Maître Eric Delcroix : « Les liberté de conscience et d’expression n’existent plus en France et en Europe »
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Les éditions Akribeia viennent de sortir un nouvel ouvrage d’Éric Delcroix, avocat à la retraite, auteur notamment de deux livres majeurs sur l’effondrement du système pénal en France et de nos libertés individuelles avec Le Théâtre de Satan suivi de Manifeste Libertin.
Son nouvel ouvrage, intitulé Droits, conscience et sentiments, fait mouche alors que notre société semble tomber de plus en plus dans le totalitarisme.
Voici la présentation du livre par son éditeur (à commander ici) :
Les droits de l’homme permettent désormais tout, y compris et d’abord la répression de la pensée et la censure, au nom d’une morale abstraite qui dénature et supplante le droit au nom du Bien. Les droits de l’homme, dans leur logique de subversion, ont fait passer l’individu de l’état de sujet de droit privé à celui d’acteur de droit public ayant des droits constitutionnels, dits « fondamentaux », qui corrodent l’impératif de l’intérêt général censé être garanti par l’État. L’exemple vient d’Amérique; il mêle l’acte fondateur de la Convention universelle des droits de l’homme de 1948 et le mythe de l’État de droit, fondé sur un concept étranger qui s’est répandu depuis insidieusement chez nous. Pour Maître Delcroix, les libertés de conscience, de pensée et d’expression ne relèvent pas des droits de l’homme, mais de la liberté de l’esprit intrinsèque à la civilisation européenne. Elle est aujourd’hui menacée, spécialement à l’heure où un nouvel ordre moral nous enserre dans ses rets et nous assomme de ses prêches incessants. Pour les droits de l’homme contemporains, la liberté de conscience est réduite à la liberté religieuse, alors qu’ils la bafouent en interpellant le sujet de droit dans son for intérieur pour en extirper le péché capital de discrimination! Éric Delcroix a déjà développé ses idées dans des plaidoiries, des conférences et des livres. Le présent ouvrage en est un résumé actualisé saisissant, accessible aux non-juristes. Il s’agit d’une mise en garde et d’un signal d’alarme contre une société totalitaire rampante et une justice devenue structurellement partiale.
Nous avons interrogé Eric Delcroix à son sujet, mais aussi sur le regard que porte l’avocat retraité sur l’évolution de la Justice en France.
Breizh-info.com : pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Maître Éric Delcroix : J’ai été avocat au barreau de Paris pendant trente huit ans et j’y ai découvert l’involution décadente des libertés publiques en France, singulièrement quant à la liberté d’expression des idées et des sentiments. J’ai vu apparaître les lois subversives, Pleven (1972), Fabius-Gayssot (1990), Lellouche (2003) et Perben (2004).
Breizh-info.com : 15 ans après Manifeste Libertin, qu’est-ce qui vous amène à reprendre la plume avec Droits, conscience et sentiments ?
Maître Éric Delcroix : Toutes ces lois vont dans le même sens, savoir ravir au sujet de droit (vous et moi) son arbitraire intime, pour le livrer à l’inquisition des consciences, ce qui était interdit depuis les Lumières (et c’est ce qu’elles eurent de meilleur). Illustration élémentaire : les testings, qui visent à condamner cet arbitaire intime. La puissance publique (ou la LICRA !) n’a pas à nous confesser et à rechercher ce qui est au fond de nos coeur, pensées, arrières pensée ou phantasmes ; l’antiracisme permet tout et c’est même à ça qu’on le reconnaît, comme le disait Michel Audiard parlant des cons !
Breizh-info.com : Quel regard porte l’avocat que vous êtes sur l’évolution, en matière pénale, des lois encadrant, réprimant, pénalisant, la liberté d’expression ?
Maître Éric Delcroix : Les liberté de conscience et d’expression n’existent plus en France et en Europe (Voir Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, Charte européenne des droits fondamentaux et autres Conseil constitutionnel qui vont dans ce sens et paralysent également les libertés collectives des nations, au nom d’un droit humanitaire qui rime avec délétère : bref, tout ce qui correspond à l’Etat de droit, incongruité importée en France par ces institutions totalitaires). Le droit, de simple et lubrifiant social, est devenu depuis 1945 une idéologie d’essence principalement américaine donc gavée de moralisme et de prêches.
Vous êtes libre de vous exprimer si vous restez rigoureusement fidèle à la philosophie égalitariste des droits de l’homme (le communisme, mais dans la sauvegarde de la Bourse). Avocat de Faurisson pendant 28 ans, et condamné moi-même pour délit d’opinion (ma seule décoration – 1996), j’en sais quelque chose !
Breizh-info.com : Comment expliquez-vous que personne sur la scène politique française, pas même ceux qui se prévalent d’un statut d’opposants politiques comme les principaux dirigeants du RN, n’entendent revenir sur ces dérives du droit français ?
Maître Éric Delcroix : En trois mots : Ignorance, électoralisme et lâcheté.
Breizh-info.com : Dans votre ouvrage, vous mettez en garde contre une société totalitaire qui se met petit à petit en place. Beaucoup vous rétorquerons que la République française n’est pas la Chine, la Corée du Nord, ou d’autres régimes autoritaires qui existent dans le monde …
Maître Éric Delcroix : Bien sûr que nous ne sommes pas en Chine, ni en URSS où j’avais été soutenir les dissidents (Brejnev regante 1973-1974). En occident c’est beaucoup plus subtile, mais les maîtres du discours éliminent toute dissidence, au nom du Bien, révélé derechef sur terre en 1945. A l’ombre de la Shoah, toute dissidence est regardée, sous un consensus quasi religieux effroyable, comme procédant du Mal…
Breizh-info.com : En tant qu’avocat, quel regard portez vous sur la magistrature française ? Peut-on parler de règne de « juges rouges » qui jugent souvent faiblement vis à vis des forts, fortement vis à vis des faibles ? La justice est-elle réellement indépendante du politique ?
Maître Éric Delcroix : Je porterais plutôt un regard nuancé sur la magistrature française, même si la situation s’aggrave, car elle est à l’image de la Société. Mais les choses se dégradent affreusement quand intervient l’Idéologie. Et dans l’après 1968 elle s’est infiltrée, là comme dans nombre d’institutions… Je ne dis pas une idéologie, car il n’y en a plus qu’une. J’aspire pour ma part à une neutralité axiologique du droit et de la magistrature, ce que l’on peut appeler l’impartialité ou, plus modestement l’aspiration à celle-ci. Les « juges rouges », qui ne sont que des Bobos et ne dérangent en rien le Système, en sont particulièrement éloignés…
Breizh-info.com : Finalement, le courant libertarien (libertin ?) que vous incarnez dans votre fonction d’avocat ne manque-t-il pas d’une relève ? L’erreur des partisans des libertés, et notamment d’une partie de la droite, n’a-t-elle pas été d’abandonner et de mépriser les carrières judiciaires au profit du militaire, de l’économique, laissant les clés à d’autres ?
Maître Éric Delcroix : Non pas libertarien, je suis aux antipodes de ces anglo-saxonneries ! Les libertins, au sens intellectuel du terme, constituèrent un courant européen des XVI° et XVII° siècle (Molière !), avant les illusions messianiques progressistes des Lumières. Il postulait qu’aucune inhibition morale ou théologique ne devait s’opposer au libre constat des réalités tangibles et vérifiables. Le puritanisme des droits de l’homme est à cet égard tout l’inverse, c’est une chape de plomb, que j’appelais déjà la Chape dans le Théâtre de Satan (2002).
Dans le Barreau, que j’ai quitté pour prendre ma retraite, écoeuré, il y a une heureusement certaine relève, mais rarement dans l’esprit, je le crains, que j’exprime dans Droit, conscience et sentiments.
Quant aux carrières dans la magistrature, la question est difficile, car l’ENM (Ecole nationale de la Magistrature) est infectée par l’Idéologie, qui s’y est instillée après 1968… Dans ces conditions, iriez-vous ? Il faudrait des capacités d’entrisme qui font défaut dans ces temps crépusculaires…
Sources : Breizh-info.com - 11/12/2020.
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Eve et Satan, la peur de la femme à la Renaissance
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Alors que pestes, famines et guerres ravagent l'Occident à la fin du Moyen Age, la peur du diable et de ses œuvres s'installe dans la littérature et l'art des premiers temps de la Renaissance. C'est alors que, sous l'impulsion de l'Église, la femme, depuis toujours «sanctuaire de l'étrange», devient peu à peu symbole du péché et «porte du diable». Jean Delumeau, auteur de La Peur en Occident (Fayard), a recherché les origines de cette obsession, qui entraînera entre le XIVe et le XVIIIe siècle, de meurtrières chasses aux sorcières.
Le Moyen Age a exalté Marie et lui a consacré d'immortelles œuvres d'art ; il a, d'autre part, inventé l'amour courtois qui a réhabilité l'attrait physique, placé la femme sur un piédestal au point d'en faire la suzeraine de l'homme amoureux et le modèle de toutes perfections. Le culte marial et la littérature des troubadours ont eu des prolongements importants et ont peut-être contribué dans la longue durée à la promotion de la femme. Mais dans la longue durée seulement.
Pétrarque et le mariage
Car au Moyen Age ne furent-ils pas interprétés et utilisés comme une sorte de mise à l'écart, hors d'atteinte, de personnages féminins exceptionnels, nullement représentatifs de leur sexe ? L'exaltation de la Vierge Marie eut pour contrepartie la dévaluation de la sexualité. Quant à la littérature courtoise, elle ne parvint pas, même en Occitanie, sa terre d'élection, à changer les structures sociales. En outre, elle contenait en elle-même une évidente contradiction. Certes, le fin’amors (l'amour pur) accordait l'initiative aux dames et constituait une manière de triomphe sur une misogynie quasi universelle, sans nier pour autant la sexualité. L'asag - c'est- à-dire «la mise à l'épreuve», avec nudité des partenaires, embrassements, caresses et attouchements, mais refus de l'orgasme masculin — constituait finalement une technique érotique et un éloge du plaisir qui rompaient avec le naturalisme vulgaire et hostile à la femme du second Roman de la Rose. Mais si l'amour courtois sublimait et même divinisait telle ou telle femme exceptionnelle et une féminité idéale, en contrepartie il abandonnait à leur sort l'immense majorité des personnes du «deuxième sexe». De là les palinodies du clerc André Le Chapelain qui, dans le De amore (vers 1185), après deux livres où il chante les mérites de la dame et la soumission de l'amant, se lance dans une furieuse diatribe contre les vices féminins. De là encore - tandis que l'on glisse de l'amour courtois à l'amour platonicien - l'étrange paradoxe d'un Pétrarque amoureux de Laure, angélique et irréelle, mais allergique aux soucis quotidiens du mariage et hostile à la femme réelle, réputée diabolique :
«La femme… est un vrai diable, une ennemie de la paix, une source d'impatience, une occasion de disputes dont l'homme doit se tenir éloigné s'il veut goûter la tranquillité... Qu'ils se marient, ceux qui trouvent de l'attrait à la compagnie d'une épouse, aux étreintes nocturnes, aux glapissements des enfants et aux tourments de l'insomnie... Pour nous, si c'est en notre pouvoir, nous perpétuerons notre nom par le talent et non par le mariage, par des livres et non par des enfants, avec le concours de la vertu et non avec celui d'une femme.»
Bel aveu d'égoïsme misogyne qui prouve, dans le cas du «premier hom¬me moderne» de notre civilisation, le faible impact de l'amour courtois sur la culture dirigeante, encore dominée par les clercs.
A quoi ne pensera-t-elle pas ?
C'est précisément à l'époque de Pétrarque que la peur de la femme s'accroit dans une partie au moins de l'élite occidentale. Tandis que s'additionnent pestes, schismes, guerres et crainte de la fin du monde - une situation qui s'installe pour trois siècles - les plus zélés des chrétiens prennent conscience des multiples dangers qui menacent l'Église. Les périls identifiables étaient divers, extérieurs et intérieurs. Mais Satan était derrière chacun d'eux. Dans cette atmosphère chargée d'orages, prédicateurs, théologiens et Inquisiteurs désirent mobiliser toutes les énergies contre l'offensive démoniaque. En outre, plus que jamais ils veulent donner l'exemple. Leur dénonciation du complot satanique s'accompagne d'un douloureux effort vers plus de rigueur personnelle. Des êtres sexuellement frustrés qui ne pouvaient pas ne pas connaître des tentations projetèrent sur autrui ce qu'ils ne voulaient pas identifier en eux-mêmes. Ils posèrent devant eux des boucs émissaires qu'ils pouvaient mépriser et accuser à leur place.
Avec l'entrée en scène au XIIIe siècle des ordres mendiants, la prédication prit en Europe une importance extraordinaire, dont nous avons maintenant quelque mal à mesurer l'ampleur. Et son impact s'accrut encore à partir des deux Réformes, protestante et catholique. Même si la plupart des sermons d'autrefois sont perdus, ceux qui nous restent laissent assez deviner qu'ils furent souvent les véhicules et les multiplicateurs d'une misogynie à base théologique : la femme est un être prédestiné au mal. Aussi n’apprend-on jamais assez de précautions avec elle. Si l'on ne l'occupe pas à de saines besognes, à quoi ne pensera-t-elle pas ?
Amazones du diable
Dans les ouvrages du prédicateur alsacien Thomas Murner, principalement la Conjuration des fous et la Confrérie des fripons - tous deux de 1512 - l'homme n'est certes pas ménagé, mais la femme est plus encore vilipendée. D'abord, elle est un «diable domestique» : à l'épouse dominatrice, il ne faut donc pas hésiter à appliquer des raclées - ne dit-on pas qu'elle a neuf peaux ? Ensuite, elle est communément infidèle, vaniteuse, vicieuse et coquette. Elle est l'appât dont Satan se sert pour attirer l'autre sexe en enfer : tel fut pendant plusieurs siècles un des thèmes inépuisables des sermons.
Pour Maillard, la traîne des longues robes «achève de faire ressembler la femme à une bête, puisqu'elle lui ressemble déjà par sa conduite». Et «les riches colliers, les chaînes d'or bien attachées à son col» marquent «que le diable la tient et l'entraîne avec lui, liée et enchaînée». Les dames de son temps, ajoute-t-il, aiment lire des «livres obscènes qui parlent des amours déshonnêtes et de la volupté, au lieu de lire dans le grand livre de la conscience et de la dévotion». Enfin, leurs «langues... babillardes causent de grands maux». Quant à Glapion, confesseur de Charles Quint, il refuse de prendre en considération le témoignage de Marie-Madeleine sur la résurrection de Jésus : «Car la femme, entre toutes créatures, est variable et muable, parquoy elle ne poulroit assez prouver contre les ennemis de notre foy» - transposition sur le plan théologique de la sentence des juristes : «Les femmes - devant les tribunaux - sont toujours moins croyables que les hommes».
Au long des siècles, les litanies antiféministes récitées par les prédicateurs ne varieront guère que dans la forme. Au XVIIe siècle, Jean Eudes, célèbre missionnaire de l'intérieur, s'en prend un jour après saint Jérôme aux : «amazones du diable qui s'arment de pied en cape pour faire la guerre à la chasteté, et qui, par leurs cheveux frisez avec tant d'artifice, par leurs mouches, par la nudité de leurs bras, de leurs épaules et de leurs gorges, tuent cette princesse du ciel dans les âmes qu'elles massacrent aussi avec la leur toute la première».
Henri IV est une victime
Rappelons qu'il s'agit ici de cantiques composés à l'usage des fidèles et qui, dans la pensée de leur auteur, constituaient autant de sermons. Ceux-ci, au cours des siècles, exprimèrent de mille façons la peur durable que des clercs voués à la chasteté éprouvaient devant l'autre sexe. Pour ne pas succomber à ses charmes ils le déclarèrent inlassablement dangereux et diabolique. Ce diagnostic conduisait à d'extraordinaires contre-vérités et à une indulgence singulière à l'égard des hommes. Témoin cet extrait d'un panégyrique de Henri IV prononcé en 1776 à La Flèche par le supérieur du collège :
«Déplorons ici, messieurs, le triste sort des rois à la vue des artifices funestes dont Henri IV fut la victime. Un sexe dangereux oublie les plus saintes lois de la retenue et de la modestie, joint à ses charmes naturels les ressources de son art diabolique, attaque sans pudeur, trafique de sa vertu, et se dispute l'humiliant avantage d'amollir notre héros et de corrompre son cœur.»
Ainsi, le sermon, moyen efficace de christianisation à partir du XIIIe siècle, a sans répit diffusé et tenté de faire pénétrer dans les mentalités la peur de la femme. Ce qui était dans le haut Moyen Age discours monastique est devenu ensuite, par l'élargissement progressif des auditoires, avertissement affolé à l'usage de toute l'Église enseignée qui fut invitée à confondre vie des clercs et vie des laïcs, sexualité et péché, Eve et Satan.
Bien entendu, les prédicateurs ne faisaient que monnayer et distribuer largement à l'aide du jeu oratoire une doctrine depuis longtemps établie par de savants ouvrages. Mais ceux-ci, à leur tour, connurent un rayonnement nouveau grâce à l'imprimerie qui contribua à accabler la femme en même temps qu'elle renforçait la haine du Juif et la crainte de la fin du monde. Soit le De planctu ecclesiae rédigé vers 1330 à la demande de Jean XXII par le franciscain Alvaro Pelayo, alors grand pénitencier à la cour d'Avignon. Cet ouvrage, oublié de nos jours, mérite d'être exhumé des bibliothèques. Il fut imprimé à Ulm dès 1474, réédité à Lyon en 1517 et à Venise en 1560 - indications chronologiques et géographiques qui laissent deviner une audience relativement importante, au moins dans le monde des clercs chargés de diriger les consciences. Or, on peut lire dans sa seconde partie un long catalogue des cent deux «vices et méfaits» de la femme. A cet égard, il ressemble beaucoup par sa structure et par le parallélisme des intentions au Fortalicium fidei dirigé contre les Juifs. On se trouve ici devant ce qui est peut-être le document majeur de l'hostilité cléricale à la femme. Mais cet appel à la guerre sainte contre l'alliée du diable ne se comprend que replacé dans le milieu qui l'a lancé : celui des ordres mendiants soucieux de christianisation et inquiets de la décadence du corps ecclésial.
Tantôt le franciscain met en cause «les femmes» ou «des femmes», tantôt «certaines femmes», tantôt plus catégoriquement «la femme», et c'est bien de celle-ci comme telle qu'il instruit le procès sans que l'accusée ne soit jamais assistée d'un avocat. Dès l'abord, il est entendu qu'elle partage «tous les vices» de l'homme. Mais, en plus, elle a les siens propres, nettement diagnostiqués par l'Ecriture :
«N° 1 : Ses paroles sont mielleuses... ; n° 2 : Elle est trompeuse... ; n° 13 : Elle est pleine de malice. Toute malice et toute perversité viennent d'elle [Eccl. XXV]... ; n° 44 : Elle est bavarde, surtout à l'église... ; n° 81 : Souvent prises de délire, elles tuent leurs enfants... ; n° 102 : Certaines sont incorrigibles...»
Vers la chasse aux sorcières
Par leur ton et leur contenu, les accusations et imprécations d'Alvaro Pelayo renvoient dans une assez large mesure à toute une littérature misogyne antérieure où l'on trouve rassemblés des poèmes monastiques et le second Roman de la Rose. Mais, en même temps, elles marquent le passage à une nouvelle étape de l'antiféminisme clérical. Pour mieux saisir celui-ci, relisons des extraits d'un De contemptu feminae (en vers) rédigé au XIIe siècle par un moine de Cluny, Bernard de Morlas, dont l'œuvre poétique se partage par ailleurs entre la louange de Marie, le mépris du monde et la description terrifiante du Jugement dernier :
La femme ignoble, la femme perfide, la femme lâche
Souille ce qui est pur, rumine des choses impies, gâte les actions.
La femme est un fauve, ses péchés sont comme le sable.
Je ne vais pas cependant déchirer les bonnes que je dois bénir.
Que la mauvaise femme soit maintenant mon écrit, qu'elle soit mon discours.
Toute femme se réjouit de penser au péché et de le vivre.
Aucune, certes, n'est bonne, s'il arrive pourtant que quelqu'une soit bonne.
La femme bonne est chose mauvaise, et il n'en est presque aucune de bonne.
A la lecture de ces invectives accablantes, on voit combien Alvaro Pelayo à certains égards est peu original. Dans le noir poème de Bernard de Morlas, on trouve déjà les éléments stéréotypés repris par le franciscain espagnol : le passage de l'accusation contre la femme mauvaise au discrédit lancé contre toutes les femmes ; les griefs contre la perfidie, la tromperie, la violence de l'autre sexe ; contre la luxure effrénée de la femme, son art de se farder et de se peindre, ses instincts criminels qui la conduisent aux avortements provoqués et aux infanticides. Fille aînée de Satan, elle est un «abîme» de perdition. Mais ce discours misogyne qui était banal dans le monde monastique, Alvaro Pelayo le retouche et l'aggrave de plusieurs façons. D'abord - et c'est l'essentiel - il apporte force textes bibliques à l'appui de chaque affirmation qui se trouve ainsi fondée en droit. Ensuite il démontre avec une ampleur nouvelle que la femme est ministre d'idolâtrie - on a vu l'importance qu'il accorde à ce thème -, que le mari doit tenir son épouse bien en main et enfin que l'élément féminin cherche à perturber la vie quotidienne de l'Église. Dès lors apparaissent les objectifs de ces mises en garde. Alvaro Pelayo ne donne pas seulement des conseils à des moines. En tant que prédicateur et confesseur, il s'adresse à l'ensemble des fidèles - clergé séculier et laïcs réunis. Son propos revêt donc une universalité que n'avaient pas ceux des bénédictins et cisterciens de la période antérieure. Mais, aux accusations misogynes du second Roman de la Rose, il ajoute le support d'un solide fondement théologique et les préoccupations de la pastorale.
L'antiféminisme virulent d'Alvaro Pelayo et de ses semblables, cheminant à travers les multiples canaux du discours oral et écrit de l'époque, ne pouvait manquer d'aboutir à la justification de la chasse aux sorcières.
Une diabolisation de la femme - celle-ci se trouvant déshonorée en même temps que la sexualité - : voilà le résultat auquel aboutissent dans un «climat dramatisé» tant de réflexions cléricales sur le danger que représente alors pour les hommes d'Église - et pour l'Église entière qu'ils annexent - l'éternel féminin.
Jean Delumeau
Sources : Histoire magazine – N° 11, 1980.
Une nouveauté: Sparta, vol. 1
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Sparta, nom de l’épouse d’un fils de Zeus qui renvoie bien sûr à la célèbre cité grecque, est le titre d’une publication sans périodicité fixe des éditions Aidôs. Sparta n’a aucun équivalent dans l’espace francophone et n’a eu que très peu de devancières dans la culture européenne depuis 1945: la revue romaine Ordine Nuovo, essentiellement évolienne; Nouvelle École (dans une certaine mesure); et Mars Ultor, dirigée en Allemagne par Pierre Krebs. Sparta est une publication ouvertement païenne, racialiste et identitaire, qui naît sous le triple parrainage augural du Rig-Veda, de Nietzsche et de Savitri Devi. Sparta, dès son premier volume, fait le pari de la qualité, tant sur le plan graphique, sobre et soigné, que sur celui du contenu. Grâce à Sparta, vos idées sont enfin défendues et affirmées avec rigueur et érudition ; vous y trouverez une écriture élégante, des références dûment vérifiées et complètes, des traductions (de l’allemand, de l’anglais, de l’italien) vraiment fiables. Sparta reflète le professionnalisme et la compétence de collaborateurs qualifiés, qui ont fait leurs preuves depuis longtemps : Jean Haudry, Philippe Baillet, Pierre Krebs, Jean Plantin, David Rouiller, auxquels viendront bientôt s’ajouter d’autres noms.
Au sommaire du volume 1: un article de J. Haudry sur la notion d’aidôs, « respect, révérence », qualités indispensables aux membres d’une même sodalité.
Deux longues études de Ph. Baillet: l’une sur la « généalogie » et l’origine des valeurs dans la philosophie de Nietzsche; l’autre sur « le mythologue du romantisme », le Suisse Johann J. Bachofen, sa réception considérable dans la culture germanique, l’opposition-complémentarité Apollon-Dionysos, avec des aperçus relatifs à Alfred Rosenberg et à des penseurs völkisch comme Alfred Baeumler et Ludwig Klages. Des textes d’Evola sur Bachofen, par qui il fut fortement influencé. Un inédit du théoricien italien : « Soldats, société, État ».
Trois textes d’un sociologue des arts visuels, Raimondo Strassoldo, sur l’entrée dans l’art moderne et contemporain non moins que sur la subversion organisée des canons esthétiques européens.
Un article de P. Krebs sur le mouvement Der Dritte Weg, véritable « communauté militante identitaire ».
Et un index pour vous repérer facilement dans cette matière.
Sparta entend remplir une fonction décisive d’approfondissement doctrinal et de transmission de notre héritage ancestral indo-européen. Mais Sparta ne vivra et ne grandira qu’avec le généreux concours financier de ses lecteurs.
Alors, soutenez Sparta !
Parution novembre 2020, 264 pages ( 26.00€) Pour commander: cliquez ici
Akribeia, 45/3, route de Vourles 69230 Saint-Genis-Laval - France
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I-Média n°322 – Fraude électorale : médias menteurs, médias fainéants
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Les policiers en ont ras le bol, par Pierre Vial
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Sur le média « branché » Brut , favori des jeunes à petite cervelle, Macron a choisi de faire cyniquement le jeu de ceux qui accusent les policiers de tous les maux en relayant leurs accusations, à base de racisme antiBlancs.
Ce que ne digèrent pas, à juste titre, plusieurs syndicats de policiers (Syndicat France Police -Policiers en colère, Alliance police nationale, Syndicat indépendant des commissaires, Alternative Police CFDT) qui appellent donc les forces de l’ordre à ne plus procéder au moindre contrôle d’identité, accusant »la défiance de l’Etat vis-à-vis des policiers ».
Ils mettent ainsi très exactement en application le conseil que je leur donnais il y a quelques jours sur notre site de « rester les bras croisés ».
Pierre VIAL
Halte à la dictature sanitaire !
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P. J. Proudhon, toujours aussi actuel !
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- Catégorie : LES EVEILLEURS DE PEUPLES
« tu ne te rassembleras pas ; tu n’imprimeras pas ; tu ne liras pas ; tu respecteras tes représentants et tes fonctionnaires, que le sort du scrutin ou le plaisir de l’État t’aura donnés ; tu obéiras aux lois que leur sagesse t’aura faite ; tu payeras fidèlement le budget ; et tu aimeras le gouvernement, ton seigneur et ton dieu, de toute ton âme, de tout ton cœur, de toute ton intelligence : parce que le gouvernement sait mieux que toi ce que tu es, ce que tu vaux, ce qui te convient, et qu’il a le pouvoir de châtier ceux qui désobéissent à ses commandements, comme de récompenser jusqu’à la quatrième génération ceux qui lui sont agréables. »
Proudhon – idée générale de la révolution au XIXe siècle – 1851
Un cousin du Père Noël, le bon saint Nicolas
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Depuis des siècles, dans bien des communes du nord de la France et du bassin rhénan, les enfants s'endorment, le soir du 5 décembre, dans l'attente d'une visite merveilleuse, celle du bon saint Nicolas qui vient apporter aux plus sages cadeaux et friandises, juste récompense d'une année de travail et d'obéissance. L'ancienneté et la vitalité de cette fête bon enfant et souriante traduisent bien la dimension fondamentalement populaire d'une des figures clés du folklore européen.
Protecteur des enfants, mais aussi des prisonniers, des marins, des passeurs de gué, et plus généralement des pauvres et des déshérités de toutes sortes, saint Nicolas s'est à l'évidence imposé dans l'Occident médiéval comme le «saint à tout faire» d'un petit peuple humble et confiant, attaché à ses croyances traditionnelles. Le chemin paraît long, qui va faire d'un obscur prélat oriental du bas Empire mort au IVe siècle la première ébauche du Père Noël, celui qui, pour des millions de Lorrains, de Flamands ou d'Allemands, vient tous les ans trouer la longue nuit d'hiver d'un instant privilégié de féerie et d'abondance.
Ce saint si familier à la sensibilité collective est presque un inconnu. Les auteurs s'accordent pour le faire naître vers 270 à Patare, en Lycie, province d'Asie Mineure de l'Empire romain, et pour admettre qu'il fut nommé plus tard évêque de Myre. Fort actif dans la lutte contre le paganisme, il passe pour avoir pris part au concile de Nicée, qui devait proclamer le dogme de la Sainte Trinité, ce qui explique, sans doute, que le chiffre trois revienne si fréquemment dans les miracles qui lui sont attribués. Après sa mort, son culte se répand en Orient où Nicolas connaît une fortune singulière, devenant plus tard l'un des saints patrons de la Russie. Il faut attendre le temps des croisades pour qu'il soit introduit en Occident : en 1087, les reliques de l’évêque de Myre sont transférées à Bari. Les circuits commerciaux vont faire le reste. Son culte va peu à peu gagner la Lorraine - où l'on édifie en son honneur à Saint-Nicolas-de-Port une prestigieuse basilique - et, de là, atteindre les diverses régions de l'ancienne Lotharingie.
Le chiffre trois
Nicolas s'impose à l'opinion par de nombreux miracles. Dès sa plus tendre enfance, il avait habitué son entourage à de menus prodiges : le jour même de sa naissance, il s'était dressé sur ses pieds et était demeuré debout trois heures durant. Devenu évêque, il va donner la pleine mesure de ses pouvoirs. Son action la plus célèbre, celle qui domine sans conteste l'iconographie traditionnelle, c'est la visite en songe qu'il fit à un empereur romain et qui détermina la libération de trois officiers injustement condamnés. Cet exploit, suivi de bien d'autres, va faire de lui le patron des prisonniers. La même volonté d'assistance aux personnes en danger le conduit sans doute à secourir le navigateur en péril. Joinville nous rapporte que Saint Louis lui-même échappa à un naufrage après que la reine, sa femme, eut imploré saint Nicolas et fait le vœu de lui offrir une nef en argent.
L'évêque de Myre ne borne pas là ses bienfaits. Il s'intéresse encore à l'avenir des jeunes filles. Un père de famille ruiné songeait à prostituer ses trois filles. Saint Nicolas déposa nuitamment au logis des malheureuses trois bourses d'or destinées à leur éviter un sort infâme. C'est bien, au reste, sous les traits du saint donateur ou du père nourricier qu'il se fixe et se popularise : pour lutter contre la famine qui sévissait dans son diocèse, il apparut en songe à un marchand, lui enjoignit de conduire son navire à Myre et lui fit l'avance de trois pièces d'or sur ses gains futurs.
Pour transformer le héros bienfaiteur en cousin du Père Noël, il fallait aussi que le saint éprouvât une prédilection particulière pour les enfants. Les exemples d'une telle prédilection ne font pas défaut ; on peut même dire qu'avec le bon saint Nicolas les enfants reviennent de loin ! Dans l'excellent ouvrage qu'elle a consacré à cette haute et puissante figure, Colette Méchin nous conte une succession de faits divers particulièrement tragiques que vient heureusement clore l'intervention réparatrice du saint. Ainsi, jour de fête, celle de saint Nicolas bien entendu, un enfant vient à être étranglé par le diable. L'affliction des parents ne les empêche pas de poursuivre les festivités comme si de rien n'était. Déguisé en pèlerin, saint Nicolas frappe à la porte, demande à dîner, se fait servir dans la pièce où repose l'enfant et bientôt le ressuscite.
La plupart de ses miracles sont bâtis sur un scénario semblable : vole, disparu, bouilli, dépecé, le plus souvent à l'occasion d'événements liés à la vie du saint ou à son culte, l'enfant est rendu à la vie ou à ses parents par une intervention miraculeuse de saint Nicolas. L'archétype de ces aventures demeure consigné dans la célèbre ballade qui conte l'histoire horrible et édifiante de trois petits enfants «mis au saloir comme pourceaux» par un boucher manifestement mal intentionné, avant d'être ressuscites, sept ans plus tard, par le «grand saint Nicolas».
On observera que cette dernière histoire - où se pressent, au reste, l'ambiguïté fondamentale de Nicolas, mi- ogre, mi- sauveur, dans ses rapports avec les enfants - n'a été que fort tardivement acceptée par l'Église. Il faut attendre le XIIe siècle pour qu'il en soit fait mention dans un sermon de saint Bonaventure. L'intégration lente et difficile à l'hagiographie officielle de cette légende singulière en atteste l'origine populaire et souligne à quel point le culte de saint Nicolas plonge ses racines dans un fort ancien folklore, souvent étranger au christianisme. L'étonnante fortune de Nicolas en Occident tient peut-être tout entière dans cette synthèse réussie de l'orthodoxie religieuse et d'un rituel de festivités et de célébrations surgi d'un fonds plus ancien, et vraisemblablement lié au cycle des saisons.
Père nourricier, saint Nicolas assume manifestement certaines des fonctions dévolues par les anciennes religions aux divinités de l'abondance. En Lorraine et en Allemagne, on avait pris coutume de le fêter dans les premiers jours de mai ou le lundi de Pentecôte, et de promener à travers les villages un mannequin le représentant, constitué d'épis de blé tressés ensemble : on sent bien ici que les célébrations antiques de la fécondité printanière ne sont pas loin. Par un paradoxe qui n'est qu'apparent, c'est toutefois au seuil de l'hiver, en ce mois de décembre sombre et disgracié, que va dans toute l'Europe septentrionale se fixer définitivement la fête de cette figure d'abondance. De toute antiquité, la période qui entoure le solstice d'hiver - de la Toussaint à l'Epiphanie dans le calendrier liturgique chrétien - est vouée à une vie sociale intense et fortement caractérisée, où se mêlent la tradition du recueillement et le goût de la saturnale. C'est le temps des premières neiges, où la nature parait stérile, où le travail des champs est impossible et où le loisir forcé contraint d'un même mouvement une humanité ancienne à se souvenir et à se distraire. C'est le temps des grandes frayeurs nocturnes et des longues veillées au coin du feu, vouées à la méditation sur les morts et à la préparation de la vie, aux conciliabules entre commères et aux mariages négociés. C'est le temps du cochon mis à mort, sacrifice équivoque qui donne, simultanément, lieu à une débauche insolite de chair fraîche - certaines parties de l'animal devant être consommées immédiatement - et à la mise en conserve précautionneuse des instruments de la survie.
Voyageur opiniâtre et indestructible
Saint Nicolas, voyageur opiniâtre qui chemine, indestructible, par les routes enneigées, est à bien des égards le héros positif de cette saison difficile. Hôte de la nuit, visiteur des songes, pèlerin rosé et blanc surgi d'une campagne glacée, n'apparaît-il pas d'abord comme le contrepoint salutaire aux menaces et aux rigueurs de l'hiver ? Tout l'appareil de signes qui l'entoure fait moins de saint Nicolas le symbole d'une abondance triomphante que le garant d'une fécondité prochaine, le protecteur des gestations secrètes et des germinations invisibles. Sous une nature endormie, il voit et fait voir les promesses du printemps futur, et s'il choisit l'enfance, c'est qu'il distingue en elle le gage de l'humanité à venir. Equivalent masculin de sainte Catherine, il protège les jeunes gens à marier, évidents dépositaires du lendemain. Tout en lui parle non pas d'une vitalité débordante mais d'une survie patiemment assurée par le travail et l'effort. Ses libéralités elles-mêmes - fruits secs, pain d'épice, biscuits inaltérables - relèvent de l'espèce des biens durables et permettent une consommation différée. Cet intercesseur privilégié des voyageurs, des marins et des passeurs de gué est, avant tout, celui qui permet au peuple souffrant et démuni d'échapper au désastre de l'hiver et de joindre sans encombre les deux bouts de l'année.
L'ogre tapi au cœur des forêts médiévales
Ses origines païennes projettent, toutefois, sur cette figure tutélaire une ombre un peu inquiétante. Le geste de saint Nicolas fait assurément de l'évêque de Myre l'héritier assagi et récupéré de l'ogre tapi au cœur de la forêt médiévale. La plupart de ses légendes intéressant les enfants portent la trace d'un pouvoir malfaisant et d'une volonté cannibale, qui ne sont victorieusement combattus que par un miracle inespéré mais tardif du bon saint. Tout se passe comme si l'inconscient collectif avait, tout à la fois, voulu avec saint Nicolas préserver la trame originelle et abolir la portée maléfique d'un effrayant et fort ancien folklore. Rares en effet sont les histoires où la responsabilité personnelle de Nicolas n'est pas directement ou indirectement engagée dans le malheur qui frappe une innocente victime, et bien souvent l'intervention salutaire qui clôt heureusement le drame n'est que la contrepartie nécessaire de cette responsabilité initiale.
Quand le saint n'est pas lui-même en cause, le criminel n'est pas loin de figurer une sorte de double maléfique du bon Nicolas : on pourrait par exemple s'étonner de l'aisance avec laquelle dans la ballade, il est pardonné au boucher meurtrier si l'on ne s'avisait pas dans le même temps que l'attitude du saint n'était pas elle-même sans équivoque, lui qui demande avec insistance à son hôte du «petit salé qu'y a sept ans qu'est dans l'saloir !» Catherine Lepagnol, dans ses Biographies du Père Noël, nous rappelle à propos que «petit salé» a longtemps signifié dans le langage populaire «petit enfant» et que la sensibilité moderne a du reste conservé l'analogie en continuant de qualifier de «lardons» les petits des hommes. Coïncidant avec le sacrifice annuel du cochon, la fête de saint Nicolas est aussi celle d'un tabou alimentaire solennellement transgressé, la fête de la «chair fraîche», une fois seulement, mais une fois quand même, consommée dans l'année.
Père Fouettard et Valet noir
La fête du 6 décembre porte la marque de cette redoutable ambivalence. A la différence du Père Noël, dont la bienveillance universelle est sans nuages, Nicolas n'arrive pas seul au logis des «têtes blondes». Assis sur un âne, lui-même chargé de présents, le bon vieillard est accompagné d'un personnage inquiétant aux noms variés - Père Fouettard en Lorraine, dans le Jura et dans le nord de la France, Valet noir vêtu à l'espagnole (Zwarte Piet) dans la Flandre néerlandaise, Hans Trapp en Alsace, Krampuss en Allemagne - dont la redoutable mission est d'emporter dans sa hotte ceux des enfants qui n'auraient pas satisfait par leurs réponses aux attentes du saint. Le bon évêque est un justicier autant qu'un donateur, et sa venue est attendue dans la fièvre. En Lorraine, au début de ce siècle (xxe), ainsi que le rapporte Arnold Van Gennep, «les enfants se préparaient longtemps à l'avance à cette visite. Ils marquaient sur une baguette chacune des prières qu'ils récitaient par une encoche, et chaque dizaine par une croix.
Saint Nicolas exigeait la baguette : qui avait bien prié était récompensé. Si un enfant avait fait trop de marques, les parents noircissaient la baguette par endroits pour que le saint sache à quoi s'en tenir. Et si un enfant prétendait que Nicolas n'existait pas, celui-ci le prenait et le mettait sur son âne».
La fête toutefois ne se terminait pas là pour autant et les pratiques du saint s'entouraient, une fois la nuit tombée, d'un mystère propre à enchanter les imaginations enfantines. Avant d'aller se coucher, les enfants déposaient près de l'âtre - cœur de la maison, lieu privilégié où s'organisaient les veillées et où brûlait, le soir de Noël, la grosse bûche dont les cendres servaient à protéger le logis contre la foudre - leurs sabots bien astiqués pour la circonstance. Il fallait veiller également à laisser un peu de foin ou quelques carottes pour l'âne ainsi qu'un verre de vin qui devait permettre au saint de se réchauffer. En échange de ces victuailles, saint Nicolas donnait aux enfants sages des friandises puis, à partir de la fin du XVIe siècle, de véritables cadeaux, mais il réservait aux autres, outre la crainte d'être enlevés à l'affection de leurs parents, les verges ou l'offrande dérisoire et humiliante d'un simple morceau de charbon. La fortune de saint Nicolas a décliné pourtant depuis le XIXe siècle. La Réforme, qui affecta puissamment les régions d'Europe où on le vénérait, lui avait déjà porté un rude coup, comme à tous les intercesseurs. Et, dans les régions protestantes, le relais de cette générosité programmée avait été repris par l'Enfant Jésus lui-même. Au XXe siècle, le Père Noël va s'assurer, sur son cousin et concurrent, un avantage décisif. Personnage tout ensemble merveilleux et sécularisé, le Père Noël a en effet sur son rival le grand mérite d'être étranger aux querelles de dogme et de représenter une figure œcuménique capable de tisser entre les nations unies un lien sentimental difficilement récusable. On peut, de plus, penser que ce bienfaiteur bénin, qui a de longue date renoncé à figurer les vertus répressives de la justice et du châtiment, répond davantage que le sévère évêque de Myre à la sensibilité d'une époque réputée permissive, qui, en tout état de cause, s'accommode de plus en plus mal d'un dieu justicier, et cherche à s'affranchir des craintes de l'enfer et du purgatoire.
Angeline Bourlanges
Sources : histoire magazine – N° 12, 1980.
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