dont Frédéric est, là encore, l'architecte, et qui était orné de sculptures annonçant, deux siècles à l'avance, la Renaissance. Qui possédait aussi plusieurs salles de bain. «A une époque, note malicieusement Georgina Masson, où la saleté était souvent tenue pour un signe extérieur et visible de la chasteté chrétienne, le bain quotidien de l'empereur, pris même le dimanche, était considéré comme un scandale évident, presque un manque d'égard envers Dieu (...) Il semble d'après cela que la cour de Frédéric était tout empreinte d'une atmosphère de propreté des plus païennes. »
Suspect, pour l'Église, était de même l'intérêt manifesté par Frédéric pour la connaissance scientifique. L'empereur s'intéresse aux sciences naturelles et fait procéder à des expériences médicales. Il s'entoure aussi de poètes, qui font de sa cour un foyer de littérature courtoise. L'empereur lui-même écrit des vers — Dante le tiendra pour le père de la poésie italienne — et rédige un magistral traité de fauconnerie.
Une soif de connaître, de percer les secrets du monde entraîne Frédéric à envoyer aux plus réputés savants du monde musulman des «Questions» destinées à susciter un débat philosophique fondamental. Interrogations sur l'immortalité de l'âme, sur l'éternité du monde qui constituent autant de sujets brûlants.
On comprend que les bruits les plus fâcheux aient été répandus par ses adversaires sur l'orthodoxie chrétienne de Frédéric. En 1239, le pape Grégoire IX l'accuse formellement d'avoir nié que Jésus fût né d'une vierge, et d'avoir déclaré que le monde avait été trompé par trois imposteurs : Moïse, Jésus et Mahomet «De foi en Dieu, il n'en avait aucune», note quant à lui le chroniqueur franciscain Fra Salimbene.
Les dix dernières années du souverain sont marquées par une lutte de plus en plus implacable entre l'empire et la papauté. Le pape Innocent IV «fait de la théocratie une doctrine "totale"» (...) et, allant au bout de sa logique, Innocent IV excommunie et dépose Frédéric II lors du concile de Lyon, en 1245.
Seule la mort, pourtant, pourra abattre son adversaire. Sa disparition, en 1250, ouvre pour l'empire une tragique période d'abaissement : c'est «le grand interrègne». «Le grand règne de Frédéric II finit en catastrophe, remarque Robert Folz. Mais, si celle-ci emporta l'empire en tant qu'institution (...) elle ne peut déraciner de l'esprit des hommes l'espérance que le nom du dernier Staufen continuait à cristalliser.» Beaucoup crurent que, comme Barberousse, Frédéric II, réfugié au plus profond des montagnes d'Allemagne, attendait l'heure de faire renaitre l'empire.
P. VIAL
I-Média n°304 – La Convention Citoyenne : manip politique, médias complices
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Le merveilleux païen dans le procès de la Pucelle
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Que n'a-t ’on écrit sur Jeanne d'Arc ? Aujourd'hui encore, des écrivains, qui ne sont pas romanciers mais pensent être historiens, vous content qu'elle ne fut pas brûlée à Rouen, et qu'elle revint en Lorraine sous le nom de Jeanne des Armoises... D'autres, plus sérieux, s'interrogent sur ses origines. Quelques-uns voient en elle une envoyée de Dieu. D'autres se demandent ce qu'il serait advenu de l'histoire du monde si, à Vaucouleurs, plutôt que de l'envoyer au roi de France, on l'avait renvoyée garder ses moutons. Déjà en son temps, l'opinion sur la Pucelle était partagée : certains voyaient en elle une sorcière, tandis que d'autres l'adoraient comme une sainte ou comme une prophétesse. Une chronique - anglaise, évidemment... - du XVe siècle rapportant son arrestation par les Bourguignons énonce sans ambages cette appréciation : « Et le vingt-troisième jour de mai vers la nuit devant la ville de Compiègne, fut prise sur le champ de bataille une femme avec beaucoup de nobles capitaines, qu'on appelait la Pucelle de Dieu, une mauvaise sorcière, par la puissance de laquelle le dauphin et tous nos adversaires croyaient fermement conquérir toute la France, et n'avoir jamais le dessous en aucun lieu où elle serait présente, car ils la regardaient entre eux comme une prophétesse et une grande déesse. »
Bref, chez Jeanne d'Arc, ésotéristes, romanciers, historiens, patriotes à la sauce Pétain, catholiques un peu intégristes, académiciens, cinéastes, fous de Dieu, anglophobes, xénophobes, tous trouvent de quoi les satisfaire. Ce qui explique que l’on a droit à une manne de livres où il y a à boire et à manger...
Mon propos n'est pas l'histoire de Jeanne d'Arc, ni ses origines, ni les causes de sa mission, ni les conséquences de son action, ni ses influences sur l'histoire de la France et de l'Europe... Laissons cela à d'autres, plus compétents.
Mais, puisque, pour certains de ses contemporains, elle était sorcière - ils n'imaginaient pas, les pauvres, qu'un jour elle serait sainte -, il m'a paru intéressant de consulter les pièces de son procès afin d'en extraire tout ce qui a trait au folklore. N'est-il pas souvent question, dans ce procès, de fées ? Et même d'une mandragore ?
De quoi ravir le folkloriste.
Le réquisitoire
Le 27 mars 1431, le promoteur, Jean d'Estivet, chanoine des églises de Bayeux et de Beauvais, lut devant Jeanne d'Arc, les deux juges et les trente assesseurs présents, un acte d'accusation en latin. Jeanne objecta qu'elle ne comprenait pas le latin. Après délibération, juges et assesseurs décidèrent que ce réquisitoire serait lu et exposé en français, et que l'accusée aurait latitude et temps de répondre à chacun des griefs. Un juge, Pierre Cauchon, expliqua à Jeanne qu'ils étaient là pour procéder avec pitié et mansuétude, et non pas dans un esprit de vengeance. Il l'exhorta à se choisir un ou plusieurs avocats parmi ceux qui assistaient au procès dans la grande salle du château de Rouen. Jeanne refusa, disant que Dieu était son meilleur conseil.
Les 27 et 28 mars, Thomas de Courcelles, délégué de l'université de Paris, lut donc à Jeanne, en français, les soixante-dix articles du réquisitoire du promoteur. Les réponses de l'accusée à chaque article furent enregistrées. Ce réquisitoire se basait notamment sur une enquête ordonnée par Pierre Cauchon auprès des habitants de Domremy.
Dans le réquisitoire contre Jeanne d'Arc, à l'article IV, on lit : « Dans sa jeunesse, elle n'a appris ni sa croyance ni les principes de la foi, mais elle a été instruite et initiée par certaines vieilles femmes à faire des sorcelleries, divinations, et autres pratiques superstitieuses ou arts magiques. De tout temps, plusieurs habitants de ces villages ont été réputés comme de fervents jeteurs de ces maléfices. Jeanne, elle-même, a reconnu avoir ouï dire beaucoup de récits concernant les visions et les apparitions de fées ou d'esprits de fées de la part de plusieurs villageois, mais spécialement de sa marraine. Ce n'est cependant pas celle-ci mais d'autres qui l'ont instruite de ces maléfices et l'ont imprégnée de ces pernicieuses erreurs, au point qu'elle a confessé que jusqu'à ce temps-ci elle n'a pas su que les fées étaient des malins esprits. » Jeanne nia savoir ce qu'étaient les fées et assura qu'elle était bonne chrétienne. On lui demanda de réciter son Credo et elle refusa, disant qu'elle l'avait déjà fait à son confesseur.
L'article V va encore plus loin : « Non loin du village de Domremy, existe un arbre charmé, un hêtre, appelé par certains l'arbre des Dames ou l'arbre des Fées, près duquel jaillit une fontaine ; à l'entour vivent des fées, des malins esprits, avec lesquels ceux qui s'adonnent à la sorcellerie ont coutume de danser la nuit autour de l'arbre et de la fontaine. La fontaine est réputée guérir les fiévreux et les malades en général qui boivent de son eau ; Jeanne elle-même en a bu. C'est là également, et non sous l'arbre, que les saintes Catherine et Marguerite lui ont parlé et qu'elle les y a entendues ; mais elle ne sait plus ce qu'elles lui dirent. »
Jeanne expliqua que sa marraine, prénommée elle aussi Jeanne, et dont elle tient son prénom, a vu les fées à l'arbre ; du moins, c'est ce qu'elle lui a dit. L'accusée dit que jamais sa marraine n'a eu la réputation d'être une devineresse ou une sorcière. Quant aux fées, elle ne sait trop si elle savait avant le procès qu'il s'agit de malins esprits, elle a seulement entendu dire que ceux qui voyagent en l'air avec ces fées se rendent au sabbat le jeudi.
L'article VI tente de démontrer que le comportement de Jeanne d'Arc à l'arbre aux Fées la range elle aussi parmi les sorcières : « Elle invoquait les démons et communiquait avec eux auprès de l'arbre et de la fontaine où elle se rendait seule, le plus souvent de nuit, parfois le jour, aux heures qu'on célébrait le service divin à l'église, pour danser et faire son sabbat. En dansant, elle tournait autour de la source et de l'arbre. Et après cela, elle faisait des bouquets d'herbes variées et de fleurs qu'elle attachait aux branches du même arbre, tout en fredonnant, avant et après, certaines chansons et chants, accompagnés d'invocations, de sortilèges et d'autres maléfices. Au matin suivant, ces bouquets avaient disparu. »
L'article VII accuse Jeanne « d'avoir été accoutumée de porter une mandragore en son sein, espérant, par ce moyen, obtenir une fortune prospère en richesses et choses temporelles, affirmant qu'une mandragore de ce genre avait vigueur et effet ».
Avec la mandragore ou plus exactement la racine de cette plante, nous entrons dans le monde de la sorcellerie. L'abbé Lecanu, dans son Histoire de Satan, en 1861, la décrit ainsi : elle était « réputée pour rendre heureux, faire trouver des trésors, multiplier les richesses, préserver des malheurs, rendre le Diable propice, détourner le tonnerre, arrêter l'incendie, préserver les troupeaux, garantir de la peste, prolonger la vie, suppléer, en un mot, à l'esprit, au bon sens, au jugement, à l'habileté de ceux qui n'en avaient pas. Il y avait des marchands qui en faisaient commerce, et qui savaient achever de lui donner cette forme à demi humaine que la nature a ébauchée. »
En effet, la racine de la mandragore a la forme, assez grossièrement ébauchée, d'un enfant de la ceinture aux pieds. Certains petits malins utilisaient n'importe quelle racine qu'ils sculptaient et dans laquelle ils incrustaient des graines de millet ou d'orge afin qu'une fois germées elles figurent les poils du corps. Le mieux était donc de se méfier de ces marchands, qui vendaient une marchandise à la fois douteuse et coûteuse, et de récolter soi-même sa propre mandragore. Les plus efficaces étaient recueillies au pied des gibets, on disait qu'elles étaient nées des larmes des pendus - en fait ces larmes étaient le sperme émis par la dernière érection du condamné, mais ecclésiastiques et folkloristes ont pour point commun une certaine pudeur. Encore fallait-il s'entourer, pour la récolter, d'un luxe de précautions : afin d'éviter de mourir dans l'année, on dégageait la racine soigneusement, puis on y attachait un chien. Il suffisait alors de reculer de quelques mètres et, montrant quelque os à l'animal, de l'attirer à soi ; en venant ainsi, le chien finissait d'arracher lui-même la mandragore et endossait la malédiction qui y était liée. La mandragore, souvent habillée en enfant, était alors placée dans un linge de lin ou de soie. On conte qu'en la nourrissant de sang humain, elle vivait longtemps et vous rendait tous les services énumérés plus haut. On connaît plusieurs cas, en France, de mandragores brûlées par ordre des autorités religieuses.
Jeanne d'Arc concéda qu'il y avait une mandragore près de son village, près de l'arbre aux Fées, sous un coudrier. Elle dit ne connaître cela que par ouï-dire, et ajouta qu'elle savait qu'une mandragore sert à faire venir l'argent. Pour quelqu'un qui en a simplement entendu parler...
Les interrogatoires
À la lecture des interrogatoires, on sent une Jeanne d'Arc tendue, se contredisant. Ainsi, interrogée à nouveau sur l'arbre des Fées, elle reconnaît avoir « ouï dire par plusieurs anciens que les fées avaient leur repaire à l'arbre ». Quand on lui demande si ces anciens sont de sa famille, elle affirme : « Non, ils ne sont pas de mon lignage », pour reconnaitre un peu plus loin que sa propre marraine lui a dit qu'elle avait elle-même vu les fées près de cet arbre. Quand on lui demande si elle-même a vu aussi les fées, elle répond bizarrement : « Je n'ai jamais vu de fées à l'arbre, que je sache. » Réponse qui entraîne une nouvelle question de l'interrogateur : « Les avez-vous vues ailleurs ? » et une réponse ambiguë : « Je ne sais pas si je les ai vues ou non ailleurs. »
Remettons ce système de défense à notre époque, remplaçons les fées par des complices, et il n'est point difficile d'imaginer les réactions de l'avocat général.
Quant à la mandragore, Jeanne ne sait pas à quoi elle sert et ne sait pas non plus exactement où elle se trouve. Puis, sur nouvelles questions, elle précise qu'il s'en trouve une sous un coudrier situé tout à côté de l'arbre des Fées, et que cela sert à faire venir l'argent.
Reste, près de cet arbre, la fontaine, dite aujourd'hui encore fontaine des Fiévreux, entre Domremy et l'actuelle basilique. Jeanne reconnaît avoir bu de cette eau mais ne croit pas à ses vertus.
Bref, tout cela laisse perplexe. On sent là quelque malaise...
Le procès en réhabilitation
En 1455, la famille de Jeanne d'Arc entama un procès en réhabilitation qui devait annuler le jugement de 1431. Je ne parlerai ici que des éléments de folklore qui apparaissent dans cette contre-enquête.
Plusieurs personnes évoquèrent la fontaine des Fiévreux, disant que ceux qui ont la fièvre vont boire de son eau pour être guéris, et que la jeunesse de Domremy, chaque année, au dimanche dit communément « des Fontaines », allait danser et manger près de l'arbre des Fées et boire à ladite fontaine. Ce dimanche des Fontaines, qu'on appelle aussi le dimanche de Laetare, était dans le Barrois, dans le pays messin, dans une partie de la vallée de la Meuse, ainsi que dans le Perche consacré à une fête réservée à la jeunesse fête qui avait ses origines dans des rites païens.
On entendit donc trente-quatre témoins de Domremy et des alentours immédiats, et dix parlèrent de l'arbre aux Fées Un laboureur, Jean Morel, âgé alors d'environ soixante-dix ans - et parrain de Jeanne d'Arc - déclara sous serment « qu'au sujet de l'arbre, qu'on appelle des Dames, il entendit dire autrefois que des femmes ou personnes surnaturelles, qui portaient le nom de fées, allaient anciennement danser sous cet arbre Mais, à ce qu'on dit, après que l'évangile de saint Jean est lu et récité, elles n'y vont plus ».
C'est merveilleux d'avoir un témoin né vers 1385, parlant de l'évangile de saint Jean et des fées, et de retrouver la même croyance aujourd'hui. Ainsi, Mme Maria Pierret, née à Alle-sur-Semois en 1906, m'a-t-elle conté que les fées « dorment quelque part sous la terre, et qu'elles reviendront le jour où le curé ne récitera plus à la messe l'évangile de saint Jean ».
Roger Maudhuy
Notes :
D'après Procès de condamnation de Jeanne d'Arc, édition de P. Tisset et Y. Lanhers, Paris, 1960 ; Jean Fraikin, Regards sur l'au-delà de Jeanne d'Arc, in Tradition Wallonne, tome X, 1993 ; Jean Fraikin, La Lorraine de Jeanne d'Arc, in Le Pays Gaumais, 1993-1996, pp. 229-266; E. Stofflet, La Légende du Bois-Chenu à Domremy-la-Pucelle, in Bulletin Mensuel de la Société d'Archéologie Lorraine et du Musée Historique Lorrain, tome X, 1910 ; E. Stofflet, Les Fontaines de Jeanne d'Arc à Domremy, in Bulletin de la Société d'Archéologie Lorraine, tome XIII, 1913, pp. 57-59 ; A, Vallet de Viriville, Procès de condamnation de Jeanne D’arc dite la Pucelle d'Orléans, Paris, 1867 ; enquête de Fauteur à Domremy-la-Pucelle. Sur la mandragore : abbé Lecanu, Histoire de Satan, Sa chute, son culte, ses manifestations, ses œuvres, la guerre qu'il fait à Dieu et aux hommes, Paris, 1861, p. 292 ; Roland Villeneuve, Dictionnaire du Diable, Paris, 1998, pp. 604-606
Sources : la Lorraine des légendes – Roger Maudhuy – Ed. France-Empire, 2004.
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