Qui servent ils réellement ? Quels intérets servent ils d'abord ?
Se poser la question et y répondre, c'est admettre que cette République et cette Démocratie ont été détournées pour ne servir que des intérets particuliers.
L'agence européenne de l'asile a annoncé mardi le doublement de ses opérations en 2020, en particulier pour renforcer sa présence en Grèce, à Chypre et à Malte, où l'afflux de migrants a explosé en 2019. Le bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO) «va voir ses déploiements opérationnels doubler en 2020» pour atteindre 2.000 personnes sur le terrain, fruit d'un accord signé en décembre avec ces pays ainsi que l'Italie, a souligné l'agence dans un communiqué.
«Chypre, la Grèce et Malte verront un doublement du personnel EASO tandis que les déploiements en Italie seront réduits à la lumière des changements de besoins de la part des autorités» de ce pays où, à l'inverse, les arrivées par la Méditerranée ont été divisées par deux entre 2018 et 2019. Très loin des flux migratoires au plus fort de la crise en 2015, 110.669 migrants et réfugiés ont rallié l'Europe après avoir traversé la mer en 2019 selon les chiffres publiés par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) de l'ONU. Soit dix fois moins que le million de personnes arrivées en 2015.
L'an dernier, la Grèce a accueilli 62.445 de ces exilés, contre 32.742 l'année précédente. Le petit État insulaire de Malte a vu débarquer 3.405 personnes (deux fois plus que les 1.445 de 2018) tandis que 7.647 migrants sont arrivés à Chypre (4.307 en 2018).
Avec quelque 550 agents en Grèce, EASO prévoit donc «trois fois plus d'assistants sociaux» et une aide plus ciblée «pour aider à la réception dans les hot-spots» comme celui de Lesbos, où plus de 37.000 personnes s'entassent dans des conditions souvent indignes. A Chypre, les 120 personnels européens auront surtout pour mission d'aider les autorités à enregistrer et traiter les demandes d'asile.
La réduction du soutien européen en Italie s'explique par la chute des arrivées dans ce pays (11.471 en 2019, 23.370 en 2018, 181.000 en 2016) qui avait un temps fermé ses ports aux bateaux secourant les migrants en mer en 2019. Cette route de Méditerranée centrale entre l'Afrique du Nord et l'Italie «reste le corridor le plus meurtrier», a encore précisé l'OIM, qui a recensé 1.283 décès connus en Méditerranée (centrale, orientale et occidentale) l'an dernier, contre près de 2.300 l'année précédente. «Comme pour Malte, EASO restera fortement impliqué dans (le processus de) débarquement ad hoc» des bateaux portant secours aux migrants sur cette route, a ajouté le bureau européen.
Excellent texte venant de la "nouvelle droite", loin de tous les cons réacs et libéraux qui ne savent que geindre et se plaindre ! Merci Monsieur De Benoist !
Ce qu'il y manquerait, à mon humble avis, c'est la responsabilité de la mondialisation dans le dépouillement généralisé de nos acquis sociaux : on nous place face à une concurrence déloyale, et on nous demande de nous aligner à la baisse, voilà le sens de toutes les réformes faites par tous le gouvernement successifs !
Comme disait Auguste Blanqui :
"Oui messieurs, c'est la guerre entre les riches et les pauvres : les riches l'ont voulu ainsi, ils sont en effet les agresseurs.
Seulement ils considèrent comme une action néfaste le fait que les pauvres opposent une résistance
Ils diraient volontiers, en parlant du peuple : cet animal est si féroce qu'il se défend quand il est attaqué"
NB : ce texte et mes commentaires ne sauraient engager la responsabilité de Terre et Peuple.
En matière de retraites, Emmanuel Macron veut nous vendre un « régime universel » qui soulève une vive opposition, mais auquel on ne comprend pas grand-chose. Entre le « bonus » et le « malus », l’« âge pivot » et la « clause du grand-père », de quoi s’agit-il exactement ?
Le dossier des retraites est en effet compliqué. Essayons donc d’aller à l’essentiel. Comme vous le savez, il faut déjà distinguer deux grandes catégories : le système par capitalisation, qui est d’essence individualiste (chacun pour soi), et l’actuel système par répartition, qui repose sur le principe de la solidarité des générations. Pour justifier la nécessité de réformer ce dernier, on invoque l’allongement de l’espérance de vie et la diminution régulière du nombre des actifs par rapport à celui des retraités. Concernant l’augmentation de l’espérance de vie, on oublie trois choses : d’abord que si la durée de vie augmente, la durée de vie en bonne santé n’augmente pas forcément au même rythme ; ensuite que, par définition, la durée de vie actuelle ne nous dit rien de ce que sera la durée de vie de la prochaine génération ; enfin que l’espérance de vie n’est pas la même pour tout le monde, puisqu’elle varie selon le sexe (les femmes vivent plus longtemps que les hommes, mais personne n’envisage de leur demander de travailler plus longtemps) et selon la classe sociale (l’espérance de vie d’un ouvrier est inférieure de six ans à celle d’un cadre). Quant à la diminution du nombre des actifs, on ne doit pas oublier non plus que la productivité d’un actif est aujourd’hui très supérieure à ce qu’elle était dans le passé, puisque l’on produit toujours plus de biens et de services avec toujours moins d’hommes.
Le régime « universel » de Macron ? Dès qu’on parle de rendre quelque chose « universel », il faut se méfier. Vouloir supprimer tous les régimes spéciaux est, par exemple, parfaitement stupide et, d’ailleurs, sans doute impossible à réaliser. Il y a des régimes spéciaux qui n’ont pas (ou plus) de raisons d’être, et il faut les supprimer, mais il n’y a aucune raison de toucher à ceux qui sont parfaitement justifiés.
Pour faire baisser la part des retraites dans le PIB (aujourd’hui 13,8 %, mais la Commission européenne voudrait la ramener à moins de 12 %) et éviter le déficit qui s’annonce (qui est, en réalité, surtout dû à la non-compensation des exonérations de cotisations sociales par l’État et à la baisse de la masse salariale de la fonction publique), le gouvernement a choisi d’imposer le modèle de la retraite à points, que réclamaient en chœur le patronat et la Commission européenne, sans oublier Laurent Berger et Thomas Piketty. C’est le pire qui existe. Dans ce système, ce n’est plus le salaire de référence mais le nombre de points accumulés qui sert de base pour chiffrer la pension. Au lieu de travailler durant un certain nombre d’années pour obtenir une retraite complète, on cotise pour acheter un certain nombre de points, la valeur de service du point n’étant connue qu’au moment du départ en retraite. Par ailleurs, toute la carrière est prise en compte dans le calcul des retraites, et non plus seulement les quinze dernières années d’activité, ce qui pénalise les carrières morcelées, notamment celles des femmes.
On assure que la valeur du point ne baissera pas, mais cette promesse n’a aucun sens dans la mesure même où cette valeur dépend de l’évolution de la conjoncture, laquelle est largement imprévisible. En cas de crise financière généralisée, la valeur du point diminuera automatiquement. Dans les faits, tous les pays qui ont adopté le système à points ont vu la situation des retraités se dégrader. En Suède, pays cité en exemple par Macron, le montant des retraites représente, aujourd’hui, 53,4 % du salaire de fin de carrière, contre 60 % il y a encore vingt ans, et le taux de pauvreté des plus de 65 ans a atteint, en 2018, 15,8 % (contre 7,3 % pour les Français). Ce taux de pauvreté des seniors atteint 18,7 % en Allemagne, et même 21,6 % au Royaume-Uni ! En France, l’adoption de ce système devrait entraîner, pour pratiquement toutes les catégories de population, à quelques rares exceptions près, une baisse moyenne de 20 % des pensions par rapport aux salaires des actifs, ce qui incitera bien entendu à travailler toujours plus longtemps (pour acquérir un plus grand nombre de points) ou à se tourner vers la capitalisation.
Tel est, d’ailleurs, sans doute, l’objectif réel de la réforme : inciter les salariés à jouer leur retraite en Bourse et vendre le marché des retraités aux compagnies d’assurance, aux fonds de pension et aux marchés financiers. Le 10 mars 2016, parlant devant un parterre d’organisations patronales, François Fillon avait vendu la mèche : « Le système de retraite par points, en réalité, ça permet une chose qu’aucun homme politique n’avoue : ça permet de baisser chaque année la valeur des points et donc de diminuer le niveau des pensions. »
Hostile au système de la retraite à points, vous soutenez donc la grève ?
Je la soutiens à fond, bien entendu. Non seulement je la soutiens, mais j’aimerais la voir déboucher sur une grève générale ! Mais, je dois l’avouer, ce qui me choque le plus, c’est l’attitude de ces petits-bourgeois droitards qui ne manquent pas une occasion d’entonner la ritournelle des méchants grévistes qui « prennent les usagers en otages » et veulent « ruiner le pays ». Ce sont les mêmes qui condamnaient aussi les gilets jaunes. Ces gens-là, qui s’imaginent que les travailleurs en grève se privent de deux mois de salaire pour le simple plaisir d’embêter le monde, n’ont toujours pas compris que la cause majeure de nos problèmes vient de ce que nous vivons dans un monde capitaliste, dans un système de marché et dans une société d’individus. Ils ont voté Fillon, qui voulait privatiser la Sécurité sociale (ou instaurer un système de santé à deux vitesses dont profiteraient les assureurs privés), ils voteront demain Macron parce qu’à la justice sociale, ils préféreront toujours le désordre établi. S’ils le pouvaient, ils supprimeraient le droit de grève et tout le modèle social français. Ce qu’ils veulent surtout éviter, ce sont les barricades et les violences de rue. S’il y a une révolution, j’espère qu’elle les emportera.
Après des mois de contestation des gilets jaunes, Macron doit maintenant faire face à des syndicats d’autant plus revendicatifs qu’ils sont poussés par leur base. Qu’est-ce que cela nous dit de l’état actuel du pays ?
Cela dit tout. Une grève de cinquante jours : du jamais-vu. Des gilets jaunes qui en sont à leur 62e semaine de revendications : du jamais-vu également. Les avocats jettent leur robe publiquement, les chefs de service hospitaliers démissionnent par centaines, les paysans se suicident, les policiers aussi, les pompiers sont dans la rue, tout comme les infirmières et les enseignants. Y a-t-il, aujourd’hui, une seule catégorie sociale qui ne bouillonne pas de fureur ou de désespoir ? Ce n’est pas un hasard si la majorité des Français soutient les grévistes, tout comme elle a soutenu (et continue de soutenir) les gilets jaunes, en dépit des gênes occasionnées par le mouvement. Sauf chez les actionnaires du CAC 40, premiers bénéficiaires de la financiarisation de l’économie (qui se sont vu verser, pour 2019, le montant record de 49,2 milliards d’euros de dividendes), le pouvoir d’achat stagne et la précarité s’étend partout. La part du travail dans la valeur ajoutée est passée, en Europe, de 68 %, en 1980, à 60 %, aujourd’hui. Emmanuel Macron, qui a été placé au poste qu’il occupe pour adapter la France aux exigences du capitalisme mondialisé et d’un libéralisme qui entend laminer les protections sociales et les services publics au nom de la concurrence mondiale et de l’ouverture des frontières, a tout fait pour dresser contre lui un corps social aujourd’hui en voie de « giletjaunisation ». Le choix du système de retraite dépend, en fait, du modèle social que l’on souhaite. Le modèle Macron, le peuple n’en veut pas.
Pour continuer de toucher la pension de son mari défunt, il suffit d'oublier de déclarer sa mort ! En France, où l'état civil est bien tenu, ce n'est guère possible. Mais lorsqu'on est revenu s'installer en Afrique du Nord...
Ah l’Algérie ! Ses palmiers, son désert, ses vieillards immortels… Avez-vous entendu courir la rumeur ? Notre grand voisin du sud serait devenu le repaire de milliers d’éternels retraités, dont la famille ne déclarerait jamais le décès afin de continuer de percevoir les pensions venues de France. Ce trafic éhonté, sur lequel notre administration n’aurait guère de prise, durerait depuis des années et coûterait tous les ans des centaines de millions d’euros à notre système de protection sociale. Dans les cercles parisiens, rares sont ceux qui osent l’évoquer, de peur d’être accusés de véhiculer une grossière "fake new" teintée de racisme. Eh bien renseignements pris, l’information est tout à fait exacte. C’est Rolande Ruellan, l’ancienne présidente de la 6e chambre de la Cour des comptes, qui, la première, a débusqué cette étrange entourloupe début 2010.
Dans une audition devant la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, elle s’est étonnée de la "longévité des ressortissants algériens bénéficiant d’une retraite française en Algérie" et s’est demandé par quel miracle "le nombre de pensionnés algériens centenaires enregistrés dans nos caisses de retraite" pouvait être supérieur à celui "des centenaires recensés par le système statistique algérien…" L’annonce a aussitôt embrasé la toile, avant de retomber comme un soufflet, laissant quelques compulsifs tenter de décompter les faux cacochymes de l’autre côté de la Méditerranée… Il y a deux ans, la même 6e chambre a remis le couvert en rendant publique une enquête qui étayait les propos de son ex-présidente. Les magistrats y confirment l’existence officielle de nombreux retraités d’un âge canonique – plus de 115 ans ! – non seulement en Algérie, mais dans plusieurs autres pays qui ne figurent pourtant pas dans le hit-parade de la médecine mondiale. Ils y soulignent aussi les innombrables incohérences qui émaillent les fichiers de nos différentes caisses sociales, ainsi que la faiblesse des contrôles diligentés.
Plus d'un million de retraités de la Sécu vivent à l'étranger
Pour couronner le tout, l’enquête "Goulet-Grandjean" a récemment défrayé la chronique en révélant que 1,6 million de centenaires nés à l'étranger et "réputés en vie" hantaient le répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP). Dérive de notre appareil statistique en folie ? Sûrement. Mais ce dont on est sûr, c’est que 1,25 million de retraités de la Sécu vivent à l’extérieur de nos frontières, dont près de 40% au Maghreb. Et que le total des prestations qui leur sont versées chaque année atteint 6,5 milliards d’euros par an. "Face à des chiffres pareils, on ne peut plus fermer les yeux, l’enjeu est devenu trop important", s’emporte la députée LR Valérie Boyer, qui s’est emparée de cette question dans le cadre de ses missions parlementaires.
Pour tenter d’y voir un peu plus clair, les responsables de notre Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) ont réalisé deux tests sur des dossiers où il y avait des suspicions de fraude. Ils n’ont pas été déçus : le premier a entraîné la suspension de 30 versements sur une centaine d’assurés contrôlés et le second a donné des résultats quasiment semblables. Ce n’est pas étonnant. La loi française prévoit que l’envoi annuel d’un simple "certificat de vie" aux caisses suffit pour continuer à toucher sa retraite à l’étranger. Ces documents sont délivrés par les autorités locales "mais certaines sont complices et les filières se donnent le mot", témoigne un fonctionnaire algérien, qui en a vu passer dans sa wilaya. "Parfois, ce n’est même pas la peine d’aller au guichet, c'est au bistrot qu'on règle tout ça…" Autant dire que, lorsqu’un assuré passe l’arme à gauche, les héritiers indélicats n’ont aucun mal à le faire passer pour vivant auprès des caisses sociales de l’Hexagone. Selon notre interlocuteur, les pouvoirs publics français ont été avertis de ces pratiques depuis au moins 2009.
Des morts subites en cas de contrôle
Quelle est, au juste, l’ampleur de cet écorniflage ? Difficile de le dire. La société Excellcium, à la pointe de la lutte contre la fraude pour le compte des banques, des assurances et des organismes de retraite complémentaire, vient d’achever une mission de terrain en Europe du Sud et en Afrique du Nord, notamment en Algérie. Les ratios qu’elle a détectés et qu’elle a communiqués aux parlementaires lors de ses récentes auditions sont édifiants. Sur les 200 premiers dossiers suspects qui ont été bouclés, 49 retraités seulement ont été retrouvés vivants… "Nous avons essoré quatre équipes avant d’obtenir des résultats probants, confie Pierre-Alexandre Rocoffort de Vinnière, le président d’Excellcium. À chacune des étapes de nos enquêtes, on nous a mis des bâtons dans les roues : défaut de transmission de données d’état civil, refus d’accès aux archives des caisses françaises, délais de réponse anormalement longs des administrations locales. Nous avons dû nous battre pour obtenir les informations."
Parmi les morts-vivants débusqués, certains étaient décédés depuis des années. Mais, à en croire leurs proches, un nombre très significatif d’entre eux n’a officiellement rendu l’âme que depuis moins de trois mois. Comme si la venue d’une inspection provoquait des épidémies de morts subites… A noter que les familles concernées n’ont cependant pas tout perdu dans l’affaire. Avec les certificats de décès récents obtenus en catastrophe juste avant l’arrivée des enquêteurs, les veuves ont pu obtenir le versement d'une pension de réversion égale à la moitié de la retraite. Pas mal, après des années de fraude, même si cette fois il n'y a rien d'illégal.
Un coup d’œil au recueil statistique de la Cnav permet d’ailleurs de constater que ces réversions fleurissent à tout bout de champ sous le soleil du Maghreb. En proportion des pensions de droit direct, elles sont quatre à cinq fois plus nombreuses qu’en France ou que dans les autres pays. "Nous avons signé des conventions avec certains Etats pour reconnaître la polygamie au titre de la Sécurité sociale, c’est ce qui pourrait expliquer cet écart", avance-t-on à l’association Sauvegarde Retraites. En théorie, cela ne pèserait pas plus sur les finances publiques puisque la réversion est partagée entre les différentes femmes du conjoint décédé. Mais la multiplication des épouses a tendance à faciliter la fraude, ne serait-ce que parce qu’elle augmente le nombre de certificats de vie à contrôler. Le mal n’est cependant pas général : au Sénégal et au Mali avec lesquels la France a également signé des conventions sur la polygamie, les réversions sont proportionnellement deux fois moins nombreuses qu’au Maghreb. Les voies de notre protection sociale sont impénétrables…
"Les lieux et les modalités de nos enquêtes ne révèlent heureusement pas toujours autant de dysfonctionnements, tempère Pierre-Alexandre Rocoffort de Vinnière. Mais à ce jour, je dirais que le taux de fraude aux retraites à l’étranger s’élève au moins à 15%." Rapporté aux 6,5 milliards de prestations, cela représente près de 1 milliard d’euros siphonnés chaque année, une somme absolument considérable. Devant l’ampleur du problème, la Sécu s'est résolue à créer il y a quelques années une cellule antifraude au sein de sa branche vieillesse, mais la Cour des comptes vient de lui rappeler que son dispositif de lutte demeurait encore "insuffisant". De fait, contrairement aux recommandations de la commission des Affaires sociales du Sénat, les contrôles sur place restent extrêmement limités en Afrique du Nord – il n’y a même pas d’échange d’état civil avec ces pays. Les parlementaires Carole Grandjean et Nathalie Goulet préconisent, pour leur part, d’en finir une bonne fois pour toutes avec le tout déclaratif et, comme le prévoit déjà la loi Eckert pour les clients des banques et des assurances, d’exiger que les retraités installés à l’étranger apportent chaque année une vraie preuve de vie. Au guichet de l’état civil ou au bistrot ?
En janvier 1890, à Paris, alors qu'il n'a que 28 ans, Maurice Barrés fait, par hasard, la connaissance de Louise Michel déjà âgée d'une soixantaine d'années. C'est le marquis Mores qui lui a proposé de l'accompagner aux Epinettes : «Je revois vaguement une scène de théâtre, salle assez violente, des anarchistes, et puis on s'est embrassé avec Louise Michel... ». Dans la soirée, les deux hommes quittent la salle échauffée pour aller chez Durand, et Barrés oublie le baiser de Louise. L'histoire de cette rencontre pourrait s'achever là, pourtant, elle n'en est qu'à ses débuts.
Pour gagner Chaumont, Maurice Barrés traverse fréquemment le Bassigny. Mélancolique et bouleversante jusqu'au tragique, cette campagne semble vouée à porter éternellement le poids des vieilles guerres et des grands massacres. A son insu, Barrés finit par s'y attacher bien qu'il se sente oppressé par la présence des morts qui domine sur celle des vivants. Il voudrait pouvoir donner une âme à ces paysages mais, toujours, l'angoisse le prend au dépourvu, il ne les comprend vraiment que lorsqu'il apprend que Louise Michel y est née.
Barrés envisage, alors, d'écrire la biographie de cette femme de la Commune : « On débuterait par une généralité sur le sentiment religieux. Louise Michel fut une Velléda, amoureuse repoussée de Ferré, du pays de Jeanne d'Arc, la Vierge Rouge, une sorcière, une fée, une sœur de charité, une pétroleuse».
Désormais, il n'évoquera plus jamais le Bassigny, "Vallée des femmes tragiques", sans une pensée à son égard. Il ne pourra penser à Jeanne d'Arc ou à la Du Barry sans songer à Louise. Le 18 septembre 1907, Maurice Barrés décide de se rendre à Vroncourt afin de commencer à rassembler des éléments sur la vie de Louise Michel. Sur la route de Neufchâteau à Langres, il salue au passage la vieille ville de Bourmont, traverse Bourg-Sainte-Marie puis, après Huilliècourt, emprunte, sur la droite, une route étroite. Alors, à mi-côte entre la forêt et la plaine, il aperçoit soudain un petit village adossé à la montagne. Vroncourt, aux allures typiquement lorraines, compte une cinquantaine de pauvres demeures paysannes groupées sur une double rangée qui constitue l'unique rue du pays. Et, à l'écart des maisons, voici le château.
Il aurait été édifié en 1691 par Jacques II, Roi d'Angleterre. En 1693, il devient la propriété du marquis de Rothé, puis passe en 1705 aux mains du marquis Louis de Lesquevin de Bacouval; ses descendants, marquis de Crèvecœur, dont Charles Hubert Lesquevin, l'occupent jusqu'à l'émigration, en 1792. La famille Corsembleu de Mahis l'habite ensuite. Marianne Michel, qui s'y trouve employée comme servante, accouche, le 29 du mois de mai 1830 à 6 heures du soir, d'une fille naturelle à laquelle on donne le prénom de Louise et le nom de Michel. Après le départ des de Mahis vers 1870, le château finit par s'écrouler. Des affiches, sur lesquelles on mentionne : "Berceau de Louise Michel", sont apposées jusqu'en Angleterre. Finalement, il est vendu pour le pré et Barrés le découvre en ruine. Il le trouve «d'une beauté sombre et plate à glacer les facultés de l'âme ». Du temps de Louise, au village, les gens l'appelaient « La Maison forte ou le Tombeau », « c'était une vaste ruine où le vent soufflait comme dans un navire » écrivait-elle.
A le voir dans un tel délabrement, Maurice Barrés estime qu'il n'a plus guère qu'une dizaine d'années à tenir encore debout. Au rez-de-chaussée, dans un grand salon, des tentures de soie en lambeaux flottent au vent, lequel vient s'engouffrer par les fenêtres aux vitres cassées. Derrière cette vieille tapisserie verte qui couvre les murs, Louise entendait courir des souris avec de petits cris aigus. Barrés essaie d'imaginer ce que furent les veillées dans cette immense salle tandis que les de Mahis se groupaient autour de l'âtre pour écouter les lectures d'Etienne Charles de Mahis, vêtu de sa grande houppelande de flanelle blanche. Sur ses sabots, Louise était assise et ne laissait rien perdre de ce qu'il lisait, oubliant le froid que le feu de la vaste cheminée ne parvenait pas à dominer. Dehors, on entendait le hurlement des loups qui, de la forêt du Suzerin, venaient jusque dans la cour du château.
En voyant les deux alcôves jumelles, désormais croulantes, Barrés pense que c'est de celle-là que « s'évadaient les désirs du vieux M. de Mahis vers Marianne Michel » et de celle-ci que « la châtelaine pardonnait ». En effet, Barrés demeure persuadé que Louise Michel, cet enfant de l'amour, était bien du père et non du fils sur qui se rejeta la paternité.
Aux alentours de la vieille bâtisse, ce n'est plus qu'un mélange de pierres et de végétation sauvage qui gagne chaque année davantage. L’orage, qui se plait en ces lieux, a mis bas plusieurs tilleuls et courbé les sureaux. « Est-ce un pays pour l'amour ? Non, plutôt pour un mauvais coup. Si elle avait eu du génie, ce serait un Conbourg lorrain » songe Maurice Barrés.
Au cimetière, il parvient à retrouver trois tombes des de Mahis, étouffées par les orties. Dans la rue, un paysan, l'air bourru, lui dit que les habitants du village sont, à présent, en droit de vendre ces dalles. Que sont devenus les enfants ? La fille s'est sauvée avec le jardinier, puis elle est devenue Madame Pelletan, baronne de Clin-Clin après avoir été femme de chambre. Le fils a été receveur d'enregistrement en Algérie. Un jour, il est revenu au pays et, le lendemain, quatre gendarmes étaient prêts à l'emmener en prison lorsque son parent Lucas, ministre de l'Empereur et domicilié à Bourmont, a arrêté l'affaire. Mais qu'importé de ceux-là, Barrés veut, d'abord et avant tout, recueillir des témoignages sur l'enfance de Louise. On le conduit auprès d'une vieille femme, certainement une centenaire tellement elle est courbée en deux par le nombre des années. Elle lui confirme la bonté de Madame de Mahis et l'extrême générosité de Louise. Avant de quitter Vroncourt, Maurice Barrés tient à voir la petite maison qui avait été donnée à Marianne Michel contrainte de quitter le château par les enfants de Mahis à la mort de leurs parents.
En compagnie du poète Alcide Marot, Barrés gagne ensuite Audelaincourt pour y découvrir l'école où Louise Michel avait fait ses débuts d'institutrice. Au village, il a la chance de pouvoir rencontrer des parents de Louise Michel : Le Choutier, trop ivre pour mettre la main sur les lettres qu'il possède encore, Jules Michel et sa fille qui porte dans le regard la douceur de Louise. Tous attestent qu'elle avait été excessivement bonne et très pieuse mais, lorsqu'elle commença ses « folâtreries », ils auraient préféré l'oublier, surtout qu'un habitant du village l'avait vue à Paris semer l'anarchie.
Rentré à Charmes-sur-Moselle, Barrés envoit un courrier à Marot pour lui dire combien il est enchanté de sa journée : « II faudra que je vous dédie ma Louise Michel. C'est bien le moins... ». Dans le même temps, son ami lui expédie quelques notes à la suite d'une conversation que Madame Marot vient d'avoir avec une vieille demoiselle de Doncourt, Adeline Beaudoin. Au sortir du couvent, cette dernière avait été mise en relations avec Madame de Mahis pour que Louise lui donna des leçons de piano. Elle rapporte donc que, malgré l'usure du piano, la châtelaine avait beaucoup de talent; soit elle faisait elle-même le cours, soit elle en laissait le soin à Louise Michel. Mademoiselle Adeline était souvent retenue à déjeuner au château, elle constata ainsi que Marianne et sa fille partageaient toujours les repas des de Mahis dans la grande salle. Le père de Mahis faisait véritablement figure d'un vieil original; quant à la mère, Louise lui témoignait de l'affection et l'appelait « Bonne Maman ». A l'église, Louise prenait la Vierge, honneur réservé aux congréganistes. Elle ne jurait que par Henri V ajoute-elle. Enfin, elle en termine en précisant que Louise se serait aigrie à la suite du procès que lui avaient intenté les enfants de Mahis à propos de leur nom qu'elle usurpait parfois.
Un dimanche qu'il vient à Nijon déjeuner chez Alcide Marot, Barrés se rend chez Monsieur de l'isle à Brainville. A son tour, celui-ci raconte ce qu'il sait de Louise Michel. A 13 ans, en revenant de la messe, elle rédigeait les sermons du curé de Vroncourt. Monsieur de l'isle se souvient même de l'avoir vu danser à la fête de Brainville, elle devait avoir 18 ans et était fort laide...
Alcide Marot se met en quête de la moindre information susceptible de servir à l'ouvrage que Barrés projette d'écrire. « Je caresse toujours et avec beaucoup de goût l'idée d'une fantaisie sur Louise Michel » avoue-t-il dans ses Cahiers. Tandis qu'il rédige une conférence sur Jeanne d'Arc, Barrés écrit encore : « Aujourd'hui en mettant ce nom décrié, suspect dans un coin de cette étude sur l'atmosphère où fut préparé Jeanne d'Arc, j'éprouve du malaise à l'idée qu'un auditeur trop rapide va peut-être imaginer que je tente quelque parallèle saugrenu ». Malgré ses promesses, Maurice Barrés n'écrira pas la vie de Louise Michel et si quelque chose manque à son œuvre, c'est précisément cette biographie.
Michel Thenard
Bibliographie :
BARRÉS Maurice : Mes Cahiers. Tome V. p. 55,138; Tome VI, p. 87 à
97, p. 119, 247, 248, 255, 345, 346, 347, 348.
MAROT Alcide : Essai d'Histoire du territoire et des villages du
canton de Bourmont. 1925. Pages 117 è 119.
MICHEL Louise : Mémoires. 1886. Paris, F. Roy.
THOMAS Edith : Louise Michel ou la Valléda de l'Anarchie. 1971.
Paris. Pages 17, 21, 339, 371.
Souces ; La Revue Lorraine Populaire n°43-Décembre 1981